Une tribune pour les luttes

Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social Protection Judiciaire de la Jeunesse Fédération Syndicale Unitaire (SNPES PJJ FSU)

Centres éducatifs fermés (CEF) : notre bilan .

Article mis en ligne le dimanche 24 février 2013

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CEF
 : NOTRE BILAN
.


La création des CEF marquée par une commande éminemment
politique.

Au moment où
une évaluation demandée par la ministre de la justice va rendre ses conclusions
et dix ans après leur création
,
il est nécessaire de rappeler le projet global dans lequel avaient été
inscrits les CEF car celui-ci n’est pas sans incidences sur leur efficacité du point de vue de la prise
en charge éducative des mineurs.

Les CEF ont été instaurés en 2002 par la loi Perben 1. Outre les CEF, cette loi contient de
nombreuses dispositions durcissant la réponse pénale en direction des mineurs. La loi Perben 1 est
également à l’origine du retour des personnels de la PJJ au sein de la détention dont les
Etablissements Pénitentiaires pour Mineurs
est la mesure emblématique. Ainsi, inscrits dans une
loi réformant en profondeur l’ordonnance
de 45, les CEF ne sont
pas
de nouvelles structures ayant
vocation à diversifier ou améliorer les réponses à apporter aux mineurs,
mais un élément
d’un
dispositif visant
à plus de répression et passant notamment
par l’enfermement.

Comme la loi Perben 1 dans son ensemble, les CEF avaient donc vocation à répondre d’abord à des
préoccupations sécuritaires et non pas aux besoins des adolescents auteurs de délits. Durant la
campagne pour les élections présidentielles de 2002, les deux principaux candidats s’étaient
prononcés pour un retour
aux centres fermés. Dès l’été, la loi fût votée, sans aucune consultation
des professionnels. Par la suite,
les deux cahiers des charges de 2003 et de 2008 concernant ces
structures, élaborés unilatéralement par la direction de la PJJ
,
portent davantage l’
empreinte de la
commande politique que de l’expérience des professionnels.

Les CEF,
ou la volonté de banaliser l’enfermement.

Voulant afficher une rupture avec les anciennes structures d’enfermement ayant jalonné l’histoire
de la prise en charge des mineurs et des phénomènes de violence qu’elles avaient générés
, les
promoteurs des CEF les avaient présentés
comme des établissements
dont la fermeture serait
seulement juridique. En effet, la loi Perben 1 encadrera le placement des mineurs en CEF par un
Contrôle judiciaire,
un SME ou
un aménagement de peine
. De plus, les mineurs de
treize à seize
ans
pourront y être placés sous le régime
d’un Contrôle Judiciaire
,
même
en matière délictuelle.
En
cas de fugue ou d’infraction au règlement intérieur du CEF, le
mineur pourra être incarcéré. Cet
encadrement juridique du placement devait constituer la « 

ceinture de force symbolique

 »
selon la formule du directeur de la PJJ de l’époque. Mais dès les premières ouvertures de CEF, des
mineurs fuguent. Assimilées à des
évasions, ces fugues furent très médiatisées. La réponse de la
direction de la PJJ fût de renforcer les clôtures et de mettre en place des systèmes de
barrière infrarouge, dévoilant
ainsi la réelle visée d’enfermement de ces établissements. Malgré l’impasse et les
contradictions d’un projet sous haute surveillance politico-médiatique, les directions successives
de la PJJ se sont employées à les défendre coûte que coûte, prétendant les justifier au plan
éducatif.
Banalisant leur caractère de lieux privatifs
de liberté et d’enfermement, elles ont théorisé
sur leur caractère
« 
contenant
 »
. La menace d’incarcération en cas de fugue ou d’infraction au
règlement intérieur et une surveillance constante de la part des personnels seraient les leviers
pour permettre
au jeune de respecter le cadre du placement.

Plusieurs années après, qu’en est-il de l’efficacité de ces structures au regard du but affiché ?
Les CEF contiennent-
ils mieux les mineurs que les autres structures de la PJJ
 ?

