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17 octobre 1961. La France ne reconnaît toujours pas son “crime d’État”

Par Mohamed-Chérif LACHICHI, Liberté.

Article mis en ligne le vendredi 18 octobre 2013

18 octobre 2013

Alors que les cercles officiels algériens semblent avoir curieusement renoncé à l’exercice de leur “droit à la mémoire”, des historiens français et des militants anticolonialistes continuent, eux, de s’indigner et d’exiger de la France une reconnaissance des faits.
Ainsi, l’APS a donné, à cette occasion, la parole à des historiens français et des militants anticolonialistes laissant croire que cette question est, désormais, un débat franco-français.
Loin s’en faut ! Malgré l’avancée “significative” de François Hollande dans la reconnaissance par la France des massacres de centaines d’Algériens le 17 Octobre 1961 à Paris, “les faits ne sont toujours pas désignés comme un crime d’État”, clament-ils à l’unisson. On se souvient que l’année dernière, à la même période, le président français faisait un aveu de taille : il venait de reconnaître, pour la première fois, les massacres du 17 Octobre 1961 à Paris.

Un an après, force est de constater qu’au-delà des “mots choisis” par François Hollande pour qualifier ces évènements ou ces massacres, peu importe “l’euphémisme”, rien de concret n’a été, en réalité, concédé… La “lucidité” dont avait parlé le chef de l’État français dans son communiqué semble avoir ses limites. Pour l’historien français, Olivier Le Cour Grandmaison, cette déclaration, saluée à sa juste mesure, demeure aujourd’hui “très en deçà” de la vérité… “En effet, le crime n’est pas nommé de façon précise et ses responsables ne sont pas désignés”, remarque l’universitaire français qui explique à l’APS que “nulle part”, dans la déclaration du président Hollande, il n’est fait référence au préfet de police de Paris, Maurice Papon, de même pour l’État français pour le compte duquel ce fonctionnaire, de triste mémoire, a agi.
Pour l’écrivain et essayiste, Didier Daeninckx, le président français est, certes, allé “beaucoup plus loin” que ses prédécesseurs, mais en évitant d’engager les générations futures dans un processus de “repentance”. Tout en concédant que les propos du président Hollande avaient constitué un “premier pas”, l’écrivain et militant altermondialiste, Patrick Farbiaz, relève que “la question de l’ouverture des archives n’est toujours pas à l’ordre du jour. L’abrogation de la loi honteuse du 25 février 2005 non plus”, a-t-il signalé pour sa part. Le président du collectif Sortir du colonialisme, Henri Pouillot, regrette, lui, tout simplement que le président français ait “oublié” l’engagement qu’il avait pris quand il était candidat à sa fonction actuelle. “Il avait signé une pétition réclamant que la France reconnaisse et condamne ce crime d’État, et il est allé, en octobre 2011, déposer une gerbe de fleurs à la mémoire des victimes des massacres”, a-t-il rappelé, signalant que dans les “trois phrases laconiques” de la déclaration du président français, le “mot crime n’y figure pas, pas plus que n’est définie la responsabilité, ni la condamnation de ce massacre”.

Par ailleurs, le discours du président François Hollande devant le Parlement algérien, en décembre 2012, fortement applaudi par des officiels algériens “au bord des larmes”, s’est également avéré être très “lacunaire” : “Là encore, il ne suffit pas de dénoncer un système pour mieux diluer les responsabilités écrasantes des acteurs politiques, des militaires et des forces de l’ordre”, a estimé à ce sujet Le Cour Grandmaison.
À ses yeux, cette reconnaissance si attendue, des deux côtés de la Méditerranée, doit être “claire, précise et complète”. Cette reconnaissance est, selon lui, la seule façon de rendre justice aux victimes et à leurs descendants. Le terme “souffrances”, employé par le président français devant le Parlement algérien, est jugé, par ailleurs, “indécent” par Henri Pouillot pour qui le colonialisme a engendré de nombreux crimes et ne pas reconnaître cette réalité est une “insulte pour les victimes”.
Selon Patrick Farbiaz, il y a une “difficulté certaine” pour les gouvernants français de reconnaître que le système colonial n’est pas seulement “injuste et brutal”, mais qu’il était “illégitime, criminel” et “fondé sur un système d’apartheid” structuré par le Code de l’indigénat, adopté en 1881. “Ce système n’a donc pas été seulement ‘injuste, brutal...’, ce fut un système criminel où les tortures, les enfumades, les répressions sanglantes, les exécutions sommaires étaient des pratiques courantes, même avant le déclenchement de la guerre de Libération, où, là, le paroxysme a été atteint”, a-t-il précisé à l’APS.

M C L

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