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Actuchomage

Immolations en série.

Mercredi 13 février, un chômeur en fin de droits s’est immolé devant son agence Pôle Emploi à Nantes.

Article mis en ligne le vendredi 15 février 2013


Immolations en série

A lire avec tous les liens et la vidéo :
http://www.actuchomage.org/20130215...

Vendredi, 15 Février 2013

De Nantes à Saint-Ouen en passant par Beaune : depuis mercredi, trois hommes — deux chômeurs de longue durée et un SDF — ont eu recours à l’immolation par le feu dans notre beau pays. Des sacrifices qui devraient interroger ceux qui ont recours au déni.

A Saint-Ouen et à Beaune, ça s’est passé aujourd’hui. Deux tentatives qui ont échoué.

La première a eu lieu ce matin vers 11 heures : un Audonien de 49 ans a tenté de mettre fin à ses jours en s’immolant pas le feu au pied de son immeuble. Qualifié de « solitaire » et de « perturbé » par une personne de son voisinage qui s’est confiée au Parisien, c’est « un chômeur en fin de droit qui vivrait en état de précarité ». A part ça, lit-on un peu partout, « on ignore les raisons précises de son geste »... La préfecture, qui ne manque pas de cynisme, a déclaré qu’« il a expliqué son geste par sa situation » de chômeur en fin de droits, « mais cela doit être précisé », a-t-elle indiqué.

Victime de brûlures aux 1er et 2ème degrés au visage et au thorax, il a été hospitalisé à l’hôpital Saint-Louis à Paris, et ses jours ne sont pas en danger. Outre décrire sa situation de grande pauvreté (il est allocataire de l’ASS : 15,90 €/jour), il a également fait état de « problèmes de nature privée et familiaux » : « sa petite fille qu’il ne voit plus », vivant à Rouen avec sa mère. Logique ! Le chômage détruit les cellules familiales — conflits, divorces… — et isole les individus — tandis que les amis fuient, l’argent manque pour s’offrir un semblant de vie sociale. Mais ça, la préfecture l’ignore.

Autre tentative, autre déni

La seconde a eu lieu vers 15 heures devant un supermarché : un sans abri d’une trentaine d’année « s’était versé un bidon de 5 litres d’essence sur lui et menaçait d’allumer un briquet. Il a été maîtrisé par la police et les pompiers », ont expliqué ces derniers. L’homme a été transporté vers le centre hospitalier de Beaune. La procureure de Dijon a bien évidemment évoqué son état psychologique — il est clair que pour faire ça, il faut ou être fou [1] ou avoir des "problèmes personnels" : ce n’est jamais la faute des autres... Il a voulu protester contre « le fait qu’il était à la rue » — franchement, une broutille ! A part ça, « les motivations de son geste ne sont pas encore connues »...

On rappelle que chaque jour, hiver comme été, un SDF meurt dans la rue, de froid, de maladie ou d’agression physique (tabassé… ou brûlé vif).

Djamal Chaab ne s’est pas loupé

A Nantes, ça s’est passé mercredi et, comme on le sait, l’homme est décédé. Dans cette interview de sa famille, on en sait un peu plus. Autrefois décorateur de théâtre, il subissait déclassement et précarité depuis plusieurs années. Son dernier emploi en date : manutentionnaire en intérim, à temps partiel et de nuit dans une entreprise de transports. Selon son entourage, il était très fatigué.

Une fois sa mission terminée, fort de ses dernières périodes travaillées alors qu’il était en fin de droits, il a cru que Pôle Emploi pourrait lui en rouvrir de nouveaux. Mais, manque de bol, Pôle Emploi a découvert qu’il n’avait pas déclaré son salaire d’août 2012. Un indu de 600 € a donc été généré. Et, « double peine », toute période travaillée non déclarée est systématiquement exclue du calcul de droits ultérieurs. Dans un de ses mails envoyé mardi à Presse Océan, Djamal écrivait : « J’ai travaillé 720 heures et la loi, c’est 610 heures. Et Pôle emploi a refusé mon dossier ». Les 110 heures manquantes correspondent visiblement à celles qu’il avait effectuées en août.

Le voici qui se retrouve avec un dossier de demande d’ASS à remplir avec, pour horizon, un revenu de 480 €/mois et un indu de 600 € à rembourser à Pôle Emploi. Il a craqué.

