Une tribune pour les luttes

Communiqué commun

Pourquoi manifester contre le Sommet de l’Élysée pour la paix et la sécurité en Afrique ?

+ Survie - Paix et sécurité en Afrique : la France fait partie du problème, pas de la solution

Article mis en ligne le lundi 9 décembre 2013

Le Continent africain regorge de richesses aussi bien humaines que minérales. Prévue pour accueillir plus d’un quart de la population mondiale en 2050, l’Afrique a tout pour devenir la locomotive d’un développement au service de l’Humanité dont elle est le berceau. Et pourtant, de nombreux pays, voire des régions entières de l’Afrique sont en crise.
Des tragédies d’une ampleur sans pareil sont en cours sans que personne n’y prête attention ou alors juste ce qu’il faut pour sécuriser les filières d’approvisionnement des pays occidentaux en Pétrole, Coltan, Cacao, Café, Bois, Terres, Diamant, Or, Cobalt et autres marchés lucratifs. La République Démocratique du Congo, la Centrafrique, la Libye, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Congo, la Guinée Bissau, le Rwanda, la Guinée Conakry,…sont ravagés par la guerre, le pillage, la torture et le viol.
Le bilan de toutes ces tragédies africaines dépasse de loin l’Holocauste et même celui de la deuxième guerre mondiale dans son ensemble, sans pour autant que grand-monde ne s’en émeuve mis à part quelques gesticulations de circonstance quand l’horreur de ces génocides en série se glisse dans certains médias complaisants, juste ce qu’il faut d’empathie hypocrite pour calmer la révolte qui gronde chez les peuples africains dépossédés de leur souveraineté.

Quel pays peut prétendre présider à sa destinée alors même qu’il ne possède ni souveraineté militaire, ni souveraineté monétaire ? La tenue même de ce sommet à PARIS n’est-elle pas en soi un aveu d’instrumentalisation des maux du continent en proie à la convoitise des dominants, véritables pompiers-pyromanes au gré de leurs intérêts du moment ? De quoi peut accoucher un sommet qui accueille les dirigeants les plus corrompus et les moins démocratiquement élus de l’Afrique ?

Nous aimerions pouvoir compter sur le soutien et l’impartialité de l’ONU dont l’idéal de justice et d’égalité nous parait si noble… Sur le papier. Sauf que dans la réalité, la plupart des missions de maintien de la paix et/ou de défense des populations civiles ont lamentablement échoué. Les forces dites impartiales de l’ONU, adossées ou non à la France ou à d’autres membres de l’OTAN ont largement fait la preuve de leur incapacité, voire de leur complicité avec les auteurs des pires crimes contre l’Humanité, que cela soit au Rwanda, en RDC, en Libye, en Côte d’Ivoire, au Mali,... Quant au bras judiciaire de l’ONU, la Cour Pénale Internationale, qui était supposée garantir une justice équitable pour tous, elle aura du mal à trouver la moindre crédibilité tant qu’elle agira en tant qu’instrument de pression politique au service des Nantis Unis qui nous gouvernent. Le jour où la CPI ou tout autre Tribunal International sera capable de juger des dirigeants occidentaux pour leur implication dans les guerres afghane, irakienne, libyenne, syrienne, congolaises, ivoirienne, malienne,.., la CPI aura peut-être une chance d’œuvrer pour la Paix et la Sécurité mondiale dans la droite ligne de figures emblématiques tels que GANDHI, UM NYOBE, BOGANDA, BEN BARKA, MARTIN LUTHER KING, LUMUMBA, MODIBO KEITA, AMILCAR CABRAL, SEKOU TOURE, SANKARA, MANDELA, MONDELANE, BOUMEDIENE, NASSER, CESAIRE, MALCOM X,…

Dans un de ses célèbres romans, «  le soleil des indépendances », le regretté Ahmadou KOUROUMA met en scène une vieille dame qui s’interroge en ces termes : on a eu l’esclavage et c’était abominable ; on a eu la colonisation et on souffrait beaucoup ; maintenant on a les indépendances, mais quand est-ce que finissent les indépendances ? Car le problème est bien là. Les pays africains ne jouissent que d’une indépendance formelle et encore. On le voit avec la mise sous tutelle franco-onusienne de tant de pays africains dont la dernière en cours en Centrafrique qui fera d’ailleurs l’objet d’un mini-sommet spécifique le samedi 7 à l’Elysée après les discours de clôture. Souhaitons que l’esprit de BOGANDA et de son célèbre « "Zo kwe zo" (« une vie en vaut une autre ») si souvent utilisé pour endormir les exigences des peuples africains, mais jamais mis en œuvre au service de leur réelle émancipation, souffle à nouveau sur le continent. Mais pour cela, il faut que chacun se lève et s’unisse avec tous ceux qui partagent la même aspiration. La liberté n’est jamais donnée par l’oppresseur ; elle doit être exigée par l’opprimé.

Nous réitérons notre ferme opposition à ce énième sommet à PARIS visant à présider aux destinées du continent africain, sommet qui n’est pas sans nous rappeler le sinistre partage de l’Afrique à BERLIN en 1885. Nous continuons de croire qu’une autre relation Nord-Sud est possible, respectueuse du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.

Nous disons NON à ce nouveau dépeçage de l’Afrique plus d’un siècle après le partage de BERLIN de 1885 !

