Une tribune pour les luttes

Joël Martine

Prostitution : comment casser le marché ?
Avancées et limites du rapport parlementaire de 2011
Conditions de l’efficacité de la future loi

septembre 2012

Article mis en ligne le samedi 22 septembre 2012

En complément à mon article « Le Viol-Location[1] » j’ai rédigé une note argumentaire sur le rapport parlementaire de 2011. Ce texte (en pdf ci-dessous) est un repérage, avec des adresses internet en note, des points-clés du débat actuel, à l’heure où le vote de nouvelles dispositions législatives viendra à l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale dans les mois prochains. Je souhaite que ce texte circule librement et soit discuté voire critiqué par les personnes concernées. Il concerne notamment :
- La question de l’accès à des revenus permettant de sortir de la prostitution, ou de ne pas y entrer.
- La question des droits des sans-papiers. Même si la loi prévoit des mesures pour assurer l’accès au Droit pour les prostituéEs et leur non-stigmatisation, de telles avancées sur le papier risquent d’être saccagées dans les faits par la poursuite du harcèlement policier si la politique sur les sans-papiers reste inchangée. Là il faut vraiment faire connaître les préconisations du rapport parlementaire, qui, même sans remettre en cause la politique d’ensemble, apporteraient de réelles améliorations et changeraient le regard de la société sur les prostituéEs étrangèrEs.
- Concernant le risque de clandestinisation accrue (isolement, vulnérabilité) j’attire l’attention sur le compte-rendu que fait le rapport parlementaire sur les orientations et pratiques concrètes de la police en Suède, qui ont permis d’écarter ce risque, d’éviter une logique de surveillance policière liberticide et inefficace, et d’engager en douceur la décroissance du marché prostitutionnel. On voit là le rôle décisif d’une réorientation des pratiques policières (là aussi il faudra voir ce que le Ministère de l’Intérieur est prêt à faire). L’intérêt de cette approche est aussi qu’elle permet d’envisager, sans transiger sur la perspective abolitionniste, une coopération entre les pouvoirs publics et les associations de prostituéEs dans le respect de leur expression et de leur expertise.
Joël
joel.martine chez free.fr

Suivre le lien pour lire l’article :
http://www.millebabords.org/IMG/pdf/prostitution_quelle_politique_concrete_2012-3.pdf

Note
[1] Joël Martine, Le Viol-location. Liberté sexuelle et prostitution
www.millebabords.org/spip.php?artic...

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Vos commentaires

  • Le 28 mai 2012 à 23:11, par Priscilla En réponse à : Prostitution : comment casser le marché ?
    Les avancées et les limites du rapport parlementaire de 2011

    Il s’agit d’entendre aussi ce qu’implique le débat pour les principales concernées :

    Courrier interassociatif envoyé aux députéEs

    La résolution abolitionniste, nouvelle violence envers les travailleurSEs du sexe et les prostituéEs

    Paris, le 28 novembre 2011

    Madame, Monsieur le Député,

    Le 9 juin 2011, la proposition de résolution n° 3522 réaffirmant la position abolitionniste de la France en matière de prostitution a été enregistrée au bureau de l’Assemblée nationale. Cette proposition de résolution est une conséquence directe du rapport n° 3334 déposé par la mission d’information sur la prostitution en France, rendu public le 13 avril 2011.

    Nous, associations de travailleurs du sexe, de prostituéEs, de prévention, de santé communautaire, de lutte contre le VIH, souhaitons par la présente affirmer notre opposition à l’adoption de cette résolution, qui doit être discutée devant l’Assemblée nationale le 6 décembre 2011, tant en raison de ses motifs que de son dispositif. En adoptant cette résolution, vous accepterez d’exclure un peu plus ces femmes, hommes et transgenres qui, dans un manifeste rédigé en avril 2011, rappelaient qu’ils n’étaient pas des inadaptés sociaux et qu’ils sont des citoyens à part entière.

    Cette résolution vise à entériner d’un point de vue juridique, bien que non normatif, les conclusions de ce rapport. Nous contestons l’objectivité des conclusions de ce rapport et le fait qu’il soit défini comme « complet » par ses auteurs.

