Une tribune pour les luttes

Reportage à LFoundry
Pas de Père Noël à Rousset.

par El Gaubi.

Article mis en ligne le jeudi 19 décembre 2013

Jeudi 19 décembre
La zone industrielle est complètement bloquée à Rousset par les salariés de LFoundry. "Personne ne rentre, personne ne sort", affirment les manifestants
.


Mercredi 18 décembre 2013

Reportage à LFoundry

Pas de Père Noël à Rousset.

par El Gaubi

Blocage de Lfoundry ce matin mercredi 18 décembre par six cents ouvriers.Nous y avons retrouvé nos camarades de SUD en lutte parmi tous les autres touchés par la fermeture du site.

J’étais parti rejoindre ce matin les salariés de Lfoundry à Rousset, à deux pas de Gardanne, mais à quinze bornes tout de même, que j’ai avalé avec mon vélo. Sur place, sous un ciel bleu se dessinait la Montagne Sainte Victoire qui pliait plutôt la tête ce matin et Christian, un postier Sudiste qui relève la tête. Si les six cent salariés bloquaient bien les ronds points de la ville ce n’était pas avec l’espoir au cœur mais plutôt dans un baroud d’honneur après des mois de luttes.

La veille deux camarades de SUD avaient encaissé ce qu’elles craignaient : la liquidation judiciaire de leur entreprise. Les larmes aux yeux, elles étaient prises entre le soulagement et le vide devant l’avenir, le chômage qui démarrait. La fin aussi d’une camaraderie dans les ateliers et parmi les équipes de nuit. Au petit matin elles avaient à peine dormi, « Une heure  » me dit Marie-Pierre qui travaille dans cette boite depuis 13 ans dont la plupart du temps la nuit. C’est à dire un poste de 12 heures de rang de nuit pendant trois jours puis deux jours de repos. Tout ça pour s’adapter à la machine.

Pendant ce temps là, les hommes et les femmes eux se plient pour résister aux contraintes de l’usine. Un usine chimique, c’est en sorte ça, les semi conducteurs comme me l’explique Alain Botel, technicien process qui est là depuis le début de l’usine. «  On manipule des produits chimiques capables de dissoudre des os » comme me le rappelle Carmela, chimiste en poste en journée. Tout ces risques pour la santé donnent des puces, un monde de nano-particules destinées à vos portables, tablettes, tout votre attirail «  écologique  » et moderne.
«  On utilise de l’Arsenic, du bore, du phosphore pour graver des plaques de silicium  » Des réticules en fabrication, 37 niveaux de marquage, des masques, de la programmation, de l’aluminium, voilà le monde du travail qui n’a pas changé pour les ouvriers. Si, désormais ils viennent en voiture, ont un crédit, des payes supérieures à ceux des autres bagnes industriels. Ils peuvent aussi croire un instant que c’est moins sale que le charbon qu’on travaillait à Gardanne.

Cette affaire qui meurt aujourd’hui s’appellait ES2 en 1987, et fut reprise par le groupe américain Atmel durant 30 ans. Une chose saute aux yeux de tous en discutant avec les ouvriers autour des palettes incendiées : Le groupe allemand Lfoundry a agi comme un prédateur de technologie. Il a acheté ce site pour le vider de son poids remplaçable : la main d’oeuvre, et cela en deux temps : pillage du cash flow, c’est à dire pour les non anglophiles, il a pris la caisse puis dans un second temps il a transféré la technologie en Italie. Carmela confirme : «  J’ai arrête un allemand qui piratait nos données dans l’usine » Pour ne pas sombrer hier elle a puisé dans les yeux de ses enfants la joie du sapin de Noël et des guirlandes. «  De toute façon cela ils ne l’auront pas.  » me dit-elle. Les ressources existent et heureusement la vie ne s’arrête pas pour eux. Seulement il y a eu vol : une fois de plus, le savoir accumulé depuis trente ans sur ce site a pu être arraché par le seul pouvoir de l’actionnariat. Ce qui a été construit par un collectif a été volé par un groupe. Car ce sont bien les chimistes, le service Recherche et Développement qui a depuis des années élaboré et trouvé des solutions techniques. Ce sont bien des opérateurs de base qui ont expérimenté des techniques. Tous ces gestes leur sont volés aujourd’hui.

