Une tribune pour les luttes

Journée internationale contre la torture

« Torture, cette horreur quotidienne. Mais l’Italie ne reconnaît pas encore ce crime »,

par Paolo Persichetti, prisonnier politique italien extradé.

Article mis en ligne le samedi 25 juin 2011

Paolo Persichetti, né à Rome en 1962, longtemps réfugié en France où il enseignait au département de Sciences politiques de l’Université Paris 8 Saint-Denis a été extradé vers l’Italie le 25 août 2002, en vertu d’un accord passé entre le Garde des Sceaux Dominique Perben et son homologue italien, membre de la Ligue du Nord, Roberto Castelli. Cette extradition a sonné le glas de la politique d’accueil des anciens militants d’extrême gauche italiens poursuivis par la Justice de leur pays, politique mise en place par François Mitterrand.
Persichetti, ancien militant de l’Union des communistes combattants, a été condamné par un tribunal italien à dix-sept ans de prison pour « complicité » dans l’assassinat du général Lucio Giorgeri, accusation qu’il a toujours rejetée. Détenu dans une prison sécuritaire, Persichetti a rappelé, après son arrestation, qu’il avait totalement rompu avec la lutte armée.
Paolo Persichetti est détenu à la prison de Viterbo, près de Rome.
Il purge une peine de prison de 22 ans à la prison de Viterbo sans possibilité d’appel.
Dans le récit de son extradition, Exil et Châtiment, paru en 2005, il revient sur les "années de plomb" italiennes et conteste la remise en cause de la doctrine Mitterrand en France. Il plaide pour une amnistie pour ces prisonniers politiquesdes années 1970.

Liberazione, édition du 25 juin 2011.

« Torture, cette horreur quotidienne. Mais l’Italie ne reconnaît pas encore ce crime ».

Parler de torture n’est pas facile. L’horreur qu’elle suscite crée en général un opprobre unanime dont il faut cependant se méfier, car souvent il ne cache que de l’hypocrisie. Pensons au fait que la moitié de la population mondiale, c’est à dire 3,5 milliards de personnes, vivent dans des pays qui pratiquent la torture. Le paradoxe ne s’arrête pas là. Dans sa charte des droits fondamentaux, l’Europe affirme que «  personne ne peut être soumis à la torture ni des peines ou de traitements inhumains ou dégradants ». Pour cela elle accueille et fournit sa protection à des personnes qui ont fui les violences ou les tortures. Pourtant le vieux continent a été le laboratoire de la torture contemporaine, celle appliquée et répandue après la seconde mondiale.

L’histoire est assez connue, elle est née en France, ou plutôt en Indochine, où les troupes coloniales françaises appliquèrent ces techniques contre la guérilla communiste. La torture était un corollaire de ce que les états major français définissaient comme la “doctrine de la guerre révolutionnaire”. La définition est ensuite corrigée par les Etats Unis.

La counterinsurgency américaine n’est rien d’autre que la réélaboration des thèses perfectionnées par les généraux français en Algérie. A la base de tout il y a un manuel écrit par le général Paul Aussaresses, le boucher d’Alger.

Son texte suit un parcours bien précis, traverse l’Océan et finit à Fort Bragg, dans la scélérate Ecole des Amériques qui forme les officiers des corps antiguérilla USA et tant d’autres officiers et de nombreux cadres des dictatures sud-américaines

L’abécédaire du bon tortionnaire, traduit et déversé dans les manuels de l’armée étasunienne, revient en Europe à travers l’OTAN et forme toutes les polices d’Occident. Des Méthodes comme la simulation de noyade (connue à Guantanamo comme waterboarding) ou l’usage des électrodes sur les organes génitaux serons employés de façon diffuse en Italie également par les Ucigos[1]et Nocs[2] durant les années 1982-83 contre les militants de la lutte armée.

On ne doit pas s’étonner si encore aujourd’hui l’Italie ne reconnaît pas le crime de torture dans son code pénal et si ces pratiques ont refait surface pour gouverner l’ordre public dans la caserne de Bolzaneto[3] en 2001.

Demain sera célébrée la journée internationale contre la torture. Plusieurs initiatives sont promues pour sensibiliser l’opinion autour de cette question : de la dénonciation de la perpétuité réelle, qui condamne à la peine capitale et à la mort une grande partie des 1500 prisonniers actuels condamnés à perpétuité en Italie, à l’occupation des rues, organisée par le Cir[4] dans plusieurs places de Rome, avec des statues humaines représentant les victimes d’Abu Ghraib.

