Une tribune pour les luttes

Les super-riches sabotent les révolutions arabes

Par Shamus COOKE
+ Ameer Makhoul : "Les révolutions arabes nous donnent de la force"
+ Bassim Tamimi : « Vos lois militaires ne sont pas légitimes. Notre protestation est juste »

Article mis en ligne le dimanche 26 juin 2011


Le Grand Soir

Les super-riches sabotent les révolutions arabes
Par Shamus COOKE

http://www.legrandsoir.info/les-sup...

23 juin 2011

Pendant que les révolutions balaient le monde arabe et s’enflent en Europe, des vieux tyrans ou des gouvernements discrédités s’accrochent au pouvoir de toutes leurs forces. La situation est extrêmement grave : le statu-quo économique et politique vit une crise profonde. Si les mouvements pro-démocratiques et anti-austérité sortent victorieux, ils auront un problème immédiat à résoudre — comment financer leur vision d’un monde meilleur. Ce qui se passe jusqu’ici en Egypte ou en Grèce prouve suffisamment que l’argent a de l’importance. Les nations riches qui tiennent les cordons de la bourse peuvent encore influencer le cours des événements à distance en imposant des conditions humiliantes aux pays qui vivent un profond bouleversement social.

Cette stratégie est appliquée impitoyablement dans le monde arabe. Prenez par exemple l’Egypte où les USA et l’Europe soutiennent discrètement la dictature militaire qui a remplacé le dictateur Hosni Moubarak. Ce sont maintenant les généraux de Moubarak qui dirigent le pays. Le peuple d’Egypte, cependant, veut toujours un vrai changement, pas une simple redistribution des postes au sommet ; Une vague de grèves et de manifestations de masse testent le pouvoir de la nouvelle dictature militaire.

Une vague de grèves signifie que les Egyptiens veulent de meilleurs salaires et de meilleures conditions de travail ; d’ailleurs les opportunités économiques étaient une des revendications principales de ceux qui ont fait tomber Moubarak. Mais les révolutions ont tendance à avoir un effet temporairement négatif sur l’économie d’une nation. Cela est dû en grande partie au fait que ceux qui dominent l’économie, les riches, font de leur mieux pour saboter toute velléité de changement social.

Un des aspects qui caractérise les révolutions est l’exode des riches qui craignent avec raison que leur richesse ne soit redistribuée. On a coutume d’appeler ce phénomène "fuite des capitaux". Par ailleurs, les riches investisseurs étrangers cessent d’investir dans un pays révolutionnaire car ils ne peuvent pas savoir si l’entreprise dans laquelle ils investissent restera privée ou si le gouvernement adoptera la stratégie du défaut de paiement pour ne pas rembourser les investisseurs étrangers. Enfin les travailleurs demandent de meilleurs salaires pendant les révolutions et beaucoup de propriétaires -parmi ceux qui ne se sont pas enfuis- préfèrent fermer leurs entreprises que de faire de petits profits. Tout cela nuit à l’économie dans son ensemble.

Selon le New York Times :
"La révolte [égyptienne] qui a duré 18 jours a stoppé les investissements étrangers et a décimé l’industrie essentielle du tourisme... La révolution a provoqué des nouvelles revendications pour plus d’emplois et de meilleurs salaires qui se heurtent rapidement à la diminution de la capacité économique.... Les grèves des travailleurs qui demandent leur part du butin de la révolution continuent à entraver l’industrie..... Les principaux détenteurs de capitaux du pays ont été arrêtés ou se sont enfuis ou ont trop peur de s’investir dans quoi que ce soit...."

Conscientes de cette dynamique, les riches nations du G8 l’exploitent de leur mieux. Sachant que les gouvernements qui émergeront des révolutions arabes auront un urgent besoin de liquidités, le G8 leur fait miroiter 20 milliards de dollars attachés à une ficelle. La ficelle en questions est l’exigence que les pays arabes continuent les politiques de "libre échange" c’est à dire les réformes favorables aux affaires comme les privatisations, la suppression de subventions sur l’alimentation et l’essence et un meilleur accès à l’économie des banques et entreprises étrangères. Un autre article du New York Times traite de ce sujet sous un titre trompeur : "Promesse d’aide du groupe des 8 pour soutenir les démocraties arabes" :
"La démocratie, ont affirmé les leaders [du G8], ne peut s’enraciner que dans des réformes économiques qui créent le libre échange... Les [20 milliards de dollars] promis ne sont pas un chèque en blanc", a dit le président Obama, mais "une somme maximum qui ne sera entièrement versée que si les réformes |économiques] adéquates sont engagées." (28 mai 2011).

