Une tribune pour les luttes

La scolarisation des tsiganes (gens du voyage) dans la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur

+ Brèves de mai juin

Article mis en ligne le dimanche 26 juin 2011

Cette note tente de faire la synthèse des observations et actions engagées par notre association depuis son origine afin de permettre à tous les enfants de tsiganes l’accès à la scolarisation et aux savoirs comme c’est leur droit. La situation concernant la scolarisation des Roms migrants fait l’objet d’une note annexe.


Un diagnostic inquiétant

Contrairement aux idées reçues et à des comportements traditionnels, aujourd’hui largement abandonnés, les tsiganes ont parfaitement intégré l’importance d’une scolarisation pour leurs enfants. Il ne s’agit pas seulement pour eux de se conformer à la législation et bénéficier ainsi des prestations sociales. Parmi les adultes, un pourcentage significatif ne maîtrise pas correctement la lecture et l’écriture et, constatant ce handicap dans la vie quotidienne, ils comprennent la nécessité de l’accès à l’école pour les plus jeunes. Il faut cependant noter que cette volonté de scolarisation concerne en priorité les savoirs de base : lire, écrire et compter. L’accès au second degré est plus exceptionnel et se réduit trop souvent à l’inscription aux cours par correspondance (CNED). Cette attitude des familles face à l’accès à l’école et aux savoirs se heurte cependant à de nombreux obstacles que nous constatons quotidiennement dans la région.

Les voyageurs

Dans la région, l’insuffisance manifeste de terrain d’accueil conformément à la réglementation les conduit à s’installer au hasard des opportunités foncières et de l’attitude des maires. L’inscription des enfants à l’école se heurte à divers obstacles qui découragent les parents. Nous sommes alors fréquemment amenés à intervenir auprès des élus afin de les appeler au respect de la loi. Lorsque ces familles trouvent de la place dans les trop rares terrains aménagés, la scolarisation des enfants est certes facilitée mais là encore la distance par rapport aux établissements scolaires, leur disponibilité et surtout la durée du séjour limitée à deux ou trois mois au maximum sont des obstacles importants à une scolarisation régulière. Ces difficultés sont accrues lorsqu’il s’agit de grands groupes (150 à 200 caravanes) organisés le plus souvent sur des bases religieuses et qui ne séjournent que quelques semaines sur un même lieu. A noter que, lors des procédures d’expulsion engagées par les communes, si les familles sont prévenues à temps et que nous pouvons les conseiller, elles présentent au juge les certificats de scolarité de leurs enfants. C’est un argument fréquemment retenu par les tribunaux pour accorder des délais.

Les sédentaires

Leur situation par rapport à l’école dépend largement de leur forme d’habitat et de leur localisation dans la ville. Pour ceux qui s’inscrivent dans l’habitat social classique en zone urbaine, la scolarisation est en général acquise mais se heurte aux mêmes difficultés que celles de leurs voisins de quartier. L’absentéisme et la difficulté d’accès au second degré sont sans doute plus fréquents chez ces familles. Par ailleurs le regroupement de familles tsiganes dans des quartiers souvent très dégradés conduit à la concentration d‘élèves de même origine dans certains établissements. Cette situation nous semble particulièrement préoccupante dans les grandes agglomérations comme Marseille, Aix, Toulon ou Avignon. Le principe du droit commun appliqué à cette population, s’il paraît juridiquement incontournable, ne suffit pas à répondre à une forme indirecte de discrimination qui ne prend pas en compte les particularités d’une culture et d’un mode de vie qui se perpétue cahin-caha. Une des conséquences préoccupantes d’une scolarisation tronquée et incomplète concerne directement l’accès au travail des adultes. Les réglementations de plus en plus contraignantes dans la pratique des métiers traditionnels les conduit à une marginalisation économique souvent contrainte.

L’action de Rencontres Tsiganes

Nous avons la conviction que l’obstacle majeur à une cohabitation harmonieuse entre le peuple tsigane et la société locale réside dans l’insuffisance d’accès aux savoirs de la part des membres de cette communauté. Il ne s’agit pas de mettre en cause leurs propres méthodes d’éducation et de transmission du savoir qui fondent leur culture mais de leurs donner les moyens de suivre un cursus scolaire qui leur ouvre l’accès à la connaissance et aux compétences de la société dans laquelle ils vivent.

