Une tribune pour les luttes

17 octobre 61 (suite)

« L’occultation des femmes a commencé en 1962 »

Salima Sahraoui-Bouaziz. Responsable de la section féminine de la Fédération de France du FLN

Article mis en ligne le vendredi 11 novembre 2011

Reçu par mail

« C’est aujourd’hui dans le feu de l’action et coude à coude avec nos frères, que nous devons arracher notre indépendance et mériter notre place de citoyennes dans l’Algérie que nous aurons contribué à édifier. »

Cet appel de la section féminine de la Fédération de France du FLN à la participation des femmes à la manifestation du 20 octobre 1961, exclusivement féminine mais en complément de la grande manifestation du 17 Octobre, illustre, on ne peut mieux, le rôle des femmes de l’émigration en France dans le soutien au combat émancipateur de l’Algérie. Un rôle qu’elles ont accompli avec détermination, en toute discrétion, mais combien méconnu. Tout comme sont méconnues leurs manifestations du 20 octobre 1961, puis du 9 novembre 1961. Une méconnaissance voulue et organisée en Algérie même, à l’instar de celle qui entoure la manifestation du 17 Octobre 1961, impulsées par la Fédération de France du FLN.

Bien qu’ayant participé, nombreuses, à la manifestation du 17 Octobre 1961, les femmes, accompagnées de leurs enfants, sont à nouveau sorties dans les rues de Paris le 20 octobre. Pour quelles raisons cette seconde manifestation est-elle peu connue ?
Les deux manifestations ont été organisées par le Comité fédéral (de la Fédération de France du FLN 1954/1962), en accord avec la direction de la révolution (GPRA), en riposte aux décisions du préfet de police de Paris, Maurice Papon, d’instaurer un couvre-feu visant uniquement les Algériens à qui il était interdit de sortir entre 20h et 5h30 ; les bars et les restaurants tenus par les nôtres devaient fermer à 19h et même la circulation des « Français musulmans » à pieds ou en voiture était restreinte et soumise à une surveillance spéciale des policiers.

En réaction à ces mesures discriminatoires qui mettaient notre organisation en grave danger de paralysie, la plupart des réunions et missions s’effectuant la nuit, après la journée de travail, le Comité fédéral a conçu une puissante contre-offensive, d’autant plus puissante que les négociations piétinaient. Sa circulaire très détaillée, signée par le regretté Amar Laâdlani, responsable de l’organisation politico-administrative, ordonnait de combattre les mesures de Papon par une riposte en 3 phases.

Dans la première phase, les Algériens, accompagnés de leurs femmes et de leurs enfants, devaient sortir en masse et pacifiquement dans les grandes artères de Paris, à l’heure du couvre-feu. Par mesure de sécurité, les cadres permanents de l’organisation et les militants recherchés étaient exclus de ces manifestations, parce qu’on prévoyait qu’il y aurait des arrestations et qu’il ne fallait pas prendre le risque de décapiter l’organisation. Rendez-vous a été fixé pour le 17 octobre 1961. Le lendemain était prévue la fermeture, pendant 24 heures, des commerces tenus par les Algériens. Cette première phase devait se conclure le troisième jour, soit le 20 octobre, par l’entrée en scène des femmes algériennes, seules, qui se rassembleraient dans Paris, devant la Préfecture de police, les mairies et les commissariats, avec des banderoles et les mots d’ordre suivants : « A bas le couvre-feu raciste » ; « Libération de nos époux et de nos enfants » ; « Négociez avec le GPRA » ; « Indépendance totale de l’Algérie ».

Les femmes sont arrivées de partout aux points de ralliement, elles ont crié les slogans, affronté les matraques des policiers, continué à manifester dans les cars de police et les autobus réquisitionnés pour l’occasion, sous les yeux médusés des Parisiens qui les ont parfois soutenues en invectivant les policiers brutaux. L’occultation de la manifestation des femmes du 20 octobre ne s’est pas produite à ce moment-là. Les presses française et européenne ont rapporté abondamment et en détails le déroulement de cet évènement qui a stupéfié une opinion publique française, qui ignorait jusqu’à l’existence, aux portes de Paris, de toutes ces femmes qui clamaient enfin au grand jour leur lutte pour l’indépendance de leur pays.

L’organe de presse du FLN, El Moudjahid, a également publié plusieurs articles sur ces manifestations de femmes en France et leur avait rendu hommage. C’est à partir de l’indépendance que la participation des femmes, tant en Algérie qu’en France et en Europe, à la révolution a été occultée. Nos dirigeants, à l’occasion de dates anniversaires ou lors d’autres réceptions officielles, se dédouanent en mettant « en vedette » quelques moudjahidate anciennement médiatisées, qui n’étaient souvent pas d’accord pour ce rôle de « l’arbre qui cache la forêt ».

Les moudjahidate et les moussebilate se sont comptées par milliers. En France aussi, les femmes, en majorité femmes au foyer, mais il y avait des ouvrières, des employées et des étudiantes, ne participaient pas aux réunions des militants qui ne leur parlaient pas beaucoup de leur activité, mais dans l’ensemble, elles savaient ce qui se passait et ont apporté une aide multiforme en toute discrétion, elles ont aidé même quand cela ne leur a pas été expressément signifié.