La politique du G8 envers le monde arabe est donc la même politique que le Fond Monétaire International (FMI) et la Banque Mondiale ont mené contre les nations les plus faibles qui ont eu des problèmes économiques. Le remède est presque pire que la maladie car les réformes vers le "libre échange" aboutissent toujours au siphonage de la richesse nationale par toujours moins de personnes ; les privatisations des services publics enrichissent sans cesse les plus riches pendant que la destruction des services sociaux appauvrit sans cesse les plus pauvres. De plus la porte ouverte aux investisseurs étrangers se transforme en bulle spéculative qui finit inévitablement par exploser et alors les investisseurs fuient le pays dont l’économie est dévastée. Ce n’est pas par hasard que de nombreux anciens "bénéficiaires" du FMI après avoir remboursé leur dette ont dénoncé leurs bienfaiteurs en se jurant de ne jamais y revenir.

Les pays qui refusent les conditions imposées par le G8 ou le FMI se privent donc des capitaux dont n’importe quel pays aurait besoin pour subsister et se développer pendant un bouleversement social. Les pays riches sont victorieux dans tous les cas : que le pays pauvre se laisse pénétrer économiquement par les entreprises occidentales ou que le pays pauvre se retrouve économiquement et politiquement isolé, sanctionné et utilisé comme un exemple de ce qui arrive aux pays qui tentent de se développer dans une perspective non-capitaliste.

De nombreux pays arabes suscitent particulièrement la convoitise des entreprises étrangères avides de nouveaux secteurs d’investissement car ils possèdent d’importantes industries étatiques pour aider les populations laborieuses, une tradition qui remonte au président socialiste égyptien Gamal Abdel Nasser et qui s’est répandue dans tout le monde arabe. Si l’Egypte devient la victime d’une folie furieuse de privatisation, les travailleurs égyptiens devront payer plus cher la nourriture, l’essence et autres produits de base. C’est la raison pour laquelle, en plus du pétrole, beaucoup d’entreprises étasuniennes aimeraient envahir l’Iran.

Le tumulte social dans le monde arabe et en Europe a mis en lumière la domination des riches investisseurs et des riches multinationales sur la politique des nations. Partout en Europe on examine des "plans de sauvetage" pour les nations les plus pauvres qui ont des difficultés économiques. Les termes de ces prêts spéciaux sont drastiques et n’ont qu’un seul but, produire le maximum de profit. En Grèce par exemple, tout le monde est conscient que les prêteurs sont motivés par leur seul intérêt quand ils aident a créer un mouvement social qui pourrait atteindre les proportions de celui des pays arabes. Selon le New York Times :
"le nouveau [plan de sauvetage de la Grèce], cependant ne sera mis en place que si davantage de mesures d’austérité sont introduites.... En plus d’une progression plus rapide des privatisations, l’Europe et le Fond [FMI] ont exigé que la Grèce supprime des postes dans le secteur public et ferme les services qui ne sont pas rentables." (1er juin 2011).

Le même phénomène se produit partout en Europe, de l’Angleterre à l’Espagne les travailleurs apprennent qu’il faut réduire drastiquement les programmes sociaux, supprimer les emplois publics et privatiser les industries d’état. Les USA sont aussi en ligne de mire des "détenteurs vigilants de bonds du Trésor" [riches investisseurs] qui les menace d’arrêter d’acheter de la dette étasunienne si la sécurité sociale, Medicare, et autres services sociaux ne sont pas supprimés.

Jamais auparavant l’économie de marché de la planète n’a été si horriblement affectée, détournée et dominée par les super-riches. La prise de conscience croissante de cet état de fait ne peut pas être facilement récupérée par les promesses de "démocratie" des politiciens puisque la démocratie est précisément le problème : une toute petite minorité de super-riches exercent une dictature grâce à leur immense richesse sur les gouvernements et menacent ceux qui ne font pas tout ce qu’ils veulent. Les gouvernements dociles reçoivent de l’argent et les gouvernements indépendants en sont privés et les médias occidentaux ne remettent jamais en questions les soudaines volte-face politiques qui transforment en un instant un allié de longue date des USA en un "dictateur" et vice-versa.

