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Entendu souvent : Vous n’avez qu’à prendre la nationalité française ...

Le crachat et le rêve français…

Lettre à monsieur le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration

Article mis en ligne le lundi 5 décembre 2011

Le crachat et le rêve français…

Par Amine EL KHATMI 23 ans, étudiant en droit (master 2), Français

Lettre à monsieur le ministre de l’Intérieur, de l’Outre-Mer, des Collectivités territoriales et de l’Immigration

Monsieur le ministre,

La sous-direction de l’accès à la nationalité française du ministère que vous dirigez vient de signifier à madame S. Boujrada, ma mère, le classement de son dossier et un refus d’attribution de nationalité. « Vous ne répondez pas aux critères », est-il écrit dans un courrier sans âme que l’on croirait tout droit sorti de l’étude d’un huissier ou d’un notaire.

Ma mère est arrivée en France en 1984. Il y a donc vingt-huit ans, monsieur le ministre, vingt-huit ans ! Arrivée de Casablanca, elle maîtrisait parfaitement le français depuis son plus jeune âge, son père ayant fait le choix de scolariser ses enfants dans des établissements français de la capitale économique marocaine.

Elle connaissait la France et son histoire, avait lu Sartre et Molière, fredonnait Piaf et Jacques Brel, situait Verdun, Valmy et les plages de Normandie, et faisait, elle, la différence entre Zadig et Voltaire ! Son attachement à notre pays n’a cessé de croître. Elle criait aux buts de Zidane le 12 juillet 1998, pleurait la mort de l’abbé Pierre.

Tout en elle vibrait la France. Tout en elle sentait la France, sans que jamais la flamme de son pays d’origine ne s’éteigne vraiment. Vous ne trouverez trace d’elle dans aucun commissariat, pas plus que dans un tribunal. La seule administration qui pourra vous parler d’elle est le Trésor public qui vous confirmera qu’elle s’acquitte de ses impôts chaque année. Je sais, nous savons, qu’il n’en est pas de même pour les nombreux fraudeurs et autres exilés fiscaux qui, effrayés à l’idée de participer à la solidarité nationale, ont contribué à installer en 2007 le pouvoir que vous incarnez.

La France de ma mère est une France tolérante, quand la vôtre se construit jour après jour sur le rejet de l’autre. Sa France à elle est celle de ces banlieues, dont je suis issu et que votre héros sans allure ni carrure, promettait de passer au Kärcher, puis de redresser grâce à un plan Marshall qui n’aura vu le jour que dans vos intentions. Sa France à elle est celle de l’article 4 de la Constitution du 24 juin 1793 qui précise que « tout homme - j’y ajoute toute femme - né(e) et domicilié(e) en France, âgé(e) de 21 ans accomplis,tout(e) étranger(e) âgé(e) de 21 ans accomplis, qui, domicilié(e) en France depuis une année, y vit de son travail, ou acquiert une propriété, ou épouse un(e) Français(e), ou adopte un enfant, ou nourrit un vieillard, tout(e) étranger(e) enfin, qui sera jugé(e) par le corps législatif avoir bien mérité de l’humanité, est admis(e) à l’exercice des droits de citoyen français ». La vôtre est celle de ces étudiants étrangers et de ces femmes et hommes que l’on balance dans des avions à destination de pays parfois en guerre.

Vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ayons du mal à accepter cette décision. Sa brutalité est insupportable. Sa légitimité évidemment contestable. Son fondement, de fait, introuvable. Elle n’est pas seulement un crachat envoyé à la figure de ma mère. Elle est une insulte pour des millions d’individus qui, guidés par un sentiment que vous ne pouvez comprendre, ont traversé mers et océans, parfois au péril de leur vie, pour rejoindre notre pays. Ce sentiment se nomme le rêve français. Vous l’avez transformé en cauchemar.

Malgré tout, monsieur le ministre, nous ne formulerons aucun recours contre la décision de votre administration. Nous vous laissons la responsabilité de l’assumer. Nous vous laissons à vos critères, à votre haine et au déshonneur dans lequel vous plongez toute une nation depuis cinq ans. Nous vous laissons face à votre conscience.

Quand le souffle de la gifle électorale qui se prépare aura balayé vos certitudes, votre arrogance et le système que vous dirigez, ma mère déposera un nouveau dossier.

Je ne vous salue pas, monsieur le ministre.


Cas complémentaires sur les refus d’obtention de la nationalité française ou semi-déchéance au renouvellement d’une carte d’identité.

Extraits : http://www.liberation.fr/politiques...

Pourquoi je ne serais jamais Française.

