Une tribune pour les luttes

Enquête

Les conditions de travail se dégradent depuis 1994

par Fanny Doumayrou

Article mis en ligne le lundi 10 janvier 2005

L’exposition des salariés aux risques et la pénibilité au travail se sont accrues, selon une étude du ministère de l’Emploi.

Seul point positif, les semaines de travail très longues sont en recul. Pour le reste, l’exposition aux risques et la pénibilité des salariés au travail se sont accrues ces dix dernières années. Ce sont les premiers résultats de l’enquête Sumer 2003, réalisée pour le ministère de l’Emploi auprès de 50 000 salariés interrogés par leur médecin du travail [1] Cartographie des risques et des expositions par secteurs d’activité et par catégories de salariés, la précédente étude, en 1994, avait jeté le pavé dans la mare en révélant une situation des plus inquiétantes, avant de devenir une référence dans les milieux s’intéressant à la prévention des risques au travail.

Pour Sumer 2003, le champ d’étude des salariés du régime général et de la Mutualité sociale agricole a été élargi aux salariés des hôpitaux publics, de La Poste, d’EDF-GDF, de la SNCF et d’Air France. Concernant les horaires, l’étude révèle un recul des semaines de travail de plus de 40 heures, qui concernent « seulement » 20 % des salariés contre 29 % en 1994. Mais les contraintes augmentent : le travail habituel le samedi augmente pour des catégories jusqu’alors épargnées comme les ouvriers et les employés administratifs. Le travail de nuit concerne 13 % des salariés, avec des pointes à 21 % pour les ouvriers qualifiés ; il se développe dans l’industrie, surtout pour les ouvrières qualifiées (+ 6 points). Enfin, les salariés subissant des astreintes sont deux fois plus nombreux qu’en 1994 : 10 % contre 5 %.

Les contraintes organisationnelles (rythme de travail) se renforcent également, même si la pression vient de moins en moins directement de la hiérarchie que d’un contrôle informatisé (+ 15 points pour les ouvriers). « Le sentiment de travailler dans l’urgence se développe », souligne l’étude, et « aucun secteur n’est épargné ». Les cadres sont les plus touchés, mais les augmentations les plus fortes concernent l’agriculture et les ouvriers non qualifiés : « Les exigences du marché sont désormais perceptibles à tous les niveaux de l’entreprise », concluent les auteurs.

Le contact avec le public passe de 63 % à 71 % des salariés, et il est de plus en plus vécu comme un risque d’agression physique. Autres pénibilités en augmentation : l’exposition au bruit, qui concerne plus de la moitié des salariés de l’industrie, et le travail sur écran, qui a doublé en dix ans pour atteindre 22 % des salariés. Du côté de la manutention, le port de charges lourdes concerne 7,5 millions de travailleurs (41 %), et 30 % des femmes sont exposées contre 26 % en 1994. Enfin, 17 % des salariés sont soumis aux gestes répétitifs, source de ces troubles musculo-squelettiques qui sont en tête des déclarations de maladies professionnelles.

Enfin, l’enquête insiste sur la progression de l’exposition aux produits chimiques, ayant soit une action immédiate (brûlure, irritation, allergie), soit des effets différés (cancers). Si 38 % des salariés sont exposés contre 35 % en 1994, l’augmentation se concentre dans l’agriculture, la construction et l’industrie, et de façon inégalitaire selon les catégories de salariés : l’exposition longue (plus de deux heures par semaine) baisse chez les professions intermédiaires, tandis que la proportion d’ouvriers qualifiés touchés passe de 22 % en 1994 à 31 % aujourd’hui, et de 18 % à 26 % pour les non-qualifiés. Les produits fréquents sont les solvants (14,7 % des salariés) et les détergents, savons et shampoings (9,5 %), ainsi que les acides minéraux, carburants, ammoniac, gaz d’échappement et huiles minérales (cancérigènes).

Fanny Doumayrou

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Notes

[1« L’exposition aux risques et aux pénibilités du travail de 1994 à 2003 », dans Premières informations, premières synthèses, nº 52.1, décembre 2004,
Éditions DARES..

[2« L’exposition aux risques et aux pénibilités du travail de 1994 à 2003 », dans Premières informations, premières synthèses, nº 52.1, décembre 2004,
Éditions DARES..

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