Lundi, sera sur scène, au théâtre Ambra Jovinelli, un groupe de 12 réfugiés, rescapés à des torture très dures. Il s’agit d’un « laboratoire de réhabilitation », nous explique Massimo Germani, psychiatre et psychanalyste, directeur du Centre pour les pathologies post-traumatiques auprès de l’hôpital San Giovanni de Rome. Coordonnateur national du Nirast, un réseau né en 2007 qui rassemble 10 centres hospitaliers universitaires répandus dans tous les territoire et spécialisés pour les demandeurs d’asile victimes de tortures et de traumatismes extrêmes, auxquels on prodigue des soins spécialisés organiques et de psychothérapie.

Il s’agit de centres d’avant-garde qui interviennent sur les conséquences des traumatismes de nature interpersonnelle. Quand les abus et les violences se déroulent dans des lieux fermés comme la prison et la famille ou dans d’autres conditions coercitives et ont une nature répétée, ils provoquent des traumatismes extrêmes. « Pas uniquement dans l’immédiat », dans la chair, souligne le docteur Germani, mais « par la gravité durable dans le temps des conséquences psychiques. Alors surviennent des profondes dysfonctions dans ce que nous appelons la psyché de base : comme la mémoire, l’identité personnelle ».

Le vécu post-traumatique donne lieu à des « épisodes dissociatifs de la personnalité, comme le fait de passer devant la glace sans se reconnaître, ou bien des dépaysements, dépersonnalisations et déréalisations ». La personne - ajoute Germani – devient une sorte de fantôme, « une partie de son être est dissociée de l’autre. Il existe une dimension qui vit un quotidien apparemment normal, tandis que l’autre reste englobée dans l’expérience traumatique ». La torture brise les fondements de la personne, c’est une humiliation extrême, elle brise le moi, détruit la confiance en soi et dans l’autre. Pour cela « les parcours de réhabilitation psychosociale visent la réactivation du groupe pour retrouver la confiance dans les autres et en soi même. Plus que la parole, qui peut réactiver le traumatisme, c’est la relation qui est utile ».

Dans un rapport qui vient de paraître on apprend que plus de 3000 demandeurs d’asile ont subi des formes de torture graves ou des abus. 25% d’entre eux ce sont des femmes et 75% des hommes, en majorité provenant d’Erythrée, Afghans, Kurdes sous le régime Turc, de CentrAfrique, du Congo, de la Côte d’Ivoire. Nombreux sont ceux qui arrivent de Libye et qui traversant le désert, durant le voyage ils sont soumis à d’autres abus ou à des tortures. Surtout les femmes, retenues et soumises à des chantages sexuels ou à des viols systématiques. Cela ne s’arrête pas là car arrive ensuite la traversée de la Méditerranée, avec d’autres tragédies et des naufrages. De véritables voyages du massacre et de la mort. Qui arrive à s’en échapper porte avec soi la mémoire de ceux qui se sont noyés, de l’enfant tombé à la mer.

[1] « Ufficio centrale per le investigazioni generali e per le operazioni speciali » Une organisation de la
police opérant pendant « les années de plomb ».

[2] « Nucleo operativo centrale di sicurezza », né en 1974.

[3] Caserne des carabiniers tristement connue pour la répression des militants altermondialistes lors du G8 de Gênes en 2001.
Lors du procès des responsables de la force publique ont été condamnés ainsi que des médecins ayant participé
« mauvais traitements » aux prisonniers. Le crime de torture n’étant pas reconnu par le code pénal.
Lire à ce propos Massimo Calandri, « Bolzaneto. La mattanza della democrazia »

[4] Consiglio Italiano per i Rifugiati.

"SourceTERRA" : http://www.liberazione.it/news-file...

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Tortura, quell’orrore quotidiano. Ma l’Italia ancora non riconosce il reato