Alors oui, il aurait pu se battre. Avant de s’immoler, il y avait d’autres recours comme la demande de remise gracieuse auprès de l’IPR (instance paritaire régionale), auprès du Médiateur, du Défenseur des droits, de la Direction régionale de Pôle Emploi, appuyée par les associations de défense des chômeurs. Surtout que 600 €, ce n’est pas grand chose : le montant des indus réclamés par Pôle Emploi à des chômeurs — plus souvent à tort (erreurs de calcul) qu’à raison (fraude avérée) — pouvant parfois atteindre des milliers d’euros.

Mais Djamal Chaab n’est pas Gérard Gaudron

Djamal était précaire, pauvre et épuisé. C’était un "chômeur lambda".

Gérard Gaudron, lui, était le fringuant député-maire d’Aulnay — vous savez, là où les ouvriers grévistes de PSA sont accusés de "violence". Pendant huit mois, en 2007, M. Gaudron a cumulé intégralement ses indemnités de parlementaire (6.952 €/mois) avec ses Assedic (1.500 €/mois) en toute illégalité. « J’ai été négligent ! », a-t-il concédé. Et l’Assedic, tout aussi négligente, a été plus qu’accommodante avec ce fraudeur en col blanc qu’elle a vite blanchi.

Le 4 janvier 2011 en Tunisie, Mohamed Bouazizi, 26 ans, est mort de ses blessures : il s’était immolé par le feu deux semaines plus tôt devant le siège du gouvernorat de Sidi Bouzid. Devenu un symbole, il est à l’origine des émeutes qui ont concouru au déclenchement de la révolution tunisienne et, sans doute par extension, aux protestations et révolutions dans d’autres pays connues sous le nom de Printemps arabe.

Jeudi, suite au décès de Djamal Chaab, un délégué CGT Pôle Emploi craignait « un phénomène de contagion ». Il avait raison.

SH

[1] L’ex épouse de Jean-Louis Cuscusa, allocataire du RSA de 51 ans qui s’était immolé par le feu dans sa CAF de Mantes-la-Jolie en août dernier, avait eu la même réaction quand elle a entendu la nouvelle à la télévision sans savoir qu’il s’agissait du père de ses enfants :
http://www.youtube.com/watch?v=V2AA...

Le blog Le salaire de la peur avait alors dressé une liste non exhaustive des tentatives d’immolation sur l’année en cours. Edifiant.


A l’appel des associations de chômeurs AC !, APEIS, MNCP et CGT, un rassemblement est prévu demain matin vendredi à 11H30 devant la Direction générale de Pôle Emploi - 1 avenue du Dr Gley - 75020 Paris (M° Porte des Lilas).


Lundi, ce chômeur de 42 ans s’était vu signifier que, faute d’avoir déclaré à Pôle Emploi du travail effectué fin 2012, il devrait rembourser les allocations perçues et que ces heures travaillées ne lui ouvriraient pas de droits à indemnisation. Une « double peine » prévue par la règlementation que la CGT de Pôle Emploi a aussitôt pointée du doigt.


Le communiqué du MNCP

Suicide d’un homme devant son Agence Pôle Emploi à Nantes : nouveau drame de la précarité

Le Mouvement National des Chômeurs et Précaires exprime sa profonde tristesse après la mort d’un homme de 43 ans, au chômage et en fin de droits, qui s’est immolé mercredi 13 février à Nantes devant son agence Pôle Emploi.

Au-delà du drame individuel, le MNCP dénonce avec la plus grande énergie l’aggravation continue d’une situation humainement et socialement insupportable.

A force de stigmatiser les chômeurs, notre société a peut-être oublié qu’avant toute chose, le chômage est une situation subie et une souffrance. Les risques psycho-sociaux du chômage ne sont malheureusement toujours pas considérés comme une priorité par l’ensemble des pouvoirs publics et de la société, malgré les nombreux appels des associations de chômeurs et les drames déjà survenus, notamment à la CAF de Mantes-la-Jolie l’été dernier.

Nous rappelons que le taux de suicide parmi les chômeurs est six fois plus élevé que parmi le reste de la population.

Cet acte illustre le désespoir d’un grand nombre de chômeurs, qui pour certains, n’ont plus d’autres recours pour faire entendre leur colère que de mettre un terme à leur vie.