L’implacable répression de la manifestation du 17 Octobre n’a pas dissuadé les femmes de sortir le 20 octobre ?

Absolument. Elles étaient en plein dans le bain depuis le 17 octobre. Il y avait une effervescence incroyable dans Paris, elles avaient elles aussi été bastonnées, violentées, certaines ont perdu la vie. Parmi les manifestants du 17 Octobre, il y a eu entre 10 000 et 12 000 arrestations, ils étaient tous parqués dans les stades et les gymnases, sans eau, ni nourriture, ni sanitaires, des centaines ont été expulsés vers l’Algérie, sans avoir eu le temps de rentrer chez eux pour prévenir et prendre quelques affaires, des centaines d’autres ont disparu, des familles ont été séparées. C’est pourquoi, à l’appel pour la manifestation du 20 octobre, il a paru aux femmes tout à fait normal qu’elles sortent de nouveau et réclamer publiquement la libération de leurs proches et l’indépendance de leur pays.

Quelques rares oppositions de maris à la participation de leurs épouses ont été vite réglées par l’intervention d’un militant. Il y a une autre date importante, celle du 9 novembre 1961, les femmes algériennes à Paris et en province ont manifesté pour la troisième fois. Elles se sont rendues devant les prisons où les détenus avaient commencé une grève de la faim pour protester contre les restrictions apportées par l’administration carcérale à leur statut de détenus politiques arraché de haute lutte quelque temps auparavant. Les manifestantes ont fait montre de leur détermination et de leur discipline, bravant les CRS, refusant de montrer leurs papiers, refusant de se faire raccompagner dans les cars de police, certaines rendant les coups quand elles étaient frappées.

A Lyon, un commissaire a dû « négocier » l’arrêt de la manifestation aux conditions fixées par les femmes responsables qui encadraient les autres. Il faut bien savoir, que pendant notre guerre, le FLN avait une autorité incontestée. Ses directives étaient suivies « sans discussion ni murmure » et les militantes et les militants étaient tenus d’établir un rapport circonstancié de leur exécution, adressé aux responsables du Comité fédéral. L’organisation en France, pour notre émigration, fonctionnait efficacement puisque dans les derniers temps, la quasi-totalité des émigrés étaient répertoriés et structurés.

Un grand travail d’éducation et d’information politique était effectué pour faire connaître la justesse de notre combat et les nobles projets pour l’édification d’une Algérie indépendante, où la justice serait la même pour tous. On étudiait et commentait les écrits de Fanon, la Charte de la Soummam qui, au sujet des femmes, explicite la nécessité de leur émancipation et de leur accès à la vie publique.

Comment les femmes étaient-elles organisées au sein de la Fédération de France du FLN ? A quelle période remonte la création de la section des femmes ?

La création de la section des femmes, à l’échelle fédérale, n’a pas de date définie précise, elle a fonctionné en tant que structure à partir de l’été 1961. Jusqu’à cette date, elle existait sous forme de groupes informels, à la disposition de l’organisation exclusivement masculine. Aussi bien en France qu’en Algérie, où j’ai milité entre 1955 et 1957, c’est ce que nous avons toujours déploré. Nous étions volontaires, enthousiastes, engagées, présentes sur tous les terrains de l’action de l’organisation. Quand j’ai été admise dans la Fédération de France, fin 1957, et complètement dans la clandestinité à partir de mai 1958, j’ai assez vite rencontré d’autres jeunes femmes qui étaient dans l’action sans figurer dans une structure.

C’était parfois les compagnes de cadres de la Fédération, nous étions les premières assistantes de nos compagnons. J’ai constaté chez ces femmes un engagement total. Au début, je menais une double vie : le sport dans la journée et la militance clandestine le soir, et le dimanche où je n’avais pas de compétition ; jusqu’au jour où ma photo a paru dans un journal parisien à la suite d’un meeting d’athlétisme contre des Anglaises. J’étais dans l’équipe de France universitaire (PUC) ; j’ai réalisé alors que ce double jeu pouvait mettre en danger mes frères et sœurs de l’organisation. Le jour même, j’ai arrêté mes cours, mes entraînements et je ne suis plus revenue dans ma chambre à la cité U d’Antony.

L’organisation des femmes comportait deux catégories de militantes : les militantes à plein temps, les « permanentes » qui vivaient dans la clandestinité totale, très vite avec de faux papiers, sans domicile fixe, et celles qui étaient chargées de missions occasionnelles, elles avaient une vie familiale normale, certaines travaillaient parfois en usine ou ailleurs. Je ne dois pas oublier les travailleuses de la radio kabyle et les artistes, chanteuses, danseuses et comédiennes, je pense par exemple à la chanteuse Nouara et à notre future diva nationale Ouarda El Djazaïria âgée alors d’à peine 15 ou 16 ans.