Paolo Persichetti

Parlare di tortura non è facile. L’orrore che suscita crea in genere uno sdegno unanime di cui però è meglio diffidare poichè spesso cela solo ipocrisia. Pensiamo al fatto che metà della popolazione mondiale, cioè circa tre miliardi e mezzo di persone, vive in Paesi che praticano la tortura. I paradossi non finiscono qui : nelle sua carta dei diritti fondamentali l’Europa afferma che « nessuno può essere sottoposto a tortura, né a pene o trattamenti inumani o degradanti ». Per questo accoglie e fornisce riparo a persone fuggite da violenze e torture. Eppure il vecchio continente è stato al tempo stesso il laboratorio della tortura contemporanea, quella applicata e diffusa dopo la seconda guerra mondiale. La storia è abbastanza nota e nasce in Francia, anzi in Indocina, dove le truppe coloniali francesi applicarono queste tecniche contro i guerriglieri comunisti. La tortura era un corollario di quella che gli stati maggiori francesi definivano « dottrina della guerra rivoluzionaria ». La definizione verrà poi corretta dagli statunitensi. La counterinsurgency americana altro non è infatti che la rielaborazione delle tesi che i generali francesi avevano ulteriormente perfezionato in Algeria. Alla base di tutto c’è un manuale scritto dal generale Paul Aussaresses, il macellaio di Algeri. Il suo testo segue un percorso ben preciso, traversa l’Oceano e finisce a Fort Bragg, nella famigerata scuola delle Americhe che forma gli ufficiali dei corpi antiguerriglia Usa e tanti quadri delle dittature sudamericane. L’abecedario del bravo torturatore, tradotto e riversato nei manuali dell’esercito statunitense, ritorna in Europa attraverso la Nato e forma tutte le polizie d’Occidente. Metodi come l’annegamento simulato (conosciuto a Guantanamo come waterboarding) o l’uso degli elettrodi sui genitali verranno diffusamente impiegati in Italia anche da Ucigos e Nocs nel biennio 1982-83 contro i militanti della lotta armata. Non deve stupire dunque se l’Italia ancora oggi non riconosce il reato di tortura nel proprio codice penale e se queste pratiche sono riemerse per governare l’ordine pubblico nella caserma di Bolzaneto nel 2001. Domani verrà celebrata la giornata internazionale contro la tortura. Diverse iniziative sono state promosse per sensibilizzare l’opinione pubblica attorno alla questione : dalla denuncia dell’ergastolo ostativo che condanna alla pena capitale fino alla morte la gran parte degli attuali 1500 ergastolani italiani, all’occupazione organizzata dal Cir di alcune piazze di Roma con statue umane raffiguranti le vittime di Abu Ghraib. Lunedì invece andranno in scena al teatro Ambra Jovineli un gruppo di 12 rifugiati reduci da torture pesanti. Si tratta di un « laboratorio riabilitativo », ci spiega Massimo Germani, psichiatra e psicanalista, direttore del cento per le patologie post-traumatiche da stress presso l’ospedale san Giovanni di Roma. Coordinatore nazionale del Nirast, una rete nata nel 2007 e che raccoglie 10 centri ospedalieri universitari diffusi nel territorio e specializzati per i richiedenti asilo che hanno ricevuto torture e traumi estremi a cui vengono fornite cure specialistiche organiche e psicoterapeutiche. Si tratta di centri all’avanguardia che intervengono sulle conseguenze dei traumi di natura interpersonale. Quando abusi e violenze avvengono in luoghi chiusi, come carcere e famiglia o altre condizioni costrittive, ed hanno natura continuativa e ripetuta, danno luogo a traumi estremi, « non solo nell’immediato », nella carne, sottolinea il dottor Germani, ma « per la gravità durature nel tempo delle conseguenze a livello della psiche. Subentra una profonda disfunzione di quella che chiamiamo la psiche di base : come la memoria, l’identità personale ». Il vissuto postraumatico dà luogo a « episodi dissociativi della personalità, come passare davanti allo specchio e non riconoscersi, oppure a spaesamenti, depersonalizzazione e derealizzazione ». La persona - prosegue sempre Germani - è una specie di fantasma, « una parte del suo essere è dissociato dall’altro. C’è una dimensione che vive un quotidiano apparentemente normale, mentre l’altra resta inglobata nell’esperienza traumatica ». La tortura incrina le fondamenta della persona, è una umiliazione estrema, sgretola l’io, fa venir meno la fiducia in sé e nell’altro. Per questo « i percorsi di riabilitazione psicosociale puntano alla riattivazione del gruppo per ritrovare la fiducia negli altri e in se stessi. Più della parola, che può riattivare il trauma, è utile la relazione ». In un report appena uscito si apprende che oltre 3000 richiedenti asilo hanno subito forme di tortura grave o abusi, il 25% donne e il 75 uomini, in prevalenza Eritrei, Afgani, Kurdi sotto regime Turco, e poi Centroafricani, del Congo, della Costa d’Avorio. Parecchi quelli che arrivano dalla Libia e che passando attraverso il deserto vanno incontro durante il viaggio ad altri abusi e torture, specie le donne, trattenute e sottoposte a pedaggi sessuali, stupri sistematici. Non finisce qui, perché poi c’è la traversata del Mediterraneo, con altre tragedie, naufragi. Veri e propri viaggi del massacro e della morte. Chi riesce a scamparla porta con sé la memoria di chi è annegato, del bimbo finito in mare.

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Vos commentaires

  • Le 26 juin 2011 à 13:32, par Christiane En réponse à : ACAT Un monde tortionnaire : rapport 2010

    En 2010, la torture est encore pratiquée dans plus d’un pays sur deux.
    Connaître la réalité de la torture, ses causes et ses conséquences, ses invariants les plus significatifs, telle est l’ambition de cet ouvrage.

    Sur près de 400 pages, le tableau d’un monde tortionnaire en alliant les descriptions des pratiques dans 22 pays (répartis sur les cinq continents), en approfondissant des sujets d’actualité et en s’interrogeant sur certaines des multiples dimensions de ce phénomène comme sur les facteurs qui l’encouragent.

    http://www.acatfrance.fr/rapports.php

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