Une tribune pour les luttes

Retour sur la "chaîne humaine" anti-nucléaire du 11 mars 2012

La chaine humaine anti-nucléaire : la démonstration d’une certaine impuissance, politique, mais non pas citoyenne

par Patrick Samba

Article mis en ligne le mardi 20 mars 2012

15 mars 2012

Le 11 mars 2012 se devait de devenir une date historique, quelque chose comme un symbole de la dénonciation par les peuples de leur possible asservissement par les puissances de l’argent, il devait devenir un symbole de l’expression la plus explicite du refus par un peuple de son assassinat par une oligarchie nucléaire suicidaire, guidée par sa folie nucléaire mais également par la déraison de sa cupidité. De son assassinat ou de son suicide collectif, selon l’angle sous lequel on appréhende la question. Et pour certains la question est tranchée : Le blog de Fukushima (appel international) http://fukushima.over-blog.fr/

Mais le 11 mars 2012 n’aura été finalement, en France tout au moins, qu’un anniversaire célébré dans l’impuissance d’une certaine manière très actuelle de concevoir la politique, une manière des plus timorées.

Oui, le 11 mars 2012 se devait de commémorer dans la hargne, la colère et peut-être même la fureur, mais une colère et une fureur contenues, de ces colères froides dont on connait la puissance, le triste anniversaire du pire accident nucléaire auquel l’Humanité se trouve depuis un an confrontée.

Et finalement le 11 mars 2012 que s’est-il donc passé en France, dans le pays le plus nucléarisé au monde après le Japon, si l’on se réfère à la densité des installations nucléaires ? Une très sympathique chaine humaine dont on ne parle déjà plus.

Désillusion

Qui niera qu’elle fut pourtant un succès ? Plus de 60 000 citoyens venus de tout l’hexagone, mais aussi d’Allemagne, de Belgique, de Suisse… pour exprimer leur refus, non pas du «  tout-nucléaire », mais de l’industrie nucléaire dans sa totalité, de sa folie. 60 000 citoyens en colère que l’on a guidés en direction de la Route Nationale 7, pour finalement se perdre dans l’impuissance d’un activisme politique institutionnalisé. Une chaine, c’est un très joli symbole sur le papier. Mais les organisateurs en avaient-ils bien mesuré l’impact, médiatique, humain et citoyen ?

Or ce qui aurait dû s’exprimer en ce 11 mars 2012 c’est la traduction explicite de ce refus. Et quand on refuse clairement et obstinément quelque chose, on campe… au moins sur ses positions. On ne vient pas parfois de très loin se tenir quelques minutes par la main sur le bord de la route sans même pouvoir de ses propres yeux évaluer la mobilisation, et s’en retourner chez soi sans autre forme de procès ! De qui se moque-t-on ?

Parfois les images parlent beaucoup mieux que les mots, et cette vidéo silencieuse dit, à sa façon me semble-t-il, toute l’inutilité de l’extraordinaire mobilisation de ces citoyens retournant une fois la chaine humaine réalisée, vers les cars qui comme des bétaillères les ont ramenés docilement vers ce que certains oligarques évaluent à la hauteur d’une bergerie confortablement électrifiée de la société consumériste de surconsommation.

Chaine antinucléaire du 11 mars 2012 Orange à Piolenc (retour aux bus)
http://www.youtube.com/watch?featur...

Mes propos seront peut-être jugés par trop radicaux, bien amères, insultants même. Oui, sans doute ! Mais en aucune manière ils n’insultent ces citoyens qui auront consacré leur week-end à se mobiliser, et à se déplacer vers le lieu de l’impuissance politique citoyenne. Ce qu’ils insultent c’est cette impuissance.

Une terrible impuissance qui aura sans doute fait rire les oligarques s’ils étaient réunis au sommet des tours d’AREVA et d’EDF surplombant l’esplanade de la Défense, où ils auront alors sablé le champagne pour fêter non pas un anniversaire - ils n’auraient tout de même pas cette indécence - mais pour célébrer cette impuissance qui leur permettra de se remplir encore les poches grâce à leurs projets industriels démentiels ; pour célébrer la puissance de leur déraison. Une célébration comme une injure, un crachat à la face de leurs concitoyens anti-nucléaires jugés archaïques, médiévaux, tout juste dignes de s’éclairer à la bougie ; un mépris parfaitement identique à celui des financiers de Wall Street levant leur verre de champagne en direction de ces gueux indignés campant tout en bas de leur tour.

Un même mépris, celui de la Finance et de l’Industrie Nucléaire (la F.I.N. … La fin ? It’s the end…).

