Une tribune pour les luttes

Communiqué presse du CREA Toulouse du 29 août 2012
+ Lettre ouverte au préfet de Haute-Garonne et à celles et ceux qui ne se satisfont pas des déclarations officielles et des violences policières.

Toulouse : Expulsion du Créa

+ "Enfoncer les portes ouvertes" Article 11

Article mis en ligne le mercredi 29 août 2012


Communiqué presse du CREA Toulouse

29 août 2012

Le CREA expulsé, et maintenant ?

Mardi 28 août 2012, à la demande des ministères concernés, le préfet de
la Haute Garonne a fait procéder à 6h du matin à l’expulsion du bâtiment
appartenant à l’Etat (AFPA) occupé par le CREA depuis avril 2011. Ce
bâtiment accueillait de nombreuses familles en attente de solutions
d’hébergement ou de logement.

Dès 6h du matin, une centaine de gendarmes et policiers ont bloqué le
quartier pour pénétrer dans le bâtiment afin d’en chasser ses habitants,
dont certains s’étaient réfugiés sur le toit. Arrestations violentes,
coups de tazer (5 fois sur une même personne !), destruction de
l’intérieur du bâtiment, ils n’ont pas chômé !

Trois des résidents ont été emmenés en garde à vue, inculpés d’outrage
et rébellion, refus d’empreinte et violence sur agents, quand la
violence était clairement du fait de la police. Les personnes venues en
soutient ont été matraquées, plusieurs d’entre elles blessées.

Les 40 personnes, dont une quinzaine d’enfants, qui vivaient depuis plus
d’un an au CREA ont été remises à la rue par l’État. Elles ont trouvé
une solution temporaire d’hébergement auprès des militants mobilisés.
Ces personnes vivaient encore au CREA jusqu’au matin de l’expulsion,
même si celles-ci ont pu s’échapper à temps et ainsi protéger les
enfants de la violence policière et psychologique.

La préfecture a justifié l’expulsion d’un lieu de vie reconnu, par
divers arguments fallacieux. Ces derniers ayant été repris dans une
dépêche AFP puis par de nombreux médias, nous exerçons ce jour notre
droit de réponse.

L’état expulse 40 personnes qui avaient trouvé un lieu de vie pérenne.
Pour donner le change, il annonce vouloir créer un centre d’hébergement,
impersonnel, à horaires limités, exclusivement pour la période
hivernale, et ce dès cet hiver. Les demandes répétées du CREA et de
plusieurs médias n’ont reçues aucune réponse et aucun élément n’a été
fourni par la préfecture pour justifier de la réalité du projet : aucun
appel d’offre public et aucune information transmise aux
professionnel-les concerné-es par l’hébergement d’urgence. Nous ne
sommes pas dupes, on ne rénove pas un bâtiment, qui plus est ravagé par
la police, en seulement 3 mois.

Contrairement aux affirmations de la préfecture, les habitant-es n’ont
non seulement pas refusé «  les propositions de contact » mais ils et
elles ont à travers de très nombreux courriers et appels téléphoniques
contacté la préfecture, le ministère des affaires sociales et le
ministère du logement afin de trouver des solutions viables et concrètes
pour les familles.

Il semble nécessaire de préciser que chaque famille présente sur ce lieu
de vie a toujours bénéficié « d’un suivi social qualifié » assuré par
des professionnels, lors des permanences hebdomadaires au CREA et
régulièrement par divers services sociaux.

Partout en France, nous constatons que l’Etat ne respecte pas la loi
MOLLE qui lui impose d’héberger de manière inconditionnelle tous les
sans-abris qui le demandent. Prétendre que « le suivi par des
travailleurs sociaux aurait également pu permettre le relogement de
chacune des personnes » est donc une manipulation mensongère et cynique,
alors que l’Etat préfère investir dans la surveillance, la « sécurité »,
etc.