    En effet, depuis avril 2011, nous dénonçons sans relâche les méfaits de la volonté de pénaliser les clients des travailleurs du sexe, mais également la violence des discours qui les disqualifient systématiquement et les considèrent comme des inadaptés sociaux, des aliénés dont la parole ne mériterait pas d’être écoutée.

    Sans relâche, et jusqu’à ce que nous soyons entendus, nous continuerons à rappeler que l’absence de reconnaissance de droits aux travailleurs du sexe, la pénalisation du racolage public et du proxénétisme de soutien ont un impact négatif sur l’accès aux droits et aux soins des travailleurs du sexe et plus généralement sur les enjeux de santé publique. La pénalisation de leurs clients renforcera les effets délétères constatés. En effet, cela conduirait inévitablement à plus d’isolement et de clandestinité et constituerait un obstacle supplémentaire tant à l’accès aux structures de soins, de prévention et de dépistage qu’aux actions des associations de santé communautaire, de prévention et de lutte contre le VIH.

    Cela a d’ailleurs été très clairement rappelé par le CNS (Conseil National du sida) dans un rapport de septembre 2010 puisqu’il « appelle de ses vœux une action de premier plan pour compenser le retard pris par la France dans l’accompagnement, le suivi et la garantie des droits des personnes prostituées et ceci afin de leur rendre une visibilité et de leur garantir l’accès effectif à la prévention et aux soins » [1].

    Sans relâche, nous rappellerons que cette volonté de lutter contre la prostitution, quel qu’en soit le coût pour les premiers intéressés, ne favorisera en aucun cas la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains. Dans un avis de décembre 2010, la Commission nationale consultative des droits de l’homme a estimé que l’isolement accru des travailleurs du sexe, conséquence de la pénalisation de leurs clients, constituerait une entrave de plus à leur accès au droit et à la justice, et que cela ne ferait donc que favoriser l’exploitation et la traite des êtres humains. Ce constat s’appliquerait plus particulièrement aux travailleurs du sexe migrants, dont l’accès aux droits est déjà rendu difficile par l’absence de titre de séjour. Seul le droit au séjour sans conditions pour les victimes de la traite et de l’exploitation des êtres humains ainsi que l’amélioration des conditions d’exercice et de vie des travailleurs du sexe permettraient de lutter efficacement contre la traite et l’exploitation des êtres humains.

    Sans relâche, nous rappellerons que les arguments juridiques employés sont erronés. Il est faux de dire que le travail sexuel constituerait une atteinte à la non-patrimonialité du corps humain. Les travailleurs du sexe ne vendent pas leur corps, mais bien un service sexuel. Il n’y a pas non plus esclavage puisque la personne ne s’aliène pas. La seule chose qui est monnayée est la force de travail, comme c’est le cas dans les autres activités.

    Il est faux de dire que le travail sexuel porterait nécessairement atteinte à la dignité de toutes les femmes. La dignité ne saurait être définie de manière transcendante par des personnes qui n’exercent pas cette activité. Il s’agit d’un féminisme excluant qui rejette ce qu’il ne saurait intégrer dans son idéologie, d’un féminisme stigmatisant toutes celles qui font des choix différents.

    Les signataires de cette proposition de résolution ont préféré croire sur parole les conclusions d’un rapport présenté comme « objectif et complet », alors que la parole des premiers concernés a une nouvelle fois été ignorée. Les associations de santé communautaire et de travailleurs du sexe constituent une infime minorité des personnes auditionnées. Les travailleurs du sexe entendus ne sont plus en activité parce que, selon les membres de la mission, il n’est pas possible de croire la parole des travailleurs du sexe en exercice. Les personnalités qualifiées entendues ont largement été sélectionnées afin qu’elles ne contredisent pas les conclusions auxquelles la mission était arrivée avant même de commencer son état des lieux.

    La volonté d’abolir la prostitution n’est rien d’autre que la lutte contre les travailleurs du sexe. Nous, associations de travailleurs du sexe, de santé communautaire, de prévention et de lutte contre le SIDA et les IST, nous battrons sans relâche pour que cela soit entendu.

