Une tribune pour les luttes

La peine de mort est-elle vraiment abolie en France ?

Garder un homme 57 ans en prison, c’est le tuer

Tzvetan Todorov, Directeur de recherche honoraire au CNRS, Michel Wieviorka, Directeur d’études à l’EHESS, Paul Pavlowitch, écrivain, Louis Joinet, magistrat, Henri Leclerc, avocat

Article mis en ligne le vendredi 25 janvier 2013

Garder un homme 57 ans en prison, c’est le tuer

Philippe El Shennawy est en prison depuis 1975. Ce citoyen français a été condamné à la perpétuité pour des braquages commis quand il avait vingt ans, puis pour une évasion de l’hôpital psychiatrique et pour le soupçon d’autres cambriolages alors qu’il était en liberté conditionnelle. Il a été vite classé «  détenu particulièrement surveillé », maintenu pendant vingt ans en isolement et condamné à une période de sûreté qui empêche la libération conditionnelle.

Après une grève de la faim de plusieurs mois, il a obtenu qu’on réexamine cette dernière sanction. Le jugement vient de tomber : elle est prolongée pour trois ans encore, et la libération éventuelle est prévue pour 2032, après 57 ans de prison. El Shennawy a annoncé son intention de se donner la mort.

S’en tenir à la lettre de la loi peut trahir l’esprit de la justice. On ne devrait pas oublier que son but ultime n’est pas de punir et d’infliger des souffrances, mais de permettre à tous les membres d’une communauté de vivre mieux. Les religions du passé comme les sages des temps modernes nous ont appris que la justice est désirable mais qu’elle doit être surveillée et orientée par l’amour de la compassion.

Nous ne pouvons accepter cette peine de mort déguisée et demandons que soit examinée d’urgence la requête de grâce, dernier recours possible. Garder quelqu’un en prison pendant 57 ans, ce n’est pas le corriger, c’est le tuer.


Pétition

http://petitionpublique.fr/PeticaoV...

APPEL
DU COMITE DE SOUTIEN A PHILIPPE EL SHENNAWY

Philippe El Shennawy, citoyen français, est né en 1954. Agé de vingt ans, il commet plusieurs braquages. Condamné à la perpétuité, il sort en liberté conditionnelle après quinze ans de détention ; il est arrêté en 1991 et condamné de nouveau. Il s’évade à deux reprises, en 1997 et 2004, est arrêté et condamné à chaque fois. Sa peine actuelle court jusqu’en 2032.
A 78 ans, s’il ne sort pas avant, il aura passé 54 années de sa vie en prison, alors qu’il n’a pas de sang sur les mains. Il a déjà vécu dix-neuf ans en isolement, six en hôpital psychiatrique (on n’a jamais diagnostiqué aucune démence chez lui) et a changé quarante fois de lieu de détention.
Ce détenu a donné toutes les preuves d’une capacité de se réinsérer dans la vie active, et en apporte aujourd’hui les garanties. Désespéré par la toute récente décision judiciaire qui revient à confirmer l’échéance de 2032, il a tenté de mettre fin à ses jours, le 12 décembre 2012.
S’en tenir à la lettre de la loi peut trahir l’esprit de la justice. On ne devrait pas oublier que le but ultime de celle-ci n’est pas de punir et d’infliger des souffrances, mais, après avoir empêché les criminels de nuire, de les amener à réintégrer la communauté des citoyens. La prison n’a pas pour fonction de déshumaniser les individus qu’elle détient. Y garder quelqu’un pendant 54 ans, ce n’est pas le corriger, c’est le détruire, le tuer. Les religions du passé comme les sages des temps modernes nous ont appris que la justice est désirable mais qu’elle doit être surveillée et orientée par l’amour de compassion et par le respect de la personne humaine.
En attendant les mesures législatives que pourrait promouvoir une réflexion d’ensemble sur ces peines de mort qui ne disent pas leur nom, le Président de la République a le droit d’accorder une grâce individuelle, au cas par cas. Un recours en grâce vient précisément d’être déposé par l’avocate de Philippe El Shennawy. Nous demandons qu’il soit examiné d’urgence et avec humanité pour empêcher ce qui serait une exécution déguisée.


Historique : Mille Bâbords 20927

"Peut-être connaissez-vous Monsieur El Shennawy, personnellement ou de réputation. Son nom évoque pour la presse à sensations une condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme à cause des fouilles incessantes imposées par l’administration, son évasion de l’Unité pour Malades Difficiles (UMD) de Montfavet pour résister à la folie vers laquelle le poussait l’institution psychiatrique, sa présidence d’honneur de l’association Ban Public, ou encore le célèbre braquage de l’avenue de Breteuil, au milieu des années 70, dans lequel il nie toujours formellement la moindre implication..
Philippe El Shennawy incarne aussi, pour beaucoup, une sorte de figure emblématique de la « longue peine », de la très longue peine. Bientôt de la peine infinie.
A cinquante-huit ans, il a vécu emmuré vivant presque en continu depuis 1975, date de sa première incarcération pour un vol à main armée.
Il a tourné dans quasiment toutes les prisons de France, baluchonné, étiqueté D.P.S, placé pendant 19 ans à l’isolement.
Plus de trente-sept années plus tard, il est toujours en prison, accumulant des peines qu’il lui reste à faire de 3 ans, 5 ans, 10 ans, 12 ans, 13 ans... Toujours sans avoir la plus petite goutte de sang sur les mains. Il est sous le coup d’une peine de sûreté qui court jusqu’en 2018.
"

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