La préfecture se gargarise de l’offre de places disponibles tout au long
de l’année pour les sans abris et des moyens financiers débloqués par
l’Etat, mais la réalité est toute autre. En effet, 80% des demandes
d’hébergement sur le 115 obtiennent une réponse négative et aucun des
foyers fermés sous l’ancien gouvernement n’a été ouvert depuis. Bon
nombre de demandes DAHO et DALO n’aboutissent pas. La préfecture
reconnaît clairement que, ne pouvant assumer sa mission d’hébergement en
période hivernale, elle doit compter sur l’aide de la Mairie qui
réquisitionne chaque hiver des gymnases ouverts seulement de 20h à 7h.

Par l’entraide et l’autogestion, sans aucune subvention, le CREA a
accueilli 40 personnes sur une période d’un an et demi. Pour
l’équivalent, l’Etat aurait fait dépenser 750 000 euros à la collectivité.

D’un bâtiment vide, le CREA avait su faire un bâtiment vivant, un centre
social autogéré avec des activités, des ateliers, une piscine, un lieu
de rencontres, de concerts, un lieu d’organisation, de solidarité et
d’entraide. Dans cet espace libéré, on s’amusait, on se cultivait, bref
on vivait.

Dès l’expulsion du créa de nombreuses manifestations de soutien et de
protestation ont eu lieu spontanément (rassemblement dans l’après-midi,
blocage du trafic, manif nocturne, tags).

Elles continueront.

Réquisition, entraide, autogestion !

Tout pour tou-te-s, Pouvoir au peuple !

Non à toutes les expulsions : sans-papiers, campements Roms, expulsions
locatives, squats, rénovation urbaine.

Le CREA et des membres de la campagne Zéro personne à la rue

— -

Le 29 Août 2012

SUITE A L’EXPULSION DU CREA

Lettre ouverte au préfet de Haute-Garonne et à celles et ceux qui ne se satisfont pas des
déclarations officielles et des violences policières.

Ainsi ça y est, les familles et les militant-es qui ont transformé un bâtiment vide et abandonné en un
lieu collectif de vie, de créations et d’échanges de savoirs réciproques, toutes et tous renvoyé-e-s à
la rue !

Nous, soussigné-e-s, avons participé à notre manière, suivant nos possibilités, à cette vie collective
du 70 allées des Demoiselles depuis avril 2011.

Nous y avons développé de multiples activités, qui en ont fait un lieu d’échanges multiculturels où
nous avons partagé, habitant-es et militant-es, nos savoirs et savoirs faire, permettant de développer
sur le long terme des relations de confiance et une valorisation de toutes et tous.

Ces activités mises en place prennent tous leurs sens au sein des engagements politiques du CREA.

Parmi les activités permanentes :

- Atelier lecture : tous les mardis avec les enfants. Régulièrement, ce moment partagé d’écoute
d’histoires, de découvertes de beaux albums permettaient aux plus grands scolarisés, de vérifier
leurs apprentissages et aux plus petits le plaisir de découvrir, d’écouter, de patienter et d’apprendre
ainsi le « vivre ensemble ».

-  Atelier français : les mardis et jeudis soir. Nous nous sommes adapté-e-s aux personnes venant de
tous les horizons avec des expériences et des besoins différents. Nous avons tenu compte de
chacun-e et des idées et pratiques de la collectivité CREA : bavardages, échanges d’expériences, de
tuyaux, de recettes, rigolades, discussions sur les différentes langues, sur les difficultés de
l’orthographe, des règles de grammaire française, avec les débutant-e-s, un travail méthodique sur la
prononciation, l ’écriture et la construction de phrases.

- Atelier cuisine : tous les mercredis après-midi, il a accueilli tous les publics. Le lieu, où vivent des
familles originaires des cinq continents, se prête particulièrement bien aux échanges de recettes et à
l’apprentissage des différentes cuisines du monde. L’idée de « faire ensemble » dans cet atelier est
très importante.

- Coin jardinage : dans un autre lieu réquisitionné, un jardin potager a été mis en place
progressivement puis entretenu par des militant-e-s en sensibilisant les enfants au travail de la terre.

- Escalade : tous les vendredis, adultes et enfants se retrouvent dans une pratique encadrée de
l’escalade en salle.

