Une tribune pour les luttes

jeudi 16 juin 2011

MARSEILLE

19 h

19 h au Centre le Mistral, 11 impasse Flammarion, 13001

Rencontre-Débat avec Raymond Gurême pour la présentation de son livre - co-écrit avec Isabelle Ligner

Interdit aux nomades

Rencontres Tsiganes

À 85 ans, Raymond Gurême est l’un des rares survivants d’une page occultée de l’histoire de France : celle de l’internement sur son sol de familles « nomades », de 1940 à 1946.
Né en 1925 dans une roulotte, comme ses ancêtres - français et itinérants depuis des générations - Raymond a suivi leur pas sur la piste du cirque familial. Mais ce monde enchanté disparaît brutalement en 1940 lorsque la famille de Raymond est victime des persécutions de Vichy à l’égard des « nomades ».

Isabelle Ligner est journaliste dans une agence de presse internationale depuis plus de 15 ans. Agée de 39 ans, elle a couvert de nombreux conflits armés et a cherché, en France comme à l’étranger, à éclairer les
mécanismes de l’exclusion, notamment à travers des reportages et enquêtes sur les Roms et les « gens du voyage.


Mémoires d’un Tzigane de France

(in LE MONDE du 25 mai 2011)

La biographie de Raymond Gurême est un témoignage rare sur l’internement des Tziganes en France, pendant la seconde guerre mondiale. De ce pan d’histoire, qui a concerné environ 3 000 personnes, il existe bien des archives, quelques documents sonores. Mais de mémoire d’historiens, aucun témoignage n’a été publié de la sorte dans un livre rédigé à la première personne.

Aujourd’hui âgé de 85 ans, M. Gurême, d’origine manouche, a été interné, en 1940, avec toute sa famille dans le camp de Linas-Montlhéry (Essonne). Mais ce n’est qu’en 2010 qu’il a décidé de raconter son expérience dont il considère qu’elle explique en grande partie les difficultés de compréhension d’aujourd’hui entre les gens du voyage et les " sédentaires ".

Pour raconter son histoire, M. Gurême s’est appuyé sur la plume d’Isabelle Ligner, une journaliste de l’Agence France-Presse qui suit régulièrement le dossier des gens du voyage. L’école de M. Gurême ayant surtout été celle de la vie, son témoignage a une certaine candeur, une résonance brute. On y entend sa gouaille. Mais c’est aussi l’un de ses intérêts.

L’histoire de Raymond Gurême commence dans une famille d’artistes de cirque. Dans ses souvenirs, il y a un poney complice, des entraînements à l’acrobatie, un costume de clown... Son père possède un cinéma ambulant avec lequel il va dans les villages. Aux yeux de M. Gurême : une époque bénie.

Amertume et colère

Mais son existence bascule au matin du 4 octobre 1940. Quand, à 6 heures du matin, deux gendarmes viennent frapper à la porte de la caravane familiale. " Toute ma vie, j’ai cherché la liberté, l’insouciance et le bonheur familial que l’on m’a volés ce jour-là ", dit-il. Raymond Gurême a alors 15 ans et vit avec les siens sur un champ près du port de Rouen.

Après un mois de transit, les Gurême arrivent au camp de Linas-Montlhéry, le 27 novembre, en wagons à bestiaux, avec 200 autres familles. Le camp est l’un des vingt-sept où ont été enfermés les Tziganes, entre 1940 et 1946, sur le territoire français. Son père répète alors souvent : " Etre arrêté par des Français, gardés par des Français dans un camp alors que j’ai opté pour la nationalité française et que j’ai fait la guerre de 1914-1918 (...), ça dépasse l’entendement ! "

M. Gurême dépeint la dureté des conditions de vie : les coups des gardiens, le mitard pour les " rebelles " dont il fait partie. Il pointe aussi la malnutrition, dit avoir perdu " vingt kilos en un an ". Il se souvient aussi des " vieux ", que l’on retrouve " raides, sur leur paillasse ", à cause de l’absence de chauffage dans les baraquements.

La suite de son récit est une longue série de péripéties. M. Gurême est un dur à cuir et il s’évade à plusieurs reprises. Embarqué dans les camps de travail en Allemagne, il tente plus tard de s’engager dans la Résistance. La guerre lui a aussi fait perdre la trace des siens qu’il ne retrouvera qu’en 1950, par hasard, en Belgique.

C’est à partir de cette expérience de l’internement que Raymond Gurême parle de " dégringolade ". " Nous ne faisions plus partie des artistes ambulants ", relève-t-il. Commencent alors les petits boulots de ferrailleur, de rempailleur et une vie " à la limite de la légalité ", admet-il. L’urbanisation contrarie le mode de vie semi-itinérant qu’il a choisi de poursuivre.

L’amertume est profonde chez Raymond Gurême. Sa colère s’exprime par un sentiment de discrimination permanent, une violente impulsivité, et un rejet de tout ce qui a trait à l’autorité régalienne.

Le livre n’oblige pas à l’empathie. Mais il est, pour sûr, un témoignage précieux pour qui voudrait essayer de comprendre comment renouer les liens avec la communauté des gens du voyage.

Elise Vincent

Interdit aux nomades, Raymond Gurême, avec Isabelle Ligner, Calmann-Lévy, 234 p. 17 ¤

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