La fugue considérée comme un
délit ou comment un séjour en CEF
peut aggraver le parcours pénal du jeune.

Revenons d’abord sur le risque d’incarcération en cas de fugue ou d’infraction au règlement
intérieur. Dans son rapport du 13 juillet 2010, la Défenseure des enfants soulignait que
 : « 

cette possibilité d’incarcération en cas de fugue est en contradiction avec l’intérêt des enfants et les
engagements internationaux de la France

 ». Cet aspect central du fonctionnement des CEF est
en effet inacceptable
à plusieurs titres. En premier
lieu
, la fugue n’est pas un délit,
et chez un
adolescent en grande difficulté,
les professionnels la prennent en compte comme
un signal
justifiant de
retravailler la situation et éventuellement de réajuster
sa prise en charge. Ensuite,
sanctionner
éventuellement la fugue par une mise en détention
est contradictoire avec le principe
du caractère exceptionnel de l’incarcération
. Principe pourtant réaffirmé à chaque occasion par
les
promoteurs
de ce système.
Enfin, avec ce dispositif,
la détention provisoire
en matière délictuelle
est rendue possible dès l’âge de 13 ans. Face à cette difficulté, un argument est mis en avant, celui
de la liberté du juge d’apprécier s’il convient d’incarcérer ou pas. Mais
user d’une menace qui ne se
réalisera pas forcément
n’est pas sans conséquences sur les adolescents.
Il n’est nullement
question, ici de demander l’incarcération des mineurs mais de souligner combien ce cadre
de
travail
peut affaiblir la portée même
de la sanction pénale,
si l’on se place dans cette logique
.
D’autre part,
il réduit les professionnels à un rôle d’auxiliaires du juge, chargés
de faire des
rapports, entretenant ainsi de la méfiance
de la part des adolescents
. Il peut conduire aussi à
décrédibiliser
leur parole alors que l’on connaît
l’importance
pour des adolescents aussi
déstructurés de rencontrer des adultes qui incarnent
une parole fiable et cohérente.

Comment
travailler
avec le jeune la question des actes délinquants lorsque ce qui relève de ses réactions par
rapport à un placement et ce qui relève de son inscription dans la délinquance sont confondus au
point que l’échec du placement est souvent
retenu à charge contre lui lors de son
jugement,
aggravant ainsi
son parcours pénal
 ?

Les CEF
 : mieux que la prison
 ?

Le cadre présidant au fonctionnement des CEF
est si difficilement
compréhensible par les jeunes
que pour dépasser cette difficulté, nombre de CEF ont recours à des dispositifs visibles de
fermeture (hauteur des murs, fermeture des chambres de l’extérieur, système de vidéo
surveillance,
présence d’agents de sécurité
).

Parallèlement, le
caractère hybride des CEF ouvre la voie, dans de nombreux cas, à des atteintes
aux droits des mineurs qui, paradoxalement, sont mieux garantis en prison. Des liens
aléatoires
avec les parents, des atteintes à
la vie privée
par la lecture des courriers ou l’écoute des
communications téléphoniques (
sans que le juge ait nécessairement statué sur ces aspects de la vie
du jeune
), des atteintes caractérisées à l’intimité
ou encore
,
l’utilisation à l’intérieur des locaux de
la vidéo surveillance
 : toutes ces pratiques sont fréquentes dans nombre de CEF.

Par ailleurs, des
systèmes
de punition
strictement comportementalistes
,
humiliants et inefficaces
viennent
parfois
s’y
ajouter.

Constatant ce que, par ailleurs, elle passe beaucoup de temps à nier,
la direction
de la PJJ
a réalisé des fiches pour fixer les limites permettant de respecter les droits
fondamentaux des mineurs. Cependant,
un certain nombre de CEF continuent de s’en affranchir.

Ainsi, il est illusoire de penser qu’il existerait un « 
entre deux
 »
dans la prise
en charge
des
adolescents
en difficulté
,
qui
passerait entre la
prison destructrice et les structures ouvertes jugées
insuffisamment
contenantes.

