Une tribune pour les luttes

Mikis Thedorakis et Manolis Glezos appellent les peuples d’Europe à se soulever contre les marchés financiers

+ CADTM : Non à un allègement de 50% de la dette grecque, non à une nouvelle occupation ! Suspension de paiements et audit de la dette !
+ L’Argentine : Ils ont refusé de payer à tout prix "la dette" !
(Elections en Argentine : La victoire économique des Kirchner par Hedelberto López Blanch)

Article mis en ligne le vendredi 4 novembre 2011

http://www.cnr-resistance.fr/mikis-...

Le compositeur grec Mikis Theodorakis et Manolis Glezos , le héros de la résistance qui arracha en 1941 le drapeau hitlérien qui flottait sur l’Acropole durant l’occupation nazie, dénoncent le fascisme financier qui menace et appellent les peuples d’Europe à s’unir pour en finir avec la domination des marchés.

Voici un extrait de leur déclaration.

"Une poignée de banques internationales, d’agences d’évaluation, de fonds d’investissement, une concentration mondiale du capital financier sans précédent historique, revendiquent le pouvoir en Europe et dans le monde et se préparent à abolir nos états et notre démocratie, utilisant l’arme de la dette pour mettre en esclavage la population européenne, mettant à la place des démocraties imparfaites que nous avons, la dictature de l’argent et des banques, le pouvoir de l’empire totalitaire de la mondialisation, dont le centre politique est en dehors de l’Europe continentale, malgré la présence de banques européennes puissantes au cœur de l’empire.

Ils ont commencé par la Grèce, l’utilisant comme cobaye, pour se déplacer vers les autres pays de la périphérie européenne, et progressivement vers le centre.
L’espoir de quelques pays européens d’échapper éventuellement prouve que les leaders européens font face à un nouveau «  fascisme financier », ne faisant pas mieux que quand ils étaient en face de la menace de Hitler dans l’entre-deux- guerres.

Ce n’est pas par accident qu’une grosse partie des media contrôlée par les banques s’attaque à la périphérie européenne, en traitant ces pays de « cochons » et aussi tournant leur campagne médiatique méprisante, sadique, raciste avec les media qu’ils possèdent, pas seulement contre les Grecs, mais aussi contre l’héritage grec et la civilisation grecque antique. Ce choix montre les buts profonds et inavoués de l’idéologie et des valeurs du capital financier, promoteur d’un capitalisme de destruction.
La tentative des media allemands d’humilier des symboles tels que l’Acropole ou la Venus de Milo, monuments qui furent respectés même par les officiers d’Hitler, n’est rien d’autre que l’expression d’un profond mépris affiché par les banquiers qui contrôlent ces media, pas tellement contre les Grecs, mais surtout contre les idées de liberté et de démocratie qui sont nées dans ce pays.

Le monstre financier a produit quatre décades d’exemption de taxe pour le capital, toutes sortes de «  libéralisations du marché », une large dérégulation, l’abolition de toutes les barrières aux flux financiers et aux facilités, d’attaques constantes contre l’état, l’acquisition massive des partis et des media, l’appropriation des surplus mondiaux par une poignée de banques vampires de Wall Street.
Maintenant, ce monstre, un véritable « état derrière les états » se révèle vouloir la réalisation d’un «  permanent coup d’état » (en français dans le texte) financier et politique, et cela pour plus de quatre décades.

En face de cette attaque, les forces politiques de droite et la social-démocratie semblent compromises après des décades d’entrisme par le capitalisme financier, dont les centres des plus importants sont non-européens.
D’autre part, les syndicats et les mouvements sociaux ne sont pas encore assez forts pour bloquer cette attaque de manière décisive, comme ils l’ont fait à de nombreuses reprises dans le passé. Le nouveau totalitarisme financier cherche à tirer avantage de cette situation de manière à imposer des conditions irréversibles à travers l’Europe.

