Une tribune pour les luttes


sortir du ghetto doré de la subversion

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Article mis en ligne le mercredi 5 octobre 2011

Le 18 Septembre un texte du nom de « sortir du ghetto doré de la subversion » est paru sur IndyMedia Paris, il a suscité nombre commentaire et nous a semblé intéressant à diffuser et critiquer :
http://paris.indymedia.org/spip.php...

Le fait est que depuis un moment les luttes sociales sont en échec, que les forces du capitalisme ne rencontrent aucune barrière et que nous même sommes relégué a de la contestation de pure forme et sans aucun résultat quant à une prise de conscience populaire.
Ce texte peut être l’instrument d’un débat et d’une remise en question de nos pratiques.
Nous l’avons lu, critiqué et finalement modifié.

Sortir du ghetto doré de la subversion

Ce texte se veut une ébauche critique de nos pratiques dites « subversives ». Il vise à être critiqué à son tour. Son but est de participer à la transformation des capacités d’intervention pour une implantation sociale de nos idées et de nos pratiques dans la société réelle.

Il existe aujourd’hui un archipel autonome, constitué de communautés de survie (squat, village autogéré, collectif anti-autoritaire, etc) sur tout le territoire national, mais ayant échoué jusqu’à présent à se constituer en communautés politiques, de dimension nationale et internationale. Certes, partout des initiatives existent pour tenter de s’arracher aux rapports sociaux capitalistes mais partout ces initiatives échouent car elles restent, dans l’ensemble, tactiquement et stratégiquement isolées les unes des autres, ou ne parviennent pas à fédérer leurs forces et leur intelligence pour dépasser le stade de la survie. Les pratiques qu’elles développent en leur sein ne leur procurent pas ce niveau d’intelligence pratique. C’est qu’elles n’existent localement que comme modes de vie communautaires tout en ne parvenant pas à réellement peser dans les antagonismes sociaux locaux.

Le maintien de l’isolement n’est qu’une stagnation collective dans l’illusion, largement partagée, que les libertés existantes (le caractère illégal/légal des squats en france, le droit de grève, de manifester, etc), les libertés concédées par le droit bourgeois, sont de bonnes libertés qui méritent d’être préservées contre tout changement.

Mais de telles libertés ne font que participer à l’individualisation de notre pouvoir social collectif ; elles portent atteinte à la construction de réelles communautés politiques.

Ces libertés existantes, qui ont été arrachées par les générations précédentes, sont confortables, et nous maintiennent dans des pratiques et des relations conformistes nous tenant à mille lieux d’en construire de supérieures et de meilleures.

Peser dans les luttes, c’est être en mesure de modifier le sens de la lutte de classes traditionnelle, qui est aussi un dispositif d’intégration par le capital des contradictions sociales, c’est être en position de pouvoir promouvoir socialement, pendant et après les luttes, la perspective révolutionnaire anarchiste.
Se joindre à une lutte en cours mais refuser idéologiquement d’intervenir sur les luttes de pouvoir qui déterminent son cours, n’est d’aucune utilité à l’accroissement de l’autonomie prolétarienne. Aller sur les piquets de grève en se positionnant en simple soutien sans faire un travail de critique du rôle des syndicats sur place, et sans tenter d’insuffler des perspectives révolutionnaire, d’autonomie et d’anti-autoritarisme parmi les grévistes nous fait rater l’occasion de changer une lutte salariale et réformiste en un moment d’accroissement de l’autonomie des salariéEs.

La réappropriation collective du politique c’est s’extraire de l’influence des syndicats, des partis, de l’État, de prendre conscience des systèmes de domination et d’exploitation. Cette réappropriation c’est l’élévation du niveau qualitatif de chaque individu, la suppression des conditions de leur atomisation dans le cours même de la lutte.

Une prise de conscience des mécanismes de reproduction des rapports de domination au sein des groupes en luttes permettrait un accroissement de l’intelligence collective et ainsi de ne pas se contenter d’une idéologie anti-bureaucratique et anti-parti. Mais bien de renouer et renouveler des pratiques révolutionnaires de compréhension des rapports de pouvoir dans le but d’une réappropriation collectives du pouvoir. Une mise en commun du pouvoir social qui attaque toutes les formes de dépossessions existantes (Etat, travail, famille, religion, morale, etc), en bref de l’aliénation de l’individu.

