Une tribune pour les luttes

Témoignages de camarades sur les occupations de Barcelone et Grenade

Caractéristiques du mouvement. Sa philosophie.

La démocratie en acte : organisation des assemblées et "résistance radicale passive"...

Article mis en ligne le lundi 30 mai 2011

https://lereveil.ch/temoignage-de-camarades-sur-les

Témoignages et récits de l’Espagne

par Federico (Barcelone) et Paolo (Grenade)


Esta es democrazia !

Il n’est pas facile de raconter ce qui se passe aujourd’hui en Espagne. Beaucoup de choses différentes sont en train de se rejoindre, de nombreuses réalités et de nombreuses formes d’indignation, ainsi que beaucoup de rage.

Dans plusieurs villes d’Espagne, les gens occupent naturellement les rues, jour et nuit, en faisant des camps, des repas sociaux et surtout de grandes assemblées publiques.

Il n’y a pas de coordination nationale, ni de structure ou de plate-forme commune, bien que Madrid reste le centre de référence et que la forme et les contenus des manifestations soient les mêmes dans toutes les villes.

Tout a commencé par une manifestation spontanée diffusée par les social network. La manifestation organisée par « democraciarealya », qui propose un ensemble de droits minimaux, est fixée pour le 15 mai, exactement une semaine avant les élections municipales. Elle se nomme « Toma la Calle ! No somos mercancìa en manos de políticos y banqueros » (Prends la rue ! Nous ne sommes pas de la marchandise en main aux politiques et aux banquiers).

L’objectif est ample dès le premier moment, ce n’est pas Zapatero, ni le PP, mais l’ensemble du système qui ne fonctionne pas, victime du marché : ils chantent « los mercados yo no le ho votado » (moi les marchés je ne les ai pas voté).

Un autre ennemi est le bipartisme, le système politique étouffant qui ne représente pas les besoins de la population. Dans la ville de Madrid, une grande partie de Juventud Sin Futuro est présente, un mouvement qui le 7 avril avait rassemblé dans les rues la rage des générations précaires.

À la fin de la manifestation du 15 mai à Madrid, les personnes qui décident de rester sur les lieux sont pourchassées par la police. Le fait déclenche des réactions dans toute l’Espagne et en deux jours de nombreuses villes commencent à mettre en pratique des camps provisoires au centre des places : Madrid, Barcelone, Bilbao, Grenade, Saragosse, Valence, Malaga ...

Dans toutes ces villes se créent des assemblées et des organismes autogérés de résistance qui transcendent la plateforme initiale : comme plusieurs feux nés d’une même étincelle.

L’objectif déclaré est d’atteindre le 22 mai, jour des élections municipales.

Le mouvement espagnol se définit partout comme étant asyndical et apartitique, par conséquent les drapeaux ou les symboles sont interdits durant les manifestations (c’est presque incroyable de ne voir même pas un drapeau catalan à Plaza de Catalunya bondée). Une des chansons qui revient sans cesse dans les places est « El pueblo unido funciona sin partido » (Le peuple unit fonctionne sans parti) .

Ce rejet de la politique institutionnelle n’est pas seulement une réaction négatif, mais aussi une charge totalement positive : le mouvement a l’assemblée publique comme seul espace de décision. Durant les assemblées, on chante «  Esta es democracia »

C’est incroyable de constater qu’on n’entend jamais parler de partis politiques, de Zapatero et du PP. L’ennemi est le système, le capitalisme, la consommation indiscriminée. Les partis ne sont pas pris en compte, et leurs déclarations ne sont pas commentées. Ils sont, de fait, complètement délégitimés.

La situation politique

En Espagne, le chômage des jeunes est encore plus lourd qu’en Italie (on parle de 40-45% de jeunes qui reçoivent le paro, l’équivalent de l’allocation chômage). Après le boom économique immobilier de ces dernières années, les dettes pèsent considérablement et Zapatero a adopté une politique d’austérité face à la crise, caractérisée par de grands financements aux banques et des coupes vertigineuses du système public.

En outre, dans tout le pays, il existe des ordonnances interdisant les formes de vie sociale, y compris les rassemblements dans les places. Dans ce sens, les pratiques exprimées sont encore plus radicales, puisqu’elles brises explicitement les interdictions de ces ordonnances.