Il y a un urgent besoin d’une coordination d’action immédiate et d’une coordination transfrontalière par des intellectuels,des gens des arts et des lettres, de mouvements spontanés, de forces sociales et de personnalités qui comprennent l’importance des enjeux ; nous avons besoin de créer un front de résistance puissant contre « l’empire totalitaire de la mondialisation » qui est en marche, avant qu’il soit trop tard.
L’Europe ne peut survivre que si elle met en avant une réponse unie contre les marchés, un défi plus important que les leurs, un nouveau «  New Deal » européen.

Nous devons stopper immédiatement l’attaque contre la Grèce et les autres pays de l’UE de la périphérie ; nous devons arrêter cette politique irresponsable et criminelle d’austérité et de privatisation, qui conduit directement à une crise pire que celle de 1929.
Les dettes publiques doivent être radicalement restructurées dans l’Eurozone, particulièrement aux dépens des géants des banques privées.
Les banques doivent être recontrôlées et le financement de l’économie européenne doit être sous contrôle social, nationale et européen.
Il n’est pas possible de laisser les clés financières de l’Europe dans les mains de banques comme Goldman Sachs, JP Morgan, UBS, la Deutsche Bank, etc… Nous devons bannir les dérives financières incontrôlées, qui sont le fer de lance du capitalisme financier destructeur et créer un véritable développement économique, à la place des profits spéculatifs.

L’architecture actuelle, basée sur le traité de Maastricht et les règles du WTO, a installé en Europe une machine à fabriquer la dette. Nous avons besoin d’un changement radical de tous les traités, la soumission de la BCE au contrôle politique par la population européenne, une « règle d’or » pour un minimum de niveau social, fiscal et environnemental en Europe.
Nous avons un urgent besoin d’un changement de modèle ; un retour de la stimulation de la croissance par la stimulation de la demande, via de nouveaux programmes d’investissements européens, une nouvelle réglementation, la taxation et le contrôle du capital international et des flux de facilité, une nouvelle forme douce et raisonnable de protectionnisme dans une Europe indépendante qui serait le protagoniste dans le combat pour une planète multipolaire, démocratique, écologique et sociale.

Nous faisons appel aux forces et aux individus qui partagent ces idées à converger dans un large front d’action européen aussi tôt que possible, de produire un programme de transition européen, de coordonner notre action internationale, de façon à mobiliser les forces du mouvement populaire, de renverser l’actuel équilibre des forces et de vaincre les actuels leaderships historiquement irresponsables de nos pays, de façon à sauver nos populations et nos sociétés avant qu’il ne soit trop tard pour l’Europe."

Mikis Thédorakis et Manolis Glezos

Athènes, octobre 2011


CADTM

Commission grecque d’audit sur la dette publique

http://www.cadtm.org/Non-a-un-allegement-de-50-de-la

Non à un allègement de 50% de la dette grecque, non à une nouvelle occupation ! Suspension de paiements et audit de la dette !

4 novembre 2011

Aux premières heures du 27 octobre, les dirigeants de la zone Euro ont pris une décision renforçant le noeud de la dette envers le peuple grec. _ L’allègement proposé de la dette publique détenue par le secteur privé ne résoudra pas le problème de la dette grecque mais au contraire donne lieu à de nouveaux fardeaux. Il y a cela de nombreuses raisons.

1. L’allègement sera accompagné de nouveaux prêts d’une valeur de 130 milliards d’euros ce qui fera que celui-ci sera inférieur à ce qui a été promis.

2. L’allègement de dette est réduit et inégalement distribué : les prêts de "sauvetage" de la Troika (65 milliards d’euros) et les bons détenus par la BCE n’en font pas partie.

3. Les fonds de pension seront affectés à hauteur de 11,5 milliards d’euros, ce qui signifie que la restructuration de dette entraînera une réduction des pensions et des allocations sociales.

4. Les nouveaux bons, couverts par une garantie qui remplaceront les anciens ne relèveront pas du droit grec, avantageant ainsi les créanciers.