- Permanences psychologiques : proposées tous les quinze jours, elles étaient ouvertes à toutes
celles et ceux qui souhaitaient rencontrer un psychologue pour prendre un temps d’échange et
d’écoute, nous y avons rencontré des habitant-e-s du lieu mais aussi des personnes extérieures qui
n’avaient jamais faits cette démarche ou bien dont la démarche n’avait pas aboutie (coups d’une
consultation libérale, liste d’attente dans les dispositifs de droit commun, accueil classique trop
formel ou peu engageant...). Ce lieu nous a permis d’envisager d’autres modalités d’accueil et
d’accompagnements psychosociaux plus respectueux des choix et contextes de vie de chacun-e
(mise en lien sur le lieu avec les pratiques sportives ou culturelles, connexion avec d’autres
initiatives militantes, accessibilité de l’échange par une proposition de contributions non monétaire
pour le lieu...).

D’autres activités comme la boxe, la capoeira, des ateliers d’arts plastiques... se sont également
déroulées et l’accès à la bibliothèque et à la salle de jeux était permanent. De plus, des activités
ponctuelles ont régulièrement eu lieu durant toute l’année comme des ateliers théâtre, visites de
musées, des soirées d’observation astronomique, piscine, projections et spectacles...

Les échanges ainsi créés ont permis aux habitant-es de s’exprimer individuellement sur leur
parcourset nous avons pu leur faciliter ainsi l’accès à leurs droits légitimes face aux administrations
(aide médicale, scolarisation...) en les accompagnant dans leurs démarches.
Militant-e-s, nous nous sommes simplement engagé-e-s dans cet « autre chose » : faire vivre
ensemble, ici et maintenant, l’hospitalité, l’entraide et la dignité !

L’expulsion ne mettra pas fin à tout ce qui a émergé dans ce lieu !

Nous continuons.

On peut abattre des murs, on n’abat pas la solidarité.

Patrick Baggi, Aurélie Bonneville, Anne Bouvier, Anaïs Canal, Gabrielle Carvin, Agnès Dantagnan,
Sandra Lima, Chantal Limare, Alain Petit, Émilie Quérol, Gérard Vallerey.


Par mail :
L’ Expulsion du CREA, squatt toulousain, est en cours depuis quelques minutes. Les forces de l’ordre s’en prennent en ce moment même à des manifestants perchés sur le toit. La tension est vive. Les risques sont grands pour la sécurité des personnes qui refusent leur délogement. Un des squatteurs était encore encore accroché à une poutre mais il a été délogé tandis qu’un autre occupant a été "tasé"... en ligne avec Toulouse...
El Gaubi


Squat !net

C’est quoi ce raffut ?

C’est le bruit des bottes qui viennent écraser les espaces de liberté qui suffoquaient déjà. C’est l’expulsion maintenant et manu militari par la justice et son bras armé, la police, du CREA-CSA au 70 allée des demoiselles. Pour 40 personnes, dont 15 gamins, c’est : « plus de maison, plus de toit, ce soir démerde toi ! ».

Depuis avril 2011, on avait fait d’un bâtiment vide, un bâtiment vivant. Le 70 allée des demoiselles c’était un vrai lieu de vie, un centre social autogéré avec des activités, des ateliers, une piscine, un lieu de rencontres, de concerts, un lieu d’organisation, de solidarité et d’entraide. Dans cet espace libéré, on s’amusait, on se cultivait, bref on vivait bien sans que ça coûte walou à personne. Sauf que lorsque l’autogestion fonctionne et coûte que dalle, pour le grand capital, c’est mal ! Et ses ardents défenseurs, les pouvoirs publics, sortent l’artillerie lourde pour nous dégager.

