Une tribune pour les luttes

Acharnement en Cévennes contre des allocataires "présumés fraudeurs"

Rendez-vous au Tribunal d’Alès le 7 juin 2012 à 14h00.

Article mis en ligne le samedi 2 juin 2012

Voilà une affaire qui se trame en Cévennes depuis 8 mois environ. Elle est
le reflet de la politique de "chasse aux fraudeurs" que la CAF, parmi
d’autres organismes, applique. Elle se déroule au niveau administratif et
judiciaire grâce au concours d’un patron-bailleur qui sait bien de quel
côté l’État se positionne. Une résistance collective est mise en place
autour de cette affaire et permet aux personnes concernées de relever la
tête et de défendre leurs intérêts.

Vous trouverez donc en pièces jointes un compte-rendu de l’affaire et deux
tracts : un axé sur l’enquête de la CAF "La croisade anti-fraude frappe
encore les pauvres" et un par rapport au procès "Des seigneurs à abattre".
Le prochain rendez-vous est fixé au tribunal d’Alès, le 7 juin 2012 à 14H.
Collectif Exploités Énervés (Alès - Cévennes)

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Résumé de l’affaire

Juillet 2011, Roger, blessé, bénéficie d’un arrêt de travail jusqu’à la
fin de son contrat (31 août 2011). Son employeur, Monsieur S, se retrouve
en difficulté pour honorer les nombreux chantiers sur lesquels il s’était
engagé. Il renonce donc à certains. Ce manque à gagner provoque en lui une
haine envers Roger. Monsieur S ayant l’habitude de ne pas lui payer ses
heures supplémentaires, ni ses indemnités de congés payés, cela lui
faisait de bons profits. Pour se venger, il refuse de lui fournir les
justificatifs nécessaires pour constituer son dossier à Pôle Emploi. Roger
se retrouve donc sans ressource. Il entame des démarches auprès des
prud’hommes, ce qui met Monsieur S en fureur, mais l’oblige à délivrer les
documents. Grâce à une action sur le Pôle Emploi, en décembre 2011, avec 5
personnes du collectif Exploités Énervés, Roger récupère ses droits et
touche les arriérés.
Dans le même temps, Macha qui est la locataire de Monsieur S et
l’ex-compagne de Roger, trouve un appartement plus adapté pour elle et ses
enfants. Elle décide de donner son préavis, et étant dans une situation
financière difficile, elle ne règle pas son dernier mois de loyer, en se
disant que la caution le couvrirait. Monsieur S qui vient d’annuler
plusieurs chantiers, apprend maintenant que sa locataire s’en va. Sa haine
s’en trouve d’avantage alimentée. Dès lors, il décide de tout mettre en
œuvre pour récupérer cet argent qui lui serait dû. Il s’engage donc à la
fois sur le terrain administratif et juridique.

Il envoie une lettre de délation fallacieuse à la CAF, dénonçant une
prétendue vie commune entre Roger et Macha. Il fait une demande d’APL pour
son appartement vacant, au nom de Macha, avec versement direct sur son
compte. La CAF, constatant une double demande d’APL (l’une de Monsieur S
et l’autre de Macha pour son nouvel appartement), conclue à une tentative
de fraude de la part de Macha et suspend ces aides. Parallèlement, la CAF
lui annonce un contrôle domiciliaire ainsi qu’à Fernand et Béatrice
(ceux-ci hébergeant Roger, le temps qu’il trouve un logement).
Ils décident de prendre contact avec le collectif Exploités Énervés. Une
action à la CAF d’Alès est organisée pour pouvoir débloquer les APL de
Macha et demander les raisons du contrôle (d’autant que la situation de
Béatrice et Fernand a été contrôlée quelques mois auparavant). Une
négociation avec deux employés débute. Rapidement, après quelques coups de
fils à la direction départemental, les droits pour l’allocation logement
sont rétablis. Malheureusement ces interlocuteurs sont dans
l’impossibilité de donner des renseignements sur les motivations du
contrôle. Ils proposent alors aux allocataires de signer un document
expliquant leurs motivations. Après de nouveaux coups de fil à la
direction, il est annoncé que le contrôle du lendemain est annulé.
Quelques temps après, un courrier recommandé, signé du directeur de la
CAF, arrive aux domiciles de Macha, Roger, Béatrice et Fernand informant
que la visite à la CAF, en compagnie du collectif, était considérée comme
un refus de contrôle. Un nouveau rendez vous sera bientôt fixé, pour
lequel il est demandé qu’aucune tierce personne ne soit présente, sans
quoi cela serait interprété comme un deuxième refus de contrôle (donc
suivi de sanctions). La date est rapidement fixée.
Le matin du 10 avril, Macha est avec une amie lorsque la contrôleuse
arrive à 7h30. Elle refuse de faire le contrôle si cette personne ne sort
pas immédiatement. Après de vaines palabres, l’amie sort. Macha subit la
pression de la contrôleuse qui exécute ses basses œuvres et établie une
liste de pièces à fournir. Elle part alors chez Béatrice et Fernand qui
ont aussi des invités à la maison. Mêmes exigences de «  confidentialité
 » de sa part. Malheureusement, il pleut dehors, une personne est en
fauteuil roulant et toutes les solutions alternatives pour effectuer le
contrôle dans l’intimité exigée sont rejetées par la contrôleuse. Cette
dernière part, statuant sur un refus de contrôle.
Suite au contrôle avorté de Fernand et Béatrice les sanctions tombent, la
CAF suspend leurs APL respectives ainsi que l’Allocation Soutien Familiale
de Béatrice pour ses deux enfants (soit un peu plus de 700€ par mois en
total). Lors d’une visite à quelques-uns à la CAF de Nîmes, un médiateur
se charge du dossier. Un nouveau contrôle est effectué, pour remplacer le
précédent, par un autre contrôleur (suite aux tensions avec la précédente)
mais l’exigence de « confidentialité  » est maintenu. Il se termine par
la rétablissement des droits de Fernand et Béatrice.