Le 20 octobre 1961, que les femmes algériennes ont marqué avec éclat, ne doit pas faire oublier le militantisme au quotidien, avec ses multiples tâches, la résistance au quotidien face à l’appareil répressif colonial. Il faut le répéter, les femmes se sont massivement impliquées dans la défense de la cause nationale... Elles avaient, nous avions la certitude de la victoire. La certitude, parce nous y mettions le prix, que nous serions indépendants, mais que le pays serait ravagé par la guerre, que notre population durement éprouvée serait épuisée et qu’il fallait se préparer de toute ses forces à notre redressement.

Dans votre appel à la manifestation du 20 octobre, vous esquissez la société que vous aspirez à construire ?

La section des femmes, quand elle s’est formalisée et individualisée, a conçu une brochure explicitant notre projet qui consistait en l’aide à la lutte de libération selon ses besoins en France et en Europe, et dans le même temps, l’élaboration et l’exécution d’un programme d’éducation, de formation politique, d’alphabétisation et de formation professionnelle envers la population féminine émigrée.
Avant le cessez-le-feu, les impératifs de la clandestinité limitant les réunions à plusieurs, chacune rédigeait un rapport qui m’était adressé sur son travail de prospection, de recrutement, de recensement des potentialités, comme des problèmes rencontrés, les plus fréquents revenant à convaincre un mari ou un frère de ne pas s’opposer à l’activité militante de sa parente.

La coordination se faisait entre Oudda Bennacer, Akila Abdelmoumen, Zahra Ould Chikh, Djamila Kebaïli et moi-même. Nous avions chacune un pseudonyme. Au lendemain du référendum, les réunions étant possibles, nous avons organisé plusieurs séminaires de formation et une assemblée générale. La section des femmes s’est alors dotée, très démocratiquement, d’une direction constituée de sept responsables : Kheira Hadji était chargée des affaires sociales, Akila Abdelmoumen de l’organisation, Zohra Djedda de l’alphabétisation, Djamila Kebaïli des relations extérieures, Hnifa Abdeladni de la politisation, Louisa Maâcha du secrétariat et moi-même, en tant que responsable de la section, j’étais connue sous le prénom de Saâdia. Les régions où la section était le plus représentée étaient la région parisienne, surtout la banlieue, l’Est, la Région Lyon Saint- Etienne et le Sud avec Marseille, Toulon et Alès.


Vous avez été désillusionnées, une fois l’indépendance acquise ?

Nous le sommes toujours. A la suite des accords d’Evian et du référendum d’autodétermination organisé au sein de l’émigration, avec une forte implication de militantes dans les bureaux de vote, la Fédération de France, comme les autres wilayas du pays, a établi une liste des candidats à la députation. Parmi ces candidats, il y avait cinq femmes, toutes anciennes militantes permanentes, elles ont été refusées par le Bureau politique à Alger. D’autres hauts cadres proposés ont également été retirés de la liste. N’ont été retenus que quatre membres du comité fédéral, sur les cinq, Abdelkrim Souissi a été écarté. Et encore, ils n’ont pas été acceptés comme membres de la direction de la Fédération de France, mais ont été « dispatchés » entre les wilayas du pays : Omar Boudaoud et Amar Adlani ont été inscrits sur la liste de la Wilaya III ( Kabylie), tandis que la Wilaya IV a pris sur sa liste Ali Haroun à Alger, Rabah Bouaâziz, mon mari à Orléansville (Chlef).

En 1962, Ben Bella et le Bureau politique du FLN n’ont pas accepté que la Fédération de France ait un rang de wilaya. Comme si elle n’avait pas existé, comme si l’émigration n’avait pas joué un rôle notoire, tant par son apport financier (l’essentiel du trésor de guerre) que par ses actions sur le sol français (second front), le sacrifice suprême de nombreux militants exécutés froidement, disparus à jamais, suppliciés, guillotinés. Comme si elle n’avait pas accompli un immense travail de sensibilisation, d’adhésion, de soutien sous toutes les formes à notre juste cause dans les milieux français, européens et auprès des pays amis… La Révolution a eu besoin de tous ses enfants où qu’ils se trouvaient. Pour moi, je l’ai vécu comme une grande injustice et j’ai perdu pas mal d’illusions.

J’ai un autre souvenir pénible : lors de la première commémoration autorisée en Algérie des manifestations et des massacres du 17 Octobre 1961 à Paris, les militants de l’Association des anciens de la Fédération de France ont organisé une belle cérémonie sur l’esplanade de Riad El Feth, il y avait le martyr Aboubakr Belkaïd, qui était ministre de l’Information.
La télévision a voulu prendre des témoignages de femmes qui avaient manifesté à Paris et avaient subi avec leur famille la violente répression de la police, mais comme elles parlaient en français, parce qu’elles ne maitrisaient pas l’arabe « classique », les journalistes leur ont retiré le micro !!! Intolérance, intolérance… L’ordre venait « d’en haut », Le frère Belkaïd n’a rien pu faire.

Qu’attendez-vous aujourd’hui ?

