Une tribune pour les luttes

CNDH (Commission Nationale Condultative des Droits de l’Homme)

Avis sur les mouvements migratoires liés aux « printemps arabes »

Article mis en ligne le dimanche 26 juin 2011

23 juin 2011

Madame, Monsieur,

Alors que les migrations sont à l’ordre du jour du Conseil de l’Union européenne qui se réunit actuellement à Bruxelles, la CNCDH rend public un avis sur les conséquences migratoires des Printemps arabes. Cet avis fait suite à un courrier qu’elle avait adressé aux différents ministres concernés. Cet avis a été adopté à l’unanimité.

Il est disponible à cette adresse : http://www.cncdh.fr/IMG/pdf/23.06.1...

Si vous souhaitez obtenir des éléments supplémentaires, vous pouvez me contacter.

Bonne soirée,

Nils MONSARRAT
Chargé de mission
Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH)
35, rue Saint-Dominique - 75007 Paris
Tél. : 01 42 75 76 93 (direct) / 77 09 (standard)
FAX : 01 42 75 77 14
www.cncdh.fr


(Adopté par l’Assemblée plénière du 23 juin 2011)

1. Plusieurs pays d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient connaissent actuellement des situations sans
précédent nées des soulèvements populaires contestant les régimes autoritaires en place depuis « des
décennies de déni des droits civils et politiques, économique, sociaux et culturels ainsi que du droit au
développement
 »[1]. La Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH), salue les
premières étapes de ces révoltes, rapidement surnommées printemps arabes tout en constatant
qu’aujourd’hui encore la répression s’abat sur des peuples exprimant des revendications légitimes. Dans
ce contexte, de manière libre ou contrainte, des nationaux ou résidents de ces pays ont été amenés à les
quitter.

2. Les déplacements de populations ont été très importants, la grande majorité des personnes qui sont
parvenues à quitter des territoires en guerre ont trouvé refuge dans des pays voisins. A ce jour, 910 000
personnes parties de Libye sur les 1 094 380 estimées ont été accueillies par la Tunisie, l’Egypte, le
Niger, le Tchad et l’Algérie [2]. Les récents événements en Syrie risquent de produire une situation
similaire. En Europe, on ne saurait cependant parler d’afflux massif de migrants : à ce jour, l’Europe a
accueilli environ 24 000 personnes en provenance de Tunisie et 16 000 en provenance de Libye, chiffres
dérisoires à l’échelle des 500 millions d’habitants de l’Union européenne.

3. Dans ce contexte, la CNCDH regrette « la rhétorique mise en place ces derniers mois, en particulier
en Italie et en France
[3] » tendant à dépeindre les migrants « comme un fardeau dont il conviendrait de se
décharger sur d’autres
 » Au contraire, il s’agit d’aider les Etats d’accueil de ces migrations, Egypte,
Tunisie, à partager la charge qui est pour eux démesurée. La CNCDH souligne par ailleurs que la réponse
politique apportée aujourd’hui par la France et l’Europe à ces migrations pose d’importantes questions en
terme de droits de l’homme et de droit des réfugiés.

4. Les migrants qui décident de quitter les pays du sud de la Méditerranée pour l’Europe le font souvent
dans l’urgence et l’improvisation et empruntent, malgré les risques encourus, des voies maritimes
dangereuses. Nombre d’entre eux ne parviennent pas à atteindre le continent européen, perdant la vie ou
disparaissant en mer : le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) estime que ce
nombre s’élève environ à 1500 personnes depuis le 25 mars 2011.

5. La CNCDH recommande que la France et les autres pays de l’Union européenne respectent les
obligations internationales clairement établies auxquelles les Etats membres ont souscrit [4], s’agissant
notamment du droit à la vie et, pour les demandeurs d’asile et les réfugiés, du principe de non-
refoulement. Les autorités de chacun des pays doivent ainsi rappeler impérativement et fermement à
l’ensemble des personnels navigants, notamment ceux des navires battant pavillon français ou d’un autre
pays européen ou des navires militaires circulant régulièrement dans ces eaux, ainsi qu’à l’Agence
européenne FRONTEX, que le droit à la vie doit en toute circonstance primer sur le contrôle des flux
migratoires et qu’une obligation de porter secours aux personnes en détresse en mer s’impose à eux.

6. Le nombre de situations de détresse qui a été constaté montre la nécessité absolue d’instituer
un dispositif de prévention et de protection des personnes rejoignant le continent européen par la
mer. En toute hypothèse, le départ des personnes en demande de protection doit être facilité, et
au besoin des couloirs humanitaires mis en place. La France devrait appuyer la création d’une
force européenne d’assistance, de secours et de protection. Elle doit par ailleurs prendre
l’initiative, à l’occasion de la révision en cours du Règlement relatif à l’agence Frontex d’une
réorientation de ce dispositif opérationnel.