Roger, lui, a entre temps trouvé un nouvel emploi et un logement. Il est
contrôlé à la Caf de Nîmes le 24 mai 2012. Après un début d’entrevue
tendue avec la contrôleuse, il lui fournit des documents et son point de
vue sur la situation. La CAF lui annonce qu’elle fait des recherches
auprès des Pôles Emplois et CPAM d’autres départements où il a résidé, et
lui demande de fournir des pièces supplémentaires. Tout en précisant qu’il
ne devrait pas être inquiété sur son dossier...
Pour l’instant les conclusions de l’enquête principale sur cette affaire,
concernant le dossier de Macha et Roger et d’une prétendue vie commune, ne
sont toujours pas rendues. La commission ne devrait pas statuer avant un
mois minimum. Les soupçons de fraude que laissent entendre certains agents
de la CAF pourraient entraîner des demandes de remboursement de
prestations perçues par Macha. Mais la CAF laisse aussi entendre que
l’affaire pourrait se régler favorablement, pour les allocataires
concernés.

Parallèlement, Monsieur S dépose une plainte contre Macha et Roger par
rapport à l’appartement que celle-ci lui louait. Il leur reproche des
prétendus dégradations, de ne pas avoir payé le dernier mois de loyer
(couvert par la caution) et d’avoir donné le préavis de départ qu’un mois
à l’avance (3 mois habituellement, mais pour les allocataires du RSA ce
délai est réduit à un mois). La plainte est suivie par le tribunal civil
d’Alès. Un avocat est contacté et une défense publique, politique et
collective s’organise pour répondre à ces charognards qui nous pompent de
tous les côtés (travail, logement,...). La première audience est reportée
par Macha, les deux suivantes le sont par Monsieur S. La prochaine est
fixée, pour le 7 juin 2012 à 14H. L’avocat de Monsieur S ayant rendu ses
conclusions, cette audience devrait être la bonne. Venez nombreux.

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Des seigneurs à abattre...

Dans certains coins des Cévennes, les notables se prennent pour des petits
seigneurs  : comme au Moyen Age, ils rançonnent et oppriment. Cette
bourgeoisie d’aujourd’hui s’exprime à travers son rang social de
propriétaire, de chef d’entreprise ou d’élu.
Marchands de sommeil, ils nous louent des appartements pourris  ! Ces
locations souvent mal rénovées, difficiles à chauffer, nous coûtent
relativement cher. Et quand il s’agit de rembourser une caution, ils
refusent bien souvent de nous restituer l’argent.