Peser dans les antagonismes sociaux ne consiste donc pas à s’extraire des rapports de pouvoir, attitude angélique et aveu d’impuissance, mais bien plutôt à les assumer pour être en mesure de les affronter, dans toute leur complexité. En effet, nous ne luttons pas pour perdre du pouvoir sur nos vies mais pour en gagner.

Les expériences de milieux libres ont montré leurs capacités à construire, appliquer des pratiques communistes et anarchistes dans la réalité, ici et maintenant.
Mais ils nous ont aussi montré un certains nombres de limites : l’isolement face aux luttes, le caractère petit-bourgeois de leurs modes de vie, leur contribution effective à l’atomisation généralisée ; finalement leur fonction de maintien de l’ordre, mais surtout des résultats quasi-nul sur le terrain de la lutte des classes.

On s’illusionnera volontiers sur la puissance sociale de certaines pratiques, spectaculaires et marginales, d’autant plus si ce qui nous importe fondamentalement n’est pas de vaincre l’ennemi mais de vivre des expériences, comme des touristes.

L’émeute est vécue comme d’autres pratiquent le saut à l’élastique pour ressentir des sensations fortes. La guerre sociale se pratique comme un sport extrême, l’ennemi de classe a gagné.

Ainsi, on fait mine de pouvoir mener une lutte en vantant les mérites de pratiques privées, confidentielles, individuelles, enfermées et séparées les unes des autres. Au lieu de chercher à produire des qualités collectives, de mettre en place des pratiques de réappropriation collective de la violence, et des pratiques de réappropriation collective de l’intelligence théorique, tactique et stratégique.

Quel intérêt pouvons-nous trouver à cultiver notre intelligence, pratique et théorique de la réalité, dans l’isolement social ?

La domination bourgeoise des modes de diffusion et de partage des savoirs et des techniques est individualisée, confidentielle et privée : Ceci est vital pour sa reproduction. La communisation des savoirs et des techniques est collective et publique par besoin vital afin de développer un réel rapport de force social émancipé de l’État, syndicats, partis, etc.

La conception consumériste, libérale, des activités, voit comme une liberté valable de pouvoir choisir ce qu’il nous plaît, ce dont nous aurions besoin, quand nous le voulons et le décidons, puis d’y mettre un terme une fois repu. Et ceci jusque dans les obligations que nous impose toute guerre.

La prétendue guerre sociale que l’on mènerait consiste en fait pour l’essentiel à conserver des modes de vies, à conserver les acquis du libéralisme politique et social. Ni plus ni moins. La dégénérescence dans l’apolitisme, le copinage et l’idéologie, font que des décennies de luttes défensives passent maintenant aux yeux des jeunes générations pour des pratiques offensives. Au lieu de produire des moyens adaptés aux nouvelles conditions de luttes. Au lieu de porter le message au-delà du ghetto, on cultive un quant-à-soi mortifère et familialiste. Ainsi, il existe des communautés de survie, des communauté de l’estomac, mais pas de véritable communauté de pensée, de communautés politiques.

C’est à qui aura le pognon et les relations pour s’instruire, voyager, vivre des expériences « émancipatrices ». Ce sont des milieux entièrement adaptés aux besoin d’un certain type de consommateurs, des consommateurs contestataires, marginaux, prétendument « subversifs », et issus majoritairement des classes moyennes et aisées. Et qui prennent leur confort affectif et social pour des libertés estimables. Que le monde entier devrait défendre.

Ultime privilège : ce sont aussi des consommateurs qui n’ont aucune obligation de résultats en matière de guerre sociale. La vérification collective des hypothèses, leur réfutation éventuelle est toujours évitée. Plutôt vivre dans l’illusion d’une efficacité pratique que de réviser collectivement des critères miraculeusement préservés de toute critique.

La procédure collective de vérification des pratiques est pourtant le seul accès de tous à la connaissance des résultats, la condition même d’un accroissement de l’intelligence pratique collective.