Dans les Universités vient d’arriver le Plan Bolonia, avec modification des parcours d’études et hausse des impôts. Il est inutile de souligner que le processus de Bologne accentue cette situation de précarité. Se crée donc la génération «  Nini » : Ni trabajo, Ni estudio (Ni travail Ni étude). Ceux qui terminent leurs études ne savent pas quoi faire de leur vie.

La recherche souffre des coupes et les chercheurs sont obligés de survivre en allant de «  beca » en « beca » (la beca est la bourse d’étude). Certaines personnes ayant dépassé la quarantaine vivent encore de bourses.

L’Europe

Les caractéristiques communes avec l’Europe sont nombreuses, en commençant par la crise et les mesures d’austérité. Mais il est encore plus intéressant d’analyser les particularités de ces résistances. Par qui sont composés ces mouvements espagnols ? Difficile à dire, car chaque ville s’organise autour de son assemblée indépendante et souveraine, qui à son tour est composée de différentes réalités. Nous devons reconnaître la primauté de la ville de Madrid qui déploie les Book Block déjà utilisés à Londres et à Rome, bien que la forme du camp rappelle d’autres luttes. Tout d’abord les révoltes du Caire, même si en parlant avec les gens, il semblerait que les suggestions les plus fortes viennent non seulement du Maghreb, mais aussi de l’Islande. Connectez ces révoltes est un enjeu qui commence à se faire entendre !

Cependant, le caractère urbain de ces manifestations espagnoles doit être souligné. Ces luttes sont enracinées dans la ville, et ce n’est pas un hasard si elles décident d’en occuper les points cardinaux. En Italie, on utilise des formes telles que «  Riprendiamoci le città » : c’est exactement ce qui se passe en Espagne. Les pratiques en acte sont pour ainsi dire pleinement européennes.

Les assemblées

C’est peut-être le point le plus intéressant. Comment s’organise cette énorme masse de différences ? Il est clair que les réseaux sociaux ont une importance fondamentale. Twitter fonctionne pour mettre à jour, confirmer ou réfuter les infos données par la presse ; Facebook est principalement utilisé pour la circulation de matériaux divers et la promotion d’événements.

Les blogs, comme celui créé par les manifestants de Barcelone, donnent la possibilité de commenter toutes les décisions prises de jour en jour.

Cependant, les assemblées restent la réelle spécificité de ce mouvement : car il ne s’agit pas seulement d’étudiants, ni seulement de travailleurs. C’est la ville entière qui parle.

Les jeunes sont certainement en majorité, cependant, ils se sont ramifiés, ils ont étendu leurs activités ; les comités de citoyens s’unissent aux groupes étudiants et aux personnes au «  paro ».

À Barcelone, des milliers de personnes se rassemblent chaque soir une heure ou deux pour chanter et crier leur indignation collective, avant que les porte-parole des comités de travail, qui s’étaient réunis l’après-midi, ne s’expriment durant l’assemblée plénière face à une masse vaste et silencieuse.

Les assemblées sont très techniques, l’argument principal est «  comment s’organiser », mais chaque ville a ses particularités.

Granada est un cas singulier. Des « dispositions pour la gestion des assemblées » ont été formulées. Dans ces accords, il y a les «  minimos », c’est-à-dire les principes minimaux que chacun doit respecter. Le plus important est que le seul lieu de décision est l’assemblée.

Pour travailler sur ces points minimaux, ils identifient les mécanismes, la forme de l’assemblée. Tout d’abord, la présence d’un modérateur qui dicte l’ordre du jour, donne les tours de parole, les clôt. Il invite les intervenants à ne pas se répéter, il demande si la personne concernée a d’autres questions, et dans le cas contraire l’invite à retourner s’asseoir.

On n’applaudit jamais, mais on fait une sorte d’applaudissement silencieux. Ceci implique qu’il y ait très peu de discours instigateurs. La participation de la population est très élevée. Et le droit de parole est toujours respecté, même lorsque la situation est très tendue.

À la fin d’un tour de parole, les gens sont invités à voter. Le vote n’est pas une question mécanique, il n’y a pas de majorité numérique ni le risque d’approbation avec un écart de deux voies. Le vote est le témoignage d’un consensus collectif, même si la situation est proche de la parité, on continue à discuter.