Merci Amine d’avoir mis ces mots sur cette humiliation que j’ai aussi vécue. 30 années de vie en France (j’en ai 31) pour aujourd"hui me prendre cette claque dans la gueule. Je ne vais même pas détailler le parcours du combattant pour arriver à décrocher son rdv à la préfecture, l’interrogatoire plus qu’inquisiteur voire choquant sur certaines questions (de quelles origines sont vos amis ?), les demandes de justificatifs supplémentaires absurdes (certificat médical de mon père lors de son arrivée en France... en 1973) et j’en passe... des mois d’attentes pour arriver à un refus dont le seul motif est en total contradiction avec ma situation (situation professionnelle non pérenne alors que je suis justement en CDI). Ma vie en France c’est : ma famille (et je précise française), mes amis, toute ma scolarité, mes 1ers jobs, mon appart, tout quoi !... apparemment non, ils en ont rien foutre de ma vie en fait. Je n’ai ni volé, ni tué. Toutes ces années à croire naïvement que la France est mon pays, à me considérer française et si fière de vivre ici." Ils" voulaient qu’on soient intégrés à la République, et je pense l’être largement, jamais je ne me suis considérée comme étrangère. Alors pourquoi nous traite t’on ainsi ? Je ne comprend pas ce que deviens la France... je me dis quel gâchis.

Au pays des droits de l’homme !!! Mon histoire : je suis fils de mère française(autant qu’on peut l’être) pure souche et de père portugais. 19 ans on a envoyé la gendarmerie chez ma grand mère pour que je fasse le service militaire ( c’était la guerre en Algérie) , moi j’étais en Afrique dite noire depuis mes 4 ans . Convoqué j’ai fait le dit service et la dite guerre. au retour j’ai eu carte d’identité , passeport sans aucune difficulté. je les ai même rénovés deux fois . Il y a dix ans , comme ils étaient périmés, j’ai demandé renouvellement. Surprise : Fallait que je prouve être Français. Pendant soixante ans et pour être soldat et faire la guerre( maintient de l’ordre comme ils disaient) j’ai été français , et là par un décret d’un ministre (Pasqua, voyez le personnage) ...j’étais censé prouver que je l’étais ! Bravo à l’auteur de cette lettre en défense de sa mère. (...)

— -

Voir aussi Mille Bâbords 13010

Témoignage
Comment j’ai perdu mon identité nationale
par Michka Assayas

Mille Bâbords 10068

Conseil Lyonnais pour le Respect des Droits
Rapport sur les difficultés de renouvellement des cartes d’identité.

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Vos commentaires

  • Le 9 décembre 2011 à 11:43, par Christiane En réponse à : Pétition La nationalité française refusée au journaliste Hernando Calvo Ospina

    http://www.petitionpublique.fr/?pi=...

    Pour:Monsieur le Ministre de l’intérieur, de l’outre-mer, des collectivités territoriales et de l’immigration

    L’écrivain et journaliste Hernando Calvo Ospina vient de se voir refuser la nationalité française au nom d’arguments incroyables.

    Hernando vit en France depuis vingt-cinq ans, avec le statut de réfugié politique et il a eu deux enfants français avec sa compagne française. Il a publié plusieurs ouvrages au Temps des Cerises, sur Cuba et sur la Colombie, et il collabore régulièrement au Monde Diplomatique.

    Dans une lettre officielle, signée pour le Ministre de l’Intérieur par le sous-directeur de l’accès à la nationalité française, il lui est fait grief d’entretenir « des relations avec la représentation cubaine à Paris ». Nous ne savions pas jusqu’à maintenant que la France était en guerre avec Cuba et nous pensions même que l’État français entretenait des relations diplomatiques avec ce pays.

    Il lui est aussi reproché sa « proximité avec l’idéologie castriste » ; ce qui constitue visiblement aujourd’hui, au pays des Droits de l’Homme et du citoyen, un délit d’opinion.

    Autre grief : avoir rencontré plusieurs membres des FARC, «  à l’occasion de vos activités de journaliste », précise même l’homme du Ministère !

    Enfin, la lettre nous informe qu’Hernando fait partie d’une « liste américaine de personnes interdites de survol de l’espace aérien des États-Unis ».
    Ceux qui s’imaginaient que la France était un pays souverain et pas une colonie des USA sont aujourd’hui renseignés.

    En fait, on s’en doutait déjà… Le 19 avril 2009, un vol d’Air France avait été détourné sur ordre de la CIA pour la seule raison de la présence à son bord d’Hernando, sans que les autorités françaises émettent la moindre protestation.

    Nous appelons les amis du Temps des Cerises, les auteurs, les intellectuels français à réagir contre cette invraisemblable atteinte à la liberté de la presse, à la liberté d’opinion, ainsi qu’à la dignité et à l’indépendance de la France.

    http://www.petitionpublique.fr/?pi=...

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