Une tribune pour les luttes

Cessons de clouer les enseignants au pilori !

Par Sylvia Ullmo, professeur émérite de civilisation américaine

Article mis en ligne le vendredi 25 janvier 2013

Faut-il rendre les enseignants responsables de tout ce qui ne va pas dans l’organisation des rythmes scolaires ? Faut-il appeler la journée de classe trop longue, la brièveté de l’année scolaire, qui a réduit le temps de travail des élèves de 20 %, un "Munich scolaire" !
L’année scolaire ne compterait que 144 jours de classe... Mais qui a inventé ce tronçonnement de l’année avec six semaines de cours et deux semaines de vacances qui coupent l’élan des élèves à peine rentrés ? Essayez de supprimer tout ou partie de ces vacances de milieu d’année et qui va crier ? Les organismes de tourisme et les stations de sports d’hiver qu’on n’ose pas contrarier.

A-t-on seulement écouté les enseignants qui faisaient remarquer que lorsque les élèves n’ont pas la coupure du mercredi, ils se traînent le vendredi ? S’il s’agit de considérer le seul bien-être des élèves, pourquoi ne pas faire commencer l’école à 9 heures ?

Mais il se trouve que pour la plupart des parents, l’école sert à garder les enfants quand les deux parents travaillent. Ne faudrait-il pas dissocier le gardiennage de la fonction d’éducation ? La suppression des cours le samedi matin a-t-elle été demandée par les enseignants ou par les parents qui souhaitent partir en week-end ?

Pourquoi des pays comme l’Allemagne ou l’Angleterre ont-ils des journées de classe plus courtes ? Parce que les mères ne travaillent pas ou peu et parce que l’Etat et les communautés ont, depuis des décennies ou des siècles, fourni à leurs jeunes des terrains de sport et des moniteurs pour les occuper l’après-midi.

Et qui a réduit le temps de travail annuel de 20 % en quatre décennies ? Les enseignants ou les politiques d’économie budgétaire ? Peut-on affirmer que les performances médiocres des élèves français révélées dans les enquêtes internationales s’expliquent par la seule brièveté de l’année scolaire ?

Une des choses que l’on apprend en observant le fonctionnement de l’école finlandaise, la plus "performante" dans les classements du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA), c’est que les enseignants finlandais sont soutenus et aimés par la société. Quand un enfant est en difficulté scolaire, on ne dit pas que son professeur est incapable ou paresseux ; on fait appel à des maîtres spécialisés qui suivront l’enfant jusqu’à ce qu’il se remette en selle.

En France, on a presque supprimé les réseaux d’aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased) qui étaient déjà en nombre très insuffisant. Et on n’a pas résolu le problème des inégalités culturelles et sociales dans les processus d’apprentissage.

Pour réformer l’école utilement, il faudrait d’abord se demander pourquoi tant d’enfants ne peuvent pas ou ne veulent pas apprendre. Il faudrait aussi décider si l’école relève d’une "éducation nationale" ou s’il faut se contenter d’enseigner des connaissances de base.

Il faudrait savoir si on peut enseigner quand les enfants arrivent modelés par la télévision, le cinéma, les iPhone et autres tablettes, mais à peine éduqués.

Le métier d’enseignant est aujourd’hui un métier frustrant, usant et parfois à risque. L’idée d’une grande refondation de l’école peut être exaltante si elle offre d’autres perspectives que la découpe du temps scolaire.

Commentaire en réaction à un éditorial du Monde "L’école, ou
le triomphe
du corporatisme"

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