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Les « Conti » vont obtenir réparation pour avoir été licenciés sans motif économique.

Xavier Mathieu : « Une victoire, mais un sacré paquet de cadavres »

Article mis en ligne le vendredi 30 août 2013

La direction de Continental a annoncé "étudier très sérieusement la possibilité de faire appel" de l’invalidation par les prud’hommes de près de 700 salariés de l’usine de Clairoix, dans l’Oise.


Les anciens salariés de l’usine de Clairoix ont obtenu gain de cause auprès des prud’hommes de Compiègne, trois ans et demi après la fermeture de leur usine.

« Cette victoire, c’est votre victoire à vous, vous avez enfin été récompensés, la société a été condamnée à tous les niveaux », a indiqué leur avocate aux 678 anciens salariés de l’usine Continental de Clairoix qui a fermé en 2010, qui ont accueilli la décision par des applaudissements et des cris de victoire. « Continental a été condamné pour défaut de motif économique et pour non-respect de leurs obligations de reclassement », En ce moment-même, les indemnités des 678 anciens salariés sont en train d’être calculées.

Le conseil des prud’hommes a également estimé que Continental n’avait pas respecté un accord de 2007 sur le temps de travail qui prévoyait un retour aux 40 heures hebdomadaires, contre des assurances sur le maintien de l’emploi dans le site jusqu’en 2012. Le conseil a en outre reconnu la société mère allemande comme co-employeur et donc comme responsable des licenciements.

Voir sur le site les nombreux articles sur la lutte des "Contis".

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30 août 2013

Continental : « Une victoire, mais un sacré paquet de cadavres »

Interview

Leader de la lutte des « Conti », Xavier Mathieu reconnaîtl’importance « psychologique » du jugement, mais refuse tout triomphalisme.

Recueilli par Dominique ALBERTINI

http://www.liberation.fr/economie/2013/08/30/continental-une-victoire-mais-un-sacre-paquet-de-cadavres_928244

Comment réagissez-vous à ce jugement ?

Une amende de 1.000 à 1.500 euros a été requise mercredi contre le syndicaliste CGT de l’ancienne usine Continental Xavier Mathieu, lors de son procès devant la cour d’appel d’Amiens pour refus de prélèvement d’ADN.

Quand vous perdez un proche, même la condamnation de son assassin ne vous le rendra pas. L’image n’est pas exagérée, même si ce jugement est une sorte de rémission pour les gens. Psychologiquement, ils avaient besoin de voir leur bourreau condamné. A titre personnel aussi, moi qui en ai pris plein la gueule. Beaucoup de gens n’ont jamais retrouvé de travail. Il y a eu des dépressions, des suicides, on s’est fait traiter de voyous. C’est donc une victoire, mais avec un sacré paquet de cadavres.

On est d’autant plus amers que, si la loi donnait la possibilité aux ouvriers d’aller devant la justice pour contester un plan social avant les licenciements, l’usine serait encore là. En réalité, l’actuel gouvernement a fait tout l’inverse avec l’ANI [Accord national sur l’emploi signé en janvier puis transcrit dans la loi, qui limite les possibilités de recours contre les plans sociaux, ndlr]. C’est une attaque inédite contre le code du travail, et c’est un gouvernement de gauche qui l’a fait !

Que vont recevoir les salariés ?

L’usine ne va pas rouvrir, mais ils vont recevoir des indemnités, entre deux et quatre ans de salaires selon les cas, soit entre 40 000 et 70 000 euros environ. L’enveloppe globale approchera les 80 millions d’euros. C’es la moindre des choses vu les conséquences sociales de cette histoire. Sur les 1 120 personnes, seules 300 sont aujourd’hui en CDI, et entre 600 et 500 sont inscrites à Pôle Emploi. Le plan de reclassement n’étais pas à la hauteur, ni le gouvernement ni Continental n’ont mis les moyens. Les cabinets de reclassement, les « plans de sauvegarde de l’emploi », ça allait encore il y a quarante ans, avec le plein emploi. Plus aujourd’hui.

Etait-il important pour vous de voir la société mère allemande condamnée ?

Oui, c’était même le but de la procédure. C’est trop facile pour une multinationale qui fait des milliards de bénéfice de fracasser ses usines dans un pays avant de s’abriter derrière la filiale, soi-disant moins rentable. C’est au niveau des groupes, pas des filiales, qu’il faut apprécier les motivations économiques d’un plan social.

Quel sentiment domine parmi les ex-salariés ?

L’amertume dont je vous parlais, car cela prouve juste que l’usine n’aurait jamais dû fermer. Et la prudence, car Continental a encore la possibilité de faire appel. Il y a quelques mois, au même endroit, je jubilais d’avoir gagné mon procès contre mon refus de prélèvement ADN. Quelques mois plus tard, j’étais condamné par le tribunal d’Amiens. J’espère simplement que Continental aura la décence de ne pas faire durer l’affaire.

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Vos commentaires

  • Le 21 septembre 2013 à 10:03, par Christiane En réponse à : Les « Conti » vont obtenir réparation pour avoir été licenciés sans motif économique.

    http://www.actuchomage.org/2013090825482/Social-economie-et-politique/le-cout-humain-exorbitant-du-chomage.html

    C’est Le Canard Enchaîné qui en parle dans son édition du 4 septembre, comme ça, sans trop s’y attarder.

    Son article intitulé « À bon Conti » (pour « À bon compte ») s’intéresse principalement à la victoire des salariés de Continental devant les Prud’hommes de Compiègne.

    Les Juges ont estimé que le plan de licenciements qui a défrayé l’actualité sociale en 2009, n’était justifié que par des intérêts boursiers. En conséquence, les Conti toucheront entre 30 et 36 mois de salaire en dédommagement du préjudice subi. Bravo !

    Ce qui a retenu notre attention n’est pas cette bonne nouvelle, mais quelques autres beaucoup moins enthousiasmantes.

    En premier lieu, Continental va faire appel. Ce qui repousse de 2 ou 3 ans l’éventuelle mise en œuvre de la décision. Surtout, l’article du Canard nous apprend que sur 650 Conti licenciés, 500 sont toujours à Pôle Emploi, 250 ont divorcé et 9 « se sont foutus en l’air ». Oui, vous avez bien lu !

    500 toujours au chômage - 250 divorces et 9 suicides. Ahurissant !

    Sur la fiabilité des chiffres, on peut généralement faire confiance au Canard… Malheureusement dans le cas qui nous intéresse.

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