Une tribune pour les luttes

Combats pour les droits de l’homme (CPDH)

La nouvelle infraction d’outrage au drapeau s’arrête là où commence la liberté d’expression politique, philosophique et artistique

par Cédric Roulhac
Rassemblement à CAEN le vendredi 30 septembre devant le tribunal de police rue Georges Lebret, en soutien à Yo du Milieu.

Article mis en ligne le mercredi 3 août 2011



OUTRAGE À LA LIBERTÉ !

http://lemilieu.free.fr/blog/

Pétition
https://spreadsheets.google.com/spr...


http://combatsdroitshomme.blog.lemo...

Publié le 29 juillet 2011 par CPDH

Tu ne pourras volontairement outrager le drapeau tricolore que pour des motifs politiques, philosophiques ou artistiques (CE, 19 juillet 2011, LDH)

La nouvelle infraction d’outrage au drapeau s’arrête là où commence la liberté d’expression politique, philosophique et artistique

par Cédric Roulhac

A la suite d’une affaire largement médiatisée en 2010 au sujet d’une photographie récompensée dans le cadre d’un concours organisé sur le thème du « politiquement incorrect », le ministre de la justice de l’époque avait annoncé son souhait de renforcer la législation relative à l’outrage au drapeau tricolore (déjà constitutif depuis 2003 d’un délit codifié à l’art. L. 433-5-1 du Code pénal lorsqu’il est commis publiquement durant une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques). A cette fin, fût adopté le décret n° 2010-835 du 21 juillet 2010 relatif à l’incrimination de l’outrage au drapeau tricolore aujourd’hui codifié à l’article R 645-5-1 du Code pénal. Ce dernier sanctionne de l’amende prévue pour les contraventions de cinquième classe le fait de détruire, détériorer ou utiliser de manière dégradante le drapeau tricolore, dans un lieu public ou ouvert au public (al. 1), ou de diffuser ou faire diffuser l’enregistrement d’images relatives à de tels faits, mêmes commis dans un lieu privé (al. 2).

Saisi par la Ligue des droits de l’homme d’un recours pour excès de pouvoir, le Conseil d’État relève la « généralité de la définition des actes incriminés » mais conclut à la légalité du décret. Il valide ainsi la nouvelle infraction au terme d’un raisonnement ou les considérations relatives aux exigences de l’ordre public jouent un rôle déterminant.

Sur le plan de la répartition des compétences entre la loi et le pouvoir réglementaire tout d’abord, le fait que la pénalisation du comportement incriminé vise à sauvegarder l’ordre public justifie pour le Conseil d‘État la compétence du pouvoir réglementaire. La Haute juridiction admet que cette incrimination peut avoir « pour effet de limiter l’exercice d’une liberté publique garantie par des dispositions constitutionnelles ». Mais, nuance infime, elle juge que ceci ne signifie pas nécessairement que ladite incrimination aura «  pour objet de réglementer l’exercice de cette liberté », cette dernière tâche relevant de la compétence du seul législateur en vertu de l’article 34. Or en l’espèce, le Conseil d’État estime que l’infraction litigieuse vise « seulement [à] apporter [à une liberté constitutionnelle] les limitations nécessaires à la sauvegarde de l’ordre public ». Un tel raisonnement avait déjà été adopté à propos décret n° 2009-724 du 19 juin 2009 relatif à l’incrimination de dissimulation illicite du visage à l’occasion de manifestations sur la voie publique (CE 23 février 2011, 10ème et 9ème SSR, Syndicat national des enseignements de second degré et a., N° 329477 – ADL du 27 février 2011).

