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Amina enfin libre mais pas encore acquittée !

+ La situation en Tunisie au 31 juillet, Entretien avec Nejib Sellami, syndicaliste UGTT de l’enseignement secondaire et militant du PPDU (Front populaire)

Article mis en ligne le jeudi 1er août 2013

Amina Sboui, au tribunal de Sousse, en Tunisie, le 4 juillet 2013.



La situation en Tunisie au 31 juillet

SELLAMI Néjib, BARON Alain

31 juillet 2013

http://www.internationalistes13.org/article-la-situation-en-tunisie-au-31-juillet-119350239.html

Entretien avec Nejib Sellami, syndicaliste UGTT de l’enseignement secondaire et militant du PPDU (Front populaire)

Une vague de mobilisation de grande ampleur

Le mouvement dans le pays est très important. Toutes les nuits, des manifestations ont, notamment lieu un peu partout dans le pays.
Un gigantesque sit-in a eu lieu, par exemple, la nuit du mardi 30 juillet au Bardo, devant l’Assemblée nationale, avec environ 50 000 participants. Etaient notamment présents le Front populaire, l’UGTT, ainsi que d’autres partis.
Simultanément se tenait un peu plus loin le rassemblement d’Ennahdha qui regroupait entre 10 à 15 000 personnes.
Il s’agit de la vague de mobilisation la plus importante que le pays ait connu depuis deux ans et demi. Par son ampleur et sa durée, elle rappelle un peu la période de la mi-janvier 2011 lorsque Ben Ali avait été chassé du pouvoir.
Nous sommes en période de congés scolaires, et les enseignants sont dispersés dans l’ensemble du pays. Un grand nombre de syndiqués s’implique dans les discussions ayant lieu dans les locaux de l’UGTT là où ils sont en congés. Ils ne peuvent pas se mettre en grève, mais ils sont peut-être plus mobilisés que si ils n’étaient pas en vacances.
Beaucoup pensent d’ailleurs, qu’en ce moment, les mouvements de rue sont plus efficaces que les grèves.

Dans pas mal de régions, la population demande le renvoi du gouverneur (l’équivalent en France des préfets). C’est la mise en œuvre du mot d’ordre de dissolution des autorités régionales de l’Etat. (1)
Le siège du gouvernorat de la région de Sidi Bouzid est par exemple bloqué par la population, et le gouverneur ne peut plus entrer dans les locaux. Des situations semblables existent à Siliana, au Kef, à Sfax, etc. Il en va de même dans plusieurs délégations (sous-préfectures), notamment dans les régions de Sidi Bouzid et Sfax.
Pour l’instant, les responsables ne pouvant plus accéder à leurs bureaux sont officiellement toujours en place, et personne n’a été mis à leur place. (2)

L’assassinat de 9 soldats le 29 juillet par des terroristes islamistes dans la région du Mont Chaambi (3) (vers la frontière ouest avec l’Algérie) a traumatisé le pays.
Deux bombes ont récemment éclatées dans la région de Tunis : samedi 27 au matin contre un véhicule de la police maritime à La Goulette, et ce matin (mercredi 31 juillet) dans la banlieue sud-ouest de Tunis. Cette dernière était visiblement destinée à faire sauter un véhicule des gardes mobiles, car elle a été déclenchée quelques instants avant l’arrivée de l’un d’entre eux. On suppose donc maintenant que les terroristes ciblent les forces de l’ordre. La population s’inquiète, car ces bandes armées commencent à s’implanter partout, y compris même à Tunis. La peur se répand que de telles bombes éclatent sur les places publiques, dans les supermarchés, etc. Cela complique la situation en Tunisie.

Ennahdha refuse de dissoudre le gouvernement

Le Premier ministre a déclaré lundi 29 que ceux qui demandent la dissolution du gouvernement ne sont qu’une minorité d’anarchistes. Il a ajouté que le gouvernement allait continuer à accomplir ses tâches car c’est un gouvernement élu par le peuple, et qu’il n’y avait donc pas de raison pour qu’il arrête ses activités.
Il y a eu un petit changement mardi 30 où le bureau exécutif d’Ennhadha a proposé aux autres partis la formation d’un gouvernement d’union nationale. Ce serait un simple remaniement : certains des ministres actuels seraient remplacés par d’autres.

