Une tribune pour les luttes

Rapport Anafé/Gisti

L’Europe vacille sous le fantasme de l’invasion tunisienne

Missions d’observations de l’Anafé et du Gisti à la frontière franco-italienne, avril 2011
vers une remise en cause du principe de libre circulation dans l’espace « Schengen » ?

Article mis en ligne le lundi 20 juin 2011

Les 23 et 24 juin prochains [1], le Conseil européen va évaluer «  la mise en œuvre des règles régissant la libre circulation au sein de l’espace Schengen » et engager « une réflexion sur leur éventuelle amélioration ». Il est probable qu’il adoptera la proposition de la Commission européenne de rendre possible le rétablissement des contrôles aux frontières intérieures en cas de « défaillance » d’un pays membre, ou lorsqu’un pays sera soumis à une « pression migratoire forte et inattendue ».

Les textes fondateurs de l’Union européenne, qui posent le principe de la libre circulation entre les États membres, risquent-ils ainsi d’être remis en cause au gré des fantasmes sécuritaires de leurs dirigeants ?

Rappel :

* 5 avril 2011 : l’Italie annonce la délivrance de titres de séjour « à titre humanitaire » aux « citoyens de pays d’Afrique du nord » débarqués à Lampedusa, leur permettant de se déplacer dans l’espace Schengen ;

* 6 avril : la France fustige l’irresponsabilité de l’Italie et l’accuse de ne pas avoir contrôlé efficacement ses frontières externes ; par circulaire, le ministre de l’Intérieur prétend soumettre les étrangers titulaires de titres de séjour délivrés par d’autres États membres – en réalité les Tunisiens venant d’Italie – à des conditions supplémentaires, notamment de ressources, pour franchir la frontière interne entre les deux pays.

Entre le 10 et le 18 avril, l’Anafé et le Gisti ont organisé deux missions d’observation de la frontière franco-italienne. Elles ont permis de constater une multiplication des contrôles frontaliers discriminatoires et la violation manifeste des règles fixées par le code des frontières Schengen. On en trouvera le détail dans le rapport de mission des deux associations.

L’Anafé et le Gisti entendent saisir le Conseil d’État, d’une part, pour lui demander l’annulation de la circulaire du 6 avril 2011 et les instances européennes, d’autre part, pour que soient sanctionnées les nombreuses infractions commises par les autorités françaises contre le droit européen.

Le 20 juin 2011

[1] cf p.2
de l’ordre du jour
du Conseil
européen des 23 & 24 juin 2011
.

Rapport
Missions d’observations de l’Anafé et du Gisti à la frontière franco-italienne, avril 2011

Introduction........................................................................1

Le renforcement des contrôles frontaliers en l’absence de menace à l’ordre public..................................................................................2

Des contrôles internes se rapprochant dangereusement des contrôles externes..............................................................................3

Tentative de sortie de crise : la révision de la convention de Schengen..............................................................................4

I. Des contrôles non conformes aux règles de Schengen.......6

II. Des contrôles discriminatoires.......................................10

III. Un rétablissement abusif des contrôles..............................................................................13
1° Y avait-il menace pour l’ordre public ?...................................13
2° Proportionnalité de la mesure de rétablissement des contrôles.............................................................................16
3° Les conditions de la décision de rétablissement du contrôle...............................................................................17
4° Les obligations en matière d’information (sur le rétablissement des contrôles).............................................................................18

IV. Quel avenir pour l’accord de Schengen ?..............................21
1° Situation des Tunisiens en France : ni réguliers, ni irréguliers..................................................................................21
2° Vers une révision de l’accord de Schengen.....................................................................................23

Annexes..............................................................................25
1. Rapport de mission exploratoire de l’axe Vintimille-Menton
du 10 au 12 avril 2011 de l’Anafé........................................25
2. Rapport de mission exploratoire de l’axe Vintimille-Menton
du 16 au 18 avril 2011 du Gisti...............................................31
3. Carte de la région....................................................................42
4. Lettre de la France et de l’Italie aux président du Conseil européen
et de la Commission européenne ..............................................43
5. Textes au niveau communautaire..............................47
6. Accord bilatéral..............................................49
7. Au niveau national..............................................51
8. Arrêté préfectoral de réadmission ......................59
9. Procès verbal précisant que les titres de séjour italien n’ont aucune valeur
administrative............................................64