Dès les premiers jours, des groupes de travail qui s’occupaient de « radiodiffusion », « sécurité » et « presse » se sont constitués. Aujourd’hui, à Grenade un groupe de « propositions » s’est ajouté ; tout le monde (2000-3000 personnes) a reçu des feuillets pour rédiger des propositions pratiques. Six groupes de bénévoles se sont créés, une douzaine de personnes par groupe, afin de classer ces propositions, de les rassembler et de les donner à l’Assemblée le lendemain pour en discuter. La seule interdiction est que les propositions ne soient pas contraires aux « minimos ».

Il s’agit d’une étape importante. Le mouvement commence à se distinguer par des demandes spécifiques, qui sont construites dans un processus pleinement participatif.

On entend parler de développement durable, de lutte contre la précarité, de lutte contre la corruption, de sensibilisation des consommateurs. Il n’y a pas une seule ligne de pensée, mais la primauté de certains sujets nécessaires au changement du système. Cela pourrait être un tournant, le moment où l’on commence à construire et non seulement à refuser.

Un facteur commun aux assemblées et aux groupes est à souligner : le soin envers les choses et les personnes. Une grande sensibilité pour l’environnement (les assiettes en plastique sont réutilisées par des milliers de personnes), le nettoyage est organisé collectivement. On perçoit que le monde peut changer, mais que pour que le monde change il faut mettre en pratique le changement. Le concept « Esta es Democracia » est affronté jusqu’au fond.

Tout est mis en œuvre pour que la participation soit collective. Le vote et les interventions sont deux formes de participation, et les règles de conduite sont claires pour tous.

Des tracts avec les droits fondamentaux de chacun en cas d’arrestation sont fournis, et plusieurs pancartes expliquent ce qu’il faut faire en cas d’évacuation. Ces modes de comportement, proposés en un premier temps, ont été discutés et votés. C’est clair que le thème le plus chaud est la relation avec la police.

Relations avec la police

Le mouvement est pacifiste. Ce qui ne l’empêche pas d’être radical. L’objectif principal reste toujours celui de changer le système, créer un monde qui considère les personnes en tant que telles et non une valeur d’échange ou de sommaires consommateurs. Nous avons dit que l’ennemi n’est pas le PSOE ou le PP, par conséquent l’ennemi n’est pas la police. Les policiers ne sont que des travailleurs qui obéissent aux ordres.

Ceci ne signifie pas qu’il faut subir. Bien au contraire, les numéros d’immatriculation des policiers qui côtoient les places sont enregistrés, tout abus ou violence est automatiquement dénoncé. Les gens savent quelle attitude adopter. En cas d’hostilité, la police est ignorée. Les droits en cas d’arrestation sont rappelés en permanence, ainsi que les numéros de téléphone de nombreux avocats. La forme est celle de la résistance passive. Les épisodes de tension n’ont pas modifié le comportement des gens.

La police n’est pas un problème, chaque fois qu’il y a une provocation ou une menace, on trouve un moyen de résoudre la situation qui ne soit pas frontale. Les objectifs demeurent : a) occuper la place le plus de temps possible et b) la lutte contre le système.

Le radicalité du mouvement réside dans son obstination. Après une première évacuation, on retourne toujours au même endroit (c’est arrivé à Granada, Madrid et Barcelone). En considérant les mouvements politiques à l’heure actuelle, ainsi que leur diffusion, une intervention policière rendrait les manifestations encore plus fortes. En ce moment même, le mouvement est soutenu par toute la société dans son ensemble ; les interventions de la police seraient donc tout à fait arbitraires et ne cesseraient de renforcer l’indignation commune.

Vamos Arriba este es un atraco

C’est curieux de lire et écouter, de l’Espagne, les témoignages recueillis ces derniers jours à Tunis.

Il semble que les centaines de milliers de personnes qui sont descendues dans les rues et qui campent dans les places publiques de tout le pays, après les manifestations du 15 mai, fassent partie de cette même vague qui s’est soulevée au Maghreb récemment, et qui a traversé aussi bien Londres, Rome, que le reste d’Europe.

Ce sont ces mêmes jeunes sans avenir, une génération précaire et hautement qualifié, qui traînent cette nouvelle révolte massive, en réclamant démocratie, liberté et dignité.