La réalité des CEF vient illustrer que cet
« 
entre deux
 »
ne peut s’appuyer que sur
des systèmes et
des méthodes de
contention
,
avec
les dérives que celle-ci
génère.

Une éducation contenante ou une éducation contrainte
 ?

Des études quantitatives réalisées par le ministère de la justice en
2008 indiquent qu’1/3 des
jeunes restent en CEF moins de 3 mois, 1/3 entre 3 et 6 mois et 1/3 plus de 6 mois. Par ailleurs les
mineurs qui sont restés plus de 5 mois sont ceux qui récidivent le moins. Une autre étude sur les
sorties de délinquance à l’issue d’un séjour en CEF menée par Marwan Mohamed, chercheur au
CNRS,
apporte un éclairage complémentaire. Cette étude relève notamment que les séjours sont
écourtés pour des incidents liés au fonctionnement du CEF, une condamnation à une peine
d’incarcération ferme dans le cadre d’une autre affaire ou encore au passage à la majorité. Elle
souligne aussi l’existence d’effets de filtre qui consistent à garder les mineurs qui posent le moins
de problèmes plus longtemps et qui ne relèvent pas forcément de la catégorie des « 
mineurs
multirécidivistes

 ». Pour les mineurs qui restent moins de quatre mois, le taux de réitération avant
le CEF et après n’est pas significativement différent. Ceux qui ont connu des incidents en CEF
réitèrent davantage que ceux qui ont fait des séjours plus longs.

Ces données confirment, d’une part que le fonctionnement des CEF ne permet pas la stabilisation
du jeune dans l’établissement et d’autre part que la durée de la prise en charge est une donnée
incontournable dans l’évolution du
jeune.
De ce point de
vue, cela
conforte
aussi
la
nécessité de
remettre en cause
ce programme qui prévoit une prise en charge limitée dans le temps pour ne pas
prêter le flan aux critiques sur le régime dérogatoire de privation de liberté.

Sauf à se satisfaire d’une adhésion de surface qui traduit surtout sa capacité à se conformer, la
contrainte ou la menace n’ont aucune efficacité dans l’adhésion du jeune au placement. Elles les
conduisent
, soit à se révolter et forcément
de façon violente, soit
à adopter des comportements de
soumission et à
« 
faire leur peine
 », selon leur propre expression.

En effet, l’adhésion du jeune à son placement est
un processus long qui relève d’un travail pour
qu’il s’en approprie le sens et y trouve un intérêt pour lui-
même.
Cela suppose que les
professionnels se décentrent de l’acte qu’il a commis pour appréhender le jeune dans sa situation
globale et sa singularité.
Mais, la réponse à l’acte délinquant s’étant substituée à la réponse à
apporter au jeune, la dimension protectrice et préventive de l’action éducative est devenue
secondaire,
voire
absente par rapport à l’exécution de la peine ou aux préoccupations liées à
l’ordre public. Dès lors les professionnels sont réduits à user de la menace d’une possible
incarcération, à
se faire craindre au lieu de se faire respecter, à imposer une autorité au lieu de
chercher à la gagner en déployant une action éducative, à la fois ferme et bienveillante, se basant
d’abord sur les besoins du jeune.

Recentrage au pénal au prétexte de recentrage sur l’acte délinquant et volonté d’éloignement vont
de pair. Ces orientations ont érigé la peine comme cadre et levier du
travail éducatif
,
entraînant la
confusion entre le champ du pénal et celui de l’éducation
.

Elles ont érigé aussi, la rupture
avec l’environnement du jeune comme une condition systématique
de sa prise en charge, évacuant la dimension de la durée qui fait écho au temps
de la maturation
du jeune et
la nécessité pour lui, d’expérimenter échecs et avancées.
Ces
orientations
auxquelles
tous les services de la PJJ sont sommés de s’adapter trouvent leur aboutissement institutionnel
dans les CEF.

Les CEF
 :
des prises en charge en vase clos,
générant des
violences
...

