Une tribune pour les luttes

Témoignage RESF

Petit journal des saloperies ordinaires de la République Française à Mayotte

Article mis en ligne le dimanche 24 juin 2012

http://blogs.mediapart.fr/blog/resf...

« VOUS N’IMAGINEZ PAS LES SALOPERISE QUE VOUS ALLEZ ETRE AMENE A COMMETTRE » (illustration n°3, à Mayotte)]

Petit journal des saloperies ordinaires de la République Française à Mayotte

11 juin 2012 : Compte-rendu de l’audience au tribunal administratif

Le père en rétention de quatre enfants, dont une gamine hospitalisée en métropole avec mère et petit frère, et qui a dû laisser ses deux autres enfants qu’il élève seul ici aux bons soins d’une voisine, est là, très tendu après les cinq jours passés au centre de rétention administrative (CRA). Plaidoirie musclée sur cette situation, il est vrai totalement inhumaine et si banale ici de fabrique de mineurs isolés… Il a été libéré dès son retour au CRA, pour défaut de procédure, car le délai maximum de cinq jours pour sa présentation devant le juge des libertés est dépassé. Ordonnance ce matin.(1)

Oussene, l’enfant de 10 ans enfermé seul au CRA dont le père est réfugié politique, en situation régulière donc et demande à récupérer son fils, a l’air bien grave aussi. Pour mieux l’expulser, le gamin a été arbitrairement « rattaché » (2) par la préfecture à un majeur de 23 ans ainsi que deux autres mineurs lors de l’interpellation pendant la nuit d’un kwassa (3) rempli de migrants. La plaidoirie claque ferme….

La préfecture ose dire que, sans doute, les services de l’immigration ont cru que ce jeune homme était le père des trois mômes.

Précoce, isn’t it ?

En attendant l’ordonnance du lendemain, tout le monde est reparti en rétention puisqu’il n’y a pas d’assignation à résidence possible. Un enfant de 10 ans seul, sans père ni mère ni famille, dans un CRA immonde pendant 3 jours…. Cela ne choque personne ???

Et on a appris que le jeune homme (faux père de trois gamins de 10 à 17 ans, mais vrai père d’un enfant français de 4 ans), à qui il a été rattaché et pour qui a été déposé un référé liberté, a été libéré. Je veux espérer que le gosse a suivi… Le bon sens est loin d’ici, la machine à expulser dure à enrayer et les non sens passent souvent inaperçus.

Nous sommes témoins très souvent ici à Mayotte d’un au delà de tout respect a minima des droits fondamentaux :


Mercredi dernier, devant le CRA,
une dame avec deux enfants attend.

Les horaires des visites sont rarement respectés et pour cause...

Caractère exigu du local à tout faire : auditions, permanences Tama (4) et Cimade et visiteurs en nombre équivalent aux personnes en rétention of course. Depuis peu, nous y avons un fax qui fonctionne … parfois.

Donc, cette dame (ancienne voisine de la personne qu’elle vient voir) attend pour remettre les deux enfants à leur mère qui s’est fait attraper et envoyer au CRA avec la petite dernière d’un an et demi, alors qu’elle revenait de l’école.

Leur père est à Marseille pour bénéficier des soins dispensés par Médecins du Monde (MDM).

Les enfants attendent, la voisine s’impatiente, elle voudrait retourner chez elle s’occuper de ses propres enfants. L’heure tourne.... Il est trop tard pour rattacher les gamins à leur mère et de toutes façons, ils pleurent qu’ils ne veulent pas aller à Anjouan (4) qu’ils ne connaissent pas. Le garçon de onze ans, né en Grande Comore, rêve de sixième et la petite de neuf ans est désolée à l’idée de rater les évaluations...

Le lendemain, je les ramène au CRA, pensant que la terrible mais unique solution est qu’ils repartent avec leur mère et leur petite sœur.

Impossible ! La mère n’en veut pas et sermonne au téléphone la voisine qui lui avait dû lui promettre de les prendre en charge en cas d’arrestation et d’expulsion.

Les petits repartent donc avec la voisine, et pour cause : j’ai appris par un coup de téléphone du papa qu’après une première expulsion, la mère des mômes avait tenté le retour en kwassa dans la nuit de vendredi et .... retour parla case CRAavant une nouvelle expulsion....le samedi... c’est à dire en moins d’un jour franc. Illégal ?

Une élève de mon collège me téléphone, leur voisine vient de rater sa septième tentative de retour à Mayotte en kwassa pour retrouver ses enfants laissés à la garde dela voisine. Voisineest un boulot à temps plein ici !!!

Conseil de classe au collège : On apprend que ce gamin de cinquième est seul avec sa grande sœur de troisième depuis 6 mois. Ils sont très nombreux dans ce cas.

Nos listes de classe fluctuent au rythme des reconduites d’enfants nés à Mayotte. Et les profs ne s’en rendent même pas compte parfois.

