Une tribune pour les luttes

Sixième Forum mondial de l’eau à Marseille… le chant du cygne ?

Sylvie Paquerot

Article mis en ligne le dimanche 11 mars 2012

1er mars 2012

Du 12 au 17 mars prochain aura lieu, sous l’égide du Conseil mondial de l’eau, la 6e édition de cet évènement international. Depuis le début des années 2000, celui-ci a en quelque sorte damé le pion à l’ONU sur cet enjeu vital pour l’humanité. La ville de Marseille, berceau du Conseil mondial de l’eau, organise ces rencontres tous les trois ans et sera pour la première fois l’hôte de ce forum. Un « retour à la maison » en quelque sorte ! Et sa gestion des services d’eau est sous contrôle d’une multinationale…

Malgré la reconnaissance du droit à l’eau comme droit humain par l’Assemblée générale onusienne, le Conseil des droits de l’homme et l’Observation générale n°15 du Comité des droits économiques, sociaux et culturels, cette instance «  privée » qu’est le Conseil mondial de l’eau a toujours refusé de reconnaître ce droit et de l’inscrire dans les déclarations ministérielles issues de chaque forum.

Depuis le deuxième Forum mondial de l’eau à La Haye en 2000, les critiques en provenance des mouvements sociaux de partout dans le monde n’ont pas cessé. Elles dénoncent à la fois la mainmise des acteurs économiques et des institutions financières internationales sur la définition des priorités internationales, la privatisation et la marchandisation de cette ressource vitale et elles exigent la reconnaissance de l’accès à l’eau en tant que droit humain.

Le forum mondial sur l’eau en perte de vitesse

L’espace international de discussion autour des enjeux de l’eau est donc accaparé par le Conseil mondial de l’eau et son Forum mondial. Si bien que depuis 2003, le World Water Assessment, programme des Nations Unies préparé par l’UNESCO dont le mandat est de faire un rapport triennal sur l’état des ressources en eau et leur gestion, est présenté lors de ces forums plutôt qu’à l’Assemblée générale des Nations Unies !

D’un forum à l’autre, les organisateurs ont voulu affirmer haut et fort leur légitimité en prenant à témoin la participation toujours plus importante, passant de quelques centaines de personnes lors de la première édition en 1997 à Marrakech à plus d’une dizaine de milliers à Istanbul en 2009.

Sauf que celui de Marseille risque fortement de présenter un autre visage, car le rendez-vous semble ne plus avoir la cote, et ce, malgré les sommes importantes que les pouvoirs publics français ont consenties aux organisateurs en pleine crise financière.

À quelques semaines de l’évènement, seulement 4 000 participants se sont inscrits, alors que 20 000 personnes étaient attendues. Plusieurs représentants de gouvernements très actifs sur les enjeux de l’eau à l’échelle internationale ont même déjà annoncé leur absence…

Comment comprendre cet essoufflement ? Comment analyser cet échec annoncé ? Les contestations systématiques et la persévérance des militants et militantes y seraient-elles pour quelque chose ? Même s’il est trop tôt pour tirer des conclusions, on peut le penser. De plus, le refus systématique du gouvernement français d’apporter quelque soutien que ce soit aux activités alternatives tendrait à le confirmer.

Cette absence de soutien et de collaboration des autorités n’empêchera toutefois pas, cette année comme par le passé, la tenue d’un forum alternatif en parallèle au forum officiel : le FAME 2012. On peut d’ailleurs trouver toutes les informations sur les activités à http://www.fame2012.org/fr/. Certaines de ces activités seront diffusées sur le web.

La reconnaissance du droit à l’eau inutile ?

Malgré le cheminement positif qu’a connu la reconnaissance du droit à l’eau dans le système des Nations Unies, les velléités de privatisation et de marchandisation de cette ressource vitale ne se sont pas calmées, loin de là. Plus que jamais, les grandes firmes, les multinationales de l’eau et les grandes entreprises d’ingénierie souhaitent transformer l’eau en argent sonnant à leur profit. Le contenu de l’accord de libre-échange en négociation entre l’Europe et le Canada le démontre d’ailleurs clairement : les services d’eau municipaux font bien partie des domaines que l’Europe souhaite voir ouvrir pour le plus grand bénéfice de ses multinationales.

Cette reconnaissance ne règle pas les dommages incommensurables qui sont causés à cette ressource vitale un peu partout sur la planète par des entreprises dont les modes d’exploitation n’ont rien de durables. Des pétrolières qui contaminent les cours d’eau dans le delta du Niger ou en Amérique latine, aux compagnies minières qui polluent l’eau pour extraire de l’or, en passant par les risques de la fracturation hydraulique dans l’exploitation des gaz de schiste, nul ne semble se soucier de préserver l’accès à cette ressource vitale pour les générations actuelles et futures.

Conclusion : De nombreux gouvernements, dont le nôtre, refusent toujours de reconnaître le droit à l’eau en tant que droit humain. Le Forum de Marseille sera donc également l’occasion, pour les militants et militantes canadienNes d’interpeller les parlementaires et de leur rappeler les obligations du Canada en vertu du droit international. Ce rappel n’est pas superflu au vu des quantités dégradées par l’exploitation des sables bitumineux ou des conditions de vie des populations autochtones sur le territoire de plusieurs réserves où l’accès à une eau saine n’est aucunement garanti en 2012 !!! La situation de crise globale dans laquelle nous nous trouvons exacerbe les contradictions autour de cette ressource vitale et limitée et les acteurs économiques ont de nombreux intérêts à défendre. La vigilance s’impose donc toujours…

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