Dans ce contexte, la surveillance constante des jeunes à laquelle
les personnels travaillant en CEF
sont astreints, relève plus de l’application de règles pour redresser des comportements que d’un
travail individualisé sur la situation globale de chaque jeune. Ces pratiques entraînent une
confrontation permanente entre les jeunes et les professionnels et des relations marquées par des
rapports de force. De plus, les CEF, structures sensibles politiquement
,
font l’objet d’une sorte de
« 
cordon sanitaire
 » favorisant la loi du silence et donc une absence de traitement des difficultés
qui ne peuvent alors que s’aggraver.

Le Contrôleur Général des Lieux privatifs de Liberté a relevé à plusieurs reprises l’existence dans
certains CEF de « 
méthodes de contention érigées en pratiques éducatives
 ». Nous restons
convaincus que ces
dérives sont intrinsèquement liées au cadre de l’enfermement et au regard
focalisé sur l’acte délinquant qui est aujourd’hui porté sur les jeunes en grande difficulté. Si ces
dérives n’existent heureusement pas dans tous les CEF, c’est parce que les professionnels, constatant
les impasses d’un tel projet, tentent de s’écarter de la commande strictement politique et
administrative initiale pour
essayer de
remettre au centre de leur travail
 : l’écoute, l’approche
clinique et l’espace de liberté laissé au jeune pour lui permettre d’expérimenter ses
capacités à se
responsabiliser
et s’autonomiser.
Cependant
, cela n’est pas sans difficultés car
la menace
permanente d’incarcération et les limitations
de la
liberté d’aller et venir peuvent
mettre en porte
à
faux
les
équipes de professionnels
qui
prennent des libertés avec le cahier
des charges
pour
permettre, par exemple, la participation à des activités extérieures ou des visites aux familles.

....et de la discontinuité.

Parce que les CEF sont inscrits dans une
politique dont la visée principale est la mise à l’écart de
certains jeunes, le
projet de travail doit être centré
sur la vie à l’intérieur de l’établissement. Cela
conduit inévitablement à une marginalisation du travail avec les familles mais aussi avec
les autres
professionnels qui connaissent le jeune et qui sont encore en charge de son suivi. Or, la place des
parents est essentielle à l’heure du placement d’un de leurs enfants. Malgré toutes leurs difficultés
familiales, ces derniers portent la culpabilité de la stigmatisation de leurs parents, ce qui compromet
leur adhésion au placement.

Cette visée de mise à l’écart induit une approche essentiellement comportementaliste de la prise
en charge. Elle conduit aussi à ignorer le travail avec les professionnels qui ont connu le jeune avant
le placement et qui prendront le relais après. Le moment du placement en CEF est conçu comme un
moment se suffisant à lui même puisque le séjour en CEF est présenté comme la solution qui réussira
là ou toutes les autres
ont échoué. Cette conception en vase clos se révèle totalisante car elle exclut
les autres en déniant leur place dans le parcours du jeune et introduit de la discontinuité dans les
suivis. Pourtant
,
c’est en permettant au jeune de préserver les liens avec
son environnement mais
aussi avec les professionnels qui ont jalonné son parcours et fait référence pour lui que l’on peut
éviter la reproduction des ruptures et que l’
« 
après CEF
 » sera d’autant mieux garanti. Or
,
après
plusieurs années de fonctionnement, nous pouvons constater que les projets de travail n’intègrent
pas naturellement ces dimensions. Elles sont pourtant inhérentes à toute action éducative.

Les CEF « 
santé mentale
 »
ou la confusion entre les troubles du
comportement et les troubles mentaux.

