Une tribune pour les luttes

Réunion inter-ministérielle sur les Roms, un seul mot d’ordre : DEGAGE !

Par philippe alain

Article mis en ligne le samedi 25 août 2012

http://blogs.mediapart.fr/blog/phil...

25 Août 2012

Alors que Bruxelles vient de remettre la France sous surveillance en raison de sa politique d’expulsion des Roms, le gouvernement a organisé une réunion interministérielle sur les «  opérations de démantèlement des campements illicites et leur accompagnement ». (1) A l’issue de cette réunion, très attendue par les Roms et les associations, la montagne à finalement accouché d’une souris : maintien du régime transitoire, poursuite des expulsions administratives, des démantèlements de camps et des expulsions par charters.

Un militant résume parfaitement la situation quelques jours après la réunion : « Vous croyez vraiment que les Roms sont en situation de travailler alors que la police les pourchasse jour et nuit ? En ce moment ils sont plutôt dans la survie. Ils se cachent, ils cherchent à boire, à manger et un endroit pour dormir. Ils n’ont pas trop la tête à rédiger des CV, excusez les … »


Le maintien du régime transitoire

La principale annonce faite à l’issue de cette réunion concerne la suppression de la taxe à l’embauche pour les employeurs et l’élargissement de la liste des métiers autorisés pour les citoyens roumains. Deux « mesurettes de façade » selon Saimir Mile, Président de la Voix des Roms. Saluées à gauche par ceux qui ne connaissent rien au sujet comme une grande avancée et dénoncées à droite par ceux qui croient tout savoir comme une ouverture scandaleuse du marché du travail, ces deux mesures ne vont absolument pas changer la réalité quotidienne de la plupart des personnes concernées. Le régime transitoire imposé par la France aux citoyens roumains pour les empêcher de travailler se traduit en effet par la nécessité de disposer d’un titre de séjour et d’une autorisation de travail délivrés par les préfectures. La recherche d’un emploi passe donc par un parcours du combattant semé d’embûches qui peut prendre jusqu’à un an avant d’obtenir les précieux sésames… A condition de ne pas jeter l’éponge avant. Sur cet aspect, aucune annonce et aucun changement. La France maintient donc les principales dispositions du régime transitoire, confirmant ainsi sa politique d’exclusion des Roms présents en France.

La poursuite des expulsions de terrain sans proposition de relogement

En digne successeur de Guéant, le très médiatique Valls a dansé tout l’été au rythme des mélodies tziganes sous l’œil des caméras qu’il semble particulièrement apprécier. Transformant son ministère en auxiliaire des cabinets d’huissiers qui le sollicitent pour le concours de la force publique, il a expulsé des Roms par familles entières à Marseille, La Courneuve, Vaulx en Velin, Lille, Dijon, Lyon, Saint-Etienne, Villeurbanne... En tout, plus de 800 personnes en quelques jours. Si ce n’est pas du nettoyage au karcher, ça y ressemble beaucoup… Un certain François Hollande, candidat à l’élection présidentielle avait pourtant écrit en mars 2012 : «  Je souhaite que, lorsqu’un campement insalubre est démantelé, des solutions alternatives soient proposées. On ne peut pas continuer à accepter que des familles soient chassées d’un endroit sans solution. » (2) Il avait tout compris ce candidat. Si quelqu’un sait ce qu’il est devenu… Il faudrait lui proposer de communiquer son programme à Manuel Valls, le véritable patron sur ce dossier.

Sur le terrain cette politique stupide et inefficace se traduit par des situations absurdes comme à Villeurbanne, mardi 7 août, où une centaine de Roms est expulsée à la demande de la municipalité socialiste. Les familles sont jetées à la rue, pourchassées par la police qui les empêche de s’installer autre part. Avec leurs baluchons sous un bras et leurs enfants sous l’autre les parents errent dans la ville plusieurs jours. Pendant ce temps, impossible d’aller faire la manche, impossible d’acheter à manger ou à boire. Certains enfants commencent à tomber malades. Marcel, 7 ans, à bout de force, envoie un tweet à Valérie Trierweiller. (3) Le maire de Villeurbanne, lui, envoie une tribune au journal Le Monde dans laquelle il appelle à la poursuite des démantèlements de «  camps de Roms » en reprenant les termes stigmatisants du discours de Grenoble et ceux de la circulaire du 5 août 2010 censurée par le Conseil d’Etat. (4)

Les Roms expulsés quelques jours plus tôt, vont finalement lui répondre par un pied de nez en s’installant à nouveau à quelques centaines de mètres du terrain qu’ils occupaient précédemment … à Villeurbanne. On aura donc simplement déplacé le problème. Sauf que, à force d’être pourchassées par la police, les familles se sont divisées en deux groupes. Le pauvre maire qui se croyait débarrassé d’un campement se retrouve donc maintenant confronté à deux campements. Que va faire la mairie ? Donner l’exemple et engager des discussions avec les familles afin d’étudier leur situation et proposer un traitement digne et humain ? Ou alors envoyer deux huissiers et demander deux nouvelles expulsions ? Ce jeu là destructeur pour les familles peut durer longtemps. Au lieu d’avoir un camp de 100 personnes, le maire va finir par avoir 5 camps de 20 personnes. C’est sans doute ce qu’on appelle de l’intelligence politique.

