Une tribune pour les luttes

Roms à Marseille : un témoignage sans angélisme aucun

Par Jean-Christophe Marti

Article mis en ligne le dimanche 7 avril 2013

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J’habite à Marseille, quartier de la Belle de Mai, précisément la butte Saint-Mauront. C’est, selon les statistiques, le quartier le plus pauvre de France, un des plus défavorisés d’Europe. A 50 mètres de chez moi sur le boulevard Plombières, sous les autoroutes A7 et A 55 comme vers la Porte d’Aix et sur le secteur des Puces aux Arnavaux, des familles Roms vivent depuis 2010 l’enfer des persécutions orchestrées par la Mairie et par l’Etat : destructions des habitations et des biens personnels, expulsions quels que soient la saison, l’heure ou la présence de bébés, harcèlements en tous genre, pelleteuses pour retourner les terrains. Comme si cela ne suffisait pas, la municipalité, la police et la presse imbécile de la droite locale (La Provence par exemple) distillent en permanence le venin stupide, celui du consensus-qui-se-passe-de-toute-réflexion : il y a un "problème Rom" évident, criant, manifeste, ces gens qui refusent toute intégration, sont des voleurs, etc.

Sachez cependant que les problèmes de Marseille, bien réels, peuvent se hiérarchiser sommairement comme suit : 1) Corruption séculaire des dirigeants politiques, liés à la mafia et au grand banditisme depuis au moins 80 ans. Voyez rien que ces jours-ci les procédures Guérini, le procès Andrieux, l’affaire des policiers ripoux de la Bac Nord, l’arrivée en fanfare de Tapie… Et le clientélisme éhonté, la spéculation immobilière désastreuse, le surendettement délirant de la ville orchestré par Gaudin, j’en passe. 2) Absence totale, en conséquence, de politique urbaine un tant soit peu cohérente. Les énormes ou minuscules travaux qui durent des années et des années masquent ce désastre structurel. 3) En conséquence, un retard d’au moins 40 ans sur toutes les infrastructures intercommunales et les services collectifs (transports régionaux, gestion des déchets, pollution, politique du logement, financement du tissu économique, espaces verts, lieux culturels, sportifs) : comparez à Toulouse, Lyon, et même Bordeaux ! à Nantes, Lille, et même Montpellier ! 4) Un chômage terrifiant, plus de 40 % dans certains quartiers, d’où une économie parallèle et un travail au black qui touchent tous les secteurs d’activité, pas seulement la drogue : allez payer normalement un artisan à Marseille — je vous parle du bon artisan français avec sa jolie société inscrite au Registre du Commerce : bon courage ! Et allez voir dans les restaus sympas du Vieux Port ou sur les chantiers d’Euromed, dirigés par de bons entrepreneurs marseillais, qui travaille avec un vrai contrat et des papiers en règle ?

5) Et pour masquer tout ça, le racisme, le bon vieux racisme aveugle, angélique, qui refuse en bloc de comprendre l’histoire de cette ville, industrielle-coloniale, liée organiquement à l’Algérie bien avant 1962, tout autant à la Corse, à l’Italie qu’à certains pays d’Afrique, aux Comores, etc. Les déclins industriels, les abandons et délabrements urbains de Marseille, dont le patronat local est l’évident responsable principal depuis 3 ou 4 générations, seront-ils masqués par la constitution en toute hâte du masque cosmétique d’une ville-étape pour croisières de rêve ? à voir.

Les Roms dans tout ça ? Les derniers venus, ceux sur qui tout le monde s’entend pour taper, jusque dans les quartiers misérables du Nord de la ville.

Cambriolé une fois en 2 ans (une bonne moyenne), l’ai-je été par des Roms ? ben non ! Ma voiture brûlée en décembre : par des Roms ? ben non ! Mes problèmes quotidiens à Marseille, la faute aux Roms ? Mille fois non, évidemment ! Et je serais bien con de croire en une diversion pareille !

Les Roms, minorité infime et population des plus vulnérables, ne posent rigoureusement aucun problème à cette ville que l’on ne puisse résoudre avec un petit peu de bon sens et de moyens. Ils sont simplement bien pratiques en ce moment pour "expliquer" la merde dans laquelle la France s’enfonce. Cette merde, elle dégouline d’ailleurs et de bien plus haut que des campements Roms.

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