Une tribune pour les luttes

Les suites de l’incendie du CRA de Vincennes

Un Tunisien handicapé à 80 % après une agression en prison menacé d’expulsion

Accusé à tort, tabassé en prison... et expulsé le 2 mai ?

Article mis en ligne le lundi 16 avril 2012

« Drame humain »
Il porte plainte contre la prison, on lui dit de rentrer en Tunisie

16/04/2012

http://www.rue89.com/2012/04/16/il-...

En novembre 2008, Slaheddine Wertani, Tunisien de 38 ans, est violemment agressé par son codétenu à la prison de Fresnes (Val-de-Marne). Son cerveau est endommagé. En avril 2010, après plus de deux ans passés à l’hôpital – dont trois mois dans le coma –, il dépose plainte contre son agresseur et l’administration pénitentiaire :
«  Les surveillants n’ont pas fait le nécessaire. Et puis, je ne suis pas un criminel, j’ai été innocenté. Handicapé à 80%, ce n’est pas une vie. »

Le 2 avril dernier, la sous-préfecture de l’Hay Les Roses ne renouvelle pas son autorisation provisoire de séjour et lui donne un mois pour quitter le territoire. Son avocat, maître Sébastien Rideau-Valentini, parle d’une « manière d’éliminer l’adversaire » alors que des procédures sont en cours :
«  Depuis le début, on nous met des bâtons dans les roues. Vous savez, un Tunisien sans-papiers poursuit son codétenu, ça va. Mais pas quand il s’agit de poursuivre l’administration pénitentiaire... »

« Le délai pour appeler les secours est choquant »

Slaheddine quitte son village du nord-ouest de la Tunisie en 2006. Tunis, l’Italie puis la France, où il vit de petits boulots. « En attendant des papiers », sourit-il. En juin 2008, il est arrêté dans le XVIIIe arrondissement de Paris, puis conduit au centre de rétention de Vincennes.

Quelques jours plus tard, des sans-papiers mettent le feu au centre. Slaheddine est accusé. Il est placé en détention à la prison de Fresnes :
«  Au début, j’étais en cellule avec deux Arabes. Puis, en novembre, j’ai été transféré dans la cellule d’un Estonien qui ne parle pas français. Le reste, c’est mon avocat qui me l’a raconté. Je ne me souvenais de rien. »

Une nuit, son codétenu l’agresse pendant son sommeil. Il dira au juge que la présence d’un musulman le dérangeait. Le matin, il est découvert inanimé dans sa cellule. Mais les secours traînent. « Plus d’une heure », insiste Slaheddine.

(...)

L’hôpital le plus proche du village de Slaheddine en Tunisie est au Kef, à une vingtaine de kilomètres. Un établissement de province, dont il assure qu’il ne dispose pas de des moyens nécessaires pour le prendre en charge. « Il faut aller à Tunis. » A 200 km de chez lui :
«  J’ai besoin de soins quotidiens pour ne pas que mon état se dégrade. C’est aussi dans la tête : quand je fais ma kiné tous les jours, j’ai l’impression de me battre. D’avoir un but. »

Il ajoute :
«  Tu sais, dans mon village, même les gens valides ne travaillent pas. Je n’aurais même pas de quoi payer les transports pour aller à l’hôpital. Je n’ai rien là-bas. Sinon, je ne serais pas parti. »

Un silence. Le temps pour lui de me remontrer sa photo, avant, « quand il était bien ». Un solide gaillard, le visage bouffi qui n’a pas grand-chose à voir avec l’homme devant moi. Hémiplégique, pâle, incapable de se déplacer sans béquille et d’aligner des mots sans bégayer :
«  Je veux aussi assister aux audiences. Je veux que les responsables payent. Mais comment pourrais-je me défendre si je suis en Tunisie ? Je me dis parfois qu’elle [la sous-préfecture, ndlr] n’est peut-être pas au courant. »

(...)


Laissez-passer
L’actualité des sans-papiers,
par Marie Barbier, journaliste à l’Humanité

Accusé à tort, tabassé en prison... et expulsé ?

Par Marie Barbier

le jeudi 5 avril 2012

Retour à la case départ. Dans le cynique jeu de Monopoly de la politique migratoire française, Slaheddine Wertani apparaît comme le grand perdant. Aujourd’hui, il se retrouve dans la même situation qu’il y a quatre ans : menacé d’expulsion, après un passage par la case centre de rétention, prison, tabassage, coma, handicap et non lieu.