C’est avant tout une révolte contre l’existant, contre un présent figé entre précarité et chômage, contre l’austérité de l’argent aux banques et des coupes au service public (par ordre chronologique, la dernière à être touchée est la santé). Une révolte contre la politique libérale de gestion de la crise du gouvernement "socialiste" de Zapatero, contre les banques et le système financier, contre ceux qui se sont enrichis de la pauvreté des autres.

Une révolte contre et au-delà des partis politiques et des syndicats, considérés complices des pouvoirs économiques, bref, contre et au de là d’une gouvernance défaillante et incapable, non seulement de représenter, mais aussi d’interpréter et communiquer avec la place publique.

Ce n’est pas un hasard que les rassemblements spontanés, nés dans une dizaine de villes espagnoles, aient paralysé médiatiquement et politiquement la campagne électorale des élections administratives de dimanche prochain. Le Parti populaire s’agite contre le gouvernement et appelle à l’ordre public, le PSOE a mis en scène une maladroite et paternaliste tentative de dialogue (bien qu’il soit violemment attaqué par la protestation), et tous s’interrogent avec anxiété en essayant de quantifier les voix perdues. Essentiellement, ils ne sont pas en mesure de répondre et d’interagir au niveau du discours imposé.

La décision récente d’interdire toute manifestation durant la période électorale (samedi et dimanche) résume toute la difficulté des institutions à répondre, ainsi que l’intelligence et la force du mouvement.

La non-violence déclarée dès le départ s’est traduite en une résistance radicale passive et dans l’occupation obstinée de tous les lieux centraux et symboliques de la ville, en termes de circulation, commerce et tourisme. Un mécanisme qui s’est déclaré s’être inspiré de la Révolution Égyptienne, qui communique en permanence sur le web et qui attire le consensus de larges segments de la population. À l’heure actuelle, l’utilisation de la force par les institutions locales pourrait obtenir un résultat contraire à celui recherché.

En réalité, ce qui peut arriver dépend avant tout de la capacité de ce mouvement à traduire l’indignation en revendications concrètes, plutôt qu’en prétentions justicialistes de moralisation ou perfectionnement de la classe politique.

Tout dépend de la façon dont le système auto-organisé, minutieusement calibré dans chaque ville (commissions opérationnelles, organes de débat et discussion, assemblées plénières), commencera a fonctionner non seulement par des déclarations de principe, mais dans la perspective de lutter pour le welfare. Il faut espérer que les différents rassemblements de chaque ville, indépendants mais interactifs, ne s’isolent pas, mais interagissent avec les autres villes. Et pourquoi pas, avec le reste de l’Europe.

Source : email. Traduction : une camarade.

le 22 mai 2011, par Federico & Paolo



Philosophie du mouvement

Avec de nombreuses photos :
http://rebellyon.info/Philosophie-du-mouvement.html

22.05.11

Barcelone

Il y eu beaucoup d’euphorie ces derniers jours et je me rend compte que certains points philosophiques doivent être explicités afin que le mouvement puisse passer les frontières de manière efficace et ne pas être récupéré.

Le centre de ce qui se dit, de ce qui se dis­cute en assem­blées (géan­tes) c’est la place de l’être humain dans la société. C’est un mou­ve­ment civi­que et huma­niste, c’est réel. Les gens ont lu Stephen Hessel (Indignez vous !) et repren­nent ses phra­ses. Ils ont regardé l’Islande pour­sui­vre ses ban­quiers en jus­tice et ren­ver­ser son gou­ver­ne­ment, et donc ils pren­nent cons­cience de leur impor­tance dans une société qui les déva­lo­rise.

Depuis 76, les espa­gnol-e-s ont vécu une tran­si­tion démo­cra­ti­que avec le roi. Mais ça n’a plus de sens aujourd’hui (même si l’appel de son départ n’est pas encore franc), car cette démo­cra­tie est un échec ou les un-e-s se gavent au détri­ment des autres (comme toutes nos «  démo­cra­ties »). Les scan­da­les poli­ti­ques et finan­ciers ont révé­lés les véri­ta­bles failles d’un pou­voir bi-par­ti­diste qui ne res­pecte per­sonne hormis les inté­rêts des lob­bies qui les finan­cent et de médias qui les encen­sent (les même lob­bies finan­ciers dont le dis­cours a perdu toute sa cré­di­bi­lité).