Pour ma génération, je n’attends rien. Mon sentiment, c’est que chaque génération doit accomplir sa part, les jeunes d’aujourd’hui, qui ont leur avenir à construire et qui ont une longue perspective de temps devant eux, doivent prendre leurs responsabilités et s’impliquer dans le destin de la nation. C’est à eux d’inventer et de créer leur avenir, et pour cela, il faut que les aînés leur laissent des espaces, tout l’espace. Ma génération doit se reposer, c’est fini, il faut lâcher les postes. Je ne trouve pas normal que des personnes qui étaient au pouvoir en 1962 soient encore aux commandes en 2011. Je terminerai en disant aux jeunes femmes et jeunes filles de mon pays qu’elles doivent prendre le relais et mener leur bataille pour conquérir une place au soleil, le plus gros a été fait.

Bio express :

Salima Sahraoui-Bouaziz, veuve de Rabah Bouaziz, cadre dirigeant du Comité fédéral du FLN en France, était permanente de l’OS, responsable de la section des femmes de la Fédération de France du FLN, dont les militantes ont été à la pointe de l’autre manifestation, peu connue : la grande manifestation des femmes, le 20 octobre 1961.


http://www.algeria-watch.org/fr/article/hist/algeriennes_relai.htm


Une date méconnue, le 20 octobre 1961

(...)

Consultons sur cet événement quelques-uns des nombreux témoignages collectés à chaud, de manifestantes, de militants missionnés présents sur les lieux et de journalistes.

Fatma Morsli : (…) « En arrivant à St Michel, nous avons été partagées en deux groupes avec la femme de Ramdhane, Simone Boulanouar. Mme Rahma Boulanouar, sa belle-fille, Yamina, Aïcha et moi, on a été aussitôt appréhendées et ils nous ont séparées… Après ça, j’étais dirigée vers l’hôpital Sainte Anne. Nous n’étions pas battues et maltraitées. C’est un docteur qui nous a fait sortir par une autre porte et nous étions 150 femmes avec leurs enfants ».

Oudda Bennaceur : « Nous sommes parties, une sœur et moi de Bobigny, manifester. Nous devions nous rendre au Châtelet. Évidemment, ce ne fut pas tellement facile étant donné que chaque sortie de métro était surveillée par des policiers, leurs armes braquées et vêtus de gilets pare-balles. (…) Ils nous dirigèrent au commissariat de police du 4e. Là, des centaines d’Algériennes nous accueillirent avec des youyous et des cris de : ‘‘Algérie algérienne’’. A ce moment-là, quelques passants s’arrêtaient en entendant nos cris ; deux Françaises parmi la foule applaudirent à nos slogans. Elles furent aussitôt conduites avec nous. De là, ils nous transportèrent dans un bus en direction du 19e en traversant les grandes rues de Paris. Pendant tout le trajet, nous criions de toutes nos forces : ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Le racisme au poteau’’. Un policier dans le bus, furieux, nous dit : ‘‘Moi, quand je n’aime pas un pays, je ne reste pas chez eux !’’. Je lui ai répondu : ‘‘Nous serions heureuses de vivre dans notre pays libérées de vos colonialistes !’’ ».

Arrivées à l’hôpital, ils nous enfermèrent dans une salle où nous accueillirent des cris de « Vive l’Algérie algérienne » et des youyous des sœurs déjà parquées comme du bétail dans cette salle. Nous les accompagnons nous aussi dans un chant traditionnel empli de beauté. Alors que les inspecteurs commençaient à entrer pour nous voir, nous recommencions de crier plus fort encore. Nous eûmes l’idée d’écrire sur les murs de la grande salle ceci : ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Nous voulons notre liberté’’, ‘‘Libérez nos maris’’, etc. A l’heure des repas de midi et du soir, nous avons refusé de manger en leur criant ‘‘Nous voulons notre pays’’ (…) »

Nadira : « (…) Nous devions nous rendre à la manifestation qui devait se dérouler à 12h au Châtelet pour crier tout ce qui nous tenait à cœur depuis tant d’années (…) Là, ont surgi quatre ou cinq agents vêtus de gilets pare-balles. L’un d’eux s’est avancé et nous a demandé nos papiers. Nous lui avons demandé si on pouvait partir, il nous a regardées avec colère et nous a dit : « Pas du tout ! Montez en voiture et en vitesse ! » Le car était très grand, plein de nos sœurs de tout âge, célibataires, mariées, mères de famille avec des enfants. Nos sœurs étaient venues de tous les coins. Une sœur s’est précipitée à la porte du car et s’est sauvée ; trois agents accoururent et l’ont rattrapée. L’un d’eux lui a donné un coup de pied et elle l’a insultée et lui a craché à la figure. »

Il y avait des Européens qui nous regardaient sans rien dire. Nous sommes restées une demi-heure dans le car, puis on nous a conduites au commissariat de police du 4e arrondissement. Là, se trouvaient des sœurs qui poussaient des youyous à notre entrée. Nous avons crié ‘‘Vive l’Algérie indépendante ! ‘‘, ‘‘Libérez nos époux et nos frères’’, ‘‘Vive le FLN’’. Au moment du départ, nous avons crié. Il se trouvait trois Européennes sur le trottoir, elles ont applaudi. L’un des agents a fait arrêter l’autobus et ils les ont faites monter avec nous en les insultant… Ils m’ont donné un coup de poing et une gifle à une de mes sœurs. Nous avons mis un foulard à la vitre. Ils l’ont arraché en nous bousculant.