5. L’allègement sera accompagné de nouvelles mesures d’austérité, de réduction de salaires et licenciements massifs de travailleurs du secteur public, appauvrissant encore davantage le peuple grec.

6. L’Allemagne et l’Union Européenne essentiellement exigent comme garantie que la Grèce réduise sa souveraineté nationale et impose en pratique une nouvelle Occupation avec la nomination dans chaque ministère et département important d’un responsable étranger comme au temps de l’Occupation nazie.

7. L’accord en lui même est loin d’être complet, celui passé avec les banques ne bénéficie en effet pas d’une garantie similaire à celle de l’accord du 21 juillet que les gouvernements ont présenté comme un grand succès.

8. Les résultats envisagés sont hautement contestables car contrairement aux dires du gouvernement et aux proclamations de l’Union européenne, la réduction de dette à 120% du PIB à l’horizon 2020 ne lui enlèvera pas son caractère insoutenable. En effet, si ce niveau était soutenable pourquoi l’Italie dont c’est le ratio actuel est-elle appelée à réduire sa dette ? De même, pourquoi la Grèce avec un niveau beaucoup plus bas en 2009 a-t-elle été obligée d’accepter le plan de sauvetage ?

Pour toutes les raisons ci-dessus mentionnées, la décision des dirigeants de la zone Euro est inacceptable et la lutte du peuple grec doit conduire à la refuser. L’allègement sélectif qui laisse de côté les prêts illégaux de la troïka pendant qu’il conduit les fonds de pension à la catastrophe montre la nécessité de la cessation de paiements aux créanciers et d’un audit démocratique mené par les travailleurs. Cet audit fera la lumière sur la partie de la dette illégale, illégitime et non conforme à la constitution. L’annulation de la dette est basée sur la souveraineté du peuple grec qui obligera les créanciers à accepter ses conditions.

Vendredi 28 octobre, le peuple grec a commémoré sa résistance de 1940 contre les puissances de l’Axe. Les actions majestueuses et déterminées du peuple qui ont marqué cet anniversaire montrent la voie pour nous débarrasser des chaînes imposées par les créanciers et mettre fin à la Nouvelle occupation qu’ils tentent actuellement. La conférence de la campagne d’audit prévue pour un futur proche a pour objectif d’être une nouvelle étape pour l’annulation de la dette illégale, illégitime et inconstitutionnelle.

Traduction : Virginie de Romanet


Néstor Kirchner en assumant sa présidence, interdit de poursuivre le déficit du pays à travers l’endettement permanent et décida qu’on ne paierait pas la dette au prix de la faim et de l’exclusion.

Elections en Argentine : La victoire économique des Kirchner

Hedelberto López Blanch

http://www.legrandsoir.info/electio...

lundi 31 octobre 2011

Le triomphe de Cristina Fernández Kirchner aux récentes présidentielles argentines est un exemple pour de nombreux pays dans le monde, tout spécialement de l’Union Européenne, qui montre comment résoudre les crises provoquées par des politiques néolibérales sans avoir à recourir à des mesures économiques et sociales agressives envers les peuples.

La présidente, représentante du Front pour la victoire (FPV) est élue au premier tour par 53,9 % des électeurs. Un résultat historique depuis le retour de la démocratie en Argentine.

Cette victoire attendue, permettra à Cristina Fernandez de commencer son second mandat ce 10 décembre avec une position politique renforcée, une grande popularité et une opposition fragmentée et fragilisée.

Il y a quelques mois, l’économiste et prix Nobel Joseph Stiglitz a fait l’éloge de l’accroissement rapide du PIB argentin accompagné par une réduction importante du taux de pauvreté par rapport aux pires moments vécus dans le pays et pour avoir traversé la dernière crise financière bien mieux que les Etats-Unis ou l’Europe.