Les gens ne sont pas «  anti sys­tème », ils veu­lent que le sys­tème fonc­tionne. Pour cela, on ne peut plus per­met­tre qu’un maire gagne 120 000 euros par mois (Barcelone) quand on touche 426 euros de chô­mage (exem­ple sym­bo­li­que parmi tant d’autres). Ça ne tient plus la route.

Ce mou­ve­ment est beau­coup plus pro­fond qu’un cli­vage gauche-droite. Il reven­di­que une démo­cra­tie réelle ! C’est à dire une démo­cra­tie directe. Personne n’est dupe, la gauche et la droite défen­dent les mar­ches finan­ciers depuis des années, pas la popu­la­tion ; d’où l’abs­ten­tion géné­ra­li­sée des deux partis prin­ci­paux. C’est un mou­ve­ment du XXI ème siècle qui a créé ses pro­pres médias de com­mu­ni­ca­tion en par­te­na­riat avec les réseaux alter­na­tifs de 33 pays (grâce à vous !). 150 tra­duc­teur/trice/s volon­tai­res offrent leurs ser­vice depuis la plaza Catalunya de Barcelone.

On est vrai­ment en train de créer quel­que chose de nou­veau et tout le monde en est cons­cient-e. Depuis la révo­lu­tion Tunisienne, le peuple a cons­cience de lui-même. Ce sys­tème de pseudo démo­cra­tie est mort parce que plus per­sonne n ’y croit. Et quand plus per­sonne ne croit a un sys­tème, il se trans­forme. Car c’est le peuple qui fait le monde, c’est toi, c’est moi...c’est nous. Avec nos dif­fé­rence, nos idées qui ne conver­gent pas tou­jours. Et sur les places d’Espagne, il y a des « gens de droite », des « gens de gauche » tou-te-s réu­nies parce que la « gauche » et la « droite » n’existe plus, c’est FINI.

Le PP a gagné les élections parce que l’abs­ten­tion est une idée de gauche : seule la gauche s’abs­tient de voter, la droite et les fas­cis­tes vont voter. Siempre. Dans cer­tains bureaux de vote, il n’y avait aucun parti de gauche… Parce qu’elle n’existe plus. Parce que nous devons créer de nou­vel­les stra­té­gies électorales. Parce que ce sys­tème de vote est fait pour qu’une mino­rité dirige la majo­rité. Et nous ne pou­vons plus per­met­tre que les droi­tes euro­péen­nes qui repré­sen­tent envi­ron 30% de la popu­la­tion gagnent notre conti­nent à cause de l’abs­ten­tion…ou parce que l’abs­ten­tion est igno­rée.

Ce qui se passe sur les places espa­gno­les, c’est une école de la révo­lu­tion. Nous sommes en train d’appren­dre, de nous former. Nous n’avons jamais vécu ça. Nous ne nous étions jamais orga­nisé-e-s de la sorte en Europe. Nous n’avons aucune idée de ce qui pas­sera demain ce que tout le monde sait, c’est que la façon de nous lier entre nous a changé. Et il n’y a pas de marche arrière.

Sur la plaza Catalunya, j’ai vu des clo­chard-e-s manger gra­tui­te­ment à côté de ban­quiers (je n’ai pas vu de ban­quiè­res…), d’ancien-ne-s, de trans, de fémi­nis­tes, d’enfants... Ce qui signi­fie que désor­mais tout le monde a cons­cience de la réa­lité de l’autre. C’est pour­quoi ce mou­ve­ment est non vio­lent. Parce qu’il est ouvert à tou-te-s, tolé­rant avec chaque espace depuis lequel les voix s’expri­ment. Car c’est ce qui importe désor­mais, ne plus nous haïr et nous igno­rer entre nous puis­que c’est ce que le sys­tème nous demande.

La cui­sine est l’incar­na­tion de notre auto­ges­tion. Nous avons tou-te-s donné 1 euros pour le repas du 19/05. Depuis, tout le monde mange gra­tui­te­ment plu­sieurs fois par jour parce que les riches­ses sont redis­tri­buées et la soli­da­rité est énorme (dons). L’Europe est riche. Et tout le monde s’en rend compte. Il reste 7000 euros dont per­sonne ne sait quoi faire… Nous avons trop de nour­ri­ture et trop d’argent sur notre cam­pe­ment dans un pays où les frigo sont vides le 15 du mois…Ça appelle à réflexion.