SIGNATAIRES : Collectif des Associations Unies et Solidaires pour l’Afrique et sa Renaissance (AUSAR), Résistants Combattants Congolais (RCK), CRI Panafricain, Diaspora mauritanienne, Club Ahmed Sékou Touré, Lisanga Ya Bakolo Kongo (LBK), Kimpuanza, Collectif des ressortissants sympathisants et amis de la Guinée Bissau, Réseau des Femmes en Action pour le Développement (REFAD), Plateforme pour la Souveraineté Panafricaine (PSP), Keraba Village Concepts, Kamerun Initiatives, Femmes En Résistance,…


Paix et sécurité en Afrique : la France fait partie du problème, pas de la solution

6 décembre 2013 par Survie

http://survie.org/francafrique/article/paix-et-securite-en-afrique-la-4581

Réunis à l’occasion d’une conférence, les associations Survie et Sortir du Colonialisme, et des militants malien et tchadien ont dénoncé l’organisation par la France du Sommet de l’Élysée sur la paix et la sécurité en Afrique à Paris les 6-7 décembre, au moment même du déclenchement d’une opération militaire en Centrafrique.

Il s’agit du premier Sommet France-Afrique organisé sous la présidence de François Hollande, qui a convoqué lui-même ce sommet, choisi son thème et décidé de l’organiser à Paris, dans un lieu aussi symbolique que l’Elysée. Difficile de voir les signes d’une quelconque rupture dans la politique africaine de la France, alors que dans la tradition des Sommets France-Afrique, la plupart des dictateurs africains du « pré-carré  » francophone seront présents, y compris les plus infréquentables : le tchadien Idriss Déby (au pouvoir depuis 1990), Paul Biya (Cameroun, depuis 1982), Denis Sassou Nguesso (Congo-Brazzaville, depuis 1979) ou encore Blaise Compaoré (Burkina Faso, depuis 1987).

A l’occasion de cette conférence de presse, Fabrice Tarrit, président de Survie a déclaré :

«  En 1998, lors d’un précédent sommet France-Afrique sur la sécurité, la France avait annoncé vouloir changer de pratiques en matière de coopération militaire. 15 ans plus tard, son armée est toujours bien positionnée en Afrique et la plupart des dictateurs de l’époque sont toujours en place. La France poursuit ses interventions militaires sans avoir dressé aucun bilan de ces opérations ni de leur impact réel sur la paix et la démocratie dans les pays concernés. Ce bilan serait, il est vrai, accablant »

Le porte-parole de Sortir du Colonialisme, Patrick Farbiaz, a rappelé que ce sommet intervient pendant la négociation d’une loi de programmation militaire qui, dans le prolongement du Livre Blanc sur la Défense, prévoit le renforcement de la capacité d’intervention des forces françaises sur le continent. « On assiste à une relégitimation de l’ingérence militaire française qui s’appuie sur une propagande autour d’opérations prétendument menées au nom des droits de l’Homme, mais qui servent en vérité les intérêts français  », a-t-il ajouté.

Interrogé sur le positionnement en première ligne de la France dans le conflit en Centrafrique, le Président de Survie a rappelé que la France avait une responsabilité historique dans l’état de déliquescence de la Centrafrique. « Elle a installé ou destitué tous les chefs d’Etat que ce pays a compté. Elle a accueilli le dictateur Bozizé à l’Elysée en 2007 puis envoyé des troupes combattre à ses côtés à Birao en 2007 et 2008, au prix de nombreuses exactions. En 2010, malgré la déshérence de ce pays, de ses institutions et de son armée, elle a adopté un partenariat de Défense avec la Centrafrique. On ne peut pas prétendre être la solution quand on fait à ce point partie du problème. » Le représentant de Survie a également pointé les zones d’ombre entourant le « mandat » onusien de la France en Centrafrique. «  Il est regrettable de voir la France écrire elle-même une résolution à l‘ONU l’autorisant à intervenir militairement sous son propre uniforme et son propre commandement et déployer des troupes, sans attendre le vote de cette résolution, en utilisant des pays voisins comme le Cameroun comme base arrière. Les troupes africaines que la France est censée appuyer dans le cadre de la MISCA ont par ailleurs toutes en commun d’être issues d’une autre dictature du pré-carré (Congo-B ; Tchad, Gabon, Cameroun). »

Le positionnement du Tchad d’Idriss Déby dans le conflit en Centrafrique a été souligné par le bloggeur tchadien Makaila Nguebla. «  Il a amené au pouvoir en 2003 le président François Bozizé et l’a destitué en 2013 en montant la rébellion de la Séléka. Des soldats tchadiens participent la force africaine en Centrafrique. Une mascarade que Hollande est en train de cautionner »,

Le cas du Mali illustre également cette nécessité d’aborder avec la plus grande méfiance les interventions militaires de la France. Selon le Pr Issa N’Diaye du Forum Civique Mali,

«  l’intervention militaire au Mali, initialement applaudie par la majorité des maliens, est de plus en plus remise en cause. Le rôle de la France et de la communauté internationale qui soustraient la ville de Kidal au territoire malien et imposent au Mali le MNLA comme interlocuteur unique dans les négociations sur le Nord Mali au détriment d’un processus incluant l’ensemble des communautés de la région, ainsi que le maintien d’une situation d’insécurité, sont en train de faire changer d’avis la population malienne.  »

Par ailleurs, pour Issa N’Diaye «  Le processus électoral imposé par la France sans consultation des Maliens eux-mêmes est à ce jour est loin d’avoir apporté des solutions satisfaisantes en matière de renouvellement de la classe politique. »

Les associations ont également relevé les enjeux géostratégiques et économiques du Sommet France-Afrique, qui a été précédé par un événement organisé à Bercy par le Ministère des Finances et le MEDEF, ayant rassemblé 600 chefs d’entreprise. Des responsables politiques français y ont clairement exprimé le souhait de voir la France conquérir de nouveaux marchés en Afrique.

Malgré les promesses de changement, ce sommet, qui met en première ligne l’Elysée, l’Etat-Major et les entreprises, consolide ainsi clairement les piliers politique, militaire et économique de la Françafrique.

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