Une tribune pour les luttes

" Nous irons cracher sur vos urnes "

Article mis en ligne le samedi 14 avril 2012

Par mail 11 avril 2012 12:47


Si l’ère sarkozyste que nous venons de traverser a eu une vertu, c’est bien celle de nous enseigner que la régression imposée à tout un peuple ne fait pas venir par magie l’insurrection attendue. C’est même le contraire. L’entreprise de casse des acquis sociaux et des libertés a épuisé et épuise encore sans relâche des bataillons de personnes qui militent pour toutes sortes de causes. Elle nous laisse sans force et sans voix. Quant aux forces : la vague de lutte contre la réforme des retraites s’est brisée sur le roc d’un gouvernement décidé à mettre en œuvre sa politique à tout prix ; la répétition accélérée de lois pénales toujours plus dures et plus scélérates ne nous laisse même plus le temps de les commenter ; la persistance des préfets à expulser des « étrangers » avec toujours plus d’inhumanité nous habitue à cet intolérable. Quant aux voix, nous sommes réduits à penser sur la défensive. Nous nous contentons de demander le retour aux 35 heures, le retour (au mieux) à la retraite à 60 ans, l’abolition des peines planchers ou de la sinistre « rétention de sûreté ». Nous nous contentons de réagir (et encore, pas toujours) selon le tempo des réformes annoncées ou mises en œuvre par le pouvoir : le débat public lui-même résonne de notre défaite.

Alors, il faut nous mettre au travail et déjà, poser quelques points :

On n’est pas « en démocratie », on est même loin et l’élection qui prétendument fait « la démocratie » à elle seule n’est en rien démocratique. Pourtant nous irons voter. Dans un premier temps.

Pour tout lire, c’est en pièce jointe.

Si le texte vous plaît ou tout simplement, vous paraît propre à susciter le débat, faites circuler !


ON N’EST PAS « EN DÉMOCRATIE », ON EN
EST MÊME LOIN ET L’ÉLECTION QUI
PRÉTENDUMENT
FAIT
« LA DÉMOCRATIE »
À
ELLE SEULE N’EST EN
RIEN DÉMOCRATIQUE. POURTANT NOUS
IRONS VOTER. DANS UN PREMIER TEMPS.

j’irai cracher sur vos urnes

Prélude.

1. En France, le nombre de pauvres [1] augmente lentement mais sûrement depuis 2002. En 2012,
selon la Fondation Abbé Pierre, 3,6 millions de personnes ne sont pas ou mal logées. Parmi elles,
685 000 personnes sans domicile personnel, dont 113 000 personnes sans aucun abri et 411 000
personnes hébergées chez des tiers « dans des conditions de logement très difficiles ». La dernière
enquête de l’Insee sur le logement (2006) révèle que 2,2 millions de logements étaient
insuffisamment isolés ou chauffés. Le prix moyen des loyers du secteur privé a augmenté de 47 %
entre 2000 et 2010
[2]. En 2008, un homme de 35 ans, cadre supérieur, avait une espérance de vie de
82 ans ; un ouvrier du même âge, une espérance de 76 ans (soit 6 ans de moins) ; et un inactif du
même âge, une espérance de 65 ans (soit 17 ans de moins). On continue ? Les pauvres
[3] sont 30 %
dans les « zones urbaines sensibles », contre 8% en moyenne en France métropolitaine. On trouve
dans ces «  ZUS » 17% de chômeurs, et 42 % chez les jeunes de 15 à 24 ans [4]. «  Combien de gens
connaissent déjà leur avenir – Travailler dur pour à peine gagner de quoi survivre – Pour que
l’esprit s’apaise, il est nourri de liberté fictive – Nous voilà esclaves sans chaînes – Mais ils sont
bien loin les champs de coton – Aujourd’hui sans contraintes, on trime dans les champs de béton
 »[5].

2. Mais ce chant ne doit pas être audible, la révolte doit être étouffée et les manifestations de colère,
discréditées. Aussi, les habitants de la cité ne sont-ils pas des pauvres, mais des délinquants : « 47
% des pères de détenus sont ouvriers, 16 % sont artisans ou commerçants. Les mères sont ouvrières
ou employées, le plus souvent « femmes de ménage » ou employées dans les services directs aux
particuliers (hôtellerie, coiffure). Plus de la moitié (54 % ) des mères sont inactives
 » [6]. Enfin, la
fabrication de boucs émissaires ayant été érigée en priorité nationale, notre gouvernement se targue
d’avoir expulsé, en 2011, 32 922 personnes qui avaient fait le choix de venir vivre en France ou
simplement d’y passer. Il « vise un objectif de 35 000 expulsions en 2012 »[7].

