Une tribune pour les luttes

De quoi SOS Papa est-il le nom ?

Pauline Delage, doctorante en sociologie
+ Compléments

Article mis en ligne le vendredi 22 février 2013


Par mail

Je n’ai pas d’idées sur la partialité des juges envers les "mamans" au moment des divorces, même si je sais que beaucoup des femmes à la tête de familles monoparentales ne l’ont pas "choisi".
Je suis sûre qu’un père peut s’occuper aussi bien d’un enfant qu’une mère.
Mais j’ai bien entendu le père "vedette" descendant de sa grue proférer sans que personne ne lui demande de s’en expliquer: : « Les femmes qui nous gouvernent se foutent de la gueule des papas ».
Il ne s’agissait pas de la colère expliquable d’un père victime d’une injustice mais du désir de revenir à une société où les femmes n’auraient plus aucun pouvoir..., une conception complètement erronnée de notre société encore si phallocratique, si injuste, si violente envers les femmes...

Et l’on peut pour cette raison se demander pourquoi parmi toutes les injustices sociales et familiales de ce jour-là : un chômeur qui s’immole, un policier qui tue un jeune de 19 ans, un mari qui tue sa femme, combien d’autres ces jours-là, les journalistes ont choisi de faire le pied de grue pendant trois jours au pied de cette grue !

C.


Droit de garde des enfants : "La loi actuelle est assez équilibrée"
Le Monde.fr | 18.02.2013 Par François Béguin
Françoise Dekeuwer-Défossez, doyen honoraire de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de l’université Lille 2, spécialiste du droit de la famille et auteur de La Séparation dans tous ses états (Lamy, 2010), analyse la place faite au père dans les décisions de garde d’enfant en France.

http://www.lemonde.fr/societe/artic...

La résidence des enfants après la séparation des parents, petit rappel des réalités
Par Michel Huyette
Mardi 19 février 2013
http://www.huyette.net/article-la-r...



De quoi SOS Papa est-il le nom ?

http://blogs.mediapart.fr/edition/l...

Après le coup d’éclat de Serge Charnay, ce père retranché pendant quatre jours dans une grue pour réclamer le droit de visite de son fils, Pauline Delage, doctorante en sociologie, dénonce une opération téléguidée par SOS Papa, « association masculiniste misogyne et réactionnaire » qui se voit accorder «  une légitimité pour le moins problématique » par le gouvernement.

Le masculinisme légitimé par le gouvernement

Suite au coup publicitaire de Serge Charnay, SOS Papa n’a pas seulement pris une place importante dans les médias ; plus grave, l’association masculiniste a acquis une reconnaissance politique puisque le gouvernement a accepté de la recevoir pour examiner ses revendications, notamment la généralisation de la garde alternée pour les enfants. Passons sur l’action individuelle de Serge Charnay, passons même sur les raisons qui l’ont conduit à être déchu de ses droits parentaux – les médias ayant longtemps préféré évoquer « la souffrance d’un père » plutôt que l’enlèvement de ses enfants. La légitimité qu’on a octroyée à l’association ces derniers temps est pour le moins problématique.

C’est vrai d’abord d’un point de vue démocratique : toutes les associations dont l’un des membres exécuterait une action spectaculaire auront-elles désormais le même écho médiatique ? Seront-elles systématiquement reçues par les pouvoirs publics ? On peut légitimement en douter. C’est vrai ensuite d’un point de vue idéologique, puisque le discours de SOS Papa repose sur une vision du monde faussée, étayée par des données sociologiques et historiques biaisées, dont le cœur est l’idée selon laquelle les rapports de domination hommes/femmes sont aujourd’hui inversés. Constatant que les enfants sont, dans près de 80% des cas de divorce, hébergés chez leur mère, cette association souligne ce qu’elle voit comme une injustice : la société, par le biais de la justice civile, favoriserait les femmes dans les décisions liées aux enfants parce qu’elle ne comprendrait pas les changements historiques liés à la modernité, faisant des pères des sujets parentaux à part entière. Ce qui se passe dans les tribunaux ne serait alors que le reflet d’une évolution historique plus globale.