Il ajoutait que le chômage n’y dépasse pas les 8 % et que l’Argentine peut laisser définitivement de côté les « magiciens » de la finance. « Ils nous ont mis dans la mouise et exigent maintenant l’austérité et une restructuration retardée. S’il doit y avoir souffrance, elle doit concerner d’abord ceux qui ont profité de la bulle qui a précédé ».

Fernández a reçu un appui populaire énorme à cause de la politique économique et financière de ces quatre dernières années, y compris les nationalisations, la protection de l’industrie et les différents subsides tandis que l’économie s’est accrue au rythme de 8 % malgré les critiques des entrepreneurs, du FMI et de la Banque mondiale et même de Wall Street.

L’Argentine a commencé à sortir du désastre économique avec la victoire électorales en 2003 de l’inconnu Néstor Kirchner face au responsable de la période néolibérale des années 90 : Carlos Ménem. Pour ceux qui auraient oublié, rappelons que la situation d’alors. L’argentine, était alors l’enfant chéri du FMI et de la Banque mondiale, leurs programmes de réformes, de privatisations des services publics, a connu le défaut de paiement et devint vite une nation pestiférée. Menem ouvrit les services et les industries au capital étranger et à permis l’importation sans frein des marchandises ce qui entraîna une débâcle économique sans précédent dans l’histoire.

Le pays a subi 54 mois de récessions et 4 ans de prostrations, un effondrement des exportations de 70% tandis que la vente d’immeubles et le tourisme extérieur chutaient de 85 et 60 % respectivement. En quelques mois, de janvier à aout 2003, 110 000 petits commerces ont fermé leurs portes et laissé à la rue 300 000 personnes qui vinrent grossir les rangs des chômeurs (25.5 % de la population active). Le nombre total de sans-emploi est arrivé à 16 millions sur sur une population de 36 millions, l’inflation, dévaluation du peso, faiblesse du recouvrement des impôts, en définitive : la débâcle.

Néstor Kirchner en assumant sa présidence, interdit de poursuivre le déficit du pays à travers l’endettement permanent et décida qu’on ne paierait pas la dette au prix de la faim et de l’exclusion. En 2006, grâce aux avancées économiques obtenues, l’Argentine a pu se libérer de sa dette envers le FMI éliminant ainsi toute possibilité d’intervention et de pression de ces organismes dans la politique économique du pays. En 2007, le chômage était descendu à 10 %.

Durant la même période, on a récupéré plusieurs services publics offerts au privé par Menem comme les Postes ou l’Eau potable, on a créé l’entreprise publique Energie Argentine (ENARSA) pour contrôler les ressources naturelles stratégiques.

Fin 2007, Cristina Fernandez devint présidente et poursuivi la politique mise en place par son époux durant les quatre années précédentes.

Aujourd’hui, l’économie argentine enregistre une avancée favorable dans la production industrielle et dans l’agriculture. La consommation alimentaire des familles a augmenté tandis que le chômage diminuait, que les salaires s’élevaient tout comme les revenus des retraités. Une allocation universelle par enfant a été créée pour aider les parents aux salaires les plus bas et au travers du Marché central, des produits variés de première nécessité devenaient accessibles aux plus démunis.

L’accession de plus larges franges de la population grâce aux augmentations de salaires et les politiques de revenus universels ont dynamisé la consommation intérieure. La banque centrale maintient un taux de change compétitif, et les secteurs bancaire et financiers sont désormais solides face à une volatilité mondiale très forte. Les exportations enregistrent un excédent de 16 milliards de dollars sur les importations et les réserves internationales dépassent les 50 milliards de dollars.

Comme le peuple n’oublie pas, ces raisons ont conduit à la large victoire de Cristina Fernández Kirchner ce 23 octobre. Elle pourra s’attacher au cours des prochaines années à poursuivre et conforter l’intégration latino-américaine qui prend chaque jour plus d’importance dans la région.

Le « modèle » argentin pour résoudre par des mesures indépendantes au bénéfice du peuple les graves conséquences des politiques néolibérales imposées par le FMI, la Banque mondiale et les USA au cours des années 90, devrait intéresser plusieurs pays européens qui souffrent actuellement une grave dégradation économique.

