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Et pourtant ce sont des hommes ...

Témoignages du centre de rétention de Vincennes

+ Appel à la libération de Mohamed, enfermé depuis 49 jours au centre de rétention de Vincennes

Article mis en ligne le dimanche 11 décembre 2011

Mohamed a été libéré cet après-midi par le juge des libertés et de la détention, après 50 jours de rétention, grâce à un vice de procédure soulevé par son avocat, maître Garcia. La préfecture et le parquet n’ont pas fait appel.
Mohamed remercie tout le monde.
Liberté pour toutes et tous !


Mohamed, le retenu du témoignage passera demain lundi 12 déc à 14 heures au juge des libertés et de la détention (35 bis) du tgi de paris/ cité. Vous pouvez venir l’y soutenir.

J’aurai pu écrire que ce jeune homme a 27 ans, qu’il vit ici en France depuis 7 ans, qu’il habite avec ses tantes, qu’il n’a plus aucune famille en Algérie, que sa vie est ici, qu’il gagne sa vie... mais je pense que au-delà ces critères il est urgent d’alerter sur sa situation. Aussi, merci à vous de faxer et mailer cet appel pour sa libération. Évidemment vous pouvez modifier à volonté le texte proposé.

Préfecture de Police / préfet : Michel GAUDIN
N° de fax 01 53 71 67 23
mail : prefpol.dpg-etrangers-secretariat chez interieur.gouv.fr

Monsieur le Préfet,

Depuis maintenant 49 jours, Mohamed Koullala vit séparé de ses amis et de sa famille.

Depuis maintenant 49 jours, Mohamed Koullala vit chaque jour avec la peur au ventre d’être expulsé en Algérie, un pays où il n’a plus d’attaches, un pays où si il y retournait, il serait SDF.

Depuis maintenant 49 jours, Mohamed Koullala est enfermé au centre de rétention de Vincennes, la prison spéciale où vos services séquestrent chaque année des milliers de personnes sans papiers en attendant de pouvoir les expulser.

Mardi dernier, au 44 ème jour de sa rétention, Mohamed a échappé au vol que vos services avaient réservé pour lui. Il y a échappé grâce à la solidarité d’une vingtaine de compagnons d’infortune, enfermés comme lui au centre de rétention de Vincennes, qui se sont opposés à son départ.

Pour cela il a été condamné à 3 mois de prison avec sursis assortis d’une interdiction du territoire français, condamnations pour lesquelles un appel est en attente de jugement. Il a ensuite été ramené au centre de rétention bien qu’il soit arrivé au bout de la durée maximale légale des 45 jours d’enfermement. Cela fait donc aujourd’hui 49 jours qu’il y ait enfermé.

Actuellement, Mohamed Koulala vit avec plusieurs lames de rasoirs dans le ventre. Ces derniers jours, il a fait plusieurs tentatives de suicide qui l’ont conduit à l’hôpital. Les médicaments, somnifères, tranquillisants que les sevices médicaux du centre de rétention lui administrent sous votre responsabilité n’y changeront rien : Mohamed est tellement désespéré par son expulsion qu’il a envie de mourir.

Depuis maintenant 49 jours la vie de Mohamed Koullala est entre vos mains.... Nous vous demandons de le faire libérer pour qu’il revienne et continue sa vie parmi nous.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Préfet, en notre parfaite considération.


Dans la nuit du lundi 5 au mardi 6 décembre 2012, une vingtaine de retenus du centre de rétention ont empêché l’expulsion de deux de leurs camarades. Suite à cela, ils ont été mis en garde à vue dans deux commissariats, puis remis en rétention après avoir subi une grosse pression des policiers, les menaçant de les envoyer en prison. Les deux Algériens qui devaient être expulsés sont passés en comparution immédiate. Ils ont été condamnés à trois mois de prison avec sursis et 3 ans d’interdiction du territoirre français avec "exécution provisoire"... autrement dit : retour en rétention pour 45 jours. L’un des deux a déjà été expulsé depuis. Pour l’autre, qui témoigne ici, s’il n’est pas expulsé entre temps, il devrait passer devant le juge des libertés et de la détention mardi 12 décembre.