Depuis le féminisme des années 1970, les droits des femmes ayant considérablement évolué, et celles-ci étant encouragées à s’autonomiser par le travail et à s’introduire dans tous les espaces de la sphère publique, les rapports inégalitaires entre hommes et femmes se seraient inversés, et les hommes seraient en proie à une forme de domination féminine. Serge Charnay lui-même a souligné ce douloureux problème de l’omniprésence, et donc de l’omnipotence, des femmes dans les médias, dans le champ politique, et même dans la justice. Bref, celles-ci auraient acquis des droits aux dépens des hommes. Trop caricaturale pour être réellement naïve, la vision du monde offerte par SOS Papa repose sur des inepties sociologiques sur lesquelles s’appuie une idéologie qui, elle, est bien misogyne et sexiste. Des inepties que les médias et le gouvernement auraient dû commencer par pointer et réfuter.

Effectivement, les droits des femmes ont évolué : nous avons aujourd’hui légalement le droit d’ouvrir un compte bancaire, le droit de travailler sans l’autorisation de notre mari, le droit d’avoir recours à des méthodes contraceptives et abortives, le droit de dénoncer des crimes sexistes, racistes, lesbophobes à notre encontre. Oui, les choses ont changé, et c’est tant mieux. Mais outre le fait qu’il existe un écart réel et persistant entre les droits acquis par les mouvements féministes et leur mise en application, tout n’a pas non plus changé et les rouages de la domination masculine se sont parfois transformés sans disparaître pour autant : les femmes ont le droit de travailler mais elles occupent toujours des emplois plus précaires que les hommes, elles ont des salaires moindres et n’accèdent pas aux postes les plus élevés hiérarchiquement. Cette division sexuée du travail dans la sphère salariale est intimement imbriquée à celle qui opère dans la sphère domestique, où les tâches ménagères et le soin des autres incombent principalement aux femmes.

Un homme n’a plus formellement droit de vie ou de mort sur son épouse, et il n’est pas autorisé à abuser d’elle, mais dans les couples hétérosexuels la violence conjugale touche essentiellement les femmes : aussi ce rapport asymétrique et inégalitaire est-il bien distinct du conflit ou de la dispute conjugale. De fait, une femme sur dix a subi des violences conjugales, quelle que soit leur forme, au cours de la dernière année. Sans les multiplier, ces quelques exemples doivent juste rétablir un fait : si la lutte pour l’égalité est toujours d’actualité, les rapports de domination femmes/hommes ne se sont pas inversés pour autant. Mais « égalité » comme « inégalité » ne doivent pas être des coquilles vides, des mots tellement dits et redits qu’ils perdent tout sens ; leurs usages doivent refléter et s’ancrer dans un contexte social, qu’il s’agit de dépasser dans une visée politique.

S’agissant des divorces encore une fois, si, dans 80% des cas, la résidence principale est attribuée à la mère, il ne s’agit pas d’un privilège des mères sur les pères, mais tout simplement du fait que ces derniers ne la demandent pas. Après la séparation, la division sexuée des tâches domestiques perdure ; et l’inégalité se niche ici. L’intimité conjugale n’est pas un espace à l’abri des rapports sociaux qui fondent et structurent les inégalités. Dénoncer un matriarcat qui n’existe évidemment pas, c’est une stratégie politique et idéologique qui vise à saper les droits des femmes, à rétablir ou renforcer un ordre social dont bénéficient certains hommes, les dominants. Patric Jean a bien montré dans son article publié dans Le Monde les liens et les parallèles existant entre l’association et ses homologues masculinistes au Québec, dont les actions de grand éclat ne visent qu’à construire un rapport de force nuisant aux revendications égalitaires féministes. Comme ils l’avaient fait avec les groupes homophobes de la «  manif pour tous », le gouvernement, en recevant SOS Papa, et les médias, en s’en faisant les relais, rendent légitime et par là même participent de ce mouvement idéologique et politique réactionnaire.