Il existe des moyens, qui ont structuré, organisé, distingué, spécifié les savoirs collectifs des luttes et des pratiques de luttes : écoles, cercles de formation tous publics, ouverts aux prolétaires, implantés dans toutes les strates de la société et pas seulement dans les universités et les librairies de gauche. Lieux de regroupements collectifs, structures fédératives nationales et internationales. Revues théoriques, critique culturelle, activités sociales de politisation au plus près des besoins des prolétaires.

Nos milieux sont-ils capables de se doter de tels moyens ?

Seule une implantation sociale conséquente dans les classes sociales prolétariennes permettrait cet apport de ressources et d’intelligence sociale.

Mais tient-on réellement à sortir du ghetto ?

Il ne suffit plus de faire usage des moyens existants, « libre à chacun », « selon les goûts de chacun », pour « faire quelque chose ».

En effet. Il ne suffit pas de « faire », « faire quelque chose ». Encore faut-il construire une perspective d’ensemble, comparer les avancées et les reculs, les succès et les échecs, la progression ou la régression territoriale d’une pratique, d’un antagonisme social.

La « pratique » constitue, à son tour, une expérience. De cette expérience, on tire des enseignements. Une « pratique », dont on ne tire aucun enseignement, est une mauvaise pratique, une pratique débile pour débiles.

En outre, la pratique doit être comparée, critiquée, améliorée.
La théorisation de la pratique est donc une pratique elle-même vitale… pour toute pratique qui recherche l’efficacité !
C’est ici qu’il faut interroger le sens réel des pratiques du « faire pour faire » : quel résultat y est réellement recherché : une satisfaction immédiate et narcissique, isolée et subjective, ou un accroissement de puissance collectif, perceptible dans les rapports sociaux quotidiens ?

L’isolement est mortel. Cela, la pratique contre-insurrectionnelle ne cesse de le mettre en avant. Couper les subversifs de la population, les isoler, et enfin les « nettoyer » : telle est la manœuvre, le savoir-faire de la contre-révolution.

Tous les moyens employés doivent donc avoir pour but de rompre impérativement l’isolement de nos pratiques et de nos idées.

Il ne s’agit pas seulement de faire connaître les « idées » anarchistes et communistes. Il ne s’agit pas de nous adresser aux gens « instruits ». Mais de populariser, socialement, dans les quartiers populaires, les pratiques anarchistes et communistes.

Comment ?

Il faut démontrer partout dans la société en quoi l’anarchisme et le communisme sont des pratiques sociales supérieures au capitalisme, au patriarcat et à l’autoritarisme et pourquoi ils peuvent être des moyens d’émancipation réelle pour toutes/tous les prolétaires actuellement individualiséEs.

Faire de la propagande consiste donc à diffuser nos pratiques et nos idées en réseaux toujours plus vastes et ramifiés, avec une qualité de contenus toujours vérifiable.

Il faudra se battre intellectuellement et physiquement dans les quartiers populaires pour diffuser nos idées et nos pratiques. Tout ne passera pas par des projections-débats pacifiques et des émeutes communes. Il faudra aussi se battre pied à pied contre toute forme d’exploitation et de domination allant de l’idéologie capitaliste, patriarcale et religieuse.
Bref, sans diaboliser, ne pas être angélique pour autant.
Agir en combattantEs. Et non attendre que cela tombe tout cuit dans nos gosiers.

Si on persiste dans le soi-disant usage libéré des moyens, sans produire de nouveaux moyens adaptés à la situation nationale et internationale, les moyens ne resteront que de simples supports identitaires, donc ridicules car essentiellement destinés à un public de consommateurs de classe moyenne.
Et l’écart entre ce que nous voulons construire et ce que nous construisons effectivement, persistera.

CertainEs posent en vétérans de la subversion car ils ont tellement individualisé leur propre pratique que les satisfactions narcissiques qu’ils en tirent leur suffisent. Mais illes ne sont pas parvenus à rompre leur isolement et leur nullité historique est de plus en plus avérée.

