Une tribune pour les luttes

Guerre d’Algérie et crimes d’Etat : le temps du reniement ?

Par Olivier Le Cour Grandmaison

Article mis en ligne le mercredi 17 octobre 2012

Par mail

16 octobre 2012

L’année dernière, lors du cinquantième anniversaire des massacres des 17 et 18 octobre 1961, au cours desquels des dizaines d’Algériens furent assassinés à Paris et en banlieue par les forces de l’ordre que dirigeait Maurice Papon, alors préfet de police, le candidat à l’élection présidentielle, François Hollande, participait, dans la ville de Clichy, à une cérémonie à la mémoire des victimes. Pour celles et ceux qui exigent depuis longtemps que les plus hautes autorités de la République reconnaissent enfin ce crime d’Etat, une telle présence fut parfois interprétée comme un signe encourageant. Après des années de réhabilitation du passé colonial, au cours desquelles Nicolas Sarkozy, son gouvernement et la majorité d’hier ont loué en des termes mensongers et convenus « l’œuvre accomplie » par la France en Algérie et dans les autres territoires de l’empire, ce geste semblait annoncer un changement espéré, et vanté par celui qui portait désormais les couleurs du Parti socialiste.

Au-delà de ces massacres perpétrés en divers lieux de la capitale et de ses environs, puis couverts par le gouvernement de Michel Debré, beaucoup souhaitaient que les commémorations à venir, relatives à la fin du conflit algérien, soient l’occasion de déclarations précises et claires sur les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité commis par les armées françaises depuis 1830. Il n’en fut rien, alors que, devenu président de la République, François Hollande aurait pu se saisir de plusieurs dates et événements pour s’engager dans cette voie, et rompre ainsi avec la pusillanimité remarquable de ces prédécesseurs de gauche, qu’ils aient été à l’Elysée ou à Matignon.

Pire encore, on découvre sur le site officiel du ministère de la Défense que le très socialiste Jean-Yves Le Drian, inaugurera, le 20 novembre prochain à Fréjus, la stèle destinée à accueillir les cendres du général Bigeard. L’ensemble s’accompagne d’un portrait apologétique de ce militaire qui fut, lit-on, «  bien plus qu’un chef, un meneur d’hommes. Celui vers qui les regards se tournent naturellement dans les moments les plus difficiles ; celui qui cultive le goût de l’exigence et de la belle gueule ». Oublié le général qui, en Indochine d’abord, en Algérie ensuite, fut l’un des acteurs majeurs de la guerre contre-révolutionnaire conduite, entre autres, par le recours à la torture, aux exécutions sommaires et aux disparitions forcées. Celles-là même qui, au lendemain de la bataille d’Alger, furent très courageusement condamnées par le général Paris de la Bollardière, lequel fut sanctionné de 60 jours d’arrêt de rigueur à la forteresse de La Courneuve. L’initiative de ce membre du gouvernement, dont on imagine mal qu’elle n’ait pas reçu l’aval du chef de l’Etat et du premier ministre, est stupéfiante, obscène en vérité car elle ajoute, au silence persistant de François Hollande, l’indifférence voire le mépris pour les victimes, leurs descendants algériens et français, et pour l’histoire enfin de cette guerre longtemps sans nom.

Le 25 septembre 2012, à l’occasion de la journée nationale d’hommage aux harkis et aux membres des formations supplétives, le président de la République déclarait : «  Il importe que la vérité soit dite, que les leçons en soient retenues et que les conclusions en soient tirées. (…).La France se grandit toujours lorsqu’elle reconnait ses fautes. » Assurément, mais pour qu’un tel geste ne demeure ni partiel ni partial, cette reconnaissance doit s’étendre désormais à l’ensemble des crimes de la période coloniale, qu’ils aient été commis en Algérie ou en métropole. De part et d’autre de la Méditerranée, des milliers d’hommes et de femmes l’attendent ; la justice et la vérité l’exigent.

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