Pauline Delage, doctorante en sociologie à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS), travaille sur les violences faites aux femmes en France et aux Etats-Unis


Lire aussi :

http://www.lemonde.fr/idees/article...

L’escalade des pères à Nantes cache une proposition de loi

18.02.2013

Par Patric Jean, cinéaste, et producteur du documentaire "La Domination Masculine"


Par mail

Bonjour,

concernant le problème des pères qui seraient spoliés de garde d’enfants ou de droits de visite, mis en avant par l’opération "grue" de Nantes, vous trouverez ci-dessous des références d’articles qui vont à rebours de ce qu’on lit le plus couramment dans les journaux.

Bien sûr qu’il existe des problèmes, qui comme partout aboutissent parfois à des injustices ; mais il faut savoir que très peu de pères demandent le droit de garde... ce qui explique tout bonnement que les chiffres mis en avant, de ceux qui l’obtiennent, soient si faibles.

Par contre, de nombreux pères violents et/ou abuseurs font référence aux « syndrome d’aliénation parentale » et « syndrome du faux souvenir », selon lesquels l’enfant serait pris en otage par la mère pendant la période de conflit et de séparation, serait manipulé et imputerait des violences au père afin qu’il n’obtienne pas la garde, voire se voit refuser le droit de visite. De même que l’imputation de « faux souvenir », il s’agit d’une façon de plus d’infirmer de façon arbitraire les paroles non seulement des mères, mais des enfants eux-mêmes. Ces pères reçoivent l’appui d’« experts » qui n’hésitent pas à mentir effrontément pour les soutenir, déclarant par exemple que « 90% des déclarations de sévices sexuels sont abusives » . Les conséquences de ces mensonges sont effrayantes : « une recherche faite en 2004 par le professeur Jay Silverman de l’Université de Harvard confirme que 54% des dossiers de garde qui impliquaient de la violence documentée ont vu la garde des enfants confiée à l’agresseur et que l’aliénation parentale était plaidée par ce dernier dans presque tous les dossiers." Aujourd’hui, des mères entament des procédures de divorce suite à la révélation d’abus sexuels ou de violences exercées envers leur enfant, qui se voient obligées par le juge pour enfant d’accorder néanmoins un droit de visite au père. Certaines, refusant, finissent incarcérées pour "non-présentation d’enfant". D’autres préfèrent quitter le territoire national...

(cf. Hélène Palma et Léo Thiers-Vidal, Violences intra-familiales sur enfants : le rapporteur de l’ONU en France, 2005, http://sisyphe.org/spip.php?article1772)

L’article de Patrick Jean qui vient de paraître dans Le Monde constitue une bonne introduction à ce sujet :

L’escalade des pères à Nantes cache une proposition de loi

http://mobile.lemonde.fr/idees/arti...

amicalement,

yves

18 Feb 2013

Subject : Références au sujet de l’offensive masculiniste en cours

Bonjour,

On parle beaucoup aujourd’hui en ligne de l’offensive masculiniste, articulée sur un coup d’éclat à Nantes, qui cherche à faire imposer par l’État la résidence alternée et le pseudo "syndrome" d’aliénation parentale, en faisant disculper les pères de leurs violences envers femme et enfants.

