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Réforme des rythmes scolaires : est-ce bien utile ?

collectif rhizome-3type

Article mis en ligne le jeudi 11 avril 2013

Réforme des rythmes scolaires : est-ce bien utile ?

Jean-Michel Calvi

Je résumerais assez ce projet de réforme du gouvernement : comment se tirer une balle dans le pied pour vraiment pas grand-chose. Le ministre de l’Education se met à dos tout le monde pour un changement de rythme qui ne changera pas les raisons principales de l’échec scolaire.

Comment faire croire que 45 mn de moins par jour en ajoutant le mercredi matin va permettre aux enfants d’être mieux à l’école ? Sur le terrain (dans la région lyonnaise), la proposition est de travailler de 8 H 30 à 12 H le matin et de 14 H 30 à 16 H 15 l’après-midi. Rallonger la pause méridienne, qui part d’un bon sentiment par rapport aux rythmes biologiques, pose bien plus de problèmes qu’elle n’en résout et peut même allonger la journée pour certains enfants. Et comment avoir la certitude que les communes pourront proposer des animations périscolaires de qualité, avec des animateurs formés qu’elles ont déjà du mal à trouver, ceci dans une certaine précipitation et avec des budgets qui explosent déjà et que toutes les communes sont bien obligés de brider ?

Quel que soit le rythme scolaire choisi, ce qui compte, c’est ce qu’on fait de ce temps à l’école. La journée pourrait bien faire seulement 3 heures, elle serait toujours trop longue pour des enfants transformés bon gré mal gré en élèves-objets, à qui on demande d’ingurgiter passivement un programme de connaissances défini et imposé, suivant un rythme imposé, suivant un synchronisme des apprentissages imposé, suivant une démarche cognitive imposée à tous.

L’école n’a pas besoin dans l’immédiat que l’on bricole les rythmes scolaires. Elle a besoin d’air et de liberté. Elle étouffe par des programmes qu’il faut à tout prix finir chaque année et qui empêchent une acquisition durable pour une grande majorité des enfants. Elle étouffe par ses évaluations qui n’évaluent rien de probant tout en stressant enfants et enseignants et en leurrant parents et enfants sur le bilan réel des acquisitions. Elle étouffe par une infantilisation des enseignants par le système des inspections, par d’incessantes notes de service, par les instructions d’accompagnement des programmes qui finissent par réduire à zéro cette liberté pédagogique dont tout le monde se gargarise mais que fort peu utilisent. Elle étouffe par un entassement des enfants dans des groupes scolaires trop grands, coupés du reste du monde et en premier lieu de leur milieu environnant. Elle étouffe par la négation de toute singularité. Elle étouffe par manque de sens. Elle étouffe par un conformisme séculaire, plombée qu’elle est par le rôle qu’on lui a fait joué dans la construction de la nation et d’un peuple éduqué pour être au service d’une organisation capitaliste de la société, rôle qu’on continue à lui faire jouer en se cachant derrière de belles formules. Elle étouffe car elle n’est pas un système vivant.

Le ministre veut refonder l’école et commence par une réforme des rythmes ridicule et inefficace. Refonder, comme le nom l’indique, demanderait vraiment de reconstruire cette école sur d’autres fondations. Les fondations actuelles sont l’individualisme et la compétition, à l’image des fondations de toute notre société. Je vois mal un ministre de la République s’attaquer à ces deux piliers. Alors on se contente de réformes qui ne changeront rien, et qui ne supprimeront surtout pas l’échec scolaire, puisque celui-ci est une incidence normale, inévitable, systématique de l’individualisme et de la compétition. Mais, tout de même, le minimum serait de changer les programmes (faute de les supprimer), de tout faire pour que soit réel un fonctionnement par cycle, et donc d’inciter fortement à la constitution de classes de cycle, d’arrêter ces évaluations nationales et de donner la possibilité et les moyens aux enseignants de réfléchir vraiment à leur action quotidienne et d’oser la rénover, en liaison avec les parents.

En attendant tout ça, pourquoi les enseignants ne prennent pas toute leur responsabilité ? Au lieu de battre le pavé et de donner une image (réelle ou pas) de réactionnaires forcenés et frileux, il faudrait qu’ils osent changer leur pratique quotidienne, qu’ils mettent programmes et évaluations au placard et fassent entrer la vie dans leurs classes, dans les couloirs, dans les têtes. Il n’y a que vous, enseignants, qui puissiez arrêter cette entreprise de formatage mortel qu’est l’école actuelle. Il n’y a que vous qui puissiez refonder l’école, la changer radicalement. Et pourquoi ne pas commencer par s’inscrire sur RHIZOME et donner la possibilité aux enfants de vos classes d’échanger avec d’autres, et ainsi mettre le doigt dans l’engrenage merveilleux d’un mouvement d’information qui induira ce changera radical ?

Et si cette réforme des rythmes est appliquée, augmentant les temps périscolaires sous la responsabilité des communes, agissons pour que le 3type (voir les autres articles et le projet de ce blog, lire les livres indiqués dans la bibliothèque…) entre dans ce périscolaire en s’impliquant auprès des municipalités dans la définition des activités, l’aménagement des locaux, la formation des animateurs et surveillants, l’ouverture à l’ensemble des structures communales, aux associations, aux artisans…, toutes personnes pouvant être ressource au service des projets des enfants. Un PEL (Projet Educatif Local) 3type dans toute les communes, voilà qui aurait de la gueule !

source :http://praticiens-chercheurs.3type.org/2013/01/la-reforme-des-rythmes-scolaires/

voir les livres au local de la médiathèque Mille Babords.

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