Nous appelons les chômeurs et précaires à l’action et à la solidarité contre le chômage, ce qui est la manière la plus efficace pour que de tels drames ne se reproduisent pas.

mncp.fr/Accueil/Nos-communiques/


http://www.actuchomage.org/20130213...

Mort d’un chômeur en fin de droits

Mercredi, 13 Février 2013

Un homme de 43 ans est décédé en s’immolant par le feu devant son agence Pôle Emploi à Nantes, ce mercredi en milieu de journée.

L’homme, un chômeur en fin de droits né en 1971, avait prévenu lundi plusieurs médias locaux de son intention de passer à l’acte dans la semaine devant son agence de Nantes-Est, rue de la Garde, pour protester contre le rejet de son dossier alors qu’il estimait avoir travaillé suffisamment d’heures. Le quotidien local Presse Océan a publié sur son site deux courriels envoyés par cet homme :

Mardi 12 février, 10h12 : "Aujourd’hui, c’est le grand jour pour moi car je vais me brûler à Pôle emploi. J’ai travaillé 720 h et la loi, c’est 610 h. Et Pôle emploi a refusé mon dossier."

Mardi 12 février, 12h55 : "Je suis allé à Pôle emploi avec 5 litres d’essence pour me brûler, mais c’est fermé le 12/02/2013 ; alors ça sera demain le 13 ou le 14, car ce serait vraiment préférable au sein de Pôle emploi merci."

Un policier, cité par le quotidien local, affirme que "[mercredi à 8 heures] nous avons essayé de joindre cet homme, mais il ne répondait pas". Il explique ensuite qu’"une surveillance a été mise en place aujourd’hui, à proximité de l’agence Pôle emploi. Mais cet homme est arrivé par une rue adjacente. Il était déjà en flammes. Et hors de la vue des policiers".

La direction de Pôle emploi à Paris a confirmé ce suicide et que l’homme était bien inscrit dans cette agence et en fin de droits.

En août, un chômeur en fin de droits âgé de 51 ans, allocataire du RSA, s’était immolé par le feu devant son conseiller CAF dans la banlieue parisienne. Il avait également succombé à ses blessures.

(Source : Le Monde)


Vidéo retour sur l’immolation de Jean-Louis Cuscusa à la CAF de Mantes :
http://www.youtube.com/watch?featur...

Chômage, dépression, suicide : désastre sanitaire en vue
Par Yves Barraud
http://www.dailymotion.com/video/xq...

Actuchomage lève le voile sur un sujet encore tabou : la dépression qui, en ces temps de licenciements massifs, de chômage de longue durée, de précarité accentuée, touche des populations vulnérables.

Chaque année en France, 11.000 personnes (sur 200.000 tentatives) se suicident. Parmi elles, combien de Chômeurs, combien de Précaires ?

Les chiffres fiables font cruellement défaut.

Pour sa part, le psychiatre Michel Debout - qui milite en faveur de la création d’un Observatoire du Suicide - estime que, depuis 2008, 750 demandeurs d’emploi supplémentaires auraient mis fin à leurs jours.

750 de plus que les chiffres "habituellement" observés.

Sophie Hancart d’Actuchomage a rencontré des chômeurs ex-dépressifs et des professionnels de l’accompagnement psychologique et médical.

Son constat : Rien (ou presque) n’est fait pour accompagner les personnes victimes d’une rupture professionnelle temporaire ou de longue durée. C’est au chômeur de se prendre en main puis de subir des erreurs d’aiguillage qui non seulement lui font perdre un temps précieux, mais peuvent aggraver son état.

En ces temps où la France compte 5 millions d’inscrits à Pôle Emploi, la dépression des chômeurs est pourtant un vrai sujet de santé publique.

Lire aussi :

07/11/2012 21:46 - On suicide à Pôle Emploi
12/10/2012 12:25 - Renault, l’entreprise 100% cynique
28/09/2012 03:29 - Mon voisin de palier s’est suicidé. Il était au RSA…
30/08/2012 12:09 - CAF de Mantes-la-Jolie : une visite ministérielle à huis clos pour soutenir les personnels
18/08/2012 09:55 - Quand un allocataire du RSA s’immole dans une CAF

http://www.actuchomage.org/

Contact : contact chez actuchomage.org

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