J’ai regroupé quelques références Web qui seront utiles, j’espère. Mille excuses pour toutes celles que je dois laisser de côté :

Isabelle GERMAIN, "Le lobbying des pères en haut
des grues" : http://www.lesnouvellesnews.fr/

Sandrine GOLDSCHMIDT : "Masculinistes : le gouvernement va-t-il vraiment céder au chantage ?" http://sandrine70.wordpress.com/2013/02/18/masculinistes-le-gouvernement-va-t-il-vraiment-ceder-au-chantage/

Une opération médiatique du lobby masculiniste : "le show des grues" http://henridamien.blogspot.ca/2013/02/une-operation-mediatique-du-lobby.html# !/2013/02/une-operation-mediatique-du-lobby.html

Le masculinisme : son histoire et ses objectifs, Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri : http://www.tanianavarroswain.com.br/labrys/labrys14/textos/melissa.htm

"Papa sur la grue : la thèse du lobby masculiniste ?" Elise Delève, France-Info : http://www.franceinfo.fr/justice/papa-sur-la-grue-la-these-du-lobby-masculiniste-896817-2013-02-18
C’est peut-être une occasion de demander aux télés la rediffusion d’un film de Myriam TONELOTTO et Marc HANSMANN, "In Nomine Patris" (Productions La Bascule, 2004) : http://www.labascule.tv/films/films-produits/in-nomine-patris.html
ARTE avait aussi diffusé à l’époque un film de Claudie DEJÀ : "Drames de la séparation : Quand le père devient l’ennemi" (2004), présenté entre autres au http://sisyphe.org/spip.php?article1627 Parce qu’il existe, dans les situations évoquées à Nantes, et dans la majorité des cas de litige entre ex-conjoints, des violences qui risquent de devenir létales.
Beaucoup de comptes rendus de ce ressac patriarcal et de la résistance féministe et proféministe sont archivés sur les rubriques Féminisme et condition masculine et
Famille, droit et bien-être des enfants du site SISYPHE, notamment sur "In Nomine Patris" et "Drames de la séparation" : http://sisyphe.org/spip.php ?article1627
Gilles DEVERS, "Les papas maltraités par justice ? C’est du n’importe quoi !"
http://lesactualitesdudroit.20minutes-blogs.fr/archive/2013/02/18/les-papas-maltraites-par-la-justice-c-est-du-n-importe-quoi.html#comments

Sur le "syndrome d’aliénation parentale, que le lobby des pères veut faire inscrire dans une loi pour discréditer d’avance toute demande de garde exclusive, lire entre autres Mediapart, "SAP : Constat préoccupant par le rapporteur de l’ONU (en 2002 et 2003)" : http://bit.ly/11R7fhx

Voir surtout l’article de Léo THIERS-VIDAL, "Humanisme, pédocriminalité et résistance masculiniste" dans Rupture anarchiste et trahison proféministe - écrits et échanges de Léo Thiers-Vidal, qui vient de paraître (février 2013) aux Éditions Bambule, de Lyon.
Rencontre-débat à ce sujet samedi prochain à Lyon : http://agendalyon.org/2013-02-23/rupture-anarchiste-et-trahison-prof%C3%A9ministe

Une anthologie, Le mouvement masculiniste au Québec : L’antiféminisme démasqué, de Mélissa Blais et Francis Dupuis-Déri, situe dans d’autres contextes le travail d’entrisme de cette idéologie. http://www.editions-rm.ca/livre.php ?id=1233
Patric JEAN publie aujourd’hui dans Le MONDE "L’escalade des pères à Nantes cache une proposition de loi", un exposé de la stratégie masculiniste dans ce dossier : http://mobile.lemonde.fr/idees/article/2013/02/18/l-escalade-des-peres-a-nantes-cache-une-proposition-de-loi_1834399_3232.html

Enfin , trois de mes propres articles :
Masculinisme et criminalité sexiste (NQF, 1998, avec Susan B. Boyd) http://www.erudit.org/revue/RF/1998/v11/n2/058007ar.pdf

Autorité parentale conjointe : le retour de la loi du père (NQF, 2002, avec Hélène PALMA)
http://www.sos-sexisme.org/infos/loi_pere.htm
Face aux conjoints agresseurs : La danse avec l’ours - Entrevue avec le psychologue québécois Rudolf Rausch (NQF, 2003)  : http://sisyphe.org/spip.php?article266

Martin Dufresne
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