Le renversement des dictateurs du monde arabe a immédiatement soulevé la question "Et maintenant quoi" ? Les demandes économiques des travailleurs ne peuvent pas être satisfaites tant que des multinationales géantes dominent l’économie parce que des salaires plus élevés signifient moins de profit pour les multinationales et de meilleurs services sociaux nécessitent que les riches paient plus d’impôts. Ces conflits fondamentaux sont à l’arrière-plan des soulèvements sociaux partout dans le monde ; ils sont arrivés à maturité avec la récession mondiale et continueront à dominer la vie sociale dans les années à venir. A l’issue de cette longue lutte nous verrons quel type de société émergera de l’agitation politique, nous verrons si elle répond aux revendications des travailleurs ou si elle sert les intérêts des riches investisseurs et des multinationales.

Shamus Cooke

Pour consulter l’original : http://countercurrents.org/cooke200611.htm

Traduction : Dominique Muselet



http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10801

Les révolutions arabes nous donnent de la force

Ameer Makhoul

Ameer Makhoul

* Ameer Makhoul est prisonnier politique dans l’Etat d’Israël. Responsable associatif et politique, il a été arrêté le 6 mai 2010, suite à une descente nocturne à son domicile familial, à Haïfa, opérée par divers services sécuritaires israéliens. Condamné à 9 ans de prison ferme, suite à des « aveux » arrachés par la torture physique et morale, Ameer n’a cessé de proclamer que son arrestation et détention sont politiques et visent à décapiter la direction politique et civile des Palestiniens de 48.

samedi 25 juin 2011

Aucun régime au monde ne peut se soustraire à la possibilité de tomber quand certaines conditions sont réunies mais il n’est jamais arrivé qu’un régime politique tombe de lui-même, en l’absence d’une action qui vise à le renverser.

Lire l’histoire des révolutions est très riche en enseignements mais quand une révolution se déroule maintenant, elle apporte ses propres enseignements.

Ainsi en est-il des révolutions que mène actuellement notre peuple arabe. Elles apportent ce que doit apprendre toute révolution qui se déroule en cette ère de mondialisation et d’internet. Mues par de formidables masses humaines qui croissent et gagnent en force à un rythme inconnu auparavant, elles tirent leur force d’un mouvement social- celui des gens ordinaires- qui porte en lui toute la diversité des courants de pensée et d’action qui aspirent au changement. C’est, en pratique, l’écrasante majorité de la société. Les révolutions arabes se déroulent conformément à la loi qui préside à la naissance des révolutions : ce moment où les opprimés n’acceptent plus leur statut d’opprimés et où les oppresseurs deviennent incapables de se maintenir au pouvoir en usant des mêmes méthodes d’oppression. Nous vivons alors ce que l’on peut appeler « le dernier quart d’heure des dictatures ».

Ces révolutions nous donnent à voir comment des régimes arabes oppressifs et injustes, réputés invulnérables, se fissurent, se désagrègent avant de s’effondrer. Elles nous donnent aussi à voir comment les gens -tous les gens, le peuple- créent des situations où l’institution militaire est, comme cela s’est passé en Tunisie et en Egypte, placée devant un choix incontournable et excluant toute voie médiane : abandonner le sommet du régime ou affronter le peuple. Le peuple, dans cette situation nouvelle qu’il a créée, devient alors le seul détenteur de la légitimé, légitimité qui se traduit par la conquête de places fortes au sein même du régime, dans l’armée aussi bien que dans des centres de décision économique, médiatique, judiciaire, religieux etc.

Dans de tels moments, quand la tyrannie s’exerce de façon plus féroce que jamais et que se multiplient sans frein les atteintes à la dignité humaine et nationale, la colère et le sentiment d’humiliation longtemps réprimés chez le peuple deviennent une force qui secoue les fondements du régime et l’amène à l’effondrement total ou partiel. Nous entrons alors dans une ère de transformation rapide.

Il est difficile de croire que les révolutions qui ont éclaté en Tunisie et en Egypte soient l’œuvre planifiée d’une seule force, quelle qu’elle soit. Tout en elles, en effet, indique qu’elles sont mouvement spontané et là, il faut souligner les façons dont Twitter , Facebook, Internet de façon générale ainsi que les chaînes satellitaires pour transmettre des images prises sur le vif, sont devenues, entre les mains de la jeunesse de Tunisie, d’Egypte et d’autres partie du monde arabe , de formidables instruments d’information, d’échange et de coordination de la parole et de l’action, non seulement à l’échelle d’un pays mais dans un espace qui embrasse le monde arabe dans son ensemble.