    L’adoption de cette résolution serait la porte ouverte à l’adoption d’une loi pénalisant les clients des travailleurs du sexe, qui aurait des conséquences catastrophiques comme l’a été la loi pénalisant le racolage public.

    Adopter une résolution n’est peut-être qu’un geste symbolique pour un parlementaire, mais cela constituerait une violence supplémentaire et réelle à l’égard de ceux qui n’en peuvent plus de ne pas être entendus, malgré leurs cris réitérés.

    Par ce courrier, nous voulons insister sur notre opposition à l’adoption de cette résolution et rappeler nos revendications.

    Nous voulons :
    Que les travailleurs du sexe soient RÉELLEMENT associés aux politiques publiques en matière de prostitution ;
    L’abrogation des infractions de racolage public et de proxénétisme de soutien ;
    Que cesse toute pénalisation des travailleurs sexuels et des personnes qui les aident.

    En vous remerciant par avance de l’attention porté à notre courrier, nous vous prions d’agréer, Madame, Monsieur le Député, l’expression de nos salutations respectueuses.

    Pour le Collectif Droits et Prostitution : Malika AMAOUCHE, Cécile LHUILLIER, Morgane MERTEUIL.

    ACCEPTESS-T, ACT UP-PARIS, AIDES, A.N.A (AVEC NOS AINÉS), ARAP RUBIS, ARCAT, AUTRES REGARDS, LES AMIES DU BUS DES FEMMES, CABIRIA, COLLECTIF DROITS ET PROSTITUTION, ELCS (ELUS LOCAUX CONTRE LE SIDA), ENTR’ACTES, ETUDIONS GAIEMENT, GRISELIDIS, LE PLANNING FAMILIAL AUVERGNE, MEDECINS DU MONDE, SOLIDARITÉ SIDA, LE STRASS, STS (SUPPORT TRANSGENRE STRASBOURG), TJENBÉ RED, UNALS

    Notes
    [1] « Commerce du sexe et VIH. Garantir l’accès universel à la prévention et aux soins », Conseil National du sida, septembre 2010, p. 40. Voir dans le même sens le Plan national de lutte contre le VIH/SIDA et les IST, 2010- 2014,

  • Le 4 juin 2012 à 18:28, par Joël MARTINE En réponse à : Prostitution : comment casser le marché ?
    Les avancées et les limites du rapport parlementaire de 2011

    Oui, j’ai cité ce courrier dans le PDF, à la note 5. C’est un élément important du débat. Sur le fond, je pense que la menace prostitutionnelle (la mise à prix du consentement sexuel d’autrui) concerne l’ensemble des femmes, et pas seulement les prostituéEs. Bien sûr il faut écouter leur parole, défendre leurs droits humains, reconnaître les formes d’organisation qu’elles se donnent, mais pour définir une politique publique c’est l’ensemble des citoyennes et citoyens qui sont concernéEs et qui doivent décider. (C’est comme pour définir une politique sur l’avenir du nucléaire : il faut écouter les travailleurs du nucléaire et négocier avec eux, mais on ne peut pas s’appuyer principalement sur leur avis ... surtout s’ils veulent défendre la pérennité de leur emploi au lieu de négocier sur leur reconversion ;-)
    Le but de mon article est de ne pas ignorer les arguments avancés par les anti-abolitionnistes, de répondre aux problèmes qu’ils soulèvent.
    Joël

  • Le 17 juin 2012 à 04:33 En réponse à : Prostitution : comment casser le marché ?
    Les avancées et les limites du rapport parlementaire de 2011

    Un article à lire de Paola Tabet pour regarder les échanges économico-sexuels dans leur complexité.
    http://gss.revues.org/index1227.html

  • Le 11 septembre 2012 à 15:01, par Christiane En réponse à : Prostitution : racolage passif - Le changement ?

    La situation "aberrante" d’une prostituée nancéienne poursuivie pour racolage passif

    Le Monde.fr | 11.09.2012

    Par Franz Durupt

    http://www.lemonde.fr/societe/artic...

