Une tribune pour les luttes

"Allez hop, juste du noir qui rejoint du noir et puis c’est tout. Rideau."

Témoignage d’un précaire

Article mis en ligne le dimanche 22 mai 2011

http://www.ac.eu.org/spip.php?article2129

Mardi 17 mai 2011

Je vais tenter ici de décrire ma descente dans la précarité, abime social et financier qui peut pousser les gens comme vous, comme moi, à bout et à la rue. Lorsque la grande machine à broyer se met en marche, il est en général trop tard pour faire entendre ses droits, le système utilise des termes biens précis, celui de "fraudeur", de mauvais payeur", d’assisté", "de cas social", de "réinsersion" et toute une clique d’autres dans le genre qui ont vite fait de miner les dernières brides de confiance en soi qui subsistent.

Mon premier repère est mon enlèvement de ma voiture par la fourrière. Après avoir été victime de quatre tentatives de vol sur mon véhicule, un vieux truc qui passait de justesse le contrôle technique, et après avoir avisé la gendarmerie qui n’en avait franchement rien à foutre, j’ai fait l’erreur de la garer sur une petite place où a eu lieu une foire minable (sans indication de date bien sur). Résultat : j’ai cru cette fois qu’on me l’avait vraiment volée. Non, elle n’a pa été volé, juste emmenée officiellement par les flics municipaux à quatre-vingt bornes de là. Disons un vol, mais autorisé, officiel. Erreur de ma part, j’ai laissé coulé le truc car j’étais à l’époque dans une situation psychologique fragile. Quand je me suis occupé du truc, la somme à payer valait trois fois celle de ma voiture. Comme je n’habitais plus à l’adresse indiquée sur la carte grise, je n’ai reçu aucun courrier. Par contre, j’ai reçu l’injonction de payer pour un PV d’excès de vitesse pendant la période où mon véhicule était à la fourrière. Comble de l’ironie, c’est possible ça je me suis demandé ? J’étais alors bien loin du compte. Comme il s’agissait déjà d’une majoration, le délai pour la contestation était largement dépassé, donc impossible de le faire.

Mon deuxième repère est la suppression de mon RSA pour "non respect de contrat". Etant suivi pour dépression, suivi par un psychiatre, les soins étaient une des closes de mon contrat. Or, après avoir essayé quasiment tous les antidépresseur sur le marché, et voyant leur inefficacité affublés de leurs nombreux effets secondaires, j’ai préféré arrêté le traitement pour ma sante. Insomnies, nausées, fatigues, nerfs à vif, rougeurs sur le visage, maux de ventre, maux de tête, effet zombi avec deux de tension. Pendant presque un an de traitement, j’ai eu l’impression de faire le cobaye. STOP ! Je veux me soigner, pas me détruire.

La commission d’insertion a alors jugé que je ne remplissais plus les termes de mon contrat et m’a menacé de tout me couper en sachant que J’avais à l’époque déjà du mal à suivre pour mon loyer, mon assurance, mes charges et la nourriture, bref, la machine qui se met en marche sournoisement et en douceur.

Quelques dossiers chez les huissiers ont commencé à garnir ma boite aux lettres, la ronde des menaces a vraiment débuté. Pour récupérer mon RSA, il fallait que je me cachetonne la gueule et que je ne l’ouvre plus.

Suite à la coupure du RSA, la CAF a révisé mon aide au logement, l’a diminué, ce qui n’a fait que progresser ma difficulté à régler mon loyer au jour dit.

N’étant plus au RSA, ma CMU s’est terminée et n’a pu être renouvelée. Je me retrouvais soudain sans sécurité social. Si il m’arrivait le moindre pépin, je n’étais plus couvert. J’ai donc du cesser mes visites chez mon médecin, n’ayant plus d’argent pour payer les séances et plus de véhicule pour m’y rendre.

A ce stade, ma boite aux lettres ne collectionnait plus que des menaces, des avis de passages, des courriers à tiers détenteur sur mon compte. Je signale ici que le peu que j’avais dans le mois (247 euros) a été ponctionné plusieurs fois par le trésor public. Le minimun qu’ils doivent laisser prévu par la loi ? Quel minimum ? Quand vous avez des injonctions de payer trois fois par semaine, vous ne le savez pas encore, mais vous n’avez plus de droits. Ils existent sur le papier, mais c’est tout, en vrai ils ratissent et se servent. La banquière, gênée, me signale que la banque prend 20 euros comme frais de transfert sur chaque ponction. Vous ne pouvez pas payer alors on vous prend plus. C’est comme ça que le rouage se met en marche pour ne plus s’arrêter. Moins vous pouvez payer, plus votre dette augmente. Comme sortir d’une telle machinerie administrative qui vous demande toujours plus quand vous pouvez toujours moins ?

Arrivé là, mon équilibre psychologique déjà vacillant devient comme ma situation : précaire. Je finis par ne plus ouvrir mon courrier, je m’enferme chez moi, je ne sors plus, je ne vois plus personne, sauf par internet qui devient mon seul lien social par procuration. Trouvé un travail dans mon état est utopique, mais j’essaye. Lorsqu’on me voit arriver pour postuler à un boulot, ma gueule fatiguée et amaigrie ne me laisse aucune chance. D’échec en échec, je renonce.