Évidemment le chan­ge­ment va s’opérer sur du long terme. La stra­té­gie est bien dif­fé­rente de celle que nous uti­li­sons en France. Les mani­fes­ta­tions dans les rues sont rares. Les gens conti­nuent de tra­vailler même si l’idée d’une grève géné­rale gagne du ter­rain. Les com­mis­sions veu­lent d’abord sen­si­bi­li­ser hors de la place et dans les entre­pri­ses. Il s’agit de repren­dre l’espace public, d’y vivre, de ne pas nous épuiser, de retar­der la confron­ta­tion poli­cière. La consom­ma­tion d’alcool est casi inexis­tante et on danse, on rit, on réflé­chi. La répres­sion est absente à Barcelone ce qui nous laisse créer et résis­ter. La police refuse de nous chas­ser (pour le moment), c’est-à-dire qu’il sem­ble­rait qu’eux aussi aient pris cons­cience…

La com­mis­sion inter­na­tio­nale a besoin de savoir ce qui se passe en France et à Lyon. Nous n’avons pas d’infor­ma­tions. Qui s’est réuni sur les places ? Des fran­çais-e-s ? Des espa­gnol-e-s ? Des franco-espa­gnol-e-s ? QUI ÊTES VOUS ???

Ci joint le mail du coor­di­na­teur de la com­mis­sion inter­na­tio­nale sec­tion FRANCE : blak­kat34@hot­mail.com La LISTE des col­lec­tifs impli­qués dans le mou­ve­ment : http://lists.take­thes­quare.net/mail...

Je sais que le thème du paci­fisme est dif­fi­cile en France vu l’extrême vio­lence de la police et la haine géné­rée entre les diver­ses clas­ses socia­les, eth­ni­ques, de genres, et poli­ti­ques depuis des années. Mais nous devons y arri­ver. Nous devons nous effor­cer ensem­ble de pro­pa­ger ces idées de jus­tice et de liberté, répan­dre l’action non vio­lente, non raciste, non sexiste dans nos corps, dans nos cœurs, dans nos mai­sons, dans nos rues, dans nos pays, dans le monde…

La révo­lu­tion com­mence par soi même -comme disais je ne sais plus qui- le monde change grâce à nous.

"Es la hora que seamos tod@s poetas ale­gres ¡¡¡y gri­tarlo !!!«  »Il est temps que nous soyons tou-te-s des poètes heu­reux-es et que nous le criions !!!"

EmiSaire

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Vos commentaires

  • Le 24 mai 2011 à 09:48, par Christiane En réponse à : Nous sommes prêts à participer nous aussi à la reconstruction du monde

    http://www.framablog.org/index.php/...

    Il n’était pas possible d’envisager un système d’exploitation ou une encyclopédie universelle libres. Et pourtant GNU/Linux et Wikipédia l’ont fait.

    Il n’était pas possible d’envisager la chute de tyrans installés depuis plusieurs décennies dans des pays sous contrôle. Et pourtant les Tunisiens, les Égyptiens et les Libyens l’ont fait.

    Il n’est pas possible de voir à son tour le monde occidental s’écrouler parce que contrairement aux pays arabes il y règne la démocratie. Et pourtant, si l’on continue comme ça, on y va tout droit. Parce que le problème n’est plus politique, il est désormais avant tout économique.

    Et lorsque ceci adviendra, nous, les utopistes de la culture libre, les idéalistes des biens communs, nous serons prêts à participer avec d’autres à la nécessaire reconstruction. Parce que nous avons des modèles, des savoirs et des savoir-faire, des exemples qui marchent, de l’énergie, de la motivation, de l’enthousiasme et cela fait un petit bout de temps déjà que nous explorons les alternatives.

  • Le 24 mai 2011 à 22:49, par Christiane En réponse à : La démocratie directe de la Puerta del Sol

    par Eva Botella-Ordinas [24-05-2011]

    http://www.laviedesidees.fr/La-demo...