L’oligarchie est au pouvoir.

3. La démocratie, ça n’existe pas plus que le bonheur universel. C’est une idée, l’idée de l’exercice
du pouvoir par le peuple, c’est à dire par nous, par tous, par chacun : sans distinction. C’est donc
l’égalité de tous dans l’exercice du pouvoir. Il existe des systèmes d’organisation plus ou moins
démocratiques, on peut tendre vers un système plus démocratique, mais on n’est pas et ne sera
jamais « en démocratie », pas plus qu’« en égalité ».

4. On en est même loin, et c’est de plus en plus éclatant. En Europe, des bras armés de la phynance 8
exercent directement le pouvoir. Les chefs des gouvernements grec et italien nommés à la fin de
l’année dernière sont deux anciens banquiers centraux, membres tout à fait officiels de la Trilatérale.
Monti l’Italien a également participé aux dernières réunions du groupe Bilderberg [9]. Les signes d’un
pouvoir enlevé des mains des peuples sont du reste nombreux.

5. En France, une très grande part de la classe politique mijote avec la phynance dans la même
marmite. Le chef du parti majoritaire, Jean-François Copé, est membre de la Trilatérale. Serge
Dassault, sénateur UMP, patron du journal de propagande du parti, le Figaro, est milliardaire, grand
industriel et fabricant de bombes en tous genres. La liste est longue à l’UMP de dîners du Fouquet’s
quotidiens. Au Royaume du PS, on ne fait guère mieux. Le directeur de campagne de Hollande,
Pierre Moscovici, est vice-président du Cercle de l’industrie, un autre « cercle », créé par Strauss
Kahn, qui rassemble «  les Présidents de grandes entreprises intervenant dans tous les secteurs
industriels ainsi que des hommes politiques
 », comme il se définit lui-même. Plusieurs ex-conseillers de Michel Sapin (alors qu’il était ministre des finances puis de la fonction publique),
actuellement responsable du projet présidentiel du parti, distilleront de bonnes idées : ils sont
aujourd’hui salariés de banques ou d’assurances [10]. Le PS est également représenté à la Trilatérale en
la personne de Madame Guigou [11].

6. Mais nous dit-on parfois, ces liens existent parce qu’ils sont inévitables : comment gouverner sans
liens avec les grands patrons ? Nous considérons pour notre part ces faits comme des données
objectives, qui éclairent vivement la question démocratique dans notre époque : voici deux classes,
phynancière et politique qui, main dans la main et assistées de la classe médiatique [12], forment notre
classe dirigeante. Un gouvernement de peu nombreux : une oligarchie.

7. Pour finir, le vote lui même est mis à mal. Alors qu’une réglementation toujours plus abondante
nous vient de l’Union européenne, cette dernière demeure largement hors du champ démocratique.
Seul le Parlement européen est élu par le peuple, et il n’a que très peu de pouvoir : le véritable
législateur, c’est la Commission européenne et le Conseil des ministres qui sont hors du contrôle
populaire. Et l’oligarchie se passe du vote quand bon lui semble. Ainsi, nous avons constaté que si le
résultat d’un référendum ne plaît pas au pouvoir, celui-ci n’hésite pas à passer outre et à décider du
contraire, comme dans le célèbre cas du Traité de Lisbonne en France et aux Pays-Bas.

L’élection, ça n’est pas « la démocratie ».

8. Aujourd’hui, nous voici sommés de choisir, tel le consommateur en supermarché choisissant un
shampoing, le candidat qui nous plaira le plus [13]. Écoutons Gaudin, maire de Marseille, qui s’adresse
à l’un de ses administrés : « c’est moi qui décide c’est pas vous (...). Les Marseillais ont élu un maire
quand ils en ont auront un autre celui là décidera. Pour l’instant c’est moi qui décide j’ai pas besoin
que vous me remerciez...
 » [14]. Ou Raffarin, dans une version courte : «  c’est pas la rue qui
gouverne »
[15]. Nos dirigeants nous assènent cette idée qui finit par devenir une évidence : «  la
démocratie »
, c’est l’élection et ce n’est que l’élection. Or l’élection, c’est la représentation, et c’est la
majorité. Déconstruisons.