Hedelberto López Blanch in rebelion.org 31/10/2011

traduction non officielle par alfare


A lire aussi :

Le Monde Diplomatique d’octobre :

http://www.monde-diplomatique.fr/2011/10/RAIMBEAU/21073

En Argentine, les « piqueteros » s’impatientent
par Cécile Raimbeau, octobre 2011

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Vos commentaires

  • Le 5 novembre 2011 à 10:45, par Christiane En réponse à : « Occupy Wall Street » : la gauche contre les libéraux

    http://alternatives-economiques.fr/...

    (...)

    Depuis le début du mouvement, de nombreux intellectuels de gauche ont manifesté leur soutien à l’égard des occupants de Zuccotti Park (ainsi que les mouvements parallèles qui ont depuis vu le jour un peu partout). Certains sont Américains, d’autres des non-Américains qui enseignent ou travaillent aux États-Unis. S’il y a un dénominateur commun à leurs discours de soutien, c’est l’idée que le mouvement effectue une véritable rupture dans le discours politique américain, peu ouvert à des réquisitoires sans ambages contre le capitalisme. D’autre part, ces intellectuels saluent le mouvement comme le noyau potentiel d’une nouvelle conception de la démocratie, se démarquant d’un système représentatif trop impliqué dans les désordres économiques actuels.

    La journaliste et militante Naomi Klein, connue pour son essai La stratégie du choc, s’est adressée aux occupants de la «  place de la liberté » à Manhattan le 6 octobre. Selon elle, la différence entre 1999 – année qui a marqué la naissance du mouvement altermondialiste – et 2011, c’est qu’aujourd’hui plus personne ne doute que l’ordre économique contemporain est en crise. D’autre part, même à l’intérieur des pays «  développés », les inégalités engendrées par le néolibéralisme crèvent les yeux : «  Dix ans plus tard, remarque-t-elle, il semblerait qu’il n’y a plus de pays riches, mais simplement beaucoup de gens riches. Des gens qui s’enrichissent en pillant la richesse publique et en épuisant les ressources naturelles partout dans le monde ». L’originalité de «  Occupy Wall Street », c’est que plutôt que d’énoncer un projet, le mouvement témoigne par se propre existence d’une autre façon de vivre. Selon Klein, il nous faut « changer les valeurs sous-jacentes qui gouvernent nos sociétés (…) C’est ce que je vois arriver dans ce square, dans la manière dont vous vous nourrissez les uns les autres, dont vous vous tenez au chaud, dont vous partagez gratuitement l’information, et dont vous offrez des soins médicaux, des cours de méditation, et de l’entrainement en ‘empowerment.’ Ma pancarte préférée ici déclare : ‘Je me soucie de toi.’ Dans une culture qui nous entraîne à éviter les regards, à dire ‘qu’ils crèvent,’ c’est une déclaration profondément radicale ».

    (...)

    Les remarques de Klein et de Žižek sur le caractère essentiellement politique du mouvement rejoignent celles de Michael Hardt et Antonio Negri. Le premier enseigne la théorie littéraire à Duke University (Caroline du Nord), le dernier est philosophe ainsi qu’une figure historique du marxisme « opéraïste » italien. Ensemble, ils ont coécrits des essais qui sont devenus les véritables bibles du mouvement altermondialiste : Empire et Multitude. Pour Hardt et Negri, « Occupy Wall Street » doit être assimilé aux « indignados » de Madrid, à l’occupation de la place Tahrir au Caire, au mouvement pro-syndicale de Wisconsin, à l’occupation de la place Syntagma à Athènes, et aux campements de tentes dressés au nom de la justice sociale dans plusieurs villes israéliennes. Si les revendications de ces mouvements ont souvent un caractère économique, elles résultent toutes, du moins de façon implicite, d’un souci d’ordre politique : « la démocratie n’est-elle pas supposée être le règne du peuple sur le polis – c’est-à-dire, sur la vie sociale et économique dans son ensemble ? » Or, il semblerait plutôt que « la politique est devenue l’esclave des intérêts économiques et financières ». _ Par leur organisation même, ces mouvements proposent une alternative au système de représentation politique actuel. Ils « sont tous développés en fonction de ce que nous appelons la ‘forme multitude’ et sont caractérisés par des assemblés fréquentes et des procédures de prise de décision participatives ». Il ne faut donc pas s’attendre à l’apparition d’un leader fédérateur, à la Martin Luther King. Ces mouvements annoncent plutôt la mort prochaine de la démocratie représentative.
    (...)