L’usage des moyens de communication les plus avancés est la marque d’une jeunesse arabe qui monte et aspire à extirper le monde arabe de l’état de morcellement , d’archaïsme et d’écrasement des libertés qui pèse sur lui depuis si longtemps. Il porte en lui -au moins pour ce qu’il nous est donné de constater maintenant et en attendant que se dessine de façon plus nette le cours des choses - la volonté des peuples arabes d’édifier un ordre social et politique où règneront la dignité des citoyens, la démocratie et le pluralisme. Pour le moment, nous ne pouvons pas faire beaucoup plus que de vivre intensément en esprit et en émotion ce qui se passe. Chacun de nous aspire à être dans ces lieux où se déroule l’action libératrice arabe, dans ces lieux baptisés « Place de la Libération » et précisément, au sein même du Caire. Mais en dépit de tout cela, nous sommes beaucoup plus que de simples spectateurs de ces révolutions, car ces révolutions ne nous sont pas étrangères, ce sont nos révolutions, une partie intégrante de notre combat pour la Libération. Notre désir d’y participer activement, cet élan qui nous porte spontanément vers elles précède souvent nos positions politiques officielles mais il porte en lui une chose que rien ne peut altérer : l’authenticité. Ce sont des révolutions qui apportent à notre combat un souffle nouveau, un souffle porté par une vision qu’on s’était empressé, ces dernières années, de croire moribonde mais qui renaît maintenant avec plus avec plus de force que jamais : c’est la dimension arabe.

Pour compléter le tableau des révolutions arabes, il y a cette image qu’il ne nous a pas été donné de voir depuis des décennies, celle, pitoyable, d’un Israël que rongent le désespoir et le sentiment de la défaite. Une telle chose n’est pas étonnante quand on sait qu’Israël est totalement privé de perspectives d’avenir et que d’ores et déjà s’accélère pour lui la perte irrémédiable de ce qui faisait sa force et son influence en tant qu’entité.

Il faut dire que pour poser l’équation qui a fait prévaloir la force et l’arrogance d’Israël durant ces soixante dernières années, parler de sa puissance militaire et de la solidité de son front intérieur n’est pas suffisant , il y a dans la configuration stratégique en place un donnée essentielle : c’est la faiblesse chronique des Arabes, faiblesse qui s’est traduite et cristallisée dans les accords de Camp David avec l’Egypte et ceux d’Oslo avec l’OLP, ces derniers étant le rejeton des premiers, conclus à une époque où selon les termes de Shimon Pérès tentant de les justifier aux yeux de l’opinion israélienne, l’OLP était au «  summum de sa faiblesse ».

Aujourd’hui, à la suite du véto étasunien apposé au projet de résolution de l’Autorité Palestinienne déposé au Conseil de Sécurité et condamnant la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem, nous ne pouvons que constater l’érosion de la capacité de pression des Américains sur les Palestiniens, érosion qui n’a pas d’autre cause que la perte de l’allié principal des USA et d’Israël dans la région : Hosni Moubarak.

Ce dernier eût-il été toujours en place, constatent amèrement les Américains au plus haut niveau, il eût étouffé l’idée même de ce projet. Les exemples de la soumission des régimes arabes dictatoriaux aux desseins stratégiques des Usa et d’Israël sont innombrables. Parmi ces exemples, les révélations de Wikileaks et, plus récemment, ce que la révolution égyptienne a révélé en levant le voile sur les liens multiples, économiques, énergétiques, militaires et stratégique du régime de Moubarak avec Israël, liens qui s’insèrent dans la stratégie américaine dans la région.

Une des grandes vérités touchant au combat contre le projet sioniste , projet colonialiste, raciste et belliqueux , est qu’il ne suffit pas que la cause du camp palestinien et arabe soit juste pour qu’elle triomphe, car une cause aussi juste soit-elle a besoin d’un état des forces en présence qui la protège et lui offre les conditions de sa réalisation.

La chute de régimes arabes importants aux niveaux régional et mondial inaugure, en rupture nette avec le passé, une ère de changements de grande ampleur car ces régimes et en particulier le régime égyptien, étaient des pièces essentielles dans le dispositif belliqueux et agressif de l’axe américano-israélien. Que ce dispositif se fissure maintenant montre qu’aucun régime fondé sur la falsification historique, la conquête militaire, la colonisation et la purification ethnique et raciale n’est capable d’affronter les peuples.