En attendant, le préfet du Rhône qui vient de rentrer de vacances prépare l’expulsion du camp de Saint-Priest : 200 personnes vont être jetées à la rue, encore une fois, sans aucune proposition de relogement, en violation des promesses du candidat Hollande et en contradiction avec les vraies fausses consignes de concertation données par Valls. (5)

La poursuite de la politique du chiffre

C’est ça les socialistes… Ils nous disent blanc, ils font noir. Il va falloir s’y habituer. Alors que Hollande avait promis l’arrêt de la politique du chiffre, sur le terrain, les expulsions par charters ainsi que les Obligations de Quitter le Territoire Français (OQTF) se multiplient.

Depuis le début de l’année, à Lyon, ce sont environ 900 personnes qui ont été expulsées par charter sous couvert d’aide au retour humanitaire, c’est-à-dire la quasi totalité des Roms présents sur l’agglomération… Or, selon les associations, il y a toujours environ 1 000 Roms sur Lyon et son agglomération. De deux choses l’une, soit la préfecture distribue l’aide au retour humanitaire plusieurs fois aux mêmes personnes alors qu’on nous dit que cette aide n’est valable qu’une fois. Soit elle attire sur Lyon des personnes qui viennent spécialement pour prendre l’aide et rentrer au pays avec, ce qui est contraire aux conditions d’attribution. Dans les deux cas, le gouvernement dilapide l’argent public alors qu’il nous parle de crise et de restrictions budgétaires à longueur de temps. On n’a pas d’argent pour intégrer les Roms, mais on en a beaucoup pour les expulser. Le prochain voyage organisé tous frais payés par le contribuable aura lieu vers le 10 septembre au départ de Lyon. Pour tout renseignement, veuillez vous adresser à Arno Klarsfeld, le nouvel ami des socialistes. Dites que vous êtes roumain et que vous venez pour aider Valls à faire aussi bien que Guéant en matière de chiffres, vous serez reçu comme un roi.

En ce qui concerne les OQTF (Obligation de Quitter le Territoire Français), on dépasse tout ce qu’on avait vu jusqu’à présent. Sur ce point en particulier, il faut rendre hommage à Hollande et Valls qui font mieux encore que Sarkozy et Guéant. En ce moment, tous les roumains qui se font contrôler par la police reçoivent soit une OQTF, soit une convocation pour « les nécessités d’une enquête judiciaire »… A la Police Aux Frontières (PAF) … Depuis quand la PAF est-elle compétente en matière judiciaire ? Depuis que Valls dont l’imagination est sans limites pour expulser les Roms est aux commandes. Une fois dans les locaux de la PAF, les Roms sont interrogés sur leur date d’entrée en France, leurs conditions de vie, leurs moyens de subsistance et quelques jours plus tard, lors d’un nouveau contrôle ils reçoivent une OQTF. Plusieurs observateurs relèvent la multiplication des OQTF à Paris, à Lille, à Lyon, à Metz,… Selon une militante, « On n’a jamais vu autant d’OQTF délivrées en si peu de temps. Certaines sont plutôt fouillées comme à Lyon ; d’autres, comme à Paris ou à Metz, ignorent totalement les bases juridiques légales. La course aux chiffres à repris de plus belle et les expulsions avec : expulsions des terrains et expulsions du territoire français. »

La palme toutes catégories revient à la préfecture de Lyon pour le cas de Stefan, Rom originaire de Roumanie. Volontaire, courageux et travailleur, il décide d’entreprendre des démarches pour trouver un emploi en France. Il se met donc à suivre des cours de français, rédige un CV et se rend à Pôle Emploi. Lorsqu’il explique qu’il est roumain, on lui répond que c’est très compliqué et qu’il lui faut un titre de séjour et une autorisation de travail. Stefan se rend donc à la préfecture et effectue les démarches, remplit un dossier et attend. Quelques jours plus tard, la réponse de la préfecture tombe : obligation de quitter le territoire français. La politique du gouvernement français est donc très claire. Tu es roumain, tu ne travailles pas, tu prends une obligation de quitter le territoire. Tu es roumain, tu veux travailler, tu prends une obligation de quitter le territoire.

Dans tous les cas, la seule et unique réponse du gouvernement socialiste français aux Roms est la suivante : dégage. Dégage des terrains, dégage en Roumanie, dégage où tu veux, mais dégage. A pied, à cheval, en voiture, en charter, on s’en fout, DE-GAGE !

 

(1) http://www.gouvernement.fr/presse/communique-du-premier-ministre-a-l-issue-de-la-reunion-interministerielle-sur-la-situation-de

(2) http://www.romeurope.org/IMG/pdf/Reponse_Parti_Socialiste.pdf

(3) http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/110812/enfants-roms-lautre-tweet-de-valerie

(4) http://blogs.mediapart.fr/blog/philippe-alain/180812/quand-des-elus-font-rimer-socialisme-avec-racisme

(5) http://www.interieur.gouv.fr/sections/a_la_une/toute_l_actualite/securite-interieure/legalite-demandes-evacuation-campements/view

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