  • Le 6 novembre 2011 à 13:13, par Christiane En réponse à : Le réveil en Amérique

    (remarques par Ken Knabb sur le mouvement "Occuper Wall Street")
    http://www.bopsecrets.org/French/aw...

    Version française de
    THE AWAKENING IN AMERICA
    http://www.bopsecrets.org/recent/aw...

    Une situation radicale est un réveil collectif (…) Dans de telles situations, les gens s’ouvrent à de nouvelles perspectives, remettent en question leurs opinions, et commencent à y voir clair dans les escroqueries habituelles. (…) Les gens apprennent plus de choses sur la société en une semaine que pendant des années passées à étudier les “sciences sociales” à l’université ou à se faire endoctriner par des campagnes à répétition de “sensibilisation” progressiste. (...) Tout semble possible, et beaucoup de choses le deviennent effectivement. Les gens n’arrivent pas à croire qu’ils ont tant supporté auparavant, “en ce temps-là”. (…) La consommation passive est remplacée par la communication active. Des étrangers entrent en conversation animée dans la rue. Les débats ne s’arrêtent jamais, des nouveaux venus remplaçant continuellement ceux qui partent pour se livrer à d’autres activités ou pour essayer de prendre un peu de sommeil, bien qu’ils soient généralement trop excités pour dormir longtemps. Tandis que certains succombent aux démagogues, d’autres commencent à faire leurs propres propositions ou à prendre leurs propres initiatives. Des spectateurs sont attirés dans le tourbillon et connaissent des transformations d’une rapidité étonnante. (…) Les situations radicales sont ces moments rares où le changement qualitatif devient vraiment possible. Bien loin d’être anormales, elles laissent voir à quel point nous sommes, la plupart du temps, anormalement refoulés. À la lumière de celles-ci, notre vie “normale” ressemble au somnambulisme.

    —Ken Knabb, La joie de la révolution

    Le mouvement des “occupations” qui se répand à travers le pays depuis quatre semaines est d’ores et déjà l’explosion radicale la plus significative en Amérique depuis les années 60. Et il ne fait que commencer.

    (...)

    Les révolutions sont nées de processus complexes de débats sociaux et d’interactions qui atteignent une masse critique et déclenchent une réaction en chaîne — processus fort semblables à ce que nous vivons en ce moment. Le slogan des 99% n’est peut être pas une “analyse de classe” très précise, mais c’est une approximation suffisante pour commencer ; une excellente manière pour couper court à tout le jargon sociologique traditionnel et souligner le fait qu’une vaste majorité de gens est asservie à un système régi par et pour une petite minorité dominante. Et il cible justement les institutions économiques plutôt que les politiciens qui n’en sont que les laquais. Les griefs innombrables ne constituent peut-être pas un programme cohérent mais, pris dans leur ensemble, ils impliquent la nécessité d’une transformation fondamentale du système. La nature de cette transformation se clarifiera à mesure que la lutte se développera. Si ce mouvement finit par contraindre le système à adopter quelques réformes importantes — dans un esprit de “New Deal” — ce sera toujours ça de pris, et cela créera les conditions permettant de pousser les choses plus avant, plus facilement. Et si le système se montre incapable de produire de telles réformes, cela forcera les gens à chercher des alternatives plus radicales.
    Quant à la “récupération”, il y aura évidemment de nombreuses tentatives de manipuler ce mouvement ou d’en prendre les rênes. Mais je ne pense pas qu’elles y parviennent facilement. Dès le début, ce mouvement des occupations à été résolument participatif et anti-hiérarchique. Les décisions des assemblées générales sont prises de manière scrupuleusement démocratique, le plus souvent par consensus. Un procédé qui peut parfois être pesant mais qui a le mérite de rendre les manipulations presque impossibles. En fait, la vraie menace est tout autre : L’exemple de la démocratie directe menace toutes les hiérarchies et divisions sociales y compris celles qui existent entre les travailleurs et les bureaucraties syndicales, entre les chefferies politiques et leurs adhérents. C’est pourquoi tant de politiciens et de bureaucrates syndicaux essaient de prendre le train en marche. C’est une preuve de notre force et non de notre faiblesse. (C’est lorsque nous nous laissons couillonner à monter dans leurs wagons que la récupération réussit).