Un fait marquant dans les positions israéliennes aujourd’hui est qu’elles sont comme frappée d’abattement et d’absence totale de vision devant les tempêtes soulevées par les peuples arabes. Dans ce contexte, Il n’est pas étonnant d’entendre Netanyhahou lui-même exprimer ouvertement son inquiétude de constater qu’Israël non seulement perd des positions et de l’influence dans le monde mais reste exposé au danger de perdre jusqu’à sa légitimité internationale. Cet état de fait n’est pas le fruit du hasard mais le résultat de l’action menée par nous, les Palestiniens, les peuples arabes et toutes les personnes éprises de liberté dans le monde.

Avec l’effondrement des régimes de Ben Ali et de Moubarak et les secousses subies par la plupart des régimes arabes s’effrite tout un discours trompeur qui désigne les mouvements de résistance, ces forces qui refusent l’hégémonie américano-israélienne dans la région, comme l’ennemi principal des peuples arabes. A la place de ce discours périmé, une vision juste des choses est en train de gagner en force, qui refuse que le fond du conflit à l’échelle de la région soit posé en termes ethniques, religieux ou sectaires et que l’Iran, entre autres tentatives de diversion, soit désigné comme la grande menace. Elle s’oppose à l’invasion américaine de l’Irak et aux projets de mainmise sur la région.

Elle remet les choses à leur place, à savoir que le fond du conflit est constitué par la conquête sioniste de la Palestine, par les projets hégémoniques de l’axe américano-israélien sur la région et par l’asservissement de régimes négateurs de la volonté des peuples aux desseins de cet axe. Cette vision qui éclaire les vrais enjeux est portée par l’irruption des peuples arabes sur la scène politique mais ces peuples ne sont pas masses compactes mesurables seulement en quantité. Ce sont des sociétés qui s’affirment dans toute la diversité de leurs composantes sociales et intellectuelles, qui joignent côte à côte dans le combat pour la démocratie et le pluralisme, femmes et hommes, laïques comme religieux, libéraux comme forces de gauche et nationalistes arabes. Ces masses sont les peuples arabes qui ont décidé de prendre leur destin en main afin de le conduire vers un avenir de liberté, d’état de droit et de dignité du citoyen.

En tant que Palestiniens et pour ce qui a trait à notre lutte, nous observons que les grands équilibres dans la région ont changé et qu’ils sont appelés à changer encore plus profondément. Il va sans dire que nos droit fondamentaux en tant que Palestiniens restent les mêmes et que l’essence de notre combat reste la même, mais il est clair que nous nous dirigeons vers une situation dans la région où les antagonismes sont posés en termes nouveaux. Nous n’avons plus affaire à une confrontation entre armées mais à un combat opposant la volonté des peuples- ainsi que des pouvoirs nouveaux issus de cette volonté et investis de responsabilités nouvelles- à un régime militariste et belliqueux d’essence colonialiste et raciste.

Nous, Palestiniens, sommes un peuple engagé dans un combat incessant depuis la mise en place du projet sioniste dans la région en 1948. Nous avons connu des moments de flux et de reflux, mais nous n’avons jamais perdu de vue le but ultime de notre lutte, celui de notre libération, celui de la restauration du droit à notre terre, la terre de Palestine. Face à des ennemis implacables, aucun répit, aucun relâchement ne nous ont été permis et, conformément au droit et au devoir que nous dicte notre situation de peuple opprimé, nous avons usé de toutes les formes de lutte afin de restaurer l’ensemble de nos droits au premier plan desquels il y a le retour des réfugiés, la fin de l’occupation, la libération des prisonniers et le droit à l’autodétermination.

C’est cette lutte que nous, masses palestiniennes de l’intérieur, menons en célébrant, chaque année le 30 mars et cela depuis 1976, la Journée de la Terre. Cette célébration qui gagne en ampleur chaque année, secouant toujours plus fort les chaînes de l’oppression, est un des hauts lieux de notre lutte et rappel que nulle force, nul régime ne sont capables d’affronter un peuple déterminé à recouvrer ses droits inaliénables.

Les révolutions arabes sont pour nous, peuple palestinien, source de plus de force, d’unité et de capacité à agir sur les évènements. Elles démontrent de façon plus nette que jamais qu’aucun équilibre fondé sur l’injustice ne peut prétendre à la pérennité.


http://www.info-palestine.net/article.php3?id_article=10812

Bassim Tamimi : « Vos lois militaires ne sont pas légitimes. Notre protestation est juste »

dimanche 26 juin 2011

Bassim Tamimi, l’un des leaders des manifestations hebdomadaires en Cisjordanie (An Nabi Saleh)

Bassim, qui est en détention préventive depuis plus de 2 mois, a plaidé non coupable pour les charges émises à son encontre et s’est défendu par un discours expliquant ses motivations pour organiser une résistance civile à l’occupation.

