Une tribune pour les luttes

Marseille, le 7 Avril 2013

Political Buisness
Critique de la relation consanguine Politique/Affaires.

Mohamed Bensaada

Article mis en ligne le dimanche 7 avril 2013

J’écris rarement en mon nom propre. Par humilité, par sens du collectif et par respect de mes camarades dont je formalise les idées, les convictions et les propositions.

Pourtant la colère qui m’anime au moment où je rédige ce billet vient des profondeurs les plus noires de ma conscience politique et… ce que j’ai à dire n’est pas forcément partagé par tous les membres de mon association. Ou en tout cas je ne trouve aucun moyen de «  randomiser » nos analyses concernant le sujet qui suit.

Le contexte politique actuel et les conséquences de l’affaire Cahuzac, nous oblige tous a réagir. A l’évidence les seuls à qui profite cette «  Berezina » se trouvent à l’extrême droite de l’échiquier politique. Ils ont d’ailleurs bien compris que plus ils étaient discrets et plus ils étaient susceptibles d’apparaitre comme une « alternative crédible au système ».

Mais revenons au cœur du problème, je crois pour ma part que le FN est le fossoyeur de la démocratie et qu’il ne prospère que sur la crise, l’ignorance et le déficit éthique de nos responsables. Le cœur du problème se situe dans la façon dont «  nous » faisons de la politique. La Vème République et l’omnipotence des partis politiques (les deux principaux) ont dévoyé, avec le temps, la mécanique du cursus qui mène au pouvoir. Le pouvoir est devenu une fin en soi et l’ambition l’unique moteur des carrières politiques. Carrières politiques qui tendent à être de plus en plus des professions à part entière. J’en veux pour preuve les résistances (doux euphémisme) que rencontre le projet de loi concernant le non cumul des mandats. Mais aussi la gloutonnerie obscène de celles et ceux qui s’obstinent à nous faire croire qu’ils/elles peuvent correctement faire leur boulot d’élu Local/Régional/National, siéger dans des commissions diverses et variées, statuer et prendre des décisions tout en répondant avidement aux sollicitations médiatiques sans risquer le «  nervous breakdown » qui devrait poindre au bout du deuxième mois de travail à un rythme de 142H hebdomadaire. Mais bizarrement, nos élus sont globalement en bonne forme physique, toujours souriants, frais et dispos contrairement à la majorité des français qui (pour ceux qui ont la chance d’avoir un travail) ne peuvent pas en dire autant sur leur santé physique et morale. Le pouvoir est donc devenu une fin en soi, aussi infinitésimal soit-il, sa simple conservation devient l’objet de focalisation unique de l’énergie de l’élu et de son équipe. Les programmes, les promesses électorales et les postures ne sont là que pour le «  décorum ». Le renoncement, le reniement sont devenues quasiment obligatoires dans la « check-list » du kit de survie politique électoral. Comment ne pas hurler de rage devant les promesses non tenues par Hollande et son gouvernement ? Comment ne pas être atterré par le flegme et l’apathie de notre premier ministre ? Comment ne pas être révolté par l’inconscience suicidaire et le sentiment d’invulnérabilité qui a du animé Jérôme Cahuzac lorsqu’il a accepté le maroquin qu’on lui offrait ? Parce que l’horreur est là, elle est dans cette impunité réelle ou supposée, dans cette façon qu’ont les «  puissants » à s’estimer au dessus de la loi, lors même que dans leurs bouches ils assènent au peuple les mots de République, de Démocratie et de justice continuellement. Sur le fond de l’affaire je n’ai pas grand-chose à rajouter sur le torrent de révélations qui nous entraîne dans un monde de connivence, de copinage et de corruption morale nauséabond. Non sur ça je reste cois, comme groggy en mesurant l’étendue des dégâts. Mais je souhaite tout de même « relativiser » cette histoire en réorientant le débat vers l’endroit où il doit être. A mon sens, ce n’est pas la «  fraude » qui est monstrueuse, 80 milliards d’€/an échappent au Fisc, Cahuzac n’est donc pas le seul en France à pratiquer ce sport. Ce qui est inouïe c’est que c’est que c’est le ministre du budget qui est pris la main dans le sac. Et ça, même les scénaristes les plus audacieux n’y avaient pas pensé ! Cahuzac l’a fait !