7. Quelles que soient les réponses différentes à apporter selon les pays d’origine et les situations
juridiques diverses, la CNCDH rappelle que les personnes parvenues sur le continent européen doivent
en toute hypothèse bénéficier de la protection qu’implique, notamment dans un souci de cohérence de
l’action politique, la volonté exprimée par la France de soutenir les pays qui traversent une phase de
transition démocratique. La réaction doit être avant tout européenne dans la mesure où la question de
l’immigration, comme celle de l’asile, ne relèvent plus depuis le traité d’Amsterdam des seuls Etats. La
CNCDH recommande néanmoins au Gouvernement français de prendre l’initiative de proposer à ses
partenaires européens les mesures de protection qu’exige cette situation d’urgence spécifique et
temporaire, à commencer par la mise en œuvre des dispositifs déjà prévus par les textes (directive
protection temporaire, procédure de réinstallation dans le pays d’accueil). Au-delà de l’accueil de ces
personnes, elle doit également proposer à l’Union d’adopter une approche positive des migrations fondée
sur le respect des droits de l’homme, notamment sur la dignité humaine, et sur la coopération, sur un pied
d’égalité, avec les pays d’émigration ou de transit. De ce point de vue, le refus opposé par la France à
tout programme de réinstallation sur son territoire ou en Europe est inquiétant

8. S’agissant de l’asile, la CNCDH appelle les Etats européens à prendre leurs responsabilités en
mesurant les conséquences, dans une telle situation de crise, des politiques d’externalisation du
traitement de l’asile aux pays d’Afrique du nord. En l’état, les personnes bénéficiant du statut de réfugié,
quittant leur pays d’accueil en raison d’un contexte de conflit armé et ne pouvant retourner dans leur
pays d’origine, doivent trouver en France et en Europe le refuge qu’impose leur qualité de réfugié [5]. Sur
ce point, il importe que la France, en concertation avec le HCR, donne l’ampleur qu’il convient, eu égard
à la situation, aux programmes de réinstallation mis en œuvre par ce dernier6. 6 000 réfugiés attendent
d’être réinstallés aux frontières, le HCR dispose pour le moment de places pour environ 1000 personnes
de différents pays de réinstallation (Etats Unis, Canada, Norvège, Suède, Belgique, Portugal....), alors
que la France n’en a offert aucune.

9. En toute hypothèse, la CNCDH recommande qu’une attention particulière dans ce contexte de
crise soit portée tant au principe de l’examen individuel de la demande formulée par tout
migrant, et a fortiori par des demandeurs d’asile, qu’au respect de l’ensemble des autres
garanties juridiques de procédure et de fond, et notamment celles visant à leur garantir des
conditions matérielles d’accueil respectueuses de leur dignité. Pour ceux qui exprimeraient le
souhait de rentrer dans leur pays d’origine, il est également du devoir de la France de leur
permettre de rentrer dignement, notamment en leur fournissant l’aide matérielle nécessaire.

10.
Une telle attitude de la France serait seule respectueuse de ses engagements
internationaux et conforme aux exigences des droits de l’homme.

(Adopté à l’unanimité : 38 v

1
Discours de la Haute Commissaire à l’ouverture de la 17° session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies
(30 mai 2011)

2
On peut ainsi dénombrer :
- 575 789 personnes en Tunisie, 10 000 000 d’habitants, PIB de 39,56 milliards dollars américains°
- 356 207 personnes en Egypte, 80 000 000 d’habitants, PIB de 92.822 millions dollars américains
- 73 458 personnes au Niger, 14 000 000 d’habitants, PIB de 5,38 milliards dollars américains
- 43’975personnes au Tchad, 10 000 000 d’habitants, PIB de 6,84 milliards dollars américains
- 24,050 personnes en Algérie, 34 000 0000 d’habitants , PIB de 140,58 milliards dollars américains

3
Discours de la Haute Commissaire à l’ouverture de la 17° session du Conseil des Droits de l’Homme des Nations unies
(30 mai 2011)

4
L’obligation faite au Capitaine d’un navire de prêter assistance à toute personne se trouvant en situation de détresse en
mer et ce indépendamment de la nationalité de cette personne a été consacrée par plusieurs conventions internationales,et notamment la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982 (Convention UNCLOS), la Convention
Internationale pour la Sauvegarde de la Vie en mer de 1974 (Convention SOLAS) ou la Convention Internationale sur la
Recherche et le Sauvetage maritime de 1979, (Convention SAR). Voir notamment le Guide des principes et des mesures
qui s’appliquent aux migrants et aux réfugiés, UNHCR et IMO ; également : La protection des migrants en
Méditerranée, K. Debbeche, in Actes du Colloque « L’UE et la protection des migrants et des réfugiés »

5
A ce jour, environ 6000 réfugiés sans solution durable aux frontières tunisiennes et égyptiennes attendent d’être
réinstallés.

6
Le HCR a pour le moment reçu des places pour environ 1000 personnes de différents pays de réinstallation (Etats
Unis, Canada, Norvège, Suède, Belgique, Portugal....)

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