Une tribune pour les luttes

Syrie : des militaires désertent pour ne plus « tuer les civils »

Article mis en ligne le vendredi 17 juin 2011

Un soldat syrien a reçu "l’ordre de tirer" sur des manifestants pacifiques

09/06/2011

Un ancien membre de la Garde républicaine syrienne a révélé à Amnesty International que lui-même et d’autres soldats avaient reçu l’ordre d’ouvrir le feu sur des contestataires non armés qui manifestaient en faveur de la réforme à Harasta, près de Damas, au mois d’avril. Walid Abd al Karim al Qashami a été informé qu’il se trouvait sous le coup d’une condamnation à mort en Syrie parce qu’il a refusé de tirer et a rejoint les manifestants, après avoir vu des soldats tuer trois enfants, un jeune homme et une femme.

S’exprimant par téléphone depuis le pays où il a trouvé refuge, ce soldat âgé de 21 ans a raconté qu’il faisait partie des 250 soldats envoyés pour étouffer la contestation à Harasta le 23 avril.

Leurs officiers leur ont dit qu’ils avaient affaire à un « gang violent ». En fait, ils se sont retrouvés face à quelque 2 000 manifestants non armés, dont des femmes et des enfants. La plupart des hommes étaient torse nu pour bien montrer qu’ils ne portaient pas d’armes. Nombre de manifestants brandissaient des roses.

«  J’ai été choqué de voir les forces de sécurité et l’armée tirer sur des manifestants non armés qui scandaient " Silmieh, Silmieh " (" Pacifique, Pacifique ") et " Nafdiki Ya Dera’a " (" Nos vies pour toi, Deraa "). Lorsque j’ai entendu ces slogans, je n’ai tout simplement pas pu tirer sur eux, d’autant que je suis de Deraa et qu’ils risquaient leurs vies pour ma ville. »

Armés de Kalachnikov, les soldats avaient reçu des plaques métalliques d’identification habituellement utilisées en temps de guerre et avaient reçu l’ordre de porter les uniformes noirs de l’«  unité de lutte contre le terrorisme ».

Les manifestants se trouvaient dans une rue ou une allée débouchant sur le rond-point principal de la ville. Les forces de sécurité en avaient bloqué une extrémité et tiraient déjà sur la foule lorsque l’unité de Walid al Qashami est arrivée.
Alors qu’il formait le rang avec d’autres soldats, Walid al Qashami a vu trois enfants, un jeune homme et une femme se faire tuer.

« L’un des enfants a reçu une balle dans la tête, tirée par un gradé qui se trouvait juste devant moi. Je l’ai entendu dire qu’il l’avait tué parce que ses pleurs incessants l’agaçaient. »

Walid al Qashami et cinq autres soldats ont refusé de tirer sur les manifestants. Ils ont posé leurs armes et ont couru vers eux pour échapper à la mort.

« Dès que nous sommes arrivés près des manifestants, les hommes se sont interposés entre nous et les autres soldats, tandis que les femmes se sont approchées et nous ont emmenés vers des maisons voisines. »

La population a ensuite aidé les soldats ayant fait défection à quitter Harasta.

« Je ne pouvais pas rentrer à Deraa, car elle est assiégée. Alors j’ai avancé de ville en ville, habillé en femme portant le niqab. »

Pendant sa fuite, Walid al Qashami a reçu des appels téléphoniques d’un proche, colonel au sein des forces de sécurité, qui l’a exhorté à se rendre. L’épouse de ce colonel l’a également appelé, affirme-t-il, pour lui dire que les autorités lui verseraient une grosse somme d’argent s’il se rendait ; mais il a refusé d’obtempérer et de revenir sur ses déclarations. « Je n’ai pas fait ça pour la gloire ni pour l’argent, mais pour la vérité », a-t-il assuré à Amnesty International.

Il a décidé de quitter le territoire syrien lorsque ce colonel a informé sa famille qu’un tribunal militaire à Damas l’avait condamné à mort par contumace. «  Avant de partir, j’ai enregistré mon témoignage sur YouTube, pour qu’il soit diffusé au cas où je serais capturé ou tué. »

Il a réussi à sortir de Syrie et a trouvé refuge avec d’autres Syriens qui ont fui Deraa, ville du sud du pays qui est l’un des centres de la contestation.

Le service militaire est obligatoire en Syrie. La désertion est passible de lourdes peines, allant jusqu’à la détention à perpétuité ou la mort.

Walid Abd al Karim al Qashami est le deuxième soldat syrien qui a raconté à Amnesty International avoir déserté les rangs de l’armée et fui parce qu’on lui avait ordonné de tirer sur des manifestants non armés.

A voir aussi La vidéo de Walid al Qashami sur YouTube
http://www.youtube.com/watch?v=6U1o7a2Y5-Q


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Vos commentaires

  • Le 12 juin 2011 à 10:31, par Christiane En réponse à : Quatre déserteurs dénoncent les atrocités de l’armée syrienne

    http://www.iloubnan.info/politique/...

    AFP / iloubnan.info - Le 11 juin 2011

    Quatre déserteurs de l’armée syrienne qui ont fui vers la Turquie ont témoigné des atrocités commises par des soldats lors de manifestations anti-gouvernementales sous la menace d’exécution s’ils désobéissent aux ordres.

  • Le 12 juin 2011 à 10:50, par Christiane En réponse à : La répression ne faiblit pas en Syrie. En 24 heures, des centaines de réfugiés syriens ont afflué en Turquie.

    Samedi 11 juin 2011

    La répression ne faiblit pas en Syrie. En 24 heures, des centaines de réfugiés syriens ont afflué en Turquie. Ceux-ci sont accueillis par les gendarmes puis transportés dans des camps ou des hôpitaux.

    le premier camp d’accueil est saturé. Et un deuxième village de tentes a été installé à quelques kilomètres, plus proche de la frontière, mais lui aussi atteint ses limites, ce qui veut dire qu’on approche des 4500 à 5000 réfugiés.

    Les ponts semblent donc quasiment coupés désormais avec Damas et les analystes, évoquent désormais le risque de voir jusqu’à un million de personnes essayer de trouver refuge en territoire turc. La Turquie fait ses comptes. Elle peut recevoir jusqu’à 800 000 personnes. Après quoi, ce sera vraiment une catastrophe humanitaire.

  • Le 19 juin 2011 à 18:03, par Christiane En réponse à : 10 000 Syriens, fuyant la répression, ont trouvé refuge dans des camps en Turquie.

    http://www.rue89.com/2011/06/18/syr...

    Par Delphine Nerbollier | Journaliste | 18/06/2011

    Près de 10 000 Syriens, fuyant la répression, ont trouvé refuge dans des camps en Turquie. Ils sont sans doute aussi nombreux à attendre de l’autre côté de la frontière. Ils dénoncent les actes de torture et les exécutions sommaires commises par le régime de Bachar El-Assad. Un reportage de notre envoyée spéciale à Guveçci.

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