L’autre problème c’est le « Timing » de cette rocambolesque histoire. Hollande n’a été élu que par un extraordinaire concours de circonstances et le début de son mandat nous prouve à quel point cet homme n’avait que l’ambition pour programme. Tout ce qu’il fait n’est qu’hésitations, reniements, calculs médiocres et esquives. Il doit aussi sa place au fait que le fauteuil été occupé avant lui par un autre danger public notoire et que c’est le rejet de Sarkozy, de Fillon et des affaires Woerth, Bettencourt, Karachi…qui a décidé une partie des français à se détourner des gesticulations épileptiques de notre ancien président. Il ne le doit qu’à ça et a rien d’autre !!! Les Français, durement impactés par la crise avaient un besoin physique d’exemplarité, de probité, d’intégrité, cette fameuse République exemplaire dont François Hollande s’était fait le champion. En lieu et place nous avons la République des Tartuffes ! Une République implacable à l’égard du citoyen lambda, terrible pour le «  voleur de poule », accusatrice et pleine de reproches contre les sans emplois, les sans papiers, les sans droits et pleine de tendresse de compréhension et de complaisance à l’égard des grands, des forts, des puissants. Cela ne peut plus durer ! Cela ne doit pas durer !

Je me permets une petite digression pour replacer cette invraisemblable affaire dans son contexte si singulier pour la plupart et si familier pour certaines sphères décisionnels. C’est la diversité des protagonistes de cette histoire qui me laisse pantois : il y’a la boite vocale d’un élu RPR/UMP, le « socialiste » Cahuzac et le très à droite Penninque (FN/ex GUD)… cet attelage baroque pourrait nous faire sourire, mais il est symptomatique des dérives structurelles de notre façon de faire de la politique et de la relation de subordination directe qui existe entre le monde des affaires et le monde politique ! D’ailleurs le refrain du FN « Tous Pourris ! » et en passe de se substituer au triptyque républicain tant il est repris à la cantonade par les éditocrates de tout bord. Mais je tiens à rappeler le paradoxe de la poule qui a pondu l’œuf et qui se met à hurler. Les dirigeants et les cadres du FN sont amusants de par leur manque total de recul et d’autocritique. Les Le Pen père/fille/petite fille sont les premiers à cracher sur les institutions de la Vème République et l’Europe, pourtant leurs mandats successifs et simultanés (cumul des mandats quand tu nous tiens !) les ont fait prospérer plus que de mesure, de même que les sordides histoires d’héritages. Jean Marie et Marine vouent aux gémonies le parlement européen, mais s’y font élire n’y siègent quasiment pas et y perçoivent des émoluments conséquents. Le système démocratique actuel est hautement corrosif et les cadres du FN sont eux aussi des « pros » de la politique, sans formation pour la plupart, ce qui explique l’ascension fulgurante de personnalités au profil étrange, dont la compétence est inversement proportionnelle à leur énervement. Ce qui contrecarre indubitablement la logique du «  Tous Pourris ! » c’est l’existence d’alternative à la gauche du PS, ce que j’appelle personnellement « La Vraie Gauche », on constatera son absence systématique des scandales politico-financiers et sa présence systématique dans les luttes sociales, la solidarité et le rehaussement du débat politique. Mais cette « déclaration d’amour » s’accompagne d’une mise en garde : Dans les quartiers et ailleurs beaucoup de monde considère que le ralliement au second tour des «  forces de Gauche » est incompréhensible ! On ne peut pas passer notre temps à critiquer le PS et la gauche gestionnaire, tout en appelant à voter aux seconds tours pour ceux que nous critiquions la veille ! Nous devons y réfléchir, nous devons mettre en place un cordon sanitaire politique et ELECTORAL autour du PS, tant que celui-ci ne changera ni de méthode de fonctionnement, ni d’orientation politique !

Mais revenons au sujet principal, je suis un psychologue de bazar, et j’ai une tendance naturelle à l’empathie. Qu’est il passé par la tête de Cahuzac lorsque le ministère lui a été proposé ? Ne se souvenait il pas des squelettes qu’il avait dans ces placards ? Je crois que oui, mais les ors de la République et le pouvoir qui en suinte ont dû exercer une attractivité irrépressible. Et puis une fois ministre ou secrétaire d’état qui peut vous atteindre ? D’ailleurs continuons ensemble sur cette veine là de la psychologie de bazar. Le pouvoir est grisant, à tous les niveaux, Président de la République ou président de l’entente bouliste de la Saint Glinglin, les mêmes ressorts mentaux peuvent être mis en évidence chez l’un comme chez l’autre. C’est l’échelle qui est différente et l’impact des décisions qui n’est pas la même. De l’échelon national, descendons aux affaires locales.

