Une tribune pour les luttes

Aux citoyens de s’emparer de la question du nucléaire ! Ni les verts, ni encore moins les socialistes ne nous sortiront de cette horreur !

analyses du livre "Sortir du nucléaire, c’est possible, avant la catastrophe"

Article mis en ligne le vendredi 25 novembre 2011

Un livre déjà ancien mais plus que jamais d’actualité

Deux analyses du livre "Sortir du nucléaire, c’est possible, avant la catastrophe"

Dans l’ouvrage Radioprotection et droit nucléaire. Entre les contraintes économiques et écologiques, politiques et éthiques. Collection Stratégies Énergétiques Biosphère et Société (SEBES). Sous la direction de IVO RENS et JOEL JAKUBEC, Georg Éd., Genève 1998.
A la rubrique LITTÉRATURE, p. 388 à 390 :

Pour être important un livre n’a pas nécessairement besoin d’être " ventru ". Et cet opuscule est assurément important par l’immensité de l’enjeu, l’originalité des thèses et plus encore par la rigueur de l’argumentation.
L’enjeu n’est autre que le maintien de l’habitabilité de la France et, implicitement au moins, des autres pays adonnés à l’électronucléaire ou, à tout le moins, la survie de la démocratie dans ces contrées. Les technocrates ont imposé à la France cette technologie en la présentant " comme l’énergie de l’avenir, abondante à l’infini, parfaitement sûre, une énergie sans déchets " (p. 12). Toutefois leur discours s’est subrepticement infléchi, surtout depuis l’accident de Tchernobyl survenu en 1986, et de nos jours ils reconnaissent que cette industrie produit bel et bien des déchets qui resteront préoccupants pendant des siècles et qu’un accident radiologique majeur comme celui de Tchernobyl, quoiqu’ayant une très faible probabilité d’occurrence ne saurait être exclu en France même de sorte qu’il convient de se préparer à le gérer (p. 31 à 46). Les auteurs contestent toute pertinence au calcul des probabilités en l’espèce eu égard à l’indigence des références statistiques et surtout à l’extrême magnitude du risque radiologique majeur. " Les accidents sur nos réacteurs sont désormais reconnus comme étant possibles. C’est l’ampleur de leurs conséquences qui doit être l’élément clé du dossier nucléaire concernant l’acceptabilité de cette énergie " (p. 5). Or ces conséquences seraient catastrophiques pour la France, le pays industriel le plus nucléarisé, comme le reconnaissent expressément le président de la Société française de médecine des catastrophes et implicitement les nucléocrates et les gouvernements français successifs qui, depuis 1986, ont par décrets aménagé le droit français dans le sens d’une radioprotection toujours plus laxiste en vue de pouvoir " gérer " une éventuelle " urgence radiologique ", euphémisme créé par la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) et par lequel les nucléocrates désignent l’accident nucléaire majeur. Au demeurant cette " gestion " obéit à une logique économique mais à des méthodes militaires, l’objectif étant de protéger d’abord les installations nucléaires bien plus que les travailleurs du nucléaire ou les populations promises aux maladies des rayons et aux évacuations, ce qui démontre l’incompatibilité fondamentale entre l’électronucléaire et la démocratie.

Devant pareil constat toute politique raisonnable consisterait à décider de " sortir du nucléaire ". Toutefois compte tenu du conditionnement de la majorité de l’opinion publique française par plusieurs décennies de propagande nucléocratique, la plupart des " écologistes " - c’est à dire des écologistes politiques représentés en France surtout par les Verts - ont opté pour une sortie en douceur. " Ils exigent une décision immédiate pour un arrêt futur du nucléaire, par le non-renouvellement des réacteurs (vers 2010 et même plus tard). Cela leur permet de se placer dans la mouvance antinucléaire tout en faisant alliance avec des pronucléaires notoires. Cette stratégie politico-électoraliste est particulièrement néfaste pour la crédibilité du mouvement antinucléaire au sein d’une population de plus en plus écoeurée par les magouilles politicardes " (p. 101). Aussi bien les auteurs s’en prennent tout particulièrement aux " leurres " inhérents à l’argumentation des Verts actuellement au pouvoir dans la " majorité plurielle ".