Mais le Front populaire et d’autres partis, l’UGTT, les associations dont la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, l’UTICA (patronat) ne veulent pas de cela. Ils demandent :

La dissolution totale du gouvernement actuel et la mise en place d’un gouvernement indépendant de tout parti ;
La révocation de responsables nommés par Ennahdha parmi ses membres ou ses proches, et occupant des postes clés au sein des structures de l’Etat ainsi que dans les entreprises publiques. Il s’agit notamment de gouverneurs de régions, de responsables du Ministère de l’Intérieur, d’ambassadeurs, de consuls à l’étranger, etc. ;
La dissolution des milices islamistes, dont les « Ligues de protection de la révolution », et la traduction devant la justice de leurs membres ayant commis des violences.

Les seuls partis acceptant de gouverner éventuellement avec Ennahdha sont les satellites d’Ennahdha : par exemple le CPR et des partis qui en sont issus comme le parti Wafa. Ces partis n’ont aucune crédibilité.
Même Ettakatol (4) demande maintenant un gouvernement indépendant des partis !

Deux différences importantes avec les situations passées

Après l’assassinat de Chokri Belaïd, le Premier ministre Jebali avait réussi à démobiliser la population en annonçant la dissolution de son gouvernement pour mettre en place un gouvernement « de technocrates ». Ce n’est qu’une semaine ou deux plus tard que la population s’est rendu compte que cette initiative de Jebali n’était qu’un calmant pour faire retomber la mobilisation.
De plus, certains partis comme Joumhouri (ex-PDP de Chebbi), qui étaient au début d’accord avec le Front Populaire, étaient à l’époque entrés dans les combines d’Ennahdha. (5)

La situation est aujourd’hui différente :
La majorité des Tunisiens ont tiré les leçons de cet épisode : on ne peut pas se tromper deux fois pour la même cause.
Aujourd’hui, face à des propositions d’ouvertures d’Ennahdha, le mouvement populaire continuera tant que ne seront pas obtenus :
* la dissolution du gouvernement actuel ;
* la mise en place d’un nouveau gouvernement, indépendant des partis, sur la base d’une discussion avec le Front de salut, l’UGTT, etc ;
* la dissolution des LPR,
* la mise en place d’une commission de personnalités revoyant les nominations dans les postes clé de l’Etat.
Au cas où Ennahdha acceptait clairement cela et ensuite ne l’appliquait pas, je pense que les mobilisations iraient en s’amplifiant.

Faire tomber le pouvoir actuel

* D’un côté, Ennahdha ne veut pas céder le pouvoir. Depuis des mois, il met la main méthodiquement sur les rouages de l’Etat, de façon à gagner ensuite les prochaines élections par tous les moyens.
* De l’autre, le Front populaire à lui tout seul n’est pas en capacité de faire tomber le gouvernement. Pour y parvenir, il est possible d’agir sur ce point avec les partis composant l’Union pour la Tunisie (Nidaa Tunes, Joumhouri, Massar, PTPD et PS) qui demandent aussi la démission du gouvernement et de l’ANC
A l’heure actuelle, plus d’un tiers des députés boycottent l’Assemblée nationale constituante (73 sur 217). Cela bloque l’adoption des certaines lois nécessitant une majorité des deux-tiers, par exemple le vote d’une Constitution.
L’aile marchante de ce boycott sont les députés des partis appartenant au Front de salut, constitué samedi 26, et dont sont notamment membres le Front Populaire et Nidaa Tunes. (6)

Notes :

1. http://www.europe-solidaire.org/spi...

2. http://www.europe-solidaire.org/spi...

3. La région montagneuse du Mont Chaambi est située vers la frontière ouest avec l’Algérie.

4. Ettakatol (ex-FDTL), est la section actuelle de l’Internationale socialiste. Ce parti participe au gouvernement Ennahdha depuis fin 2011. Son principal responsable est Président de l’Assemblée nationale constituante.

5. Ce revirement a amplifié le discrédit et la crise de Joumhouri.

6. http://www.europe-solidaire.org/spi...

SELLAMI Néjib, BARON Alain

source : Europe solidaire sans frontières


Par mail :

La justice tunisienne a ordonné jeudi 1er août la remise en liberté de Amina Sbouï, militante du groupe féministe Femen, dans l’attente de son procès pour profanation de sépulture, a indiqué à l’AFP son avocat, Halim Meddeb.

"Elle sera libre dans quelques heures, je ne m’y attendais pas", a dit l’avocat, précisant que la jeune femme, détenue depuis mai, restait inculpée pour avoir peint le mot "Femen" sur le muret d’un cimetière afin de dénoncer un rassemblement salafiste.

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