Au feu rouge, les journalistes nous photographièrent. Nous avons cassé les tables, les bancs, les lampes, écrit au rouge à lèvres étant donné que nous n’avions pas de craie. L’inspecteur est venu et a crié : ‘‘Qui a écrit vive le FLN ?’’ Nous lui avons répondu en criant toutes ensemble que c’était nous. Il nous a dit : ‘‘Qui va payer les tables, les bancs, les lampes cassées ?’’ Il nous a dit : ‘‘Moi, si je n’aime pas un pays, je n’y vais pas’’. Nous lui avons répondu que tout notre pays était rempli de postes de colons et qu’une fois qu’ils nous laisseront la place, nous on ira. Il nous a dit : ‘‘On va vous donner votre Algérie, vous casserez des cailloux’’. Nous avons répondu que nous serions très heureuses (…).

Fatma Dehimi : « J’étais responsable de plusieurs sœurs, marchant à l’avant, le drapeau algérien dans ma main. On criait ‘‘Algérie algérienne’’, ‘‘Libérez les détenus’’. Lorsque nous avons été encerclées par plusieurs policiers, je me suis mise à l’avant, avec le drapeau. J’ai griffé des agents. Alors, ils m’ont battue à coups de matraque aux jambes et à l’épaule. Jusqu’à présent, j’ai des marques sur mon corps. Je suis toujours prête pour ma patrie algérienne. Mon mari est emprisonné depuis trois ans au camp de Larzac. J’ai un enfant à ma charge. Vive l’ALN ! Vive le FLN !’’

Raya Daoui : « … Il fallait attendre un autre groupe de femmes qui devaient arriver avec les drapeaux dans un sac. Nous voici donc toutes rassemblées, au total 36 femmes. Aucune peur ne se lisait sur nos visages, bien au contraire, nous allions défendre notre patrie… »

Farida Amghar : « … Nous étions nombreuses, parmi nous, il y en avait de Nanterre, venues à pied, femmes et enfants, de Vermeileu-Parisis, de St-Denis etc. Les agents étaient brusques avec nous. Nous avons entendu des réflexions de toutes sortes. Un agent a bousculé une femme enceinte et nous avons toutes protesté, crié, nous étions courageuses. Les inspecteurs interrogeaient les enfants, leur demandaient : ‘‘Pourquoi êtes-vous venus à Paris ?’’ ‘‘Pour manifester’’, dit un enfant de 8 ans ! Les tout-petits pleuraient, ils n’avaient rien mangé depuis le matin. Quelques femmes avaient des panneaux ‘‘Algérie algérienne’’ ‘‘Libérez nos hommes’’ ‘‘Arrêtez les massacres’’. Ce jour-là était pour nous un jour de lutte pour notre pays. Nous ne regrettons rien de ce que nous avons fait et dit et s’il faut recommencer, nous sommes prêtes, nous les femmes algériennes !’’

Mme Boubekeur : « …Nous sommes descendues du métro, toujours groupées. Au bas de l’escalier, nous avons trouvé trois agents de police. Là, Mme D. et Mme C ont pris le drapeau et l’ont brandi en l’air pour que tout le monde le voit. Malheureusement, toute une armée de gendarmes, policiers, CRS, nous ont barré la route en disant à Mme D. et Mme C : ‘‘Jetez-moi ce chiffon ! ‘‘, en parlant du drapeau ! Ensuite, mitraillette au poing, les policiers nous ont conduites à la prison du 5e arrondissement. Nous étions très nombreuses, mais les policiers aussi, et ils avaient un avantage, ils étaient armés. Nous avons eu quelques bousculades. Nous avons été identifiées et ensuite on nous a laissées un bon moment sans savoir ce qu’ils allaient faire de nous puisqu’ils manquaient de place. Là, nous sommes montées dans des cars policiers, en nous comptant plusieurs fois. Un policier est arrivé avec un kilo de sucre en morceaux pour distribuer aux enfants en attendant de leur donner à manger. Mais personne n’en a voulu ».

Rabha Dekar : « … Nous avons pris un taxi jusqu’à Chatelet. Nous avons été arrêtées par la police et nous avons été conduites au poste de police du 4e arrondissement en attendant que l’autobus nous conduise aux hospices. Nous avons crié pendant trois heures ‘‘Vive le FLN ! Algérie algérienne ! Libérez nos maris !’’ etc. Nous avons été conduites à l’hôpital Lariboisière du 10e arrondissement en autobus, en criant et en répétant les mêmes slogans. Nous avons aussi cassé les carreaux, les portes, les tables, on a tout saccagé… »

Zahia Belhocine : « … Ils nous laissèrent à peu près trois quarts d’heure à l’Hôtel de Ville. Après ça, ils commencèrent à trier : les jeunes filles et femmes qui étaient venues seules, d’un côté, les femmes avec enfants, de l’autre. Dans l’autobus qui nous transportait, nous commencions à crier ‘‘Algérie algérienne ! Libérez nos ministres ! A bas le racisme !’’, etc. Toutes les personnes qui se trouvaient sur le boulevard s’arrêtaient pour nous écouter, d’autres sortaient des magasins ou de chez elles. Une jeune fille mit un foulard vert à la fenêtre, en s’apercevant de ça, un CRS nous prit brutalement par les épaules en nous poussant vers le fond de l’autobus… Ce qui m’a beaucoup frappée, ce sont les Françaises, la plupart mariées à des frères, elles criaient comme nous, faisaient du tapage. Les femmes algériennes ont été très courageuses, certaines ont laissé leurs enfants seuls à la maison et sont venues malgré ça ! »