    (...)
    Un modèle d’assemblées locales

    Ce qui est déterminant pour toutes les assemblées est leur fonctionnement. On y discute de ce qui a préalablement été adopté comme ordre du jour par les commissions (actuellement, il existe deux assemblées générales par jour à acampadasol), on prend des tours d’intervention auprès des modérateurs (il existe tout un protocole pour la modération), et l’on donne la parole aux citoyens. Toutes les opinions sont entendues, notées par le modérateur, qui note aussi les éventuelles répétitions d’idées. Lorsqu’un thème paraît épuisé, on demande s’il existe un consensus sur ce dernier. Si aucune voix contre ne s’élève, il est approuvé par l’assemblée, recueilli dans les actes et l’on décide quand et où aura lieu la prochaine assemblée. Si bien que la prise de décision se réalise par consensus et non par vote, ce qui empêche que l’opinion de la majorité s’impose sur les minorités et évite que quiconque ne se sente exclu. Toutes les commissions sont informées de ce qui a été approuvé dans les assemblées générales et l’information est aussi mise en ligne. Ce qui y a été approuvé par consensus est respecté par tous.

    Une fois passée l’assemblée générale, les groupes de travail et les commissions retournent travailler dans leurs domaines. Les commissions sont très générales, elles agissent comme des coordinatrices d’un travail commun et résolvent des problèmes basiques qui affectent tout le monde. On décompte par exemple les commissions de la communication, du respect mutuel, des infrastructures, du droit, ou de l’action. Cette dernière, la Commission de l’Action, est essentielle car elle regroupe plusieurs grands groupes de travail qui, à leur tour, rassemblent un grand nombre de sous-groupes. Actuellement, la Commission de l’Action coordonne sept groupes de travail, dont ceux des propositions citoyennes, de l’éducation et de la culture ou de l’environnement. Pour donner un exemple de sous-groupes, le groupe Environnement est composé de groupes de travail plus réduits dont ceux de la souveraineté alimentaire, de la gestion du territoire, des résidus, des milieux rural et marin, de l’éducation, du contrôle industriel, de l’action, de la dignité animale, de la décroissance, de l’énergie et du changement climatique, des villes et campagnes, de la logistique et des boîtes à suggestions. Quant l’assemblée d’un sous-groupe de travail s’achève, il recueille les propositions sur lesquelles le consensus s’est fait, et un délégué les présente devant l’assemblée de son groupe plus grand, où sont discutés et approuvés les points à envoyer à l’assemblée générale. De là, le délégué du groupe les envoie à la Commission de l’Action, qui les recueille, tout comme l’information sur le lieu et la date de la prochaine assemblée des groupes de travail, puis les transmet à l’assemblée générale et les diffuse à ceux qui voudraient participer à ces groupes de travail dans l’avenir. Les commissions, les groupes et les sous-groupes de travail sont ouverts à tous : les citoyens qui le souhaitent peuvent y participer.

    La coordination d’une telle somme d’informations et le recueil des opinions de tous exige un énorme effort. Cependant, des voies pour garantir l’efficacité de cette organisation ont été ménagées. Un exemple est la figure de la personne de liaison (enlace). Des personnes de liaison existent entre toutes les commissions et entre les groupes de travail, qui se chargent de les mettre en contact pour résoudre les doutes ou les problèmes qui pourraient survenir. Comme cela arrive avec le reste de l’organisation, il s’agit de citoyens qui proposent spontanément leurs services pour accomplir cette fonction pendant le temps qu’ils peuvent, et se chargent de trouver une autre personne de liaison pour les remplacer avant d’abandonner leur poste. Toute participation est bienvenue. Pour les citoyens qui ne peuvent pas participer aux assemblées, aux commissions et aux groupes, un groupe de Propositions Citoyennes fonctionne, qui recueille l’information (extrêmement abondante) des nombreuses boîtes à suggestion et les ordonne par thème, pour les envoyer aux commissions et aux groupes, et pour en débattre et les présenter devant l’assemblée générale afin de les approuver.

    Voici un exemple qui illustre le fonctionnement de ce mécanisme : le 22 mai à 14 heures le groupe de propositions a relayé plusieurs centaines d’entre elles vers l’organisation interne : l’une d’elles sollicitait la traduction du manifeste en braille pour qu’il soit distribué au point d’information ; le 23 mai à midi, il était déjà disponible pour qui l’aurait sollicité. Les dimensions des assemblées générales sont considérables, et l’on songe à les organiser par quartiers, sur différentes places pour discuter des problèmes communs.