Nous nous retrouverons le 7 juin 2012 devant le tribunal d’Alès pour
dénoncer cette oppression qui est largement partagée, et soutenir Macha
qui est l’objet du harcèlement de son dernier bailleur. Ce monsieur, non
content de toucher ses rentes locatives, s’est permis de porter plainte et
de réclamer 5000€ de rallonge, au prétexte d’un préavis qu’il a jugé trop
court et de prétendues dégradations dans le logement. Depuis que Macha a
quitté l’appartement, Mr Serre (le bailleur) n’a cessé de lui causer du
tord ainsi qu’au père de ses enfants (Roger) dont il a été l’employeur.
C’est en usant de toutes ses casquettes, et du pouvoir qu’elles lui
confèrent, qu’il leur a littéralement pourri la vie ces derniers mois :
heures supplémentaires non rémunérées, congés non payés, délations et
falsifications de dossiers auprès de la CAF entraînant la suspension des
allocations de Macha, etc...
Serre et ses confrères notables possèdent la majeure partie des terres,
des logements et des entreprises de la région. Ils cumulent ainsi les
fonctions de bailleurs et d’employeurs. Il faut donc travailler sans
broncher et reverser notre salaire en loyer. C’est sous couvert de
«  bienfaisance  » et de «  sympathie  » qu’ils nous abordent pour nous
proposer «  Le  » bon plan logement+travail. Cette gentillesse dont ils se
targuent, ne peut dissimuler la réalité des faits  : c’est tout bénef’ pour
eux  ; c’est turbin et précarité pour nous  !
Ici comme ailleurs, ils nous font travailler dans des conditions
déplorables et pour des salaires de misère. La carotte des augmentations
et des promesses diverses et variées, qui ne sont jamais honorées, se
combine savamment avec les dégradations de nos moyens de survie. Nous
vendons donc à bas prix notre temps et notre force à ces profiteurs qui
subsistent par notre exploitation.

Ces notables ont aussi des relais politiques  : complaisance des conseils
municipaux, notoriété de certaines familles, implication historique de ces
mêmes familles dans les partis de droite comme de gauche. Ces positions
privilégiées leur permettent de constituer des réseaux et d’asseoir leur
influence par le clientélisme (pistons pour un boulot ou un logement,
postes réservés en mairie, etc...). Dans cette logique, ils utilisent les
pouvoirs et forces publics pour défendre leurs intérêts.
Comme partout, ces bourgeois justifient l’oppression qu’ils imposent en
usant d’arguments identitaires, racistes, moraux, tous plus fallacieux et
mensongers les uns que les autres, qui n’ont pour objectif que de nous
diviser. Nous ne sommes pas dupes  ! Cette classe sociale ne se reconnaît
pas par son label «  du cru  » ou «  néo  », mais parce qu’elle vit grâce à la
propriété privée et à l’exploitation qu’elle permet.

Cette domination repose sur des peurs. La peur de perdre ses revenus, son
travail, son logement, et de subir la mise au ban. Cette situation sociale
optimise notre soumission et notre exploitation. Pour ne pas rester isolés
dans nos résistances, nous répondrons collectivement au mépris et au
harcèlement que Macha et Roger subissent pour ne pas avoir tout accepté.
C’est parce qu’il n’est pas évident de combattre seul et dans son coin
qu’il est nécessaire de s’associer pour refuser la situation qui nous est
faite.

Parce que l’on n’acceptera jamais de crever en paix...

RENDEZ-VOUS AU TRIBUNAL D’ALèS

Le 7 juin 2012 à 14h00

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La croisade « anti-fraude » frappe encore les pauvres

En ces temps de crise et de restrictions budgétaires, les pauvres sont les
premiers à payer. Salariés, nous devons nous plier à la concurrence et aux
injonctions du marché, pour sauver nos emplois. Bénéficiaires des
prestations sociales, nous devons accepter de nous plier à toutes formes
de contrôles et d’humiliations, pour conserver l’aumône que l’État nous
concède. D’autant que la campagne contre la fraude est devenue une
priorité nationale. À écouter politiques et journalistes, ce fléau social
serait en grande partie responsable de la crise économique et financière.
La chasse est ouverte. À la sécu, au Pôle Emploi ou à la CAF : allocataire
rime avec fraudeur.
Et quand un bourgeois, bien conscient que l’État est à son service, en
rajoute une couche pour mater des prolétaires rétifs, on obtient une bien
sinistre fable cévenole...