Nos auteurs, pour leur part, préconisent une reprise en main de leur destin par les Français qui, enfin conscientisés aux risques de catastrophe inhérents à l’électronucléaire, décideraient démocratiquement l’abandon " rapide " de cette industrie. Pour cela, paradoxalement, les principaux obstacles idéologiques à écarter sont issus de la mouvance écologiste. Sortir rapidement du nucléaire implique en effet la reconnaissance de l’irréalisme inhérent aux mythes bâtis sur les " énergies renouvelables ".
" Ces énergies ne peuvent pas, actuellement, remplacer l’énergie nucléaire. Il n’est pas évident qu’elles pourront jouer un rôle important même dans un avenir lointain sans une modification profonde de la société. Toute référence exclusive aux énergies renouvelables pour sortir de l’impasse nucléaire a pour conséquence la justification et le maintien de l’énergie nucléaire pendant longtemps. Ceci est totalement inacceptable ;
Une stratégie de sortie rapide du nucléaire, pour être crédible et acceptable par la population, ne doit compter que sur les technologies directement utilisables actuellement, c’est à dire, outre l’hydraulique, la production d’énergie électrique à partir des combustibles fossiles : le fioul, le gaz et le charbon. Et cela n’est pas délirant puisque la plus grande partie de l’énergie électrique utilisée dans les pays industrialisés provient de ces technologies. " (pp. 49 et 50) Autrement dit, le seul préalable pour sortir du nucléaire consiste pour les Français à renoncer à ce que leur pays reste un " cas aberrant parmi les pays industrialisés du point de vue de l’électricité d’origine nucléaire " (p. 47).

L’originalité des auteurs est d’argumenter sur la base de données chiffrées, aucune stratégie énergétique sérieuse ne pouvant s’en dispenser. Or donc, en 1995, année de référence, la production d’électricité d’EDF qui représente 94% de la production totale française, a été de 470,6 Twh. Pendant cette année la France a exporté 70 Twh d’électricité. Par ailleurs l’autoconsommation de l’électronucléaire au cours de cette même année - due notamment aux usines d’enrichissement et de retraitement - peut être évaluée à quelque 28 Twh.
" Si l’on attribue ces 98 Twh au thermique nucléaire, la consommation électrique en 1995 peut être évaluée à 372,6 Twh. La puissance des installations thermiques classiques existantes, alimentées en combustibles fossiles, est de 24 GW. Elles ne fonctionnent actuellement qu’avec une efficacité de 17,5%. Elles peuvent fonctionner avec une efficacité bien plus grande que les réacteurs nucléaires car ce sont des installations robustes exigeant un entretien moindre que les installations nucléaires. Elles pourraient fournir annuellement 190 Twh. Avec une capacité hydraulique de 75,5 Twh cela permettrait une production de 265,5 Twh. Pour assurer la consommation actuelle, il manquerait donc 107 Twh soit 30% de la production électronucléaire actuelle." (pp.55 et 56)

En réalité ce 30% restant pourrait être résorbé par l’abandon rapide du chauffage électrique " qu’EDF a favorisé d’une façon intensive et qui est l’utilisation la plus irrationnelle de l’électricité " (p. 56). Il conviendrait d’une part d’interdire l’installation de chauffage électrique dans les nouvelles habitations et d’autre part de prendre des mesures visant à susciter une rapide reconversion des chauffages électriques installés en chauffage au gaz.
Par conséquent les auteurs préconisent notamment l’arrêt immédiat de 70% des réacteurs existants sur les 57 que compte le parc électronucléaire français à choisir parmi ceux qui menacent des régions difficiles à protéger en cas d’accident, l’abandon du retraitement et de la production du combustible MOX, et bien sûr l’arrêt immédiat des exportations et de l’autoconsommation électronucléaire, puis l’arrêt rapide des 30% restant grâce à " la mise en place sur les centrales thermiques classiques des dernières améliorations dont EDF et les Charbonnages de France ont la maîtrise concernant la rétention des produits nocifs ; la mise en chantier de réacteurs à combustibles fossiles qu’EDF a développés récemment (" charbon propre "), en particulier pour l’exportation - en Chine - et pour son propre usage éventuel (puissance de 600 et 700 Mwé) ; la mise en place d’un programme national d’aide à la réduction de chauffage électrique. " (p.60)

Certes, le recours aux combustibles fossiles présente l’inconvénient de contribuer à accroître la dérive anthropogénique de l’effet de serre. Nos auteurs n’en disconviennent pas mais considèrent que cette contribution supplémentaire n’aurait qu’une incidence marginale. Sur ce point leur argumentation nous paraît moins solidement étayée que sur les autres problèmes. Le risque inhérent au changement climatique est loin d’être négligeable pour la Planète et pour la France elle-même. Peut-être aurait-il fallu ici tenter d’entreprendre une analyse comparative de l’efficacité ou de l’impact des diverses stratégies énergétiques françaises possibles respectivement sur le risque d’une catastrophe nucléaire et sur celui d’une catastrophe climatique et serait-il possible de conclure que, à elle seule, la France a les moyens d’éviter la première de ces catastrophes mais non point la seconde qui ne peut être conjurée qu’au niveau mondial.

