Une tribune pour les luttes

L’utilisation des Taser et Flash-Ball dénoncée.

Rapport du Défenseur des droits sur l’utilisation par la police et la gendarmerie de trois moyens de force intermédiaire (le pistolet à impulsions électriques de type Taser x26®, le Flash-Ball superpro®, le lanceur de balles de défense 40x46)

Article mis en ligne le vendredi 31 mai 2013

http://www.defenseurdesdroits.fr/sinformer-sur-le-defenseur-des-droits/linstitution/actualites

Le rapport

Extraits :

"Le nombre de ces armes en dotation parmi les forces de l’ordre, la gravité des dommages corporels parfois occasionnés, le retentissement médiatique de certaines affaires, les recommandations précédemment émises sur le cadre théorique d’emploi de ces armes et les pratiques constatées, ont conduit le Défenseur des droits à rédiger un rapport général sur leur utilisation par la police nationale et la gendarmerie nationale, ainsi qu’il l’avait précédemment annoncé. Ce rapport s’inscrit dans le cadre de l’article 25 de la loi organique no 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits, selon lequel le Défenseur des droits a le pouvoir de « faire toute recommandation qui lui apparaît de nature à garantirle respect des droits et libertés de la personne lésée et à régler les difficultés soulevées devant lui ou à en prévenir le renouvellement."

A travers ce rapport, le Défenseur des droits souhaite porter un regard objectif et éclairé sur l’utilisation de ces armes, aujourd’hui, en France. Il veut ainsi contribuer, non seulement à l’information du grand public, qui n’a accès ni aux textes posant le cadre d’emploi de ces armes, ni à leurs caractéristiques techniques et données d’utilisation, mais également poursuivre sa collaboration à l’évolution de l’utilisation et de la formation à l’usage de ces armes, dont les cadres d’emploi sont ponctuellement révisés
par les directions générales de la gendarmerie nationale et de la police nationale, toujours dans le sens d’une plus grande précision et protection de l’intégrité physique des citoyens."

"Ce rapport comprend, pour le Taser X26®, puis pour les deux lanceurs de balles de défense, une présentation de leur fonctionnement et cadre d’emploi, leurs données d’utilisation, et enfin la synthèse des principales décisions et recommandations de la CNDS et du Défenseur des droits, mais également de nouvelles recommandations générales visant à mieux encadrer le recours à ces moyens de force intermédiaire"


Les utilisations irrégulières des Taser et Flash-Ball dénoncées

Par Laurent Borredon

Le Monde.fr | 28.05.2013

Les Taser et les Flash-Ball ont beau être des "armes non-létales", selon leurs fabricants, ils n’en restent pas moins des armes, dont l’usage est désormais courant chez les policiers et les gendarmes. Pour la première fois, le défenseur des droits a donc décidé de consacrer un rapport général sur ces "moyens de force intermédiaire", rendu public mardi 28 mai. "Le recours à ces armes, assimilé à l’usage de la force, est soumis à une exigence de stricte nécessité et proportionnalité", rappelle le défenseur, qui est régulièrement saisi d’abus, de mauvaises utilisations et de dérapages.

La liste est édifiante, et ne relève pas toujours de dérives individuelles. Certes, ce policier qui a utilisé le Taser, pistolet à impulsion électrique, en mode contact – il a alors un effet paralysant localisé puissant – n’a pas été tout à fait franc lorsqu’il a évoqué l’"attitude hostile" de la personne qu’il souhaitait interpeller. "L’attitude hostile de la personne s’était en réalité manifestée par le fait de relever ses couvertures et de s’asseoir sur son lit", note malicieusement le rapport.

Mais, de manière plus générale, le texte dénonce le développement d’un usage de confort des Taser en mode contact pour faciliter des interpellations et des menottages. Chez les gendarmes, le nombre d’utilisations dans ce cadre est passé de 223 à 360 entre 2009 et 2012, et chez les policiers, de 161 à 229 entre 2010 et 2012. Le ministère de l’intérieur les encourage : il estime l’utilisation du Taser "moins dangereuse pour l’intégrité physique de la personne qu’une intervention physique des fonctionnaires de police et des militaires de la gendarmerie".

DES "RECOURS IRRÉGULIERS OU DISPROPORTIONNÉS"

Dans l’un des cas cités, le Taser a été utilisé par un gendarme pour permettre d’entraver les jambes d’un homme... déjà menotté et touché par trois tirs. Le tout sous le regard passif de cinq militaires et d’un policier municipal, qui auraient pu, plutôt, "contribuer à la maîtrise de la personne", note le défenseur.

Dans le cadre des interpellations, l’arme continue à être utilisée pour calmer des individus agités, sous l’influence de l’alcool ou de la drogue, alors que ces états "sont susceptibles de réduire, voire annihiler, les effets (...) ou encore de décupler l’état d’énervement de la personne qui en fait l’objet". Le défenseur insiste donc sur un "strict encadrement de l’utilisation du Taser" : "Le fait de recevoir une forte décharge d’électricité conduit à une douleur localisée très intense, ainsi qu’à un traumatisme psychologique et une atteinte à la dignité humaine."

