10 Juin 2011

L’opération menée contre deux associations culturelles kurdes en région parisienne a été ordonné par le ministère de l’intérieur, selon des sources judiciaires et kurdes. Pour le député Verts européens François Alfonsi, il s’agit d’une opération pour servir à la campagne électorale d’AKP du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. « Sarkozy m’avait dit qu’il prépare une surprise » a déclaré Erdogan, après ces arrestations kurdes.

Les critiques et protestations contre la répression policière visant la communauté kurde en France prennent de l’ampleur. Plusieurs manifestations ont été organisées dans les pays européens ces derniers jours, notamment en Allemagne, en Grande-Bretagne, en Suisse et en Belgique pour protester contre le gouvernement français. La diaspora kurde demande la fin de répression et exige la libération immédiate des personnes arrêtées.

NOUVELLE ARRESTATION

La police a effectué vendredi 10 juin une nouvelle perquisition au domicile d’un kurde en région parisienne. Ali Daskin a été arrêté vers 9 heures par des policiers en civils, avant qu’il se présente au commissariat pour poser sa signature imposée par les autorités. Il avait déjà été arrêté et libéré sous surveillance judiciaire.
Cinq de six kurdes interpellés le 4 juin à Evry et à Villiers-le-Bel au cours des perquisitions menée dans les locaux des associations kurdes, ont été mis en examen pour « financement de terrorisme » et écroués. Il s’agit de Nedim Seven, un politicien kurde connu, Deniz Yalpa, Ayhan Tayfur, Murat Demirci et Bulent Atmaca. Trois autres personnes avaient été écrouées le 6 juin.

27 KURDES ARRETÉS DEPUIS 4 JUIN

Au total, 27 kurdes, dont six lors des perquisitions et vingt au cours des manifestations pour dénoncer la violence policière, ont été interpellés. Au moins onze autres kurdes ont été blessés, dont certaines grièvement, subissant la violence de la police qui a fait usage de gaz lacrymogènes, de matraques et de balles en caoutchouc.

L’ORDRE DU MINISTRE DE L’INTÉRIEUR

Le porte-parole du ministère de l’Intérieur indique que ces personnes ont été interpellées dans le cadre "d’une enquête diligentée depuis plusieurs mois par la sous-direction anti-terroriste (SDAT) sur instruction du parquet anti-terroriste de Paris". Mais contrairement aux déclarations officielles, l’opération a été ordonnée par le ministère de l’Intérieur, selon des sources judiciaires.

ARRESTATIONS POUR DES MOTIFS POLITIQUES

Il n’y a pas de motifs concrets pour justifier ces dernières arrestations, affirment les avocats de la défense. Pour eux, leurs clients ont été arrêtés pour des motifs politiques.

La communauté kurde s’interroge également sur la manière de l’opération policière, puisque les personnes arrêtées, accusées officiellement comme des cadres du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), étaient déjà sous surveillance judiciaire. Ils avaient l’obligation de signature en se présentant aux commissariats, ce qui veut dire qu’une opération d’une telle envergure et violente n’était pas nécessaire, s’interrogent les avocats de la défense.

Parmi eux, Nedim Seven, un politicien et militant kurde, présenté comme « cadre important » du PKK, par les autorités françaises, avait déjà été arrêté plusieurs fois et il était sous surveillance judiciaire depuis des années. Arrêté et emprisonné en juin 2008, il était sorti de la prison de Santé deux ans après, le 28 février 2010.

ALFONSI : UN SERVICE RENDU À ERDOGAN

Il s’agit d’un service rendu à la campagne électorale du parti du premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan pour les législatives du 12 juin prochain, dénonce François Alfonsi, le député Verts européens, cité par l’agence de presse kurde Firat.

ERDOGAN : SARKOZY M’A DIT QU’IL PRÉPARE UNE SURPRISE

Les propos du premier ministre turc sur ATV, la chaine d’information turque, confirme le caractère politique de cette opération. « Il y a eu aussi, trois mois avant aujourd’hui, plusieurs arrestations en France. A l’époque de Bush, Sarkozy m’avait dit : ‘Je prépare une surprise d’ici deux mois. Je vous rendrai quelques uns des membres de l’organisation terroriste’, lors de la réunion de G20 » a-t-il- indiqué vendredi 10 juin. «  J’espère qu’on ne les libère pas et nous rend cette fois » a-t-il ajouté.

LE CONSEIL ARMÉNIEN DÉNONCE LA RÉPRESSION

Dans un communiqué, le Conseil de coordination des organisations arméniennes de France (CCAF) exprime aussi sa préoccupation à l’égard de la répression spectaculaire qui frappe les Kurdes de France. « Le CCAF s’inquiète que, selon les termes de la Fédération des associations kurdes en France, Paris "n’envisage la question kurde que sous l’angle d’une coopération avec la Turquie " avec l’arrestation des militants kurdes et l’éradication du militantisme kurde »

Le CCAF exprime sa solidarité avec le peuple kurde et appelle le gouvernement et l’Elysée à entendre les forces qui concourent à la démocratisation de la Turquie plutôt que de céder, au nom de la Realpolitik, aux pressions d’Ankara et d’encourager ainsi les vieux démons nationalistes autoritaires et criminels de cet Etat génocidaire.

LE PROCÈS DE 18 KURDES COMMENCE LE 20 JUIN

Ces opérations coïncident également avec le procès de 18 kurdes, dont Nedim Seven, qui devrait commencer le 20 juin, dans le cadre d’une enquête ouverte en 2006, tandis que cinq autres enquêtes sur le PKK sont toujours en cours.

39 ARRESTATIONS DEPUIS JANVIER

Au moins 39 personnes ont été arrêtées depuis de l’année 2011 pour des motifs politique. Le bilan monte à 175 arrestations politiques depuis 2006, dont 51 en 2010. Aujourd’hui, 17 d’entre eux sont en prison.