Une tribune pour les luttes

Nous médecins sous signés, (...) ne participons pas à la grève des soins initiée par certains syndicats médicaux.

Pétition lancée par le professeur André Grimaldi, diabétologue à la Pitié-Salpétrière et Jean-Pierre Vernant de l’AP-HP.

Article mis en ligne le dimanche 18 novembre 2012

Pétition

Nous médecins sous signés, de toutes spécialités et de tout mode d’exercice, attachés à
l’égalité d’accès à des soins de qualité sur l’ensemble du territoire national, ne participons pas
à la grève des soins initiée par certains syndicats médicaux.

Ces syndicats refusent par principe toute limitation des dépassements d’honoraires. S’il est
vrai que certains tarifs notoirement insuffisants de la Sécurité sociale doivent être révisés, rien
ne justifie que le montant des dépassements d’honoraires puisse aller du simple au triple voire
plus pour la même activité, réalisée dans la même ville, par des praticiens de même notoriété.
Ils refusent la limitation des dépassements d’honoraires, ils refusent aussi de limiter leur
liberté d’installation y compris dans les villes ou les arrondissements où il y a déjà trop de
médecins installés en secteur 2 c’est-à-dire à honoraires libres. Le fait que le directeur de la
Caisse nationale d’assurance maladie et la ministre se soient engagés à maintenir ce
privilège, que n’ont ni les pharmaciens ni les infirmières libérales, ne leur suffit pas !

Ces syndicats catégoriels n’apportent aucune réponse aux inquiétudes et aux interrogations
des patients comme d’ailleurs à celles des médecins installés en secteur 1 qui respectent les
tarifs de la Sécurité sociale. Ils ne proposent aucune réforme positive de notre système de
santé. Eux si prompts à dénoncer la « prise en otage des usagers » lors des grèves des
transports, n’hésitent pas à banaliser le mot d’ordre de grève des soins prenant les «  malades
en otages
 ». Pire, profitant des conditions de travail souvent difficiles des internes des
hôpitaux, ils les appellent à soutenir leurs propres revendications et de façon irresponsable à
faire grève en prenant les hôpitaux en otage.

Cette grève corporatiste, au moment où le pays connaît une crise économique et sociale
majeure, ne peut pas être comprise par l’opinion publique. C’est pourquoi nous appelons
les médecins et les internes à ne pas la suivre. La population doit savoir que les médecins,
dans leur grande majorité, fidèles à leur éthique professionnelle, défendent d’abord leurs
conditions de travail pour assurer une médecine de qualité au service de tous les patients.


http://www.rue89.com/2012/11/15/des...

extraits

Rue89 : Pourquoi avez-vous voulu vous démarquer de vos confrères qui défilent dans la rue, alors que vous n’êtes pas satisfait non plus de la politique de la ministre de la Santé ?

André Grimaldi : Ces manifestations corporatistes donnent une mauvaise image du monde médical, et il est important que l’opinion sache que les médecins ne sont pas tous solidaires de ce combat.

Je note d’ailleurs que les revendications sont très éclatées et contradictoires. Les internes de médecine générale trouvent qu’on donne trop de place au secteur 2 (à dépassements d’honoraires), ce qui est le contraire des chirurgiens grévistes. Tous dénoncent la tutelle des mutuelles mais c’est justement parce qu’il y a des dépassements d’honoraires que les mutuelles et les assureurs privés s’imposent de plus en plus. Et personne ne parle des généralistes, qui sont pourtant ceux dont le travail est réellement sous-rémunéré.

Que pensez-vous de ces chirurgiens qui s’assimilent à des « plombiers » ou qui, comme la chirurgienne Arielle Salon dans sa lettre à la ministre, et au « Grand Journal » de Canal+, comparent une opération de la main rémunérée 200 euros par la Sécu, au prix d’une coupe de cheveux ou paire de chaussures. N’est-ce pas indécent ?

Ce n’est pas indécent, c’est triste. Avoir intériorisé cette comparaison entre le docteur et le plombier est assez révélateur d’une dérive vers « l’hôpital-entreprise » et la « médecine industrielle » à laquelle les politiques ont largement participé.

Jamais on ne dit qu’un plombier ou un coiffeur doit être remboursé par la société ! Se vivre comme un technicien quand on est médecin est quelque part affligeant. Déboucher l’artère d’un patient, ce n’est pas déboucher un tuyau !

La médecine pourrait être gratuite parce que c’est un bien supérieur. Il faudrait alors discuter du niveau de revenu des médecins et de la hiérarchie des revenus entre les différentes spécialités.

(...)

Les limites de l’activité privée à l’hôpital sont fixées par la loi (moins de 50% des patients et moins de 20% de l’activité).

Le premier problème, c’est de faire respecter la loi et qu’on en finisse avec les comportements déviants dénoncés régulièrement dans la presse sans que rien ne se passe.

Pensez-vous que la ministre devrait renoncer à fixer des limites aux dépassements d’honoraires ?

Le secteur 2 est un piège complet où sont tombés tous les ministres. Marisol Touraine aurait dû, à mon avis, partir de la revalorisation du secteur 1 et demander aux médecins en secteur 2 de voir au moins 50% des patients au tarif Sécu du secteur 1.

(...)

Enfin, il faudrait opérer un transfert des ressources des mutuelles vers la Sécu car les mutuelles sont moins solidaires, moins égalitaires et moins efficientes que la Sécu. Leurs frais de gestion sont autour de 20%, contre moins de 5% pour la Sécu.

— -

Commentaire sur le site de Rue 89 de bruno81,
médecin généraliste

Je suis médecin généraliste et je fais un bref passage pour dire combien cette polémique me met mal à l’aise. Je gagne comme la moyenne des confrères de ma spécialité, et j’estime ne pas avoir à me plaindre.
Quand on gagne comme moi plus de 4 fois le salaire minimum, 2 fois le revenu médian, dans un pays où le taux de pauvreté atteint 14% de la population, on n’a pas le droit de se plaindre de ce qu’on gagne. On peut se plaindre de la manière dont on le gagne, de la charge de travail excessive, des contraintes administratives, de l’isolement professionnel, des responsabilités qui s’aggravent, etc. tous sujets pertinents et intéressants, mais pas du montant.
Or ceux qui manifestent actuellement gagnent encore plus que cela ou, futurs spécialistes probablement à honoraires libres, se destinent à gagner plus que cela.
Ils ont fait 12 ou 15 ans d’études et alors ? Ces études sont en France gratuites ou quasiment, et même rémunérées à partir de la 4ème année de médecine, certes pas beaucoup, mais c’est mieux que rien. Dans beaucoup de pays que ces gens citent en modèles, il devraient payer de 10 à 40000 euros l’année d’université pour avoir leur diplôme, et même en France, dans certaines branches, c’est ce que doivent payer des étudiants pour avoir une formation de qualité.
Il se plaignent d’un accord que moi j’estime excessivement tolérant : sous prétexte de contrôler les dépassements, on les normalise et on les autorise jusqu’à hauteur de 2,5 fois le tarif remboursé. Au passage, rappelons que les clients de ces médecins sont solvabilisés par la sécurité sociale, et les complémentaires qu’ils critiquent tant, donc par la solidarité nationale, par nos cotisations à tous (ce qui les différencie nettement du plombier qui lui, n’est pas remboursé et limite considérablement le risque : cet exercice n’a rien de libéral en fait). Au passage, l’accord prévoit une prise en charge partielle de leurs cotisations sociales : le beurre, l’argent du beurre, et la crémière en plus...
Il faudrait un peu plus de pudeur dans tout cela.

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