Après plus de 2 mois de détention préventive, le procès de Bassim Tamimi, l’un des organisateurs des manifestations hebdomadaires à An Nabi Saleh, s’est finalement tenu hier (le 05.06). Bassim a plaidé non coupable face aux charges qui sont retenues contre lui.

Dans un discours prononcé dans une salle d’audience bondée, Bassim a fièrement avoué l’organisation de la protestation dans le village : « J’organise ces manifestations populaires pour défendre nos terres et notre peuple. » Il a aussi défié la légitimité de ses juges et de leur système : « Malgré le fait de se dire la seule démocratie au Moyen Orient, vous me faites un procès qui relève de la loi martiale [...] loi qui relève d’une autorité pour laquelle je ne vote pas et qui ne me représente pas. » (voir le discours ci-dessous)

Bassim a été interrompu par la juge qui l’a avertit que ce n’était pas un procès politique et que de telles déclarations n’avaient lieu d’être dans une salle de tribunal.

Après avoir fini de lire sa déclaration (écourtée), la juge a annoncé que le protocole d’écoutes a malencontreusement été effacé. Il a également refusé de donner l’ensemble de la déclaration écrite au sténographe.

Les accusations contre Bassim sont basées sur les déclarations (discutables et obtenues sous la contrainte) d’un jeune du village. Il est accusé d’ « incitation, organisation et participation à des manifestations non-autorisées », « sollicitation à la projection de pierres », « manquement à des convocations légales » et « dérangement de procédures légales » pour avoir donner des conseils aux jeunes du village en cas d’arrestation.

La retranscription des interrogatoires de Bassim montre les motivations politiques et la non prise en compte des droits du suspect. Pendant un interrogatoire, Bassim a été accusé de «  consulter des avocat(e)s et étranger(e)s pour préparer son interrogatoire », ce qui en soi n’est pas condamnable par la [leur] loi.


Déclaration complète de Bassim

Madame la juge,

Je tiens ce discours en ayant foi dans la paix, la justice, la liberté, le droit de vivre dignement et le respect de la libre pensée en l’absence de lois justes.

Chaque fois que je suis appelé à comparaitre devant votre cour, je suis nerveux et effrayé. Il y a 18 ans, ma sœur a été assassinée dans une salle d’audience comme celle-ci, par une membre du personnel. Dans ma vie, j’ai été emprisonné 9 fois (environs 3 ans en tout), sans jamais avoir été accusé ou reconnu coupable de quoi que ce soit. Durant l’un de ces emprisonnement, j’ai été paralysé à la suite d’actes de torture par vos interrogateurs. Ma femme a été détenue, mes enfants blessés, mes terres volées par les colons et ma maison est menacée de démolition.

Je suis né en même temps que l’occupation et ai vécu l’inhumanité, les inégalités, le racisme et le manque de liberté qui l’accompagne. Cependant, malgré tout cela, ma foi dans les valeurs humaines et le besoin de paix sur cette terre n’a jamais été ébranlée. La souffrance et l’oppression n’ont pas rempli mon cœur de haine pour qui que ce soit, ni enflammé des sentiments de revanche. Au contraire, elles renforcent ma foi dans la paix et la détermination nationale comme une réponse adéquate à l’inhumanité de l’occupation.

Les lois internationales garantissent le droit des peuples occupés à résister contre l’occupation. Au regard de ce droit, j’ai organisé et appelé à des manifestations populaires et pacifistes contre l’occupation, les attaques de colons et le vol de plus de la moitié des terres de mon village An Nabi Saleh, où mes ancêtres reposent depuis des temps immémoriales.

J’ai organisé ces manifestations dans le but de défendre nos terres et notre peuple. Je ne sais pas si j’ai violé vos lois de l’occupation. Aussi concerné que je le suis, ces lois ne s’appliquent pas à moi et sont dénuées de sens pour moi. Relavant des autorités de l’occupation, je les rejette et ne peut reconnaitre leur validité.

Malgré le fait de se dire la seule démocratie au Moyen Orient, vous me faites un procès qui relève de la loi martiale qui manque de toute légitimité ; cette loi relève d’une autorité pour laquelle je ne vote pas et qui ne me représente pas. Je suis accusé d’organiser des manifestations civiles et pacifiques qui n’ont pas un aspect militaire et sont légales au regard des lois internationales.