Le défenseur dénonce également les "recours irréguliers ou disproportionnés" aux lanceurs de balles de défense – le Flash-Ball –, qui permet de "riposter instantanément à une agression", et le LBD, une "arme de neutralisation", qui réclame un tir plus cadré. Leur usage est essentiellement policier, et il augmente : 2 573 munitions tirées en 2012, contre 2 224 en 2010.

Les gendarmes le réservent aux stricts cas de légitime défense. Pas toujours très stricts, d’ailleurs : en 2011, un enfant de 9 ans a été gravement blessé à l’œil à Mayotte. Le militaire, casqué et vêtu d’un gilet pare-balles, assure qu’il voulait protéger son camarade : le jeune garçon aurait voulu jeter une pierre. Le problème, c’est qu’il est le seul à avoir vu le danger – qui ne pesait pas lourd, 24 kg pour 1,35 m.

"DOMMAGES COLLATÉRAUX"

Le principal souci des lanceurs réside dans la difficulté de les utiliser en toute sécurité. Actuellement, les policiers et les gendarmes ne doivent pas viser au-dessus des épaules, et il est demandé aux seuls policiers d’éviter le "triangle génital", et aux seuls gendarmes de ne pas tirer dans la zone du cœur. Or, ces armes sont imprécises, notamment le Flash-Ball : dans le cas de Mayotte, l’expert a constaté un écart maximal de 34 cm du point visé, pour un tir de 11 m. Le LBD, réputé plus performant, pose des problèmes récurrents de réglages.

Le défenseur essaie de grignoter, petit bout par petit bout, leurs possibilités d’emploi. Il recommande ainsi de cumuler les interdictions de visée des policiers et des gendarmes, ce qui ne laisse plus grand chose à cibler au-dessus des genoux. Il souhaite proscrire leur usage lors des manifestations, vu le risque de "dommages collatéraux", et pour sécuriser les contrôles d’identité et les contrôles routiers, "notamment en raison de la distance à laquelle se situe le porteur de l’arme des personnes contrôlées, généralement inférieure à sept mètres". Le défenseur cite, là encore, un exemple – un policier qui "trébuche" et tire "involontairement" dans la poitrine de la personne contrôlée, à deux à trois mètres de distance. Bilan : "de sévères contusions cardiaque et pulmonaire, nécessitant quinze jours d’hospitalisation, en réanimation puis en cardiologie". Le policier avait ôté, préventivement, la sécurité.

Au fond, le défenseur se montrerait plutôt favorable à une interdiction de ces armes. Mais il doit se montrer pragmatique devant le refus des policiers de les remettre en cause. Un refus qui confine parfois à la mauvaise foi. Lorsqu’un jeune homme avait perdu son œil à la suite de tirs de Flash-Ball au jugé sur des manifestants, en 2009, le ministère de l’intérieur avait refusé d’envisager des sanctions disciplinaires. Il convenait de tenir compte des "spécificités de la Seine-Saint-Denis", jugeait alors la Place Beauvau.

Laurent Borredon

http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/05/28/les-utilisations-irregulieres-des-taser-et-flash-ball-denoncees_3419504_3224.html?xtmc=les_usages_irreguliers_du_flash_ball&xtcr=2

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Vos commentaires

  • Le 29 mai 2013 à 17:12, par Christiane En réponse à : Rapport du Défenseur des droits sur l’utilisation par la police et la gendarmerie de trois moyens de force intermédiaire (le pistolet à impulsions électriques de type Taser x26®, le Flash-Ball superpro®, le lanceur de balles de défense 40x46)

    L’utilisation du pistolet à impulsions électriques est en nette augmentation en 2012 : +26% pour la police et +30% dans la gendarmerie. Dominique Baudis recommande une prudence accrue lors de l’utilisation de ces armes, mais aussi davantage de formation pour les gendarmes et les policiers amenés à s’en servir.

    D’après le Défenseur des droits, le Taser est trop souvent utilisé en dehors des situations de légitime défense, comme ça devrait être le cas. Par solution de confort, les policiers et gendarmes l’utilisent pour faciliter les interpellations et le menottage. Ça leur évite d’avoir à se battre.
    Le rapport pointe aussi des cas extrêmes, comme cet homme déjà à terre, menotté, qui a reçu 3 tirs et sur qui on s’acharne avec un Taser simplement pour immobiliser ces jambes. Dominique Baudis ne veut plus de cela. Il recommande de :
    - ne plus utiliser de Taser à bout touchant, directement sur la peau, lors d’un menottage ou d’un contrôle d’identité par exemple ;
    - étendre aux policiers l’interdiction d’utilisation pour des opérations de maintien de l’ordre qui vaut déjà pour les militaires de la gendarmerie ;
    - présenter systématiquement la personne qui a subi une décharge électrique à un médecin ;
    - proscrire les armes qui ne possèdent pas de caméras ; et instaurer un enregistrement sonore et vidéo des interventions ;
    - et améliorer la durée de formation des policiers notamment.

    Par ailleurs, le Défenseur des droits plaide pour l’arrêt de l’utilisation du Flash-ball, jugé pas assez précis et donc trop dangereux.

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