Vendredi 9 décembre 2011, centre de rétention de Vincennes

Centre de rétention 2

"Je suis déjà allé au centre de rétention, je suis sorti le 5 août, j’ai passé 32 jours, je suis sorti même pas un mois. Dehors ils m’ont encore attrapé pour un contrôle de papier, ils m’ont ramené au centre pour 45 jours. Au bout de 45 jours t’es libéré. Moi j’ai fait 44 jours. Le dernier jour, ils m’ont mis un vol pour m’expulser en Algérie. Moi je voulais pas rentrer. Les policiers, chaque soir vers 22 heures, mettent une liste pour dire pour le lendemain les gens qui vont partir au juge et les gens qui ont un vol. Quand ils ont mis la liste, j’ai vu mon nom et celui d’un pote à moi, un Algérien aussi. On avait un vol pour Alger.

On a décidé. On était 23 personnes. Il y avait des Pakistanais, des renois, des Roumains. On est rentré dans une chambre. Le vol était à 8 heures. Normalement les policiers viennent te prendre vers 4 heures et demi. Nous, on était dans une petite chambre, les 23 personnes. Chaque personne avait ramené sa chaise, on a bloqué la porte avec les matelas et les chaises. On est resté presque 5 heures dans la chambre, on a appelé des avocats, des associations, personne n’a répondu, ni n’est venu. Les flics avaient des gazeuses et des lacrymogènes. Il y a quand même un avocat qui est venu devant le centre, il nous a appelés avec un portable quand il était devant mais ils ont pas voulu le laisser rentrer.

Vers 4 heures et demi les policiers sont venus, on voulait pas sortir. Alors ils ont appelé les casques bleus, les crs de l’extérieur. Ils ont cassé la porte et sont rentrés. Moi j’ai coupé tout mon ventre avec une lame, et j’ai mangé 3 lames. Je peux même pas bouger .

On est parti à l’hôpital. On est resté même pas une heure et de l’hôpital on est parti direct en garde à vue. On y est resté presque 4 heures et après, mon pote et moi, on est allé au palais de justice de Cité. Le juge a dit "45 jours" pour moi et mon pote. C’était pas le JLD. C’était le juge pour la porte cassée. Quand on est parti en garde à vue on est parti tous, les 23 personnes. Les policiers ont dit : "c’est toi et ton pote qui avez décidé de rentrer dans la chambre". On aurait dit aux gens "viens on va faire une soirée", soi-disant, les gens seraient rentrés dans la chambre et on aurait bloqué les portes pour que personne ne sorte. Mais ils sont tous plus grands que moi, moi je suis petit. En plus quand les policiers ont voulu ouvrir la porte, c’est tout le monde qui tenait la porte pour que les policiers ne rentrent pas. Le juge a dit "c’est toi qui a bloqué la porte et t’as dit aux gens de pas sortir". Comme si je les avais pris en otage, comme si moi tout seul je pouvais bloquer 23 personnes alors que les policiers n’arrivaient même pas à ouvrir la porte.

Quand je suis rentré au centre, j’ai fait une corde avec le drap pour me suicider. Ma gorge est toute rouge, ils m’ont emmené à l’hôpital, puis ils m’ont ramené ici. Après j’ai mangé deux lames, maintenant dans mon ventre il y a quatre lames, et je suis toujours là.
Hier soir vers 23h, ils ont appelé mon pote pour lui dire qu’il fallait qu’il signe des papiers. Ils l’ont pris, ils l’ont emmené et là il est en Algérie. Il a trois lames dans son ventre, et il a aussi déchiré son ventre avec une lame. Moi je sais pas quoi faire.
Sur les 23 personnes, ils en ont libéré deux et les autres ils sont là. Ils sont dans le même centre que moi, mais il y a 3 CRA. Moi j’étais dans le 3, là ils m’ont mis dans le 2. Mais je suis juste à côté, je parle avec eux tout le temps parce qu’il y a juste un grillage. Les flics leur ont demandé de témoigner contre moi. Les flics m’ont dit qu’ils avaient témoigné contre moi mais les autres m’ont juré que c’était pas vrai, qu’en garde à vue ils ont dit qu’ils voulaient pas que leurs potes partent et que c’est pour ça qu’ils ont bloqué la porte. Tout le monde a dit ça.
Normalement dans 5 jours je passe chez le juge. Le mardi à 16h je devais être libéré, et en fait le mardi j’ai recommencé la rétention. Le 12 je devrais passer en jugement.