Les adolescents pris en charge à la PJJ cumulent de multiples difficultés liées à des carences
éducatives et affectives
précoces
, à un contexte d’exclusion sociale grandissante, à
des
discriminations
géographiques et
aux
effets de
la stigmatisation liée
à l’immigration de leurs
parents
.
Ces
difficultés
qui s’accompagnent d’une absence
d’espoir et de perspectives crédib
les
d’insertion
,
alors que tout adolescent aspire à
gagner
une autonomie
,
produisent
de plus en plus
de
désordres psychiques graves sans que
pour autant, des pathologies puissent être déclarées
installées. Ces troubles psychiques sont désormais censés être traités
uniquement
dans les CEF dits
de « 
santé mentale
 »
. Pourquoi allouer aux seuls CEF des moyens importants pour traiter les
difficultés psychiques des adolescents alors que dans tous les services et structures de la PJJ, les
professionnels sont confrontés à des adolescents ayant les mêmes difficultés
 ?
La Direction de la
PJJ a adapté son discours sur les objectifs de ces CEF
,
expliquant que les personnels psychologues
et infirmiers de ces établissements avaient pour mission de mettre en lien les équipes avec le
secteur de la psychiatrie
,
afin d’accompagner les adolescents.
Mais cette nécessité vaut pour tous
les établissements.
Ce choix scandaleux au regard du désarroi des professionnels, désarmés pour
accompagner
des adolescents nécessitant des
soins
,
ne peut se comprendre que comme
une
volonté
de réduire les troubles du comportement plutôt que de trouver des
solutions durables
pour
répondre à
la souffrance psychique des adolescents
 ?

La généralisation des CEF
 : un affichage
de fermeté coûteux sur le
plan
financier comme sur le plan éducatif.

Alors que
durant
ces dernières années, la PJJ a subi de nombreuses suppressions de postes
et
d’établissements de placement
éducatif au prétexte de réduction des coûts du service public, le
développement du programme CEF
n’a
connu lui, aucune interruption et
aucun véritable bilan
intermédiaire malgré des dérives et dysfonctionnements avérés.
Cela indique à quel point, la
généralisation de ces structures participe d’un choix politique voulant afficher un
message de
fermeté en direction
des mineurs
,
quel qu’en soit le coût financier
. Non seulement cette politique
a
considérablement
réduit
les capacités
de placement éducatif et
la diversité des réponses
,
mais
elle a aussi généralisé un modèle
quasi unique
de prise en charge.
Par conséquent, ce modèle
tend
à s’imposer
en lien avec le
recentrage au pénal de l’action de la PJJ, lié aux
politiques toujours plus
répressives impulsées ces dernières années. Il a
bouleversé
la conception
de l’accueil des jeunes
dans les structures d’hébergement.
Le placement a perdu sa dimension de protection au profit
d’une dimension
punitive et de mise à l’écart. Dans ce contexte, l’unicité des publics accueillis, le
plus souvent dans l’immédiateté
,
met
les équipes sous la pression permanente des incidents à
répétition.
La surveillance et le contrôle deviennent une fin en soi et non
plus
un moyen pour
« 
veiller sur
 » les adolescents.
Ceux
- 
ci ne s’y trompent pas. Alors qu’ils sont en réalité dans
l’attente d’adultes préoccupés de leur avenir, ils rencontrent de plus en plus en plus des adultes
sous la pression de savoir comment ils vont réussir à les
« 
tenir
 »
. Le travail se réduit de plus en
plus en plus
à
du gardiennage favorisant
la profonde défiance que ces
adolescents ont toujours
nourrie
,
vis-à
- vis
des
adultes
peu fiables ayant jalonné leur vie.
Dans un tel contexte de travail, la réflexion et l’élaboration des
équipes passent au second plan et
les repères professionnels s’appauvrissent.

De l’alternative à l’incarcération.