Un militant : « Nous avions reçu la directive d’avertir toutes les femmes de se rendre devant les portes de la préfecture de police le vendredi à 12h. Toutes celles prévenues dans la nuit se sont rendues à l’heure prévue. Celles qui n’ont pas pu être touchées et avoir communication de l’horaire ne sont pas parties. Pour le moment, aucune n’est signalée qui, prévenue, n’a pas participé. Nous pouvons donc considérer qu’elles sont toutes révolutionnaires et ont toutes participé à la manifestation… La police a demandé aux Algériennes : ‘‘Etes-vous venues sous la menace du FLN ?’’, réponse : ‘‘Nous sommes venues parce que vous avez arrêté nos maris. Nous voulons qu’ils soient libérés ou nous les rejoindrons ! ‘‘ La police a répondu : ‘‘La prochaine fois, vous serez cueillies par les harkis !’’ ».

Le Monde du 21 octobre 1961 :

« Vendredi matin, place de l’Hôtel de Ville et dans d’autres quartiers de Paris, des femmes musulmanes ont tenté de manifester contre le couvre-feu. Vendredi, à la fin de la matinée, une manifestation de femmes musulmanes s’est déroulée place de l’Hôtel de Ville pour protester contre le couvre-feu et les arrestations en masse des travailleurs algériens… Dans d’autres quartiers, à la périphérie de Paris, des femmes musulmanes ont également tenté de se rassembler dans la matinée. Elles ont été conduites en car dans les commissariats. »

Le Monde du 22 et 23 octobre 1961 :

« Un millier de femmes souvent accompagnées d’enfants ont été appréhendées à Paris »

L’Express du 26 octobre 1961 :
(Reportage de Jean CAU).

« … Ces derniers jours, je n’ai vu que des visages désertés par le sourire, des yeux tuméfiés, des dos bleuis à coups de crosse ; je n’ai entendu que des récits où revenaient, en litanie, les mêmes mots : rafles, coups, tortures, disparitions, assassinats. Pour monter les étages, le gosse frottait des allumettes… Ils m’ont fait asseoir. La mère, cinquante-et-un ans, qui était dans le lit, s’est excusée. Elle ne pouvait pas bouger à cause de son dos qui était tout bleu. Mais je voyais son visage violet et noir, avec un œil - l’œil gauche - gonflé comme un œuf et dont la cornée était rouge vif. ‘‘Le docteur il a dit que l’œil était mauvais et que je perdrai la vue de ce côté’’. Les deux fils se taisent. Le père regarde sa femme. Elle me dit qu’elle était allée manifester « parce qu’on nous tue trop et parce que maintenant on doit rester dans la maison comme des rats ».

Elle défilait avec sa fille et l’un de ses fils, lorsque ce fut la charge. – ‘‘Un policier, il a mis son revolver sur ma fille…’’ Elle est intervenue. Un autre policier l’a jetée à terre et elle a reçu une volée de gifles, des coups de matraque. On les a jetées elle et sa fille dans le car. ‘‘Là, les policiers m’ont tordu le bras, regarde… et ils me criaient : ‘‘Salope ! On te crèvera, on te videra comme un lapin. Dis ‘‘Algérie française ! Salope !’’. Et il m’a dit des choses que je ne peux pas répéter. Alors, moi j’ai crié : ‘‘Vive l’Algérie indépendante ! Vive mes frères’’. Et j’ai dit au policier : ‘‘tu peux me tuer si tu veux, mais je ne dirai pas autre chose !’’ ».

On l’a jetée dans le commissariat du Val de Grâce. Sous ses yeux, sa fille a attrapé une dégelée de coups de pieds dans le ventre. Dans la nuit, on l’a jetée sur la chaussée. Elle a réclamé sa fille. Les policiers ont levé leurs matraques. Titubant, se traînant, elle se demande comment elle a pu rentrer chez elle. « Et votre fille ? ». « Elle n’est pas revenue. Y a trois jours et elle n’est pas revenue ».

Forbach (Est) : (La responsable locale de la Section des femmes de la Fédération de France du FLN) :

« Nous avons mis à exécution les décisions prises par l’organisation de faire du 20 octobre 1961 une journée de manifestation de nos sœurs accompagnées de leurs enfants. Nous avons mis l’ensemble de notre effectif féminin en état d’alerte. Les moyens de locomotion, les itinéraires à suivre et l’acheminement des banderoles se sont bien effectués et nous n’avons eu aucune difficulté à signaler dans ces domaines.