Dans nos contacts avec ces familles, nous exprimons à chaque occasion l’importance du respect de l’obligation scolaire. C’est aussi l’attitude que nous adoptons auprès des diverses institutions et en particulier auprès des élus. Cet enjeu n’est malheureusement pas reconnu comme majeur par la plupart des décideurs qui nous renvoient trop souvent à l’application du «  droit commun  ». C’est dans ce but que sans succès nous avons à plusieurs reprises, souhaité qu’un représentant de l’Education Nationale puisse prendre part aux commissions départementales des gens du voyage et que des groupes de travail sur ce thème soient mis en place.

A diverses occasions, nous sommes intervenus auprès des responsables de l’Education Nationale afin d’attirer leur attention sur les difficultés constatées localement. A ce jour, ces démarches ont le plus souvent abouti positivement malgré les contraintes locales. Ainsi, dans les départements des Bouches-du-Rhône et du Vaucluse, le dialogue régulier engagé avec les responsables du CASNAV a permis de faire face à de nombreuses difficultés et nous a conforté dans notre démarche. Notons également qu’à l’occasion nous prenons part à des formations d’étudiants en les sensibilisant à la diversité et la complexité de la culture tsigane.

Perspectives et propositions

Plusieurs initiatives nous paraissent souhaitables afin de poursuivre et renforcer la politique d’accès à la scolarité.

1° Affirmer le rôle et la présence de l’institution Education Nationale dans les diverses instances publiques qui sont en charge des gens du voyage (Commissions départementales, conseils généraux, conseil régional etc..) On suggère la mise en place d’un groupe de travail ad hoc en charge de recueillir et gérer toutes les difficultés rencontrées par les familles.

2° Sensibiliser et mettre à jour la fonction des CASNAV dans le VAR et les Alpes- Maritimes.

3° Faire connaître et multiplier des formations de sensibilisation à la culture tsigane auprès des enseignants et futurs enseignants en charge de ce public.

4° Dans les aires d’accueil existantes ou à venir proposer la mise en place d’un réseau WIFI permettant le suivi de la scolarisation des enfants (on notera que, de plus en plus, des voyageurs se dotent d’équipements informatiques nomades)

5° Mettre en place, comme cela se pratique dans d’autres régions, un réseau de camions-écoles non pour se substituer aux établissements existants mais pour un travail d’éveil, de soutien scolaire et d’alphabétisation des adultes. Le Conseil Régional pourrait être sollicité pour participer à ce programme.

6° Dans le cadre du projet Marseille 2013 Capitale Européenne de la culture, nous souhaitons qu’une proposition soit faite aux établissements d’enseignement qui accueillent des enfants d’origine tsiganes. Il s’agirait de construire un projet éducatif et culturel fondé sur l’histoire et le vécu de ces familles. Ces projets validés par l’équipe Marseille 2013 seraient alors inscrits dans la programmation officielle. Pour être opérationnelle cette proposition devrait être soumise aux enseignants dés la rentrée 2011 afin que les projets soient prêts en 2013. La Direction de Marseille 2013 est favorable à une telle initiative et soutient déjà un projet en ce sens à Arles avec le Musée ARLATEM et l’association « Petit à Petit  » .

Dans un contexte régional où l’hostilité sinon le rejet vis-à-vis des Tsiganes est une donnée hélas récurrente, notre association se félicite du soutien et de l’ouverture d’esprit qu’en général elle constate auprès du corps enseignant et souhaite poursuivre un dialogue le plus souvent fructueux.

Marseille le 16/06/2011


Brèves de mai juin

I Les contentieux

La Cadière-d’Azur : Steph et Marie :
Malgré une remarquable plaidoirie de notre avocate, le juge de Toulon n’a rien voulu entendre et condamné Steph et Marie à remettre en état leur terrain et l’évacuer avec un sursis de 10 mois et une amende de 1500. Ils ont avec notre appui décidé de faire appel. Nous avons engagé plusieurs démarches auprès de la préfecture du Var et du maire et nous nous sommes engagés à prendre en charge les frais de justice. Le moral de nos amis en a pris un coup. Ils ont besoin de notre soutien et notre solidarité.

Terrain Eynaud à Marseille
Après la décision de la Cour d’appel d’Aix déboutant ADOMA c’est un sursis pour les familles, mais leur situation demeure précaire. Sur notre insistance, Ils ont constitué une association de défens des locataires et une demande d’entretien avec Madame FRUCTUS adjointe au logement est en cours.


Ruisseau Mirabeau .