Au mois de février, EDF vient pour me couper le jus. Mais c’est l’hiver ? Oui, mais quand on a pas posé de dossier d’aide au maintien l’énergie, la coupure, c’est quand ils veulent. Je me retrouve dans le noir, endetté, avec aucune chance d’en voir le bout. S’en suit une période trouble, où je mange un jour sur deux, perd du poids, craque la nuit à la lueur de la bougie, avec un choix bête mais réaliste : rester et subir ça jusqu’à l’explosion où me tirer une balle sur le champ.

Aujourd’hui, une nouvelle demande de RSA s’est soldée par un refus. Je ne suis pas inscrit comme demandeur d’emploi à Pôle Emploi et c’est obligatoire. Même si ils vous radieront pour une raison ou une autre à la première occasion. Je pensais qu’il s’agissait d’un endroit pour chercher du travail mais il s’agit encore d’une institution de plus qui vous flique, vous renifle, sans parler des contrôles de la CAF, qui vient regarder jusque dans vos tiroirs et dans vos retranchements les plus privé pour voir si il y a pas fraude.

J’en ai marre de tout ça. Je suis à la rue, sans argent, on pourra bien sur me dire que c’est ma passivité qui m’a poussé jusque là, que le système n’a rien à voir. On m’a cloué sur place quand j’avais besoin d’aide, on m’a tout pris quand je n’avais presque rien, on m’a endetté jusqu’au crane quand j’avais réussi jusque là à n’avoir jamais eu de dette dans ma vie. Vous êtes un paresseux, un parasite, vous êtes né assisté et vous mourrez assisté, les gens comme vous n’apporte rien à la société, tout ça sont des mots entendus dans la bouche de travailleurs sociaux, c’est à dire payés pour aider les gens à mettre en place des dossiers qui peuvent être défendus.

Pauvre pays, pauvre monde, finalement je suis content de pas avoir pu m’insérer dans leur univers à la con, qui met tout en place pour jeter les gens par terre et qui ensuite les juge de ne pas se relever.

Y a des jours j’ai comme envie d’exploser tellement ça me mine, de passer comme ça à côté des bons moments de la vie, d’avoir toujours ses pensées qui ressassent, argent, dette, travail, rue, comment je vais manger aujourd’hui ? comment je vais me laver ? comment je vais faire pour à nouveau sourire ? Je n’en peux plus. Vivre est un acte qui m’endette chaque jour. Le matin, je me réveille et je dois encore plus que la veille. Ah ! ah, comme c’est drôle, je me fends la poire. Bordel, un jour ils vont nous dire combien ça coûte de respirer, d’aimer, de rêver, mais quand ce jour arrivera, ca fera longtemps que j’aurais rendu les armes. Allez hop, juste du noir qui rejoint du noir et puis c’est tout. Rideau.


Réseau AC Agir contre le chômage et la précarité

http://www.ac.eu.org/

Retour en haut de la page

Vos commentaires

  • Le 25 mai 2011 à 01:12, par nikos En réponse à : "Allez hop, juste du noir qui rejoint du noir et puis c ?est tout. Rideau."

    Bonjour
    Je te souhaite vraiment de t en sortir c est une honte ce pays ...
    ils s occupent du reste du monde en imposant leur "democratie" et ils sont pas capable de gerer un pays et ses habitants.
    le systeme est totalement perverti je suis heureux de ne pas avoir d enfants quelle ingerance de la part de tout ces "elites" arretons cette "grande machine a broyer" qui est l argent qui accable les honetes gens et "glorifie" toute sorte de mafieux et autres detracteurs de la Terre. ces memes personnes qui autorise des vaccins meurtrier , prone l aspartame , le soja et autres produits porteur de cancers tout comme le nucléaire .... Quelle ingerance cela depasse notre entendement.
    Je suis aussi dans une periode difficile et heureusement que je peu compter sur les miens sans ca je serai a la rue, je comprend ton ressenti en ce qui concerne le flicage des travailleur sociaux ils nous prejugent alors que on ne leur doit rien etc..
    Sache qu en tant qu etre humain nous somme ous egaux et ceux qui portent un jugement sur toi sont dans l erreur seul Dieu peu juger un homme

  • Le 26 mai 2011 à 09:44, par caroleone En réponse à : "Allez hop, juste du noir qui rejoint du noir et puis c’est tout. Rideau."

    Je suis de tout cœur avec toi et ne sais comment te venir en aide, ton témoignage passera en ligne sur mon blog comme alerte sur la situation actuelle du pays, je te joins le lien, si tu veux me contacter pour toute autre aide, n’hésite pas.
    caroleone

    http://cocomagnanville.over-blog.com/

Soutenir Mille Bâbords

Pour garder son indépendance, Mille Bâbords ne demande pas de subventions. Pour équilibrer le budget, la solution pérenne serait d’augmenter le nombre d’adhésions ou de dons réguliers.
Contactez-nous !

Thèmes liés à l'article

France c'est aussi ...

0 | ... | 520 | 525 | 530 | 535 | 540 | 545 | 550 | 555 | 560 | 565