Nous avons le droit d’exprimer notre rejet de l’occupation sous toute ses formes ; le droit de défendre notre liberté et notre dignité en tant que peuple et de rechercher la paix et la justice dans notre pays afin de protéger nos enfants et d’assurer leur avenir.

La nature civile de nos actions est la lumière qui contre les ténèbres de l’occupation, apporte l’aube de la liberté qui réchauffe la froideur des poignets enchainées, balaye le désespoir de l’âme et met fin à des décennies d’oppression.

Ces actions mettent en avant la vraie face de l’occupation, les soldats qui pointent leurs armes sur une femmes marchant dans ses champs ou allant au checkpoint, sur un enfant qui veut boire l’eau douce de la source de ces ancêtres, contre un vieil homme qui veut s’assoir à l’ombre des oliviers, qui lui viennent de sa mère, et ont maintenant été brulés par les colons.

Nous avons épuisé toutes les actions possibles pour stopper les attaques de colons qui refusent de tenir compte de vos décisions de justice, décisions qui confirment que nous sommes les propriétaires de cette terre et ordonnent l’enlèvement de la barrière mise en place.

Chaque fois que nous tentons d’approcher nos terres, en accord avec ces décisions, nous sommes attaqués par les colons, qui nous en empêchent comme s’il s’agissait de leurs terres.

Nous manifestations sont une protestation contre l’injustice. Nous marchons main dans la main avec des Israéliens et des activistes internationaux/ales qui croient, comme nous, qu’il n’y a pas d’occupation qui tienne, que nous pourrions vivre en paix sur cette terre. Je ne sais pas quelles lois maintenues par des généraux, inhibés par la peur et l’insécurité, ou quelles sont leurs pensées sur la résistance civile lorsque ils font face à des femmes, des enfants et des personnes âgées qui portent l’espoir et des rameaux d’olivier mais je sais ce que sont la justice et la raison. Le vol de terre et l’incendie volontaire d’oliviers sont injustes. La violente répression de nos manifestations et notre détention dans vos camps ne sont pas une évidence de l’illégalité de nos actions. C’est injuste d’être jugé par une loi qui nous est imposée. Je sais que j’ai des droits et que mes actions sont justes.

Je sais que le procureur militaire m’accuse d’inciter les manifestants à jeter des pierres sur les soldats. Ce n’est pas vrai. Ce qui incite les manifestants à jeter des pierres c’est le bruit des balles, ce sont les bulldozers de l’occupation quand ils détruisent nos terres, c’est l’odeur des gaz lacrymogènes et de la fumée de nos maisons qui brûlent. Je n’incite personne à jeter des pierres mais je ne suis pas responsable de la sécurité de vos soldats quand ils envahissent notre village et attaquent ses habitants avec leur armes mortelles et leurs équipements de terreur.

Ces manifestations que j’organise ont eu une influence positive sur mes convictions ; elles me permettent de voir des gens de l’autre côté qui croient en la paix et partagent ma lutte pour la liberté. Ces combattant(e)s de la liberté ont supprimé l’occupation de leur conscience et mettent leurs mains dans les notre lors des manifestations pacifiques contre notre ennemi commun, l’occupation. Ils (elles) sont devenu(e)s des ami(e)s, sœurs et frères. Nous nous battons ensemble pour un meilleur futur pour nos enfants et les leurs.

Si je suis relâché par la juge, vais-je être convaincu que la justice prévaut toujours dans ses tribunaux ? Sans parler de la justice ou de l’injustice sur laquelle débouchera ce procès, et malgré tout votre racisme, vos pratiques inhumaines et votre occupation, nous allons continuer à croire dans la paix, la justice et les valeurs humaines. Nous élevons toujours nos enfants pour l’amour : l’amour de la terre et des personnes, sont distinction de race, religion ou ethnie, comme le formulait le messager de la paix J. Christ, "aime ton ennemi(e)". Avec amour et justice, nous construisons la paix et l’avenir.

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A propos de Bassim Tamimi

Bassim est un activiste palestinien de longue date, venant du village d’An Nabi Saleh, 20 km au nord de Ramallah. Il est marié à Nariman Tamimi avec qui il est parent de 4 enfants : Wa’ed, Ahed, Mohammed et Salam.