    Un exemple pratique : le jardin de Sol. Le 20 mai à midi, différents groupes d’agriculteurs de Perales de Tajuña (un village situé à 40 km de Madrid) qui approvisionnent différents groupes de consommation agroécologique de la capitale, se sont présentés à la Commission juridique avec la proposition de mettre en place un jardin symbolique dans la fontaine de la Puerta del Sol, où il n’y avait rien d’autre que de la terre en friche. On leur a proposé d’en discuter avec le groupe Environnement, qui a approuvé la mesure par consensus et l’a présentée à l’assemblée générale. Elle fut approuvée, et le dimanche à 22h, les agriculteurs tout comme les consommateurs ont commencé les plantations.

    La rapidité de toutes ces actions ne tient pas seulement à la communication par le biais des réseaux sociaux virtuels, mais aussi aux voies traditionnelles. Tant les producteurs agroécologiques que les groupes de consommateurs fonctionnent entre eux par des dynamiques de participation et de prise de décision très similaires à celles du campement de Sol. De plus, les groupes de consommateurs sont composés de voisins, si bien que la transmission de l’information peut se produire rapidement par le bouche à oreille. Et c’est souvent le cas au campement de Sol et dans les campements des autres villes.

    Les racines associatives du mouvement

    Nous disions au départ que les mouvements sociaux de quartier travaillent dans des dynamiques similaires, liées à des pratiques de démocratie directe, depuis déjà un bon moment. Il y a un an et à partir de mouvements sociaux locaux, un Centre Social Autogéré (CSA) a été ouvert à Lavapiés, dont la répercussion médiatique a été très importante (par exemple, dans le New York Times, ou Le Figaro). Il s’est installé dans l’ancienne usine de tabac de Lavapiés, nommée la Tabacalera. Ce centre social, dont le fonctionnement est très similaire à celui qui se trouve à Sol, expose ses conceptions de la démocratie sur le site qui recueille toute la documentation relative au CSA, sans ignorer l’histoire de la démocratie et de débats sur la représentation ou la participation directe ou active à la vie publique et à la politique, bien au contraire. La démocratie redéfinie par le CSA considère que cette dernière s’obtient lorsque se produit :
    _ « la participation politique du citoyen-habitant (ciudadano-vecino), dans laquelle ce dernier gouverne lui-même et est gouverné par ses voisin/es, c’est-à-dire, qu’il participe à tous les processus de décision liés aux sujets qui le concernent, depuis le simple diagnostic de la situation, en passant par l’élaboration du projet jusqu’à son développement sur le long terme. »
    À cette fin, ils encouragent l’établissement d’« instruments et de mécanismes divers qui rendent possible la concurrence égalitaire dans le processus d’implication de tous les acteurs », et réclament en outre_
    « la prise de pouvoir, ou ce qui revient au même, la répartition du pouvoir entre les différents acteurs en charge de la ville. Grâce à cela, tout ce qui détermine nos vies et les espaces où nous habitons est aux mains des citoyens, qui ont le pouvoir de décision dans la gestion de ce qui est public ». [1]

    Il existe d’autres centres sociaux, tant à Madrid (par exemple Le Patio Maravillas ou Casablanca) que dans d’autres villes (La Casa Invisible de Malaga par exemple) qui fonctionnent de manière similaire. Ils partagent tous certains principes fondamentaux. La préoccupation de l’immigration les conduit à intégrer tous les habitants immigrants possibles, à chercher à transformer les conflits engendrés par la multiculturalité et par le pouvoir d’achat différents des citoyens en opportunités d’enrichissement social et culturel, et à améliorer la vie de tous dans le quartier. L’intérêt pour les questions de genre conduit quant à lui à employer de manière volontaire des langages et des attitudes non sexistes.

    Cela ne veut pas dire que les dynamiques sont simples ou parfaites, parce que la dissension fait partie de l’essence de ces processus. Mais il s’agit de dynamiques souples et qui tiennent en compte toutes les opinions (avec des limites elles-mêmes discutées, relatives au respect de tous par tous), ce qui leur confère le pluralisme nécessaire pour arriver aux consensus essentiels et construire le commun sur le long terme.

    Texte traduit de l’espagnol par Jeanne Moisand.

    Esta democracia me da pena

    par Eva Botella-Ordinas [24-05-2011]

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