A
l’instar des CEF,
pour la direction de la PJJ,
la mission prioritaire des établiss
ements de placement
éducatif doit être
l’alternative
à l’incarcération
. Cela entraîne, de plus en plus fréquemment
des
dérives
similaires à celles qui ont cours dans les CEF mais aussi
un dévoiement de la notion même
d’alternative
à l’incarcération
.
Celle
- 
ci serait
une modalité de placement plus douce que
l’incarcération, les CEF étant la concrétisation la plus aboutie de cette conception avec les
importants moyens dont ils disposent et des projets de travail centrés sur la surveillance
constante.
Or
,
l’alternative à l’incarcération
c’est la liberté
, que le jeune soit placé
ou pas.
La
décision de l’incarcération au nom de la protection de l’ordre public est une exigence du ministère
public. L’action éducative relève
, elle,
d’une autre logique qui inclut
forcément le risque éducatif.
Charge alors aux
équipes
de professionnels de
proposer
aux adolescents
un cadre et une
intervention
véritablement
contenante
. Celle-ci
passe par la construction d’une relation de
confiance basée sur l’intérêt sincère qui lui est porté
.
L’apprentissage des règles et des limites,
autrement dit de l’altérité, ne peut se faire chez un jeune en grande difficulté
,
qu’à cette condition.
Ainsi, dès lors que l’ensemble des services et établissements de la PJJ disposent de moyens
humains suffisants et
d’un cadre de travail permettant de se
centrer sur l’intérêt du jeune et non
pas sur celui de l’ordre public
ou de la
stricte
procédure judiciaire
, ils ont tous vocation à être des
alternatives à l’incarcération.

Un parcours des jeunes stigmatisant et stéréotypé.

Cette
uniformisation des modalités de
prise
en charge à
l’aune du dispositif CEF et
l’appauvrissement parallèle d’un
dispositif de
réponses diversifiées
ont
fini par produire des
parcours stéréotypés.
Dix ans après la mise en place des CEF, il n’est pas rare de constater que
nombre
de jeunes sont enserrés dans un parcours qui va de l’Etablissement de Placement Educatif
à l’Etablissement
Pénitentiaire pour Mineurs
en passant par le Centre Educatif
Fermé
.
Il convient
d’ailleurs de souligner à quel point les EPM, prisons modernes
mais
prisons quand même
, sont
perçus comme un élément du dispositif de placement, traduisant ainsi la banalisation de
l’incarcération
qui
devient un moment comme un autre dans le parcours du jeune.
Aujourd’hui,
nombreux sont
les adolescents
qui reviennent dans
les services de milieu ouvert ou
d’insertion de
la PJJ après avoir effectué ce type de parcours et il n’est pas rare de constater qu’il
n’a pas permis
une évolution durable et significative des adolescents.
Ce
temps perdu est un gâchis qui s’ajoute à
leur
stigmatisation. En effet, ce
type de parcours
,
à contre sens de la souplesse et de
l’individualisation des réponses
,
propres
à la spécificité de la justice des mineurs,
constitue une
difficulté à l’heure d’orienter les adolescents
.
Dorénavant,
leur
passage en CEF comme en EPM
constitue une carte de visite
les réduisant
à leur délinquance
et les étiquetant
comme des
adolescents très difficiles ou violents. Dès lors, leur orientation vers des dispositifs éducatifs
ouverts autres que ceux de la PJJ ou, simplement vers les dispositifs de droit commun devient une
mission quasiment impossible.
C’est pourquoi, nous souscrivons au constat fait en 2011 dans le rapport sénatorial sur les CEF et
les EPM qui relevait que « 

la non réitération ne peut être qu’un objectif a minima assigné aux CEF

 » et que « 
la réinsertion des mineurs dans un dispositif de droit commun à l’issue du
placement serait un indicateur plus performant

 ».
Mais pour cela,
une véritable étude
qualitative
des trajectoires d’adolescents sur la durée
s’impose,
étude
nécessairement
délestée de
tout enjeu politicien
.

Il est temps de rompre avec une politique qui instaure la mise à
l’écart de la jeunesse en difficulté. Cette mise à l’écart n’est que le
corollaire d’une exclusion sociale durable
subie par une partie de la
jeunesse de ce pays.

Il est temps
de porter
une véritable
ambition pour la jeunesse dans
toutes ses composantes au moment où celle-
ci est placée au centre
du discours politique.

Il est temps
d’emprunter une autre voie, celle
de l’éducation rien
que l’éducation
et ses risques inhérents.


Ceux-ci valent la peine d’être pris pour
garantir une efficacité sur le
long terme au lieu d’un affichage conjoncturel.

Parce que l’éducation ne peut se déployer que
hors les
murs, il est temps de mettre fin à la politique de
l’enfermement.

Paris
,
janvier 2013

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