Une tribune pour les luttes

OWNI

Microsoft programme l’école

Sabine Blanc

Article mis en ligne le jeudi 30 août 2012

A lire en entier avec les illustrations et les liens
http://owni.fr/2012/08/27/microsoft...

Le 27 août 2012

Début ce lundi de l’université d’été de l’e-éducation. Un évènement majeur pour le lobbying de Microsoft, qui cible depuis plusieurs années l’Éducation nationale. Enquête et infographie pour tout savoir des campagnes d’influence du marchand de logiciels en direction des écoles de la République. Bonne rentrée.

Cette semaine, du 27 au 30 août, se déroule la 9e édition de Ludovia, une université d’été incontournable en France sur l’e-éducation. Elle réunit professeurs, chercheurs mais aussi politiques, jusqu’au ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, qui participera à une conférence. Parmi les partenaires de l’événement, Microsoft, le géant américain du logiciel.

En France, la firme de Redmond mène une intense campagne d’influence en direction des acteurs de l’éducation nationale, que nous avons reconstituée dans une infographie à découvrir au bas de cet article.

La présence de Microsoft à Ludovia résume parfaitement sa stratégie qui consiste à se construire une légitimité pédagogique pour vendre des produits pour le moins controversés – prix élevé, logique propriétaire, volonté hégémonique, qualité contestable. “C’est comme si EDF avait un discours pédagogique sur les sciences physiques”, fulmine Marc, une personne du monde du logiciel libre, la bête noire de Microsoft. Anne, une enseignante, détaille leur tactique :
Ce qui les intéresse, c’est les décisionnaires politiques qui se déplacent sur les événements : à Orléans en juin, au Forum des Enseignants Innovants et de l’Innovation éducative, il y avait tout le staff de Peillon.
IIs font du lobbying surtout auprès du ministère. Les responsables du ministère de l’Éducation nationale ont beaucoup d’invitations : formations, réunions pédagogiques, etc.

Jean-Roch Masson, l’instituteur qui a le premier utilisé Twitter en classe de CP, et fut invité par Microsoft à Washington au Global Forum – Partners in Learning, complète :
J’ai demandé Thierry de Vulpillières [directeur des partenariats éducation chez Microsoft France, ndlr], qui m’avait invité à Moscou, l’intérêt qu’avait une entreprise comme Microsoft à inviter un enseignant utilisateur de Twitter, et pas forcément client chez eux, et sa réponse m’a convaincu : il a pris l’image d’un camembert, représentant l’ensemble des usages des technologies dans la société ; le but des forums n’est pas de faire grossir la part “Microsoft”, mais de faire grossir l’ensemble du camembert (= développer les usages par nos échanges et nos actions dans l’éducation). Mécaniquement, leur part grossira en quantité d’usage, et non en pourcentage au profit de Microsoft.

C’est à l’aune de cette analyse qu’il faut apprécier ce commentaire que Thierry de Vulpillières nous a fait :
La véritable problématique est là : comment contribuer à apporter des solutions à l’usage si faible des TICE dans le système éducatif français (24e sur 27 en Europe) et, plus encore, comment aider, par les TICE, à réduire la désaffection croissante des élèves envers le système éducatif tel qu’il fonctionne aujourd’hui (45% des élèves s’ennuient à l’école selon les études PISA1).

Le mot-clé pour mener cette campagne d’influence : innovation. Microsoft s’associe, sponsorise, voire initie des projets touchant à la pédagogie dès lors qu’ils qui se veulent innovants. Clé de voute de cette stratégie, le programme international Microsoft Partners in Learning (PIL), doté d’un budget de 500 millions de dollars sur dix ans. Car Microsoft a les moyens de son lobbying.

Partenariat public-privé

Microsoft cajole de tels chevaux de Troie pour mieux convaincre le seul acteur qui compte au final sur son chiffre d’affaires : le décisionnaire politique. Avec succès puisque une convention de partenariat a été signée avec l’Éducation nationale en 2003 et reconduite depuis. Microsoft n’est d’ailleurs pas le seul : Apple, Dell, Hewlett Packard, etc, en ont aussi signé une.

(...)

Pro Microsoft

Certains partisans du libre estiment que l’Éducation nationale est devenue “pro Microsoft”, ce dont elle se défend :
Le ministère a toujours veillé à conserver une grande neutralité dans ses diverses relations avec les acteurs industriels avec lesquels il a des échanges réguliers. Microsoft est un acteur économique de premier plan et un partenaire important de l’Éducation nationale ; il est donc, à ce titre, invité régulièrement sur les sujets du numérique, comme les autres grandes sociétés et les représentants des syndicats professionnels.
Pour leurs projets internes, les équipes du ministère procèdent de façon systématique à l’évaluation des outils et des solutions existantes. À cette fin, et dans une démarche de veille technologique, il est naturel qu’elles s’informent par tous les canaux possibles.

C’est par exemple sur le territoire neutre du siège de Microsoft à Issy-les-Moulineaux que les inspecteurs de l’Éducation nationale chargés de mission nouvelles technologies (IEN-TICE), conseillers techniques des inspecteurs d’académie, avaient été convoqués par l’Éducation nationale l’automne dernier, dans le cadre de leurs journées annuelles, comme s’en étaient émus l’April, une association de défense du logiciel libre, et Framasoft, un site dédié au libre. Une demi-journée de réunion au cours de laquelle leur ont été présentés des produits du fabricant.

Et contrairement à la Grande-Bretagne où le Becta, qui conseille le gouvernement en matière de TICE, avait déconseillé Windows Vista et Microsoft Office 2007, on n’entend pas de critiques de front.

(...)

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