Alors on pourrait parler des promesses non tenues, d’Arnaud Montebourg et des ses gesticulations, du maire et de sa future «  grève de la faim, » du préfet, du PDG d’Atmel qui a cessé les achats, mais tout ces discours ne changeront rien à une chose. Des hommes et des femmes sont exploitées et sont liquidées. Cela se passe aujourd’hui à Rousset en Provence et dans toute la France.

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Vos commentaires

  • Le 19 décembre 2013 à 20:43, par Christophe Goby En réponse à : Reportage à LFoundry.

    {{}}C’est une manif de touaregs ?

  • Le 20 décembre 2013 à 10:31, par Christiane En réponse à : Reportage à LFoundry
    Pas de Père Noël à Rousset.

    Le maire de Rousset ;
    L’arrivée d’Atmel à Rousset avait été accompagné par beaucoup d’argent public. Peut-on chiffrer ces aides ?

    C’est toujours compliqué d’avoir un chiffrage exact entre les aides directes et les exonérations... Quand Atmel est arrivé en 1995, la mairie de Rousset leur a cédé le terrain pour 1 euro symbolique. Ils ont ensuite reçu des fonds de l’Europe du fait que Rousset est situé dans le bassin minier, territoire éligible à certaines aides spécifiques liées à la reconversion industrielle. Si vous écoutez les gens d’Atmel France, ils vont dire qu’ils ont touché 50 millions car ils comptabilisent uniquement les aides de l’Etat. Si vous écoutez le maire de Rousset, si je comptabilise le foncier et les exonérations de taxe professionnelle de la part de la ville puis de la communauté d’agglomération du pays d’Aix, les aides publiques se chiffrent plutôt en centaines de millions d’euros. J’ai l’habitude de les évaluer à 400 millions d’euros.
    Source :
    http://www.marsactu.fr/business/lfoundry-400-millions-deuros-daides-publiques-selon-le-maire-de-rousset-32760.html

  • Le 20 décembre 2013 à 21:56, par Christophe Goby En réponse à : Reportage à LFoundry
    Pas de Père Noël à Rousset.

    {{}}Raison de plus d’occuper la zone....L’UPE 13 condamne le blocage de la zone de Rousset

    Communiqué de l’Union Pour les Entreprises des Bouches-du-Rhône :

    "La situation de l’entreprise LFoundry prend des proportions inquiétantes pour l’économie locale et en particulier pour le pays aixois. Une partie des salariés de cette entreprise bloque la zone de Rousset depuis ce matin en interdisant aux personnes comme aux marchandises d’y entrer et d’y sortir.
    Si on peut comprendre le désarroi du personnel de LFoundry confronté à un risque de plus en plus grand de voir leur entreprise cesser son activité, on ne peut accepter pour autant que toute une zone d’entreprises qui représente plus de 6 000 emplois au sein d’une centaine d’entreprises soit aujourd’hui paralysée pour une période indéterminée.
    Chaque heure qui passe se traduit par une perte sèche considérable pour de nombreuses entreprises, dont certaines réalisent en cette période une part très importante de leur chiffre d’affaires.
    C’est le cas de Lidl qui a perdu en une seule journée plus de un million d’euros de chiffre d’affaires. Une entreprise de produits surgelés qui fournit les traiteurs et restaurants (restauration hors domicile) n’a pu livrer la région méditerranéenne ce jour, soit environ 200 000 euros de commandes non honorées et donc de pertes définitives.

    L’entreprise Custom Solutions spécialisée dans le marketing direct pour le compte de grandes marques n’a pu ouvrir son centre d’appels clients qui en cette saison de fêtes tourne à plein régime. Autant d’exemples qui nuisent gravement à l’image de ces entreprises et affectent directement leurs résultats.

    Au-delà de ces cas les plus immédiats, toute la Vallée de l’Arc est impactée par ces troubles et ces entraves à la liberté de circuler et de travailler. Si une solution n’est pas trouvée très rapidement les réactions en chaîne sur l’économie locale seront très vite catastrophiques, au vu de la situation de trésorerie déjà très tendue de la majorité des entreprises.
    Si encore une fois l’UPE 13 Aix comprend le désespoir des grévistes, ils doivent se rendre compte que d’entraîner dans leur drame toute une région ne solutionnera en aucune manière leur situation.
    Aussi l’UPE 13 Aix demande aux pouvoirs publics de rétablir la circulation et de libérer les accès à cette zone qui, rappelons-le, est l’une des plus importantes de notre territoire."

    {{}}

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