Une tribune pour les luttes

"Solidarité" radioactive

des nouvelles de l’empire du pire

Article mis en ligne le mardi 15 janvier 2013

Solidarité radioactive

Les débris contaminés de Fukushima se retrouvent au centre d’une conception inédite de la solidarité. On connaissait la solidarité active, mais on ignorait tout, jusqu’à présent, de la solidarité radioactive, le ministère de l’Environnement ayant dans un premier temps, en août 2011, fait voter une loi, la première du genre dans l’archipel, autorisant les départements et les municipalités à demander au gouvernement de désigner certaines communes comme candidates à l’évacuation de décombres contaminés, puis dans un second temps, dès le 18 novembre 2011, convié des élus locaux à des « voyages de découverte » des mêmes décombres, afin de les convaincre d’en accepter une partie sur leur territoire.

Afin de parachever ce programme de dilution comme solution à la pollution, le Premier ministre Yoshihiko Noda a, dans un troisième temps, le 16 mars 2012, fait parvenir une lettre à trente-cinq départements et dix grandes agglomérations leur demandant d’accueillir une part des 4 millions de tonnes de déchets contaminés des départements d’Iwate et de Miyagi et de Fukushima.

Huit départements et huit grandes agglomérations urbaines (dont Tokyo et Osaka) avaient promptement répondu favorablement et proposé de recevoir près d’un million de tonnes de décombres contaminés. Il est toutefois fort probable que sur l’ensemble des 27 millions de tonnes de débris à traiter, bien plus de 4 millions soient contaminées.

Le site d’enchères en ligne Yahoo Japan, tout comme le magazine Sotoko et la chaîne de radio J-WAVE, participent activement à cette campagne du ministère de l’Environnement en affichant sur sa page principale des slogans du type « Participez à la destruction des débris du désastre », « Travaillez comme bénévole ! » ou «  Aidez les municipalités qui acceptent les débris du désastre ! ».

« L’heure est venue de faire face à l’autorité de la nation »

Le communiqué paru dans le journal Asahi du 17 août 2011 annonçant le vote de la loi sur la dissémination des débris radioactifs précisait utilement que, « bien que spécifiquement conçue pour gérer les retombées de l’accident nucléaire de Fukushima, cette loi pourra aussi être appliquée lors de tout autre accident nucléaire qui pourrait survenir ». (le gouvernement japonais a décidé depuis peu de relancer l’industrie nucléaire ...)

Il est vrai que le seul principe de précaution que les autorités reconnaissent désormais comme pouvant être effectivement mis en œuvre, est celui qui consiste à garantir la protection de l’industrie nucléaire des effets négatifs, du point de vue de la perception du public il s’entend, que peuvent susciter les retombées de ses activités sur la bonne marche de ces dernières.

La radio-équité, consistant à disperser les radionucléides concentrés dans une partie d’un territoire en un nombre de lieux le plus grand possible dans le but d’en diminuer la concentration, est censée rendre soutenable la charge de radioactivité des uns, tout en en assurant le partage équitable avec les autres.

L’accès démocratique à la protection consiste donc désormais à accéder démocratiquement à la contamination dans le cadre d’un partage des nuisances, et à garantir par là même l’acceptabilité des conséquences néfastes du désastre nucléaire en soumettant chacun à l’adaptation à un milieu morbide.

Masaki Shimoji qui a été arrêté par la police d’Osaka est un universitaire qui s’oppose à la dispersion de déchets radioactifs de la région de Fukushima vers d’autres régions du Japon. Dans sa lettre du 12 décembre, il
demande spécifiquement "aux enseignants de l’université, aux médecins et aux scientifiques, et à tous ceux considérés comme des spécialistes, d’écouter les citoyens et d’apprendre d’eux qui semblent sans instruction et émotifs et dont la parole demeure non-entendue et ignorée. " (…)

« Restez du côté de ceux qui s’opposent et agissent de manière à faire connaître la vérité » (…)

« Soyez toujours du côté de ceux qui ont le moins de pouvoir et aidez les. Même s’ils commettent des erreurs, usez de votre autorité quand il s’agit de faire face à ceux qui sont au pouvoir. Votre champ de spécialité n’a aucune importance ; ayez le courage de parler haut et fort. »

Dans une seconde lettre écrite en prison deux jours plus tard, Masaki Shimoji confie : « L’heure est venue de faire face à l’autorité de la nation, et cela me rend nerveux. Je ne peux pas les combattre seul. »

Au tribunal, lors de l’audience du 18 décembre, il déclare : «  Les personnes qui se sont fermement opposées aux interférences abusives et aux actions injustes menées par la police d’Osaka ont été arrêtées l’une après l’autre. Il s’agit là d’une situation inhabituelle qui rappelle les pratiques de la « Police politique spéciale » d’avant la seconde guerre mondiale. Je voudrais rappeler que le tribunal a la lourde responsabilité soit d’inviter à, soit d’empêcher la répétition de l’âge des ténèbres de la justice. »

(On a appris le 29 décembre que Masaki Shimoji avait été libéré par les autorités la veille. Un autre manifestant reste toutefois incarcéré au motif d’ «  obstruction au bon déroulement des affaires »).

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