Car ils pouvaient certainement le craindre ces oligarques ce terrible anniversaire ! Un anniversaire que de jeunes indignés ont célébré à leur façon, et de manière autrement plus radicale que celle de « Sortir du Nucléaire », en s’invitant en direct dans les studios de France Inter, un des lieux du vrai pouvoir. Au moins eux les auditeurs les ont entendus ! ( Des anti-nucléaire perturbent l’antenne de France Inter - Le Nouvel Observateur ) Et qui a eu vent de ce qui s’est passé à la Défense à proximité des lieux où siègent les pouvoirs de décision d’AREVA et d’EDF ?

Mais que se passe-t-il donc dans ce pays ? Ce pays dans lequel le Directeur de l’IRSN (Institut de Radioprotection et de Sureté Nucléaire) lui-même, perdant toute cohérence, faisait le 5/5/11 cet invraisemblable aveu selon lequel «  il faut accepter de se préparer à des situations complètement inimaginables parce que ce qui nous menace le plus, ce n’est pas un accident standard (…)Si un accident se produit, le moins invraisemblable est que ce soit un accident absolument extraordinaire (…) Il faut faire des scénarios réalistes dans un contexte qui n’est pas réaliste pour notre imagination » (Nucléaire : la France doit se préparer à des accidents « inimaginables » - 20minutes.fr ). Et comment donc, Mr Repussard, pouvons-nous nous préparer à quelque chose que nous ne pouvons même pas imaginer ? Ce pays n’aurait-il donc jamais connu de révolution ? Ou bien ses citoyens contemporains en auraient-ils conçu une peur horrifiée ? Et pourtant les révolutions, il y en a de tous ordres, elles ne sont pas toutes sanglantes, toutes ne faisant pas fonctionner la guillotine à la vitesse d’une turbine électronucléaire quand ce ne sont pas la faim, le plus-rien-à-perdre, l’humiliation ou la soif de sang qui les motivent !

Formalisme et conformisme

Alors, bien sûr, on aura vu Eva Joly accompagnée de José Bové et Dominique Voynet se joindre à la chaine des anti-nucléaires. Et aussi Poutou quelques mètres plus loin. Mais, et Mélenchon ?, et Hollande ?, (et je ne cite même pas les candidats du centre, de droite et d’extrême-droite, pourtant tout aussi exposés aux mêmes dangers que leurs concitoyens, mais toujours absents des vraies luttes, celles en même temps populaires et universelles), et tous les autres élus et responsables nationaux d’EELV, où étaient-ils ?

Parce que… ça arrive tous les jours un accident nucléaire de la dimension de celui de Fukushima ? Pour réagir ils attendent donc qu’un tel accident arrive aussi chez nous ? Ca arrive tous les jours un premier anniversaire en pleine période électorale présidentielle, quand là-bas rien n’est encore réellement réglé ? La lutte anti-nucléaire, avec ses Solange Fernex, Didier Anger, et les autres, ne constitue-t-elle donc plus un des éléments structurels du socle de l’histoire d’EELV ? Seraient-ils, les dirigeants d’EELV, en train de réécrire leur propre histoire ? Wyhl, Superphénix, Plogoff, Le Pèlerin, etc… ont-ils bien existé, ou bien ai-je rêvé ?

Serions-nous tous devenus un peuple de moutons, tout juste bon à tondre et à anesthésier au spectron avant l’abattage rituel ? Peuple de France, peuple panurgien ?, en es-tu là de ton apathie moutonnière, de cette résignation à faire pleurer ?

Oui vraiment c’en est à pleurer, comme me fait aussi pleurer, mais pour une raison bien différente, le sort du peuple japonais. Mais à lui, et surtout à ceux de nos frères et sœurs japonais(es) conscients de la tragédie qu’ils traversent, à leurs enfants, à leur famille et amis, à proximité de ce 11 mars 2012 premier anniversaire de cette catastrophe nucléaire de Fukushima dont on ne mesure même pas encore l’ampleur, j’adresse une pensée de sincère compassion, et de profond encouragement.

Quant à mes concitoyens adhérents d’EELV, qu’ils soient ou non les partisans de Stéphane Lhomme, à mes concitoyens du NPA, qu’ils soient ou non les partisans de la Gauche anticapitaliste, à mes concitoyens antinucléaires du PC, je les encourage à neutraliser et combattre les fossiles de leur parti, afin de leur insuffler une nouvelle vie. Afin d’ôter le pouvoir des mains des nucléocrates sarkozystes et de ne pas le transmettre à celles des nucléocrates du PS.

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