Une tribune pour les luttes

Le médiateur de Pôle emploi prié de se taire

Par Robert Crémieux

Article mis en ligne le samedi 4 mai 2013

M. Walter, taisez-vous ! C’est le sens du communiqué publié par l’Unédic le 26 avril après la publication du rapport du médiateur de Pôle emploi. Après avoir rappelé tout le bien que l’on doit penser d’elle-même et des bienfaits qu’elle répand sur les chômeurs ingrats, l’organisme paritaire gestionnaire de l’assurance chômage conclut :

« …l’Unédic s’étonne de l’avant-propos du rapport et souhaite qu’à l’avenir les constats généraux fassent l’objet d’une argumentation plus étayée. »

(voir le communiqué sur le site de l’Unédic http://www.unedic.org/actualite/le-... )

Qu’en élégante langue de bois ce rappel à l’ordre est dit ! La raison de ce courroux des partenaires sociaux ? Pour commencer, dans son rapport annuel, le médiateur faisait état de constats critiques sur le fonctionnement de l’assurance chômage. Constats pour lesquels il est aux premières loges puisqu’il recense les recours qui lui sont soumis par les chômeurs. Recours dont le nombre est en constante augmentation malgré – c’est le médiateur qui le souligne – le fait que de nombreux inscrits à Pôle emploi ne s’adressent pas à lui, faute de connaître son existence : « Sans communication, on traite déjà plus de 20.000 dossiers.
( interview au journal Les Echos du lundi 15 avril 2013 http://www.lesechos.fr/journal20130...)

Il faut dire que, non content de rendre un rapport critique, M. Walter s’épanche dans la presse et plus particulièrement dans le journal Les Echos, que l’on lit beaucoup au Medef. Le constat qu’il dresse est pourtant d’une banalité à pleurer, notamment pour les associations de chômeurs qui s’époumonent à dénoncer la zone de non droit née de la réglementation Unédic. Même les rapports officiels s’empilent sur le sujet, sans résultat :

«  Les recours contentieux se multiplient. Le rapport du Sénat donne comme indication le chiffre de 10 000 recours engagés devant les juridictions administratives par les chômeurs. »

( voir le chapitre du rapport 2011 du MNCP : « INSECURITE JURIDIQUE / Les chômeurs ont-ils des droits ? » p. 33 ou encore : MEDIATEUR DE PÔLE EMPLOI / Quel rôle pour la médiation ? p. 42 / sur le site du MNCP http://mncp.fr/Accueil/)

Il faut dire aussi, et là on entre dans le dur, que M. Walter suggère que le problème ne vient pas de simples dysfonctionnements ou d’une simple situation conjoncturelle créée par l’afflux actuel de chômeurs. Non, face aux problèmes d’indemnisation, de précarité, de radiations, il faut tout revoir. Mieux former les agents de Pôle emploi pour appliquer la réglementation Unédic ? Non :
« C’est un peu facile. C’est une usine à gaz. Il est indispensable de simplifier les règles. »
(interview au journal Les Echos)

Là, ses anciens camarades partenaires sociaux de l’Unédic s’étranglent. Voilà que l’un des leurs, ancien syndicaliste CFE-CGC et négociateur des précédentes conventions Unédic d’assurance chômage se met à jouer les honnêtes hommes et crache dans la soupe :
«  Plus globalement, la complexité de la réglementation de l’Unedic, à laquelle d’ailleurs j’ai sans doute contribué et dont je porte donc une part de responsabilité, est un problème majeur auquel il faut s’attaquer. »
(interview au journal Les Echos)

L’Unédic ne s’y est donc pas trompée. Alors que dans les prochains mois s’ouvrent des négociations pour une nouvelle convention chômage, dans un climat social explosif, c’est un connaisseur qui apporte de l’eau au moulin des propositions faites par les associations de chômeurs, exclues de ces négociations depuis toujours, même si les partenaires sociaux ont été récemment obligés de les «  consulter  » pour la forme.

Depuis des années ces négociations ont servi de banc d’essai pour le modèle social de l’ANI « sécurisation de l’emploi  ». Un paritarisme de façade permet au Medef une majorité quasi automatique qui permet la conclusion d’un accord selon la volonté patronale, enrobé de quelques précautions de langage pour faire passer la pilule, et que le gouvernement s’empresse de faire reconnaître au Parlement. Nombreux étaient ceux qui parmi les syndicats et les partis de gauche, aujourd’hui opposés à l’ANI « sécurisation de l’emploi », ont ri au nez des associations de chômeurs. C’est aujourd’hui aux salariés de faire les frais d’une méthode rôdée sur le dos des chômeurs, initiée par le Medef au début des années 2000. Le patronat appelait ça la «  refondation sociale  ». On en reparlera sans doute à partir du 15 juin et le départ de la Marche sur Paris pour des mesures d’urgence à prendre à Pôle emploi et ailleurs.

Robert Crémieux

02 mai 2013

Source http://blogs.mediapart.fr/edition/p...

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