Les gens se cachent. Ils ont peur. Ils ne vivent pas quand ils n’ont pas de titre de séjour. Et ils sont des milliers.

Cet élève de terminale a passé son année scolaire à s’occuper de ses cinq frères et sœurs. Il est français, jeune majeur, cela ne compte pas. J’ai tenté d’aider sa mère reconduite deux fois cette année à obtenir un visa... pas gagné, même mère d’enfant français !


14 juin 2012 : Encore une journée de foutue …

Aujourd’hui, on a interpellé le procureur sur le cas d’un homme victime de violences policières à Sada mardi matin.

Dans l’après midi tombe la réponse au référé de lundi sur le père seul avec ses deux enfants depuis que sa fille est soignée en métropole. « Rien n’empêche la famille de s’installer aux Comores » !!!

Mayotte première m’appelle : deux Français se trouvent au CRA …en garde à vue….

Une femme en début de grossesse difficile qui a mis un peu trop de temps à présenter ses papiers à la PAF, elle avait du linge à finir d’étendre… Quelle insolence ! Jetée à terre et menottée donc. Cela se passe à Chem benyoumba à 11h. La garde à vue durera jusqu’à 16h et la Cimade ne pourra pas la rencontrer avant sa libération.

L’autre cas n’est pas mal non plus : à Combani, contrôle super musclé devant les yeux d’une policière municipale ébahie et prête à témoigner. Une famille française malmenée par les fonctionnaires de police, l’homme, français, est mis en garde à vue et à 18h 45, n’est toujours pas sorti du CRA…

Cela n’arrive donc pas qu’aux autres, aux cousins anjouanais…. Le manque de respect des droits fondamentaux est terrible.

Il y avait aussi une enfant de 6 ans née et scolarisée ici et qui avait été rattachée à sa grande sœur, juste majeure, etc., etc., etc.

La fête de la ziq à Mayotte

Pas pour tout le monde, la fête !

Deux demandes de surseoir à des expulsions viennent de partir en direction de la préfecture, alors que résonnent les premiers accords à quelque distance du CRA.

Recours gracieux à un système dénué de toute grâce. En tout, on en a compté cinq aujourd’hui je crois.

Ce matin, on a déjà passé trois heures à tenter de démêler les fils de ces non sens : des femmes enceintes, une mineure (libérée) et une autre enceinte de 6 mois d’un français (« que nenni » a dit la préfecture, « quelle simulatrice » a dit l’infirmière, « j’aurai appris à Mayotte que la grossesse est une maladie » a renchéri la fonctionnaire de la PAF » … et toi, qu’aurais tu fait, pauvre abrutie si on t’avait de force éloignée de ton mec alors que tu étais à quelques mois du terme ? ). Un père qui laisse sa fille de 13 ans, presque française avec son petit frère. Banal, tout ça puisque comme le répètent en écho tous les gens ici « oui, mais… ici, c’est Mayotte ! » So, what ?

Une autre femme va repartir car, après examen de sa situation par Tama et la préfecture, le fait de laisser 3 mineurs isolés plus une grande fille de 13 ans prise en charge depuis la reconduite de la voisine qui s’en occupait ne donne pas de raisons suffisantes pour rester sur le territoire !

Et puis ce soir, retour au CRA car on m’a alertée. Des enfants ! oh, scandale.

Deux parents en rétention accompagnés de deux de leurs enfants, mais chacun laissant deux autres mineurs sur le territoire en cas de reconduite. Des enfants petits, sans père ou sans mère déjà depuis quelque temps… Et puis maintenant sans frères et sœurs, sans air, sans école, sans comprendre ce qui leur arrive… Que va statuer la préfecture à mes demandes gracieuses ? On peut parier ?

Quand mesurera-t-on cette abomination ?

Qui va m’aider à faire ces référés liberté qui ne devraient pas être ?

Saisinez donc, vous, les salariés de l’ultra marin !!

Indignez vous enfin, vous, les adeptes du droit chemin...

Faites passer à qui peut entendre....

Pendant ce temps, les fonctionnaires de la République se baignent avec bonheur dans les eaux turquoise, passent tous les niveaux de plongée … et souffrent tellement de cette insécurité !!!

Apartheid non avouée mais tellement flagrante !

Sylvie de Petite Terre

(1) En fait, l’ordonnance ne sera rendue que trois jours plus tard avec une décision négative (voir plus loin dans l’article)

(2) « rattachement » administratif : on signifie arbitrairement l’appartenance à une même famille (même sans document d’identité). En l’occurrence, un père de circonstance lui a été attribué, de manière à pouvoir l’expulser avec son supposé père, puisqu’on ne peut expulser des enfants.

(3) Barque

(4) L’autre association qui intervient au CRA

(5) Capitale des Comores

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