Rentrons dans les détails de cette histoire abracadabrante, qui serait
presque cocasse, si l’enjeu n’était pas la survie économique de plusieurs
personnes.
Après avoir fait ses démarches auprès de la CAF pour obtenir l’allocation
logement de son nouvel appartement, Macha est surprise de ne rien
recevoir. Suite à de nombreux coups de téléphone, elle finit par
comprendre que son ancien propriétaire a utilisé son nom, pour lui aussi
faire une demande d’allocation, pour l’appartement qu’elle vient de
quitter. La CAF se retrouve avec deux demandes d’allocation au même nom et
gèle les versements. Au bout de quelques temps, les droits sont rétablis,
mais un mois reste impayé. La CAF prévient en outre Macha qu’elle sera
contrôlée à son domicile.
Fernand et Béatrice partagent un appartement en colocation. Ils hébergent
à titre gratuit l’ex-compagnon de Macha. Tous trois reçoivent un avis de
contrôle pour la même date et la même heure.
Soupçonnant que ces contrôles sont liés aux déclarations frauduleuses du
propriétaire, ils décident d’aller demander des explications à la CAF,
accompagnés du collectif de travailleurs, chômeurs et précaires, Exploités
Énervés.
Après d’âpres négociations, avec deux employées de la CAF en liaison avec
la direction départementale de Nîmes, le mois d’APL perdu de Macha est
retrouvé et les trois intéressés rédigent une demande officielle pour que
leur soit précisé le motif du contrôle, qu’il ait lieu dans un lieu
neutre, et qui stipule qu’ils ne s’opposent pas au dit contrôle. Les deux
employées leur font savoir que le contrôle est suspendu.
Quelques temps plus tard, les 3 allocataires concernés reçoivent un
courrier recommandé du directeur de la CAF du Gard leur stipulant qu’ils
avaient refusé un premier contrôle et qu’il y en aurait donc un second
qu’il ne vaudrait mieux pas refuser. Un peu plus tard, Fernand et Béatrice
reçoivent un autre courrier leur précisant que le contrôle qu’ils vont
subir a pour objet de vérifier le dossier de Macha et qu’un refus de leur
part entraînerait des sanctions sur ses prestations.
Puis, vient le jour du contrôle. Chez Macha, la contrôleuse exige que les
personnes présentes sortent sous peine de ne pas effectuer le contrôle.
Ces dernières s’exécutent, et l’entretien tourne à l’interrogatoire.
Finalement, la contrôleuse part en disant qu’un dossier sera sanctionné
dans cette affaire mais qu’elle ne sait pas encore lequel. Chez Fernand et
Béatrice, quelques minutes plus tard, même topo. Mais, les contrôlés
essaient de négocier un entretien «  privé », sans faire sortir leurs
hôtes. La contrôleuse n’en démord pas, arguant qu’elle a des consignes de
sa direction. Elle finit par partir en disant qu’elle ne reviendrait pas.
Une dizaine de jours plus tard, les sanctions tombent : suspensions des
allocations logements et de l’allocation soutien familial de Béatrice, en
attendant les conclusions finales de la commission.

Prise dans un élan national de lutte contre la fraude, la CAF du Gard
s’emballe. Fière d’annoncer la mise à nu de 126 cas de fraudes et d’avoir
porté 78 affaires au pénal en 2011, elle compte faire mieux en 2012.
Qu’importe les méthodes employées, seuls les résultats comptent. Quitte à
inventer de faux refus de contrôle et à adapter son règlement à la tête du
client.
Évidemment, la CAF ne fait que suivre les injonctions des politiques et
applique la cure globale d’austérité aux précaires. Quand, dans ses
rapports officiels de 2009, elle déclare 2,15 % d’allocataires en
situation de «  fraude » et 0,15 % en situation de « fraude délibérée »,
l’URSSAF annonce, elle, pour la même année, que 63 % des entreprises
contrôlées ont fait l’objet d’un redressement fiscal. Parallèlement, un
rapport parlementaire de 2011 chiffre les « fraudes fiscale, sociale et
douanière
 » à 3,4 milliards d’euros pour 2010. Sur ce montant, seuls 458
millions sont liés à la «  fraude sociale ». Il existe encore une fois un
net décalage entre le discours politico-médiatique et la réalité
socio-économique. Les allocataires de prestations sociales y sont dénoncés
comme responsables de la fin annoncée de «  l’État social » à cause du
déficit budgétaire, alors que les premiers fraudeurs - les plus grands
voleurs - sont les entreprises. Cette rhétorique a pour objectif de
justifier la pression qui est mise sur les travailleurs. Et ainsi coincés
entre des administrations kafkaïennes et répressives et des possibilités
d’accès à l’emploi de plus en plus difficiles, nous sommes tous contraints
de travailler pour des miettes. Au grand profit du patronat et de la « 
relance économique ».

L’affaire de Macha et de ses amis n’est pas un cas particulier. L’objectif
de la CAF, comme des autres institutions gérant la misère (police,
justice, administrations multiples), est de renvoyer les individus à leur
isolement, alors que les situations auxquelles ils sont confrontés sont le
fruit du système dans sa globalité.

Dans ce contexte, la solidarité et l’action collective peuvent nous
permettre de desserrer les mâchoires de l’étau administratif et
patronal... Et de résistances en résistances... passer à l’offensive ! Le
capitalisme est en crise ? L’État est au bord de la faillite ? Qu’ils
crèvent !

Permanences Exploités Énervés tous les 2ème vendredi du mois à 18h30 au
bar « Au Bon Coin », 2, rue Faubourg de Rochebelle, à côté de la Bourse du
Travail (Alès).

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