Ont participé aux missions :
Brigitte Espuche et Marie Henocq (Anafé)
Diane Kitmun, Nicanor Haon Madueno et Caroline Maillary (Gisti)



http://www.gisti.org/spip.php?article2304

Communiqué du Gisti

Morts en Méditerranée : Plainte du Gisti contre l’OTAN, l’UE et les pays de la coalition en Libye

Des centaines de boat people meurent en Méditerranée
Le Gisti va déposer plainte contre l’OTAN, l’Union européenne et les pays de la coalition en opération en Libye

Face aux centaines de naufrages mortels en Méditerranée, peut-on se contenter de dénoncer le silence assourdissant dans lequel des vies disparaissent à nos portes ? Doit-on se résoudre à l’impuissance devant des politiques migratoires auxquelles on ne pourrait rien changer ? Ces noyé·e·s ne sont pas les victimes de catastrophes naturelles, mais de décisions politiques mises en œuvre par des exécutants dont les responsabilités doivent être pointées. Devant ces atteintes au droit le plus fondamental – le droit à la vie – il faut que des procédures soient engagées et que justice soit rendue. Il faut mettre fin à cette hécatombe.

Le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR) a dénombré à la fin de mai quelque 1 500 victimes de noyade parmi les boat people qui, depuis février dernier, s’efforcent de gagner l’Europe à partir des côtes du Maghreb et du Machrek.

Ces drames ne font que s’ajouter à tous ceux qui se déroulent, dans l’indifférence, depuis plus de vingt ans ; Fortress Europe enregistre 17 317 décès documentés depuis 1988. Mais combien d’autres victimes invisibles de la politique européenne de lutte contre l’immigration qu’elle appelle illégale ?

De ces naufrages, des épaves transformées en cercueils flottants d’hommes, de femmes et d’enfants morts d’épuisement, de faim et de soif après de longues dérives en mer, l’opinion a pris l’habitude. Elle a pu croire à leur caractère inéluctable. Elle a pu ignorer que les équipements anti-migratoires de l’agence européenne Frontex étaient forcément les témoins de nombre de ces drames, en Méditerranée comme ailleurs…

Mais la donne a changé depuis qu’une coalition internationale et les forces de l’OTAN interviennent en Libye. Aujourd’hui, awacs, drones, avions, hélicoptères, radars et bâtiments de guerre surveillent tout ce qui bouge en Méditerranée. Ils ne peuvent pas ne pas voir les bateaux des exilés originaires d’Afrique subsaharienne qui cherchent à fuir la Libye. Ils ne peuvent pas ne pas voir lorsque, de Tunisie, du Maroc ou d’Algérie, des jeunes sans espoir s’entassent dans une embarcation fragile pour gagner l’Italie ou l’Espagne.

En n’intervenant pas, ils se rendent coupables de non-assistance à personne en danger. Ceci ne peut rester impuni.

Les États puissants de la planète se sont mobilisés militairement pour, disent-ils, empêcher le massacre de populations civiles et mettre en œuvre « la responsabilité de protéger » dont l’ONU est garante. Mais la responsabilité de protéger ne passe-t-elle pas aussi par le respect du droit maritime, des conventions internationales en matière de sauvetage en mer et des textes sur la protection des réfugiés ?

Nous ne pouvons plus contempler les images de corps ramenés à terre après des naufrages, ou apprendre par des survivants combien de personnes étaient à bord d’un bateau disparu en mer. Nous voulons savoir qui sont les responsables de ces morts : l’Union européenne ? l’agence Frontex ? l’OTAN ? les États de la coalition formée en Libye ?

C’est pourquoi le Gisti s’apprête à lancer - avec ceux qui voudront s’associer à cette démarche - une campagne de plaintes, sur la base d’éléments recueillis auprès de victimes et de témoins de ces drames. À l’heure des révolutions arabes, les États européens ne peuvent plus continuer à considérer les boat people comme des vies sans valeur. La Méditerranée doit cesser d’être le champ de bataille de la guerre aux migrants pour redevenir un espace de droits et de solidarités.

9 juin 2011

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