J’ai appris que notre inénarrable président du conseil général des Bouches-du-Rhône avait fait voter la prise en charge de ces frais de justice par le conseil général et donc par le contribuable ! Je rappelle, pour ceux qui ne le savent pas que Jean-Noël Guérini est mis en examen depuis le 5 mars 2013 pour « détournement de fonds publics », mais aussi depuis le 8 septembre 2011 pour «  complicité d’obstacle à la manifestation de la vérité », « prise illégale d’intérêts », « trafic d’influence » et « association de malfaiteurs en vue du trafic d’influence et recel de trafic ». Une question me vient à l’esprit, ce matin là en se rasant JNG s’est dit tiens je vais me faire payer mes frais de justice, c’est une bonne idée ça, non ? Un de ses conseillers expert en flagornerie a dû lui dire que c’était génial ! Le groupe PS et affiliés du CG13 s’est surement réuni pour un débrief… et personne n’a pu dire : non Président ce n’est pas possible, les Français nous regardent, les Marseillais sont à bout, le FN n’attend que ça, nous ne pouvons pas ! Non personne ne lui a rien dit, même ses opposants PS se sont juste abstenus !!! Je crois que même ma psychologie de bazar ne peut rien pour eux, il y’a là une urgence psychiatrique à résoudre et vite ! La folie s’est elle emparée du PS local ? Je le crois, qu’est ce qui expliquerait autrement que malgré les affaires Cahuzac, Andrieux, Guérini, Bettencourt, Woerth et Sarkozy en cours une assemblée saine d’esprit puisse sortir une résolution pareille ??? La présomption d’innocence ? Soit, mais pourquoi celle-ci ne semble revêtir un caractère sacré que lorsqu’il s’agit de personnalités du spectacle ou de la politique ? Pourquoi lorsque des gosses de nos quartiers se font faucher par des rafales de mitraillettes, peu nombreux sont celles et ceux qui les considèrent comme victimes et pas comme coupables ayant reçu un juste châtiment ??? La présomption d’innocence est un droit inaliénable, mais elle n’a de sens que si elle est systématiquement invoquée ! La présomption d’innocence est dévoyée, c’est une arme de plus pour celui qui en a les moyens pour gagner du temps, organiser sa défense, se faire oublier des médias et des citoyens (Tiberi, Balkany…). La présomption d’innocence est une prostituée de luxe que seuls les riches et les puissants peuvent se payer ! Poujade me voilà ? Non surement pas, mon discours n’est pas anti élite, mon propos ne vise qu’a rétablir l’égalité, la justice sociale et à faire entendre un autre son de cloche que celui de cette ineptie individualiste qui coupe les élites du peuple et le peuple des élites. L’élite de la République n’a de sens que si elle consacre toute son énergie au bien être du peuple (pour ne pas utiliser le mot révolutionnaire de bonheur). Cette élite n’a de légitimité que si elle est directement issue dudit peuple. Elle doit se remettre à réfléchir à son statut, à sa condition et a sa fonction. Les élus doivent garder à l’esprit que la politique n’est pas une carrière, une aubaine professionnelle ou un tremplin social ! La représentation doit porter dignement son nom et même si le mandat impératif n’existe pas, elle doit se consacrer à remplir les conditions du pacte social qui la lie au peuple ! Ces questions sont ardentes, nos concitoyens ne souffrent plus les atermoiements et les reculades, l’heure de la Justice sociale est arrivée. A défaut du « changement, c’est maintenant ! » nous réclamons la «  justice pour tous, Maintenant ! », « l’Egalité pour tous, Maintenant ! ».

La République doit se débarrasser de ces privilèges, de ces passe-droits, de ces injustices, elle ne peut pas simplement détourner le regard et feindre l’ignorance. La République doit se débarrasser de ces oripeaux de la monarchie pour être définitivement égalitaire, définitivement juste. Sans cela, Saint Just aura toujours raison : « on ne peut régner (ou gouverner) innocemment ! ».

BENSAADA Mohamed

Marseille, le 7 Avril 2013

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