Malgré les promesses faites, aucune solution de relogement n’a été faite aux familles installées sur le terrain dit Casino qui a été vendu par la ville de Marseille à l’Assistance Publique. L’entreprise Vinci a engagé des travaux et entre en conflits avec les familles.
Les projets de travaux de voirie sur Mirabeau 2 sont encore repoussés et la concertation promise est toujours en panne. Le centre social des Musardises tente de renouer le contact avec les familles. Une journée de fête a été organisée le 11 juin sans grand succès.

II L’avancement des schémas départementaux d’accueil

Dans le Var, nous avons participé à des réunions de travail, une réunion de la commission départementale puis une rencontre avec le sous-préfet en charge du dossier. Chaque fois nous avons insisté sur l’importance de la sédentarisation et des terrains familiaux en faisant référence aux rapports et orientations nationales Rapport de l’Assemblé Nationale, rapport Hérisson etc.)

Dans le Vaucluse l’étude de la révision du schéma est enfin engagée et nous avons rencontré le responsable du bureau d’étude . Les divers conflits survenus depuis quelques semaines à Avignon nous ont conduit à demander une nouvelle rencontre avec le Vice Président du Conseil Général en charge de ce dossier.Sur le terrain le MRAP Vaucluse a suivi le regroupement de plusieurs familles du cirque. L’éducation nationale (Fabienne du CASNAV ) a organisé une remarquable opération scolarisation lors du passage d’un grand groupe.

Dans les Bouches-du-Rhône :
Aucune information ne filtre de la Préfecture. Le dossier serait à la signature du président du Conseil Général !!!!! aucune ouverture de nouvelle aires d’accueil en prévision dans les prochains mois.
Une première rencontre avec Gaëlle LENFANT vis du Conseil Régional nous a permis de proposer les éléments d’une politique régionale en faveur des Tsiganes (voir note jointe)

III L’habitat des sédentaires

Une rencontre a eu lieu avec la responsable de la FNASAT chargée de cette question au niveau national. Il a été convenu d’échanger régulièrement nos informations.

Marseille Provence Métropole a engagé une large concertation sur la question de l’habitat et du logement qui doit déboucher sur un colloque le 7 octobre prochain. Nous y serons présent et présenterons un rapport sur l’habitat de Tsiganes dans l’agglomération.

IV La scolarisation.

A la demande des familles installées sur le terrain de Saint Menet à Marseille et des animateurs du CCO nous sommes intervenus auprès de l’inspecteur d’Académie afin de mettre en cause la fermeture de l’école maternelle et faire part des conflits avec certaines écoles primaires du quartier. Notre démarche a heureusement été entendue et l’école sera maintenue.

Rendez vous avec le recteur d’Aix en Provence J.P De Gaudemar : Une rencontre très positive nous a permis de faire le point sur la scolarisation des tsiganes dans l’Académie et renforcer nos liens avec les services de l’éducation nationale et toit spécialement le CASNAV . Nous avons à nouveau insisté sur l’importance que nous accordons à ce dossier (Voir note jointe)

V Les Familles Roms à Marseille et dans la région.

Diverses initiatives du collectif ont conduit à sensibiliser des élus locaux et maires de secteurs à Marseille. Des animateurs de l’ADAP 13 dépendant du conseil général se sont impliqués sur le terrain et un rapport est en cours de mise au point. Le Secours catholique s’est investi dans plusieurs squats auxquels ils apportent un soutien matériel et moral. Une première opération propreté a été engagée et sera suivie d’autres. Un lieu d’hébergement d’urgence est en cours de mise en place. Après l’échec d’une rencontre avec le docteur Bourgat adjoint au maire, une campagne de lettre à GAUDIN et une pétition ont été lancées.

Malgré ces initiatives, les expulsions par les forces de l’ordre se poursuivent de manière tout aussi aveugle et absurde . de plus en plus de marseillais se disent choqués par une telle politique incompréhensible et inhumaine.

VI La culture et la mémoire

Malgré une assistance trop réduite, la soirée de présentation du livre de Raymond GURÊME : « Interdit aux nomades  » (édit Calmann Lévi) a été très appréciée des participants. Le témoignage simple et émouvant de Raymond et son engagement pour lutter contre l’oubli nous a tous impressionné. Il faut lire son livre et le faire lire autour de vous.
Lors de cette soirée Cyprien FONTVIELLE responsable du projet de mémorial des Milles nous a fait part de l’avancement du projet et de la perspective d’ouverture en mars 2012. Nous aurons à nous revoir pour définir notre rôle.

Durant l’été de nombreuses fêtes, spectacles ou concerts mettent en lumière la culture tsigane sous toutes ses formes . Alors profitez-en et bonnes vacances à tous.

Marseille le 25 juin 2011

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