    "Je suis perplexe quant à la notion de racolage passif". Ce matin du 6 septembre, le doute ne plane pas un instant sur l’issue de l’affaire jugée au tribunal correctionnel de Nancy : la présidente du tribunal elle-même a l’air presque étonnée d’avoir à la juger. L’audience ne dure que quelques minutes : Béatrice est relaxée. A 58 ans, cette prostituée, connue de toutes celles et ceux qui fréquentent tant soit peu la vieille ville nancéienne, était jugée pour le délit de racolage passif.

    A l’origine de la procédure, "une lettre comme on les aime, une lettre anonyme", a commencé par ironiser la présidente. Pleine de fautes d’orthographes, celle-ci reprochait à Béatrice de racoler le client, "y compris par une attitude même passive", de porter une jupe trop courte et des décolletés trop plongeants, et d’avoir proposé ses services à des mineurs.

    La lettre était signée "Les mamans de Saint-Epvre", du nom du quartier environnant la basilique éponyme. La rue de la Source, où travaille Béatrice, se trouve à quelques dizaines de mètres de cette imposante église bordée de cafés. Depuis près de quarante ans, Béatrice travaille dans cette longue artère, étroite et peu fréquentée. Jadis habitée par des familles pauvres qui ont été repoussées en bordure de ville, celle-ci accueille depuis une rénovation dans les années 1970 des bonnes familles et des classes moyennes.

    Pourtant, rue de la Source, Béatrice ne fait généralement rien, si ce n’est être là, à attendre, en lisant des revues. La police elle-même, qui a surveillé la prostituée en avril pendant deux semaines, n’a rien vu d’autre que cela. Pas un client, pas un geste de la travailleuse pour proposer ses services à qui que ce soit. "Mais manifestement, dans la vieille ville, ça doit gêner des habitants", s’est amusée la présidente du tribunal. Béatrice a été interrogée, et un parquetier qui a depuis quitté le TGI de Nancy a jugé utile d’entamer une procédure.

    "LA GRAND-MÈRE PARFAITE"

    Et pourtant, jeudi, la procureure elle-même, jugeant d’après les photos de la police, a estimé la tenue de Béatrice "plutôt élégante". Même constat de la part de la présidente du tribunal : "On voit une dame qui, c’est vrai, porte une une jupe courte et un décolleté plongeant. Mais je connais beaucoup de gens qui portent des jupes plus courtes. Il reste à savoir si d’après la jurisprudence le simple fait de porter une jupe courte et un décolleté constitue un délit."

    L’avocat de Béatrice, Me Georges Dal Molin, avait donc la voie libre pour faire savoir le soutien massif que les habitants du quartier ont manifesté envers sa cliente. Le cuisinier du restaurant La Source, sis à quelques mètres du lieu de travail de Béatrice, a fait circuler une pétition ayant recueilli 120 signatures, dont celle d’Alex, le gérant du café Le Pinocchio, qui fait face à la basilique : "C’est dégueulasse", jugeait-il la veille de l’audience. "C’est une fille que j’ai connue quand je suis arrivé dans le quartier il y a seize ans. C’est une bonne Lorraine, drôle, attachante, d’une simplicité et d’une gentillesse... Si ça avait été ma grand-mère, ce serait la grand-mère parfaite."

    Sur la page Facebook ouverte pour la soutenir, d’autres "mamans de Saint-Epvre" sont venues écrire que la présence de Béatrice dans la rue était un motif de sérénité quant à la sécurité de leurs enfants, bien plus que de trouble.

    (...)

    C’est à l’initiative de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’intérieur, que le racolage dit passif a été criminalisé en 2003 dans le cadre de la Loi sur la sécurité intérieure (LSI), alors qu’il était auparavant puni d’une contravention. Depuis, le code pénal prévoit que "le fait, par tout moyen, y compris par une attitude même passive, de procéder publiquement au racolage d’autrui en vue de l’inciter à des relations sexuelles en échange d’une rémunération ou d’une promesse de rémunération est puni de deux mois d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende."

    (...)

    "La LSI a renforcé l’isolement des personnes se prostituant, les reléguant vers des lieux plus isolés, loin des structures de soins, où elles sont moins aptes à négocier des pratiques sexuelles protégées et plus exposées aux violences", jugeait en mars 2012 l’association Médecins du Monde, en demandant "l’abrogation de ce délit".

    (...)
    Franz Durupt

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