Sur chacune des banderoles, faites en double, nous avons inscrit les slogans suivants :

A bas les mesures racistes
Libération de nos époux et de nos enfants
Indépendance totale de notre pays
Négociations avec le GPRA

L’effectif des femmes mis en mouvement est de 353 et celui des enfants de 175, qui ont accompagné leurs mères. Arrivées sur les lieux (à partir de deux endroits différents pour atteindre la sous-préfecture de Forbach), des policiers et des gendarmes leur ont arraché les banderoles. Dans une voiture, des policiers, dont un inspecteur leur disaient : ’’Rentrez chez vous !’’. Les sœurs continuaient de marcher en lançant des youyous. Les gendarmes en nombre important pourchassaient les femmes tandis que les enfants pleuraient. Dispersées, nos sœurs se sont de nouveau réorganisées à Stiring, en revenant avec de nouvelles banderoles qu’elles ont récupérées et des morceaux de bois pour les tendre. Ensuite, deux autres groupes arrivèrent. A ce moment, la sous-préfecture était protégée d’une barrière en grilles, barrant les deux rues qui y donnent accès.

Des heurts ont été provoqués par l’arrivée des CRS et des pompiers. Ces derniers n’ont pas utilisé de jets d’eau, par contre les gendarmes mobiles et les CRS ont procédé à des brutalités sur les femmes en utilisant leurs bâtons et en frappant les femmes aux bras pour leur faire lâcher les banderoles. Nos sœurs refoulées dans le centre de la ville ont bloqué la circulation dans toutes les artères importantes. Et de nouveau elles se sont réorganisées avec les groupes revenant de Stiring et ont marché sur la ville. Les gendarmes et les CRS ont été débordés. Ils ont procédé à des brutalités et à 10 arrestations… »

Rouen (Ouest) : un militant : « Le jour de la manifestation, la police était en alerte depuis 8h du matin, soit les gendarmes, les CRS, la police et la DST. Des barrages ont été installés avec des herses à chaque entrée de la ville de Rouen. Toute voiture, bus et camion compris, est arrêté pour vérification d’identité de chaque passager, quelle que soit sa nationalité. Même chose pour les passantes et les passants. Les Françaises poursuivent leur chemin, les Algériennes sont arrêtées et conduites à la Centrale et à la caserne St.Severt.

Une Française n’a pas répondu aux sommations de la police, celle-ci a tiré des rafales de mitraillette, crevant les pneus de la voiture. Après le scandale qu’elle a fait à la police, la Française a été conduite au poste et relâchée le soir. Les femmes françaises qui sont sorties avec leurs gosses pour faire leurs courses ont été arrêtées pour vérification d’identité et refoulées vers leur maison sans pouvoir se rendre là où elles allaient. Les femmes françaises mariées aux nôtres et les Algériennes qui se sont fait arrêter à 2 ou 3 sont vérifiées et refoulées vers leur domicile tout en s’entendant dire : ‘‘Si on vous revoit dehors, vous savez où c’est qu’on va vous mettre !’’ »…

« Enfin, à midi, les femmes suivent l’ordre donné. 174 femmes de Rouen, Vernon, Evreux, Aissel et les banlieues de Rouen se sont rendues au centre de Rouen pour manifester. Une quarantaine de manifestantes ont réussi à joindre la place de l’Hôtel de Ville et ont déployé les banderoles. La police les a arrêtées toutes et conduites au Central où elle a procédé aux vérifications d’identité et des domiciles. Elles ont été retenues jusqu’à 15 heures. Au Central de police, les sœurs ont crié les slogans inscrits sur les banderoles… »
Mézières (Nord) : une

Militante : « Le 20 octobre, après de brèves délibérations avec le commissaire, celui-ci autorisa deux sœurs à se rendre à la Préfecture. Nous avons tout d’abord protesté, notre dessein était de nous y rendre toutes ensemble. Par la suite, vu la résistance que nous rencontrâmes, deux sœurs se rendirent en délégation à la Préfecture. Là, elles exposèrent les motifs et le but que nous voulions atteindre par ces manifestations. Elles remirent une lettre au Préfet dans laquelle nous avons exposé les motifs suivants :
La reprise des négociations immédiates avec notre gouvernement, le GPRA, lequel a le soutien et la confiance du peuple algérien.
La libération des 5 frères ministres internés à Turquant : Aït Ahmed, Ben Bella, Bitat, Boudiaf, Khider

D’autre part, nous avons tenu à protester contre : les arrestations massives de ces derniers jours, arrestations que ne peuvent justifier les sentiments nationalistes exprimés par tous. Les sévices et les tortures dont sont victimes de nombreux frères et sœurs incarcérés. Nous exigeons la libération de nos maris à qui l’on ne peut reprocher que d’avoir exprimé avec force des sentiments nationalistes. Après la lecture de notre lettre, le Préfet exprima son ignorance des sévices et tortures auxquels nous faisions allusion.

