Une tribune pour les luttes

Rroms à Marseille : La Traque

Article mis en ligne le vendredi 9 novembre 2012

(27 OCTOBRE 2012)

Traquer
- Terme de chasse. Fouiller un bois pour en faire sortir le gibier…
- Par extension, en parlant des personnes, les resserrer dans un lieu pour les prendre…
- Fig : poursuivre à outrance…
Dictionnaire Littré

Ce jour-là, je participe à une manifestation de soutien aux populations Rroms, à l’appel de plusieurs partis de gauche, des Verts et de nombreuses associations. Le Parti socialiste fait défaut, c’est la règle depuis l’élection de François Hollande. Après la manifestation, je me joins à un groupe de militants chevronnés, en direction d’un camp de fortune situé à Arenc, sur le côté droit des Archives Départementales. Là, une trentaine de Rroms, hommes, femmes et enfants, essaient vainement de se protéger du vent glacial, sous le pont de l’autoroute. Dans un angle du trottoir, quelques hommes debout et une jeune femme qui grelotte sous les couvertures avec ses quatre enfants. De l’autre côté de la rue, les femmes et les enfants ont trouvé refuge sous de petite tentes fragiles. Comme on les chasse violemment, avant même qu’ils aient eu le temps de ramasser leurs affaires, les attaches des tentes ont été arrachées et les tentes s’envolent s’il n’y a personne à l’intérieur. Ils sont là, courageux, joviaux, mais transis de froid et effarés, dans la crainte justifiée d’être encore chassés par la police, à moins que de « bons Français » ne s’en chargent.

À une centaine de mètres, une voiture de police : il y en aura parfois plusieurs dans la soirée. Quatre policiers s’approchent. Framboise et des membres du Collectif de solidarité avec les Rroms de Marseille les interpellent. Les Rroms vont-ils encore être obligés de « dégager » ? Le gradé ne sait pas, mais il exige un contrôle des papiers. _ On essaie de lui expliquer que c’est une démarche inutile, que ces Rroms ont déjà et trop souvent subis des contrôlés d’identité. Mais il faut obtempérer. La loi c’est la loi ! Le contrôle s’effectue sans incident majeur. Ensuite, autre exigence : il est indispensable de compter les enfants. Chose dite, chose faite. Ce qui suppose d’ouvrir les tentes où le froid mordant pénètre. Finalement, nous apprenons que les forces du désordre ne vont pas intervenir ce soir, mais procès-verbal sera dressé, car les Rroms sont dans l’illégalité, qu’on se le dise ! Le lendemain, grâce au Père Paul, curé de la paroisse de La Belle de Mai, ils trouveront un point de chute, bien sûr provisoire.
Il est plus de vingt heures. Le vent s’acharne. Je pense à un vers du poète René Char : «  Le mistral ne souffle pas, il désole  ».

À la même heure, Caroline Pozmentier, adjointe à la sécurité de la ville de Marseille, est sans doute chez elle, bien au chaud, probablement sans état d’âme. Dans La Marseillaise du Vendredi 31 octobre, elle affirme en effet «  appliquer la loi, rien que la loi  », et ce «  pour assurer la sécurité des gens  », car « quand on fait évacuer des campements c’est qu’ils sont dangereux  ». Elle insiste : « C’est notre rôle de protéger la tranquillité des citoyens  ». Quelques questions, Madame : Qui va assurer la sécurité et la tranquillité des citoyens Rroms, notamment les protéger du danger représenté par la violence de certains riverains ? Appliquer une loi injuste, n’est-ce pas bafouer la justice ? Faut-il ajouter que la loi n’est même pas respectée puisque cette manière d’agir est une interprétation restrictive de la circulaire du 26 août 2012, qui préconise différentes mesures que Maître Cohen a mis en évidence. Deux mesures, en particulier, ne semblent jamais appliquées par la mairie de Marseille ; 
- L’établissement d’un diagnostic global et individuel, préalablement à toute évacuation
- La prise en charge sans délai, avec un souci de continuité, des enfants dans les campements.

À la même heure, au Congrès du Parti socialiste, à Toulouse, le temps des palabres est terminé, voici venu le temps des agapes. Nos joyeux congressistes, au premier rang desquels les élus marseillais, dont aucun à ma connaissance ne s’est déclaré solidaire des actions menées pour mettre fin au sort injuste fait aux Rroms, se dirigent vers les bons restaurants de la ville rose. Ils vont pouvoir savourer la riche cuisine du Sud-Ouest, arrosée de vins millésimés. Selon certains informateurs, parmi eux figure Madame Samia Ghali Sénateur et maire des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille. Cette dernière, a tenu des propos scandaleux et irresponsables, déclarant avoir compris « l’exaspération  » des habitants de la cité des Créneaux qui se sont arrogé le droit d’expulser les Rroms et de mettre le feu à leurs affaires.
On murmure que Samia Ghali et le Ministre de l’Intérieur, Manuel Valls auraient repris deux fois du dessert.

Alain

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Compléments :

Mille Bâbords 21679
Une nouvelle fois et dans l’urgence du froid glacial, l’accueil vient du père Paul !

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