En ce qui concerne les effets de l’incrimination sur l’exercice de la liberté d’expression (Art. 10 DDHC et CEDH) et de la liberté de communiquer ses opinions (Art. 11 de la DDHC), le juge administratif relève que les deux comportements visés ne sont sanctionnés que lorsqu’ils sont «  commis dans des conditions de nature à troubler l’ordre public et dans l’intention d’outrager le drapeau tricolore ». Il en déduit que le pouvoir réglementaire n’a entendu incriminer «  que les dégradations physiques ou symboliques du drapeau susceptibles d’entrainer des troubles graves à la tranquillité et à la sécurité publiques et commises dans la seule intention de détruire, abîmer ou avilir le drapeau ». Cette interprétation de l’intention des auteurs du texte et de son objet aboutit logiquement à restreindre l’impact de l’incrimination sur l’exercice des libertés. En effet, ne tombent plus sous le coup de l’infraction les actes concernés qui reposeraient « sur la volonté de communiquer (…) des idées politiques ou philosophiques ou feraient œuvre de création artistique, sauf à ce que ce mode d’expression ne puisse, sous le contrôle du juge pénal, être regardé come une œuvre de l’esprit » (sur la protection de la liberté d’expression politique, v. Cour EDH, 5e Sect. Déc. 7 juin 2011, Bruno Gollnisch c. France, Req. n° 48135/08 – ADL du 24 juillet 2011 ; Cour EDH, 3e Sect. 15 mars 2011, Otegi Mondragon c. Espagne, Req. no 2034/07 – ADL du 16 mars 2011 ; sur la protection de la liberté d’expression artistique, v. Cour EDH, 2e Sect. 16 février 2010, Akdaş c. Turquie, Req. n° 41056/04 – ADL du 16 février 2010 ; sur la liberté de critiquer des éléments touchant aux « valeurs nationales » : Cour EDH, 2e Sect. 19 juillet 2011, Uj c. Hongrie, Req. n° 23954/10 – ADL du 19 juillet 2011). Partant et « compte tenu de ces précisions », il peut estimer qu’une juste conciliation a été opérée dans la mesure où le décret ne porte pas une atteinte excessive aux libertés concernées.

En mai 2007, pour protester contre l’élection de Nicolas Sarkozy (donc avec la volonté de communiquer une idée politique) des drapeaux tricolores sont brûlés place du Capitole à Toulouse. DDM - XAVIER DE FENOYL 2007.

CE, 19 juillet 2011, 10ème et 9ème SSR, Ligue des droits de l’homme, N° 343430 - Actualités Droits-Libertés du 29 juillet 2011 par Cédric ROULHAC


La LDH conteste devant le Conseil d’Etat le nouvel outrage au drapeau : la censure doit être censurée !
http://www.ldh-france.org/La-LDH-conteste-devant-le-Conseil

Communiqué LDH

En violation de la Constitution, et du principe de liberté d’expression, un décret du 21 juillet 2010 aggrave le délit d’outrage au drapeau déjà prévu à l’article 433-5-1 du code pénal, lequel réprime « le fait, au cours d’une manifestation organisée ou réglementée par les autorités publiques, d’outrager publiquement l’hymne national ou le drapeau tricolore ».

Ce texte ne permettait pas de donner des suites pénales au concours de photographies organisé par la Fnac, ayant primé une photographie considérée comme un outrage au drapeau : Madame Alliot-Marie, malgré l’envie qu’elle en avait, ne put poursuivre, alors qu’elle l’avait annoncé, s’agissant d’une représentation, et non d’un acte réel, et les faits ne s’étant pas déroulés dans le cadre exigé par la loi.

Le nouveau décret punit d’une peine d’amende le fait, lorsqu’il est commis dans des conditions de nature à troubler l’ordre public et dans l’intention d’outrager le drapeau tricolore :
- de détruire celui-ci, le détériorer ou l’utiliser de manière dégradante, dans un lieu public ou ouvert au public ;
- pour l’auteur de tels faits, même commis dans un lieu privé, de diffuser ou faire diffuser l’enregistrement d’images relatives à leur commission.

Or ce gouvernement sait parfaitement que, d’une part on ne peut réprimer la liberté d’expression par simple décret mais seulement par une loi, et que d’autre part, malgré les termes très larges et très vagues de son décret, le Conseil constitutionnel a expressément refusé que le délit d’outrage au drapeau s’applique aux œuvres de l’esprit dans une décision de 2003.

Puisque ce gouvernement se moque de la Constitution, et de la hiérarchie des normes dans un Etat de droit, et qu’il cherche à réprimer la liberté d’expression et de création, alors que le délit d’outrage au drapeau bride déjà inutilement et de façon abusive la liberté d’expression politique, la LDH saisit le Conseil d’Etat pour faire juger l’anticonstitutionnalité de ce décret.


Voir aussi Mille Bâbords 18000

"Outrage au drapeau, un décret qui bafoue la liberté d’expression »
Porter une burqa tricolore est-ce outrager le drapeau français ?
Procès de Yoann Leforestier, dit Yo du milieu le 30 septembre 2011 à 13h30 devant le tribunal de police de Caen

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