    Les assemblées peuvent, bien sûr, admettre de collaborer avec tel ou tel groupe politique pour une manifestation ou avec tel syndicat pour une grève, mais la plupart prennent soin que la distinction reste claire, et presque toutes se sont franchement tenues à distance des deux principaux partis.
    Bien que ce mouvement soit éclectique et ouvert à tous, on peut dire sans risque d’erreur que son esprit est très fortement anti-autoritaire, tirant son inspiration non seulement des récents mouvements populaires d’Argentine, Tunisie, Egypte, Grèce, Espagne et autres pays, mais aussi des théories et tactiques anarchistes et situationnistes.

    (...)

    Chaque assemblée a son propre mode de fonctionnement. Certaines pratiquent le consensus, d’autres le vote majoritaire, d’autres encore une combinaison des deux (par exemple : une pratique du “consensus modifié” qui ne requiert que 90% d’accord). Certaines restent strictement respectueuses de la loi, d’autres s’engagent dans diverses sortes de désobéissance civile. Elles créent différents comités ou groupes de travail pour s’occuper de questions précises, et diverses méthodes pour s’assurer de la loyauté des délégués et porte-paroles. Elles décident de la manière de se comporter avec les medias, la police et les provocateurs, et de la façon de se comporter avec d’autres groupes. Bien des modes d’organisation sont possibles ; l’essentiel c’est que les choses restent transparentes, démocratiques et participatives, et que toute tendance à la hiérarchisation ou à la manipulation soit immédiatement démasquée et rejetée.
    Un autre aspect intéressant de ce mouvement est que, en contraste avec de précédents mouvements radicaux qui consistaient en une réunion pour une action un jour précis puis se dispersaient, les occupations actuelles s’installent en permanence. Elles s’installent dans le long terme, pour avoir le temps de laisser pousser des racines et expérimenter toutes sortes de possibilités.

    (...)

    Les occupations rassemblent toutes sortes de gens venant de milieux très différents. Cela peut être une expérience nouvelle et possiblement déstabilisante pour certains, mais il est impressionnant de voir à quel point les barrières tombent lorsqu’on travaille en commun à un projet collectif passionnant. Les méthodes du consensus peuvent, au début, sembler fastidieuses, en particulier si l’assemblée utilise la technique du “micro populaire” (où l’assemblée répète à voix haute chaque phrase de celui qui parle afin que tous puissent entendre). Mais elles ont l’avantage d’encourager les gens à parler brièvement et ne pas s’éloigner du sujet, et après un petit moment, on prend le rythme et on commence à apprécier le fait que chacun se concentre sur chaque phrase et que chacun ait une chance de s’exprimer et voir ses préoccupations trouver une écoute respectueuse chez les autres.
    Au fil de ce processus, on commence à goûter une nouvelle vie ; la vie que nous pourrions avoir si nous n’étions pas coincés dans un système social aussi absurde qu’anachronique.
    (...)

    BUREAU OF PUBLIC SECRETS
    15 octobre 2011

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