Moi je veux juste sortir, je veux quitter la France, je veux pas aller en Algérie mais je veux sortir de là. L’Espagne, la Belgique mais pas l’Algérie. Toute ma famille est ici. Je vis chez ma tante, j’ai tout, je déclare les impôts, j’ai ma carte bleue... Je veux pas aller là-bas, c’est trop difficile pour revenir ici. J’ai personne là-bas, je veux pas être SDF là-bas.

Là, je fais une grève de la faim. Depuis le jour du vol, j’ai rien mangé, juste de l’eau et du sucre. Il en ont rien à foutre. Ici je sors pas de ma chambre, je ne parle avec personne."


Centre de rétention 3

Ici tout le monde attend la liste des vo"La moitié des gens sont foncedés avec du Valium et du Rivotril. Mal à la tête : valium. Mal à l’estomac : Rivotril. Que des médicaments de ouf. Je dors 15 heures, j’me lève j’suis fatigué, j’suis mort. Ca me fait tourner la tête.
Taleb (l’un des 2 Algériens qui devaient être expulsés), ils l’ont sorti du CRA N°1 , ils l’ont emmené direct. Les policiers l’ont appelé à la gestion, ils lui ont dit : "viens on s’est trompé dans le coffre". Au moment où il est sorti, ils l’ont scotché. Ils l’ont laissé à l’aéroport avec son short et une seule claquette. Et le pied gauche nu. Ils l’ont expulsé ce matin.

Là tout le centre est en trac. L’autre Algérien, Mohamed, il a des points de suture, c’est pour ça qu’il a manqué son vol. Y en a d’autres qui avaient des vols. Tout le monde est en trac, personne ne trouve la réponse. Tout le monde est en état de choc.

Mohamed, il a perdu toutes ses affaires, je lui ai prêté des vêtements. Ils lui ont rajouté 45 jours.
A chaque fois le médecin l’appellent pour lui donner des médicaments. _ Chaque fois que je l’appelle il dort.

L’Assfam, elle, est vraiment débordée, toujours avec des nouveaux, elle a pas trop le temps.

Dans le centre on est tous calmes, on est en surdose. On nous donne des médicaments. Après la garde à vue de mardi, ils ont calmé tout le monde.
Pour les médicaments, c’est le médecin ou l’infirmière qui nous appellent un par un, comme pour une visite. La plupart d’entre nous parle pas français. Ils demandent ce que tu as, comment tu te sens et après ils donnent à tout le monde des médicaments. Ils nous donnent pas les médicaments dans les emballages.
J’ai demandé "C’est quoi c’est du valium ?" et elle m’a dit "Non c’est juste pour te détendre ça va t’aider à dormir". Elle m’a donné du Lexomil. Y en a à qui ils donnent du Subutex.ls et personne réclame parce qu’à chaque fois ils menacent. Les policiers sont pas cools avec nous en ce moment. On sort avec la fouille, on rentre avec la fouille. Personne nous respecte, moi je m’embrouille 15 000 fois avec eux par rapport au manque de respect.

Depuis lundi c’est comme ça parce qu’il y a le directeur. Le directeur avant on le voyait pas, on le voyait jamais, et depuis lundi il commence à monter dans les CRA, à regarder. Eux, quand ils voient leur chef, ils commencent à nous mettre la pression. Lui il met la pression aux policiers et les policiers nous mettent la pression à nous."

fermeturetention chez yahoo.fr

Vincennes
centre de rétention 2
01 48 93 69 47
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centre de rétention 3
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