Nos auteurs ne se désintéressent nullement des énergies renouvelables et des économies d’énergie. Mais ils estiment que les potentialités actuelles ou prochaines des unes et des autres ne sont pas du même ordre de grandeur que celui de la production d’électricité nucléaire sauf pour ce qui est de l’abandon du chauffage électrique : " Une réduction drastique du chauffage électrique est l’un des éléments clés pour l’abandon total de l’électronucléaire en France, car il représente environ 30% de la consommation électrique domestique. " (p. 79) A leur avis, " il ne devrait pas y avoir d’opposition entre une sortie rapide du nucléaire avec les moyens dont on dispose (hydraulique, charbon, fioul) et le développement d’une stratégie énergétique pour une société vivable à plus long terme. " (p. 108)

" Dans le débat sur la sortie du nucléaire les énergies alternatives jouent un rôle primordial au sein du mouvement antinucléaire. Il est évident que vivre comme nous vivons actuellement avec de l’énergie solaire et éolienne serait extrêmement attrayant. Le même confort de vie, pas de danger, pas de déchets, pas d’atteinte à l’environnement. Malheureusement, la réalité est très différente. Les énergies renouvelables, les seules qui pourraient assurer un avenir énergétique sur des temps infinis, ne peuvent garantir notre mode de vie actuel. C’est donc une escroquerie de le prétendre. " (p. 87)

Ce que craignent par dessus tout les auteurs, c’est que leur pays attende une catastrophe pour sortir du nucléaire. L’entreprise serait alors infiniment plus difficile et douloureuse. Leur attitude, prophétique, est authentiquement catastrophiste puisqu’elle dénonce la politique catastrophique que suivent sans désemparer les gouvernements français depuis le lendemain de la IIème guerre mondiale.
Ivo Rens, Genève.
Ce texte est paru également dans Services publics, journal du Syndicat suisse des services publics, 11 juin 1998.


Dans la revue CONTRATOM, (Numéro 47, Septembre 1998).
Sous la rubrique A lire, à discuter ! une analyse de Pierre Vanek :
Roger et Bella Belbéoch sont des physiciens français membres du Groupement de scientifiques pour l’information sur l’énergie nucléaire (GSIEN) qui édite en France l’irremplaçable Gazette Nucléaire. Périodique qui porte un indispensable regard critique, solidement étayé sur le plan scientifique, sur les tenants et les aboutissants de l’énergie nucléaire dans tous ses maillons.
Ils viennent de publier un petit livre (de poche !) qui, en 126 pages (A6) bourrées d’informations contient de quoi donner à réfléchir aux citoyen-ne-s en général et aux antinucléaires en particulier.

Critiques par rapport aux scénarios de sortie " longue " du nucléaire, y compris par rapport à la mise au premier plan de perspectives de substitution de l’électricité d’origine atomique par les énergies emblématiques traditionnelles pour les antinucléaires que sont le solaire ou l’énergie éolienne, les auteurs remettent au centre de la problématique le risque majeur de catastrophe nucléaire. En abordant notamment les préparatifs de " gestion des turbulences sociales " découlant des accidents nucléaires auxquelles se préparent nos adversaires. " Société nucléaire=société policière " est un vieux slogan dont toute l’actualité est bien mise en lumière.

Les Belbéoch fondent de manière très persuasive l’urgence (et la possibilité !) d’une sortie rapide du nucléaire. Pour la France ils esquissent un scénario comprenant l’arrêt des exportations, l’utilisation maximale de l’hydraulique et des centrales existantes au fioul et au charbon. Iconoclastes et critiques par rapport à certaines positions des Verts, et d’autres pôles de l’opposition au nucléaire (Les Européens contre Superphénix par ex.) cet opuscule n’est de loin pas une resucée du " catéchisme " antinucléaire traditionnel. On peut être d’accord ou pas avec les avis qu’il exprime, mais les débattre me semble une nécessité si on veut maintenir vivants une pensée (et un mouvement) antinucléaire, ceci à une heure où d’aucuns considèrent un peu trop vite que nos batailles sont gagnées et que l’industrie électronucléaire s’écroulera par elle-même sous les coups de boutoir de la " libéralisation " du marché électrique, et qu’on peut passer à d’autres priorités...

texte provenant de : http://www.dissident-media.org/infonucleaire/analyses_sortir.html

P.-S.

abales chez hotmail.fr

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