Tunisien, Slaheddine Wertani vit en France depuis un an quand il est arrêté au printemps 2008 en train de vendre des chaussettes à Barbès et placé au centre de rétention administratif (CRA) de Vincennes. Le 22 juin 2008, ce CRA - alors le plus grand de France - est partiellement détruit par le feu. Dix retenus sont mis en examen pour « destruction de bien par incendie » et « violences sur agent ». Parmi eux, Slaheddine Wertani. L’homme de 35 ans est placé en détention provisoire à Fresnes. Il y a restera cinq mois jusqu’au 4 novembre 2008 où il est violemment frappé par son codétenu, un Russe qui expliquera qu’il ne supportait plus ses prières. Slaheddine tombe dans un coma profond, dont il ressortira quatre mois plus tard, hémiplégique du côté gauche, reconnu handicapé à 80%.

Pendant ce temps, l’instruction sur l’incendie de Vincennes continue. Slaheddine en sort complètement blanchi, avec une ordonnance de non lieu et une réparation de détention provisoire injustifiée. Mais il ne veut pas en rester là. Soutenu par son avocat, Me Sébastien Rideau Valentini, il se porte partie civile contre des cadres de l’administration pénitentiaire (AP) dénonçant le temps de réaction des surveillants et une prise en charge inadaptée. Déposée en 2010, sa plainte conduit un juge d’instruction de Créteil à ouvrir une enquête pour « non-assistance à personne en danger » et « blessures involontaires ».

Nouveau rebondissement dans cette affaire lundi dernier. Lorsque Slahhedine se rend à la sous-préfecture de l’Haÿ-les-Roses pour y recevoir une énième autorisation provisoire de séjour en attendant une réponse à sa demande de régularisation, il se voit notifier une obligation de quitter le territoire français (OQTF) d’ici le 2 mai. « Une façon d’éliminer l’adversaire au cours de la procédure » dénonce Sébastien Rideau Valentini, qui a formé un recours administratif et écrit au ministre de l’intérieur Claude Guéant. « Cette OQTF compromet fortement ses chances de voir aboutir les procédures judiciaires en cours, regrette l’avocat. Devra t-il demander un visa depuis la Tunisie pour répondre aux convocations du juge d’instruction ? C’est ubuesque. » Outre la plainte contre l’AP, Slaheddine attend de connaître la date du procès de son agresseur présumé, renvoyé devant le tribunal correctionnel de Créteil pour violences volontaires ayant entraîné une infirmité permanente. Ironie de l’histoire, lui est soumis à une obligation de rester sur le territoire...

http://www.laissezpasser.info/i

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03.04.2012

Un Tunisien handicapé à 80 % après une agression en prison menacé d’expulsion

Un Tunisien sans papiers, qui a porté plainte contre l’administration pénitentiaire (AP) après une violente agression par son codétenu à Fresnes en 2008 qui l’a laissé handicapé à 80 %, est sous la menace d’une reconduite à la frontière, a indiqué mardi 3 avril son avocat.

Cette mesure est "une façon d’éliminer l’adversaire au cours de la procédure", affirme Me Sébastien Rideau Valentini, rappelant que son client est handicapé depuis l’agression, qui a provoqué trois mois de coma. Me Rideau Valentini a formé un recours administratif contre l’arrêté de reconduite.

(...)

Déposée en 2010, sa plainte contre les personnels de l’AP a conduit un juge d’instruction de Créteil à ouvrir une enquête pour "non-assistance à personne en danger" et "blessures involontaires". Slaheddine Wertani avait été retrouvé inanimé dans sa cellule de Fresnes en novembre 2008 après avoir été passé à tabac par son codétenu. Incarcéré dans le cadre de l’enquête sur l’incendie du centre de rétention de Vincennes (Val-de-Marne), il avait été totalement blanchi à l’issue de l’instruction.

M. Wertani attend par ailleurs de connaître la date du procès de son agresseur présumé qui a été renvoyé devant le tribunal correctionnel de Créteil. "S’il est expulsé, cela signifie qu’il ne pourra pas assister au procès de son agresseur et pour lequel il est partie civile. C’est évident qu’il ne pourra pas se défendre de la même manière en France qu’en Tunisie", a déploré Me Rideau Valentini.

Source : Le Monde.fr avec AFP | 03.04.2012

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