Quant au déroulement des manifestations, tout se passa dans un calme relatif. La volonté des sœurs a été nette malgré l’opposition des policiers, les slogans et les drapeaux firent leur apparition sur le quai et aux portières de l’autorail. Le voyage ne passa donc pas inaperçu et il semble que la majorité de la population française approuve nos manifestations. « Le Préfet a été impressionné par la justesse de la cause défendue par nos sœurs et la détermination mise par elles pour remplir leur mission ; celui-ci, ancien avocat, prétend comprendre le droit des hommes et des femmes de notre peuple à disposer d’eux-mêmes dans le respect et la dignité »…

« Pour ce qui est des Français, tous ont admis qu’une démonstration faite par des femmes, accompagnées de leurs enfants, ne peut être le fait de la peur ou du hasard, mais bien la preuve que notre peuple a atteint une maturité et une solidarité à toute épreuve ; que rien ne détourne ou n’empêche un tel peuple d’atteindre son objectif. Qu’une paix épargnera des vies humaines, surtout celle de leurs propres enfants qui meurent pour une cause injustifiée ».

Lille (Nord) : (un militant) : « L’ordre a été largement suivi puisqu’une grande majorité a participé ce jour-là. Malgré la mobilisation de toute la police et des CRS, cela n’a pas empêché nos sœurs, parfois accompagnées de leurs époux, de descendre dans la rue. Dans la localité de Tourcoing, plus de 650 femmes et enfants sont sortis dans la rue avec des pancartes sur lesquelles sont inscrits les slogans reçus. Plusieurs dizaines ont pu rejoindre la préfecture de Lille où la population du quartier de Wazemie les attendait. Des commerçants européens ont même fermé un moment leur boutique en voyant arriver les manifestantes. Quant aux autres sœurs de Tourcoing et de Roubaix, qui n’ont pu franchir les barrages de police, elles ont manifesté à plusieurs centaines dans les rues des localités et sur la place de la ville, devant la centrale de police, ce qui a occasionné plus de 500 arrestations ! »

Pas De Calais (Nord) : (un militant) : « Plus de 200 femmes accompagnées de leurs enfants se sont mises en route pour aller manifester à Arras, avec des banderoles préparées à l’avance. Mais là aussi, les policiers les ont arrêtées en cours de route par des barrages établis aux arrêts d’autocars et sur l’autoroute… »

L’Humanité du 21 octobre 1961 : « Manifestations dans plusieurs villes de l’Est ».

A Thionville : une cinquantaine de femmes, portant leurs enfants dans les bras, ont défilé dans les rues principales se dirigeant vers la sous-préfecture. Devant les grilles du bâtiment, elles ont poussé des youyous et brandi des banderoles. Elles ont été arrêtées et conduites au commissariat.

A Longwy : une manifestation s’est déroulée avec la participation d’une soixantaine de femmes.

A Metz : on signale une autre manifestation de femmes.

A Mulhouse : une centaine de femmes se sont formées en cortège pour manifester devant la sous-préfecture, tandis qu’à Charleville une cinquantaine d’Algériennes, accompagnées de leurs enfants sont arrivées en gare afin de se rendre à la préfecture de Mezieres. Les policiers les ont enfermées dans la salle d’attente de la gare. Au moment de leur embarquement, elles ont manifesté en poussant des youyous et en scandant « Algérie Algérienne ! ». Deux manifestations se sont déroulées hier après-midi à Forbach, entre 12h et 14h30. La première a rassemblé 350 femmes avec leurs enfants. Elles se sont dirigées vers la sous-préfecture en poussant des youyous. Peu après 14h, un second groupe d’une centaine de femmes s’est dirigé vers l’usine Stiring-Wendel.

A Belfort et A Montbéliard : Cris hostiles et youyous ont scandé les manifestations des musulmanes hier matin à Belfort et à Montbéliard :
« Répondant aux ordres donnés par le GPRA, les Nord-Africains et surtout leurs épouses et leurs enfants manifestèrent hier à Paris. Il est bien évident que le mouvement devait s’étendre dans les régions à forte densité de population musulmane. C’est ainsi que dans le secteur de Belfort-Montbéliard-Sochaux, les services de police durent endiguer le flot des manifestantes…

Suivant un mot d’ordre général, les musulmanes, se servant de leur progéniture comme ‘‘bouclier’’ se rassemblaient hier matin à Montbéliard, tandis que les services de sécurité du commissariat central de Montbéliard et de la gendarmerie se tenaient en état d’alerte. Venues des quatre coins du pays, des délégations circulaient en ville… »

Nous retiendrons, qu’en organisant en France même les manifestations des femmes émigrées, le Comité Fédéral de la Fédération de France* a entendu notre aspiration à participer directement et sans restriction aucune à l’action. C’est en quoi notre engagement à la lutte était par nature révolutionnaire et porteur de progrès…

Puissent ces quelques témoignages immortaliser toutes les femmes-courage du 20 octobre 61, les sortir à jamais de l’oubli et faire entendre leur voix à nos enfants. Ainsi, il leur sera enfin rendu justice dans l’Histoire de l’Algérie.

Mimi Maziz
Garmia Ferria
Akila Abdelmoumen-Ouared
Malika Benchenouf
Salima Sahraoui-Bouaziz
(Militantes de la Fédération de France du FLN 1954-1962)

* : Omar Boudaoud, Chef de la Fédération de France.
Kaddour Laâdlani, Organisation « Nedham » (Paix à son âme).
Abdelkrim Souissi, Finances et Organisations de masse (Paix à son âme).
Rabah Bouaziz, Organisation Spéciale et Renseignement (Paix à son âme).
Ali Haroun, Presse et Soutien aux détenus.

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