En tant qu’activiste, il a été arrêté 11 fois par l’armée israélienne, et a ainsi passé environ 3 ans dans les prisons israéliennes en détention administrative, bien qu’il n’ait jamais été condamné à aucun délit. De plus, ni lui ni son avocat n’ont pas eu accès à la "preuve secrète" retenue contre lui.

En 1993, Bassim était arrêté pour suspicion de meurtre sur un colon de Beit El (colonie à 5 km au nord de Ramallah). Pendant ses semaines d’interrogations, il a été torturé par l’israélien Shin Bet dans le but d’obtenir des aveux de sa part. Pendant l’interrogatoire, à cause de la torture, Bassim s’est effondré et a du être transporté à l’hôpital ou il a fait une semaine de coma.

En tant qu’un des organisateurs des manifestations à An Nabi Saleh et que coordinateur du village avec le comité populaire, Bassim a été traité sévèrement par l’armée. Depuis que les manifestations ont débuté dans le village (décembre 2009), sa maison a été attaquée et fouillée plusieurs fois, sa femme a été arrêtée deux fois, et deux de ses fils ont été blessés : Wa’ed (14 ans) a été hospitalisé 5 jours après qu’une balle en caoutchouc l’ait atteint à la jambe, et Mohammed (8 ans) a été blessé à l’épaule par un gaz lacrymogène, qui a été tiré directement sur lui.

Rapidement après que les manifestations débutent dans le village, l’administration civile israélienne a délivré des ordres de démolitions pour les bâtiments construits en zone C. La maison de Bassim et Nariman en fait partie, alors qu’elle a pourtant été construite en 1965.

Antécédents législatifs

Le 24 mars 2011, un contingent massif de soldatEs a attaqué la maison de Bassim et Nariman vers midi, après le retour de Bassim qui venait préparer une rencontre avec un diplomate européen. Il a été arrêté et accusé.

Les preuves principales sur les accusations de Bassim proviennent de déclarations d’un jeune de 14 ans, Islam Dar Ayyoub (également d’An Nabi Saleh), qui fut arrêté manu militari dans la nuit du 23 janvier. Dans son interrogatoire le matin suivant son arrestation, Islam a prétendu que Bassim et Naji structuraient des groupes de jeunes en "brigade", chargée de différentes responsabilités durant les manifestations : projection de pierres, blocage des routes, etc.

Lors d’un "procès dans le procès" (durant le procès d’Islam justement), cherchant à démontrer que ses aveux ne sont pas recevables, il a été prouvé que son interrogatoire était totalement faussé et violé les droits reconnus par la loi israélienne sur la jeunesse au regard des points suivants :
- Malgré qu’il soit mineur, il a été interrogé le matin suivant son arrestation, sans avoir eu le droit de dormir.
- Il n’a pas eu droit aux conseils de son avocat, qui lui même n’a pas eu le droit de le voir.
- Il n’a pas eu le droit à la présence de l’un(e) de ses parent(e)s.
- Il n’a pas été informé du droit de gardé le silence et ses interrogateurs/trices lui ont dit qu’il "devait dire la vérité".
- Seulement l’un(e) de ses interrogateurs/trices était qualifié(e) pour interroger des jeunes.

Durant les 2 derniers mois, l’armée a arrêté 24 habitant(e)s d’An Nabi Saleh à l’occasion des manifestations. La moitié d’entre elles/eux sont des mineurs, le plus jeune d’entre eux à 11 ans.
Depuis le début des manifestations en décembre 2009, 71 habitant(e)s du village ont été arrêté(e)s, soit plus de 10% de la population du village qui compte 550 habitant(e)s.
Les arrestations de Bassim et Naji1 correspondent aux arrestations systématiques des leaders des manifestations, comme c’est la cas dans les village de Bi’lin et Ni’ilin.

Encore récemment, la court d’appel du tribunal militaire a aggravé la sentence d’Abdallah Abu Rahmah de Bi’lin, amenant sa peine à 16 mois de prison pour incitation et organisation de manifestations illégales. Il avait été libéré en mars dernier.

L’arrestation et le procès d’Abdallah ont été vivement condamnés par la communauté internationale, notamment Catherine Ashton, ministre britannique et européenne des Affaires Étrangères. De sévères critiques des arrestations ont également été émises par des organisations de droits de l’Homme en Israël et dans le monde, parmi lesquelles B’tselem, ACRI, Human Right Watch (qui a déclaré le procès d’Abdallah injuste) et Amnesty International (qui a déclaré Abdallah prisonnier de conscience).

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