Par conséquent, l’usage libéral, individualisé, tel qu’il existe spontanément parmi nous, c’est-à-dire, le conditionnement immédiat qui impulse les pratiques individuelles, ne tient pas compte de l’évolution sociale des rapports de forces, du degré de violence en jeu et trouve son origine dans un tout autre besoin que l’efficacité : la satisfaction de type narcissique, l’assouvissement d’un besoin moral et psychologique, non l’obtention collective de nouvelles conditions tactiques et stratégiques.

Tenir réellement compte de l’évolution sociale des rapports de force c’est faire de la sortie du ghetto une priorité. Car plus les conditions sociales se radicalisent, plus l’atomisation fait des ravages, y compris dans nos milieux. SeulEs ceux/celles qui ont fait de ces milieux un bac à sable touristique d’expérimentation ludique prendront cette question à la légère.
Il est certes plus facile de faire des chantiers, du bricolage et des concerts de soutien que de créer nos lieux de formations permettant une circulation collective du savoir.

L’anti-intellectualisme, très présent dans nos milieux, est un reste d’idéologie populiste bourgeoise, le résidu d’une entreprise de décervelage systématique des prolétaires au nom d’un réalisme social qui n’est qu’une apologie masquée de la condition prolétarienne.

Or, la suppression du prolétariat est le but de toute révolution. En d’autres termes toutes les formes d’apologies de la misère existante, prolétarienne ou non, sont à combattre comme mythes sociaux au service du maintien de la société divisée en classes.

Nous n’avons pas à promouvoir l’ignorance et le manque d’instruction. Il n’y aucune fierté à tirer d’une carence. La communisation permet à tous et toutes l’instruction.

L’anti-intellectualisme n’est qu’une justification esthétique de la division sociale du travail. Le système capitaliste différencie travail manuel et travail intellectuel. CertainEs reprennent et justifient cette division quand illes ne veulent pas « se prendre la tête ».

La pratique réelle démontre que moins l’on dispose d’instruments d’analyse des pratiques, moins on en fait usage, plus les pratiques se figent en activités séparées, deviennent des fins en soi, et finissent par s’imposer comme des attributs identitaires totalement déconnectés des besoins réels d’un mouvement subversif.
On s’habille en clochards pour faire peuple, on parle peuple. On se garde bien d’exister socialement dans les quartiers populaires mais on écoute du rap.
Il est facile d’être « anarchistes », « communistes », « subversifs », « émeutistes », « féministes », « anti-racistes », etc., entre gens d’une même classe, de même condition sociale !

À cause de notre anti-intellectualisme on s’en remet aux conditions existantes d’accès au savoir. Ces conditions sont précisément celles du capitalisme, du savoir séparé, émietté. Glorifier l’anti-intellectualisme, refuser le partage des savoirs laisse place à l’ennemi pour remplir ce rôle.

Toute cette merde libérale contamine nos milieux et nos pratiques.

Tout ce que cela prouve, c’est que la forme actuelle de la diffusion du savoir, dans les milieux, communautaires, affinitaires, ne parvient pas à former des individuEs politiquement autonomes, capables de prendre et laisser la parole dans les réunions internes et publiques, de défendre des positions, d’en combattre d’autres, de contribuer ainsi au débat vivant, du mouvement et à son expansion.

R.B

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Vos commentaires

  • Le 6 octobre 2011 à 22:10 En réponse à : sortir du ghetto doré de la subversion

    Le texte est amputé des paragraphes les plus intéressants. Se référer à la version originale bien plus tranchante.

  • Le 7 octobre 2011 à 10:59 En réponse à : sortir du ghetto doré de la subversion

    Pour accéder à la version originale :

    paris.indymedia.org/spip.php ?article8424

  • Le 7 octobre 2011 à 18:12 En réponse à : sortir du ghetto doré de la subversion

    Le lien de la version originale est déjà dans l’introduction...

    mais bon merci de ta participation !

  • Le 8 octobre 2011 à 00:15 En réponse à : sortir du ghetto doré de la subversion

    je répète vu que apparemment mon commentaire est passé par le comité de censure :

    Donc le lien de la version originale est déjà dans le texte d’introduction, mais merci de ta participation !

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