Pour nous, pas question de se laisser faire, notre maison on la défend ! En barricadant notre bâtiment et en se rassemblant certes, mais aussi en interpellant la mairie, la préfecture, le ministère des affaires sociales, notre cher propriétaire, et le ministère du logement. Leurs réponses : l’expulsion. Ou l’expression du mépris le plus profond pour toute une partie de la population. Réprimer la pensée et punir l’acte, c’est la symphonie du moment. Pour les pouvoirs publics, mieux vaut virer tout le monde ! C’est qu’ils sont pressés d’ouvrir un hypothétique centre d’hébergement pour SDF. Coût de l’opération : 500 000 euros de fonctionnement à l’année et quelques millions d’euros de travaux. Centre d’hébergement mystère dont personne n’a entendu parlé et surtout pas les principaux intéressés… Alors, un projet top secret ? Ou une pigeonnade de plus de la part d’un État qui ferme les centres d’hébergement d’urgence à tour de bras faute de budget ? On vous laisse seul⋅e juge de cette pantalonnade, en attendant, nous on en rit… jaune. Parce que se faire expulser de sa maison sous des prétextes fallacieux, ce n’est pas une blague.

La violence de l’État qui remet les gens à la rue et s’en lave les mains après, ce n’est pas une blague non plus.

Le cynisme d’un projet d’un centre d’hébergement ici, où l’État se vante de panser la misère qu’il engendre ne nous fait pas rire du tout.

On défend notre maison, notre lieu de vie, nos choix de vie aussi face à des forces armées qui veulent nous écraser et nous faire taire. Ce bâtiment qu’on a libéré de la spéculation, dont on a rendu l’usage à toutes et tous, l’État, sa justice et ses keufs veulent nous en virer et ça te concerne aussi !

ILS NE NOUS FERONT PAS TAIRE, ON CONTINUE !

LA FORCE EST AVEC NOUS !

TOUT POUR TOU⋅TE⋅S, POUVOIR AU PEUPLE !

Assemblée générale ce soir à 19h à la Chapelle, 36 rue Daniel Casanova, métro Compans ou Canal du Midi.

Le CREA et des membres de la campagne Zéro personne à la rue

creatoulouse.squat.net // creatoulouse chez squat.net


Article 11. 3 mai 2012. De Toulouse : « ENFONCER LES PORTES OUVERTES »

Toulouse, avril 2011. Le Collectif pour la réquisition, l’entraide et l’autogestion (CREA) s’installe dans un bâtiment appartenant au ministère des Solidarités et de la cohésion sociale. Les choses sont bien faites : le projet porté par le CREA, aux côtés de travailleurs sociaux, est celui de la cohésion et de la solidarité. Sans le ministère. Lors des premières assemblées générales suivant l’ouverture, l’idée d’accueillir des familles à la rue est évoquée. D’abord reçue avec méfiance par certains travailleurs sociaux, la proposition fait son chemin. Le CREA devient alors un centre social autogéré, auto-organisé par des précaires, des militants, des travailleurs et par les familles elles-mêmes. Paroles de quelques-un-e-s qui gravitent autour du lieu et du projet.

À l’origine de l’ouverture du CREA, quelques personnes qui se croisaient lors de cours de boxe dans un squat toulousain, depuis fermé. Réunies par l’envie simple de « faire quelque chose ». Avec un semblant de consensus autour de désirs et d’autant de refus, mais aussi une grande diversité des opinions et des pratiques. Si bien que parler de collectif dans le présent cas revient à qualifier une dynamique plutôt qu’un groupe de personnes unifié et cohérent. Des individualités mues par l’envie de passer de l’abstrait au concret, quitte à mettre de côté les utopies pompeuses et le nihilisme récalcitrant.

Des bâtiments vides, des familles à la rue et une certaine lassitude quant aux spasmes politiques ritualisés qui secouent une fois l’an l’espace urbain. Il n’en fallait pas plus pour que naisse ce collectif du CREA, bientôt délaissé par certains de ses initiateurs et rejoint par d’autres. La dynamique collective et locale est là, imprimant un mouvement en perpétuelle recomposition. Un mouvement qui ne saurait se reposer sur l’acquis, s’installer comme label ou caution radicale de quiconque. Personne n’est là pour accéder à un statut de notable, tout alternatif qu’il soit. D’où une porosité salutaire avec d’autres milieux ou personnes, qui ont parfois pu, ailleurs, se trouver rebutés par certaines pratiques militantes avec physionomiste à l’entrée.

La suite ici.

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