9. La logique de représentation est par essence oligarchique. Nous abandonnons par l’élection notre
pouvoir à des personnes peu nombreuses, qui le gardent longtemps (les mandats sont longs et ils
sont souvent renouvelés ou passent de main en main). Élections ? Pièges à cons ! Ce n’est pas Mai
1968 qui le dit, c’est Rousseau, dès 1762, prenant pour exemple le système angl

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Vos commentaires

  • Le 19 avril 2012 à 15:50, par Agora En réponse à : " Nous irons cracher sur vos urnes "

    L’urne cercueil de vos illusions !

    Agir au lieu d’elire !

    Abstention !

    A

  • Le 19 avril 2012 à 15:58, par Louise Michele En réponse à : " Nous irons cracher sur vos urnes "

    ABSTENTIONNISTE MON FRERE, SOIT FIER !

    Bien sûr qu’on n’ira pas à la kermesse électorale de printemps ! Trop de respect pour la démocratie, la vraie ! Trop de mémoire de ce que nous ont promis et fait les élus de tout poil ! Trop de rancœur contre cette bourgeoisie voleuse et exploiteuse ! Trop de rage contre toute cette canaille parlementaire qui s’en fout plein les poches et nous donne des leçons de justice.

    Les élus, c’est voleurs de vie, croque-morts et cancrelats, rien que de la gangrène, de la vermine. Tout ce beau monde en costard nous ruine la vie. On ne rêve que d’une chose, c’est de les foutre à la porte, c’est de leur vider les poches, qu’ils nous rendent tout ce qu’il nous ont volé, à commencer par l’espoir d’une vie meilleure.

    Pour nous, la démocratie, la justice, ce sont les gens d’Argentine qui en ont marre de crever la faim et qui ensemble s’en vont se servir dans les grands magasins. Ca, c’est de la démocratie active, c’est de la ré-appropriation, de la redistribution, de la justice. La démocratie, c’est cette mère de famille au chomdu qui pique les jouets de Noël dont ses gosses rêvaient. C’est Simon, mon copain de Haifa, qui s’en va d’Israël pour ne pas faire le service militaire et tuer ses frères au coin d’une rue. C’est Gérard, employé dans un hôtel de Roissy qui refuse d’aménager des chambres pour que les flics y stockent des sans papiers en attente d’expulsion. C’est Alice quand elle crache à la gueule du délégué CFDT de sa boite lorsqu’il signe l’accord sur les 35 heures. La démocratie, la vraie ce sont tous ces hommes et ces femmes qui refusent ce système, tous ces exploités qui s’entraident et résistent tant qu’ils peuvent à ce monde infâme qui leur parle de justice et organise le pillage.

    On l’a collée mille fois sur les murs, et on la collera encore l’affiche “Abstention, abstention active !” Abstentionniste mon frère, soit fier ! Refuser de participer à cette arnaque mondialisée, c’est la moindre des choses si l’on a encore un soupçon de mémoire et un zeste de lucidité. N’élisons plus nos voleurs, ne légitimons plus la vraie racaille, celle des bandits en col blanc qui nous enferme dans des banlieues de misère, celle qui nous fait travailler comme des chiens pour des salaires de rien, celles qui nous lâche ses flics pour mieux cacher ses larcins.

    Ils veulent nous parler de justice, eux qui s’engraissent sur notre dos et s’auto-amnistient ? Ils veulent nous parler d’insécurité, eux qui nous entassent dans des banlieues aux portes des usines de morts et nous font bouffer leurs OGM et leur dioxine ? Ils veulent nous parler de solidarité, eux qui ne rêvent que de privatiser la santé comme tous les services publics ? Ils veulent nous parler d’humanité, eux qui bombardent les populations et intronisent les dictateurs ? Ils veulent nous parler de mémoire et de transparence, eux qui crachent tous les jours sur leur promesse de la veille ?

    Qu’ils aillent au diable ! Bientôt pour se faire élire, il ne leur restera que les voix enchaînées de quelques chiens à la botte. Alors, il tenteront d’inventer une nouvelle arnaque démocratique, le référendum ou le sondage. Et si cela ne suffit pas, ils introniseront une nouvelle gauche. Les ATTAC, Bovet, Motivés et consorts sont déjà dans les starting-blocks, Vieux chevaux de retour ou mules de cirque, ils sont tous prêts pour la course au pouvoir, au pognon, au privilège.

    Il fut un temps où les abstentionnistes se cachaient, se taisaient, lucides mais honteux. Au moins maintenant, ce pouvoir immonde nous a fait subir tant d’humiliations, tant d’arnaques qu’il devient de plus en plus difficile d’aller voter sans passer pour un con … ou un collabo.

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