Une tribune pour les luttes

Arrestations et détentions arbitraires, l’autre exception française.

Par Jet Lambda

Article mis en ligne le samedi 15 octobre 2011

Avec les liens et les illustrations
http://reflets.info/arrestations-detentions-arbitraires-exception-francaise

6 octobre 2011

«  En 2011 en France les manifestations sont encore encadrées par un décret du 23 octobre 1935, signé par le président du Conseil de l’époque, Pierre Laval, qui fut fusillé pour “trahison” le 15 octobre 1945 à la célèbre prison de Fresnes. »

Mais quel est donc cet imprudent qui se permet de faire de tels raccourcis historiques… Pas fou non ! Il y en a qui regrettent encore d’avoir comparé la politique de l’immigration actuelle à la période de Vichy… Cette belle déclaration provient d’une publication juridique plutôt sérieuse, ECHR News, qui décrypte au long cours les multiples atteintes à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). Son dernier papier, même s’il comporte un point d’interrogation, est une nouvelle saignée de l’État de droit à la française.

Le droit de manifester pacifiquement est en effet très relatif. La procédure d’autorisation préalable, en vigueur donc depuis 1935, prévoit notamment qu’une manif pouvant tomber dans le « trouble à l’ordre public » soit « dispersée », mais seulement après les « sommations » d’usage. Car le code pénal ne prévoit pas d’infraction à la participation d’un rassemblement « non autorisé », mais pénalise toute personne qui ne se disperserait pas après les sommations de la police : 1 an et 15.000€, peine triplée depuis 2010 et la loi « anticapuche » (« lorsque son auteur dissimule volontairement en tout ou partie son visage afin de ne pas être identifié ».)

Bon, ça c’est donc la loi. Mais en pratique, les fameuses sommations disparaissent du langage militaro-policier. C’est bien le problème. ECHR News s’était déjà intéressé à l’attitude de la Pref de police de Paris suite aux rassemblements devant l’Automobile Club, place de la Concorde, lors du « Diner du siècle », grande bouffe mensuelle qui réunit des fonctionnaires, industriels et journalistes. Or, en janvier 2011, notamment, les ordres de dispersion n’ont jamais été prononcées et des dizaines de personnes seront donc été détenues et arrêtées. Raison invoquée par la PP : «  refus de vérification d’identité ».

Alors que là aussi, les témoignages montrent que les manifestants ont été coffrés sans qu’on leur demande leur identité, et surtout sans qu’on leur rappelle leurs droits et qu’on les avise par écrit des raisons de leurs arrestations. Ceux à qui on demande leur identité ont été embarqué comme les autres. Arrivé au commissariat, ils sont libéré avant 4h de détention — sans quoi c’est la garde à vue. Et il n’y a pas de garde à vue car il faut pour cela avoir constaté une réelle infraction. CQFD.

Rebelote en mai 2011 lors d’une commémoration officielle de l’abolition de l’esclavage : des militants de la Brigade anti-négrophobie, pourtant dument invités, se sont fait «  encager » puis expulser pour un t-shirt trop explicite. Pareil un peu plus tard lors d’une action anti-G8, place de Stalingrad. Les manifs plus récentes du mouvement des «  indignés » répond aussi à ces mêmes tactiques policières.

Par comparaison, comme le rappelle ECHR News, le 17 septembre les frénétiques d’extrême droite de «  SOS Tous Petits », menés par le récidiviste Xavier Dor, se pressent devant l’hôpital Tenon. Une manif déclarée, certes, sans qu’elle ait été jugée comme pouvant porter atteinte à l’ordre public — alors qu’ils bloquaient l’accès au centre IVG. Sur place, les CRS protégeaient les papys anti-IVG des méchants contre-manifestants, notamment d’Act Up. Et bien entendu, aucune arrestation arbitraire n’entachera cette belle journée.

Le rappel de la loi est cruel pour la PP. La détention illégale est passible d’une peine de 7 ans de taule et de 100.000€ d’amende (art. 432-4 du code pénal). Faits aggravés si l’on considère que les manifestants ont été privés de leurs droits sur la base de leurs opinions ou orientations sexuelles. En contradiction totale avec les articles 5-1, 11 et 14 de la Convention européenne des droits de l’homme.

Dans PPRama, son bulletin de propagande, la PP justifie ses actions avec des mots bien pesés. Faut dire qu’ils sont débordés, en 2011, « en raison de l’actualité internationale » : « 1219 événements au cours des huit premiers mois, contre 556 pour la même période en 2010″. « La plupart sont des rassemblements spontanés ; ce type de manifestation a donc fortement augmenté, soit 130%.  » Pourtant, le directeur adjoint de la Pref, Laurent Simonin, reconnaît notamment que les « indignés » offrent une « résistance passive » et «  ne sont pas violents ». Bilan : « La direction de l’ordre public et de la circulation, avec des moyens contraints, a su faire preuve d’une réelle efficience ».


Quiz de la préfecture de police de l’agglomération parisienne :

que connaissez-vous sur les manifestations ?

Le droit de manifester est inscrit dans la Constitution.

VRAI !
le droit de manifester est consacré par l’article 10 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 intégré au préambule de la Constitution de la Ve République ainsi que par l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’Homme.

Avant de disperser un attroupement (rassemblement de personnes susceptible de troubler l’ordre public), la force publique doit faire des sommations à la voix et tirer des fusées rouges.

VRAI !
L’autorité civile déléguée du préfet de police (généralement le commissaire de police), doit successivement annoncer sa présence par haut parleur et procéder à deux sommations précisant qu’elle va faire usage de la force. Un attroupement peut être dispersé après deux sommations restées sans effet. Si l’utilisation du haut parleur est impossible ou inopérante, chaque annonce ou sommation peut être remplacée ou accompagnée du lancement d’une fusée rouge.

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