Une tribune pour les luttes

Nucléaire : l’enjeu en vaut-il la chandelle pour l’humanité ?

Effets des accidents nucléaires sur les enfants. Synthèse

Par Philips Michel

Article mis en ligne le lundi 27 janvier 2014

11 janvier 2014 |

http://blogs.mediapart.fr/edition/nucleaire-lenjeu-en-vaut-il-la-chandelle-pour-lhumanite/article/110114/effets-des-accidents-nucleaires-sur-les-enfa

Tchernobyl et Fukushima nous font mieux connaître les effets de la radioactivité sur les enfants. Des études sont réalisées mais elles restent imparfaites pour plusieurs raisons (voir plus loin).

Des observations partielles (avortements, retards de croissance, retards mentaux, malformations, cancers, cataracte, stérilité réversible) avaient déjà été faites après Hiroshima et Nagasaki, lire ici http://fr.wikipedia.org/wiki/Bombardements_atomiques_d%27Hiroshima_et_Nagasaki mais les conditions étaient assez différentes.

La radioactivité peut tuer. Une forte radioactivité tue en quelques jours ou quelques semaines en perturbant les divisions cellulaires au sein de l’organisme : peau, sang, muqueuses intestinales ne se renouvellent plus.

Elle peut aussi invalider, physiquement et psychologiquement. Ce sont les effets à long terme. Ils dépendent de la dose accumulée dans l’organisme. Dose absorbée ou ingérée en une fois ou résultant d’une exposition prolongée : certains éléments radioactifs s’accumulent et se fixent. Nous sommes alors victimes d’une sorte d’intoxication chronique par ces éléments radioactifs. Les conséquences sont plus tardives mais peuvent être graves (cancers, fragilité,…). C’est souvent ce qui survient chez les populations proches des accidents.

Au sein de ces populations, celle des enfants présente des particularités.

Enfant et radioactivité

Organismes caractérisés par de nombreuses divisions cellulaires, le fœtus et l’enfant sont très sensibles aux effets de la radioactivité. Pour une même dose de Siverts, le fœtus et l’enfant seront plus souvent et plus gravement atteints que l’adulte. La radioactivité est plus dangereuse pour la santé des enfants que pour celle des adultes.

Au sein de la population infantile, les filles sont plus sensibles que les garçons.

Un enfant peut être contaminé par la radioactivité dès sa conception. On estime qu’un fœtus est 1.000 fois plus sensible à la radioactivité qu’un adulte.


Enfant et faibles doses de radioactivité

Même une faible radioactivité ( 20 mSv/an) peut avoir des effets néfastes sur la santé des enfants. Lire ici. http://independentwho.org/fr/2013/12/06/cancer-enfants-fukushima/

Il est classique de sous-évaluer les dangers liés à des expositions de « faibles doses  ». Elles sont banalisées. On ne s’attache pas assez à rechercher les effets de faibles doses de radioactivité chez les enfants.

Le cas de leucémies survenant chez des enfants exposés pendant de longues périodes à la faible radioactivité de centrales nucléaires proches de leur domicile est un exemple qui pose problème. Lire ici http://www.lemonde.fr/planete/article/2012/01/11/des-cas-de-leucemie-chez-des-enfants-vivant-pres-de-centrales-nucleaires-posent-question_1628490_3244.html

Il n’est pas facile de faire le lien entre la survenue de ce type de maladie et l’environnement : la radioactivité est faible, les délais d’apparition des affections sont importants. Ces arguments sont repris par les défenseurs du nucléaire pour en minimiser et banaliser les effets.

Une étude concernant les effets des «  faibles doses » a été réalisée mettant en évidence la plus grande fréquence des translocations chromosomiques chez les patients soumis à des examens radiologiques. Lire ici. http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC2766815/

La radioactivité est responsable de ce type de désordre chromosomique.

Une toute récente étude (voir plus loin) a étudié la fréquence de l’hypothyroïdie chez des nouveaux nés en relation avec de faibles doses de radioactivité.


Problèmes sanitaires liés à la radioactivité chez les enfants

Décès in utero des fœtus

La radioactivité peut entrainer le décès in utéro (avortement, fausse couche) du fœtus.

Après un accident nucléaire, un certain nombre de fausses couches spontanées (avortement, décès de fœtus) surviennent. Elles sont le résultat de l’exposition des femmes à la radioactivité.

Pour le Pr Yablokov, conseiller scientifique de Boris Eltsine et Gorbatchev, la mortalité prénatale (fausses couches) provoquée dans le monde après l’accident de Tchernobyl, pourrait être estimée à 200 000. Voir ici. http://independentwho.org/media/Revue_de_presse_Autres/LeMondeDiplomatique_decembre2010_FR.pdf

Après Fukushima, un certain nombre de décès in utero sont survenus chez des femmes enceintes. Nous ne possédons pas de statistiques actuellement.

Mortalité infantile

En Allemagne et en Pologne, la mortalité infantile a connu un pic particulier après le passage du nuage de Tchernobyl : la radioactivité a entrainé une augmentation passagère mais significative du nombre de décès chez les enfants de ces 2 pays.

En Finlande, Suède et Suisse, la diminution régulière de la mortalité infantile a été freinée passagèrement après Tchernobyl.

Au Japon, après Fukushima, on observe déjà une légère surmortalité infantile qui concerne TOUTE la population infantile. Cela signifie que, dans les environs de la centrale, la surmortalité a dû être bien plus importante. (écouter et voir les diagrammes de la conférence du Pr Yablokov ci dessous).


Malformations, mutations

La radioactivité peut aussi affecter le développement du fœtus (malformations congénitales ou autres) ou entrainer des perturbations de l’organisme pour le reste de la vie (voir plus loin) (cancers, déficits immunitaires, cardiopathies, troubles oculaires,…).

A Fallouja, en Irak, les Américains ont utilisés des produits radioactifs. On a assisté, dans les mois qui ont suivi, à la naissance d’un nombre anormalement élevé d’enfants malformés. Lire ici http://www.franceculture.fr/2010-08-09-falloujah-un-nouvel-hiroshima.html

C’est aussi ce qui a été constaté dans les environs de Tchernobyl et en Biélorussie dans la zone exposée aux radiations. Lire ici. http://fr.wikipedia.org/wiki/Cons%C3%A9quences_sanitaires_de_la_catastrophe_de_Tchernobyl

Parmi ces malformations, citons la Trisomie 21. En Allemagne, après Tchernobyl, un registre a montré une augmentation significative du nombre de cas en janvier 1987, soit neuf mois exactement après la catastrophe. Lire ici http://fr.wikipedia.org/wiki/C%C3%A9sium_137

Que ce soit à Tchernobyl ou à Fukushima, après les accidents, on a vu augmenter le nombre d’avortements réalisés pour des «  raisons thérapeutiques ». On peut penser qu’ils concernaient en partie des cas de Trisomie 21. Lire ici http://www.netoyens.info/index.php/contrib/04/01/2012/chroniques-anti-nucleaires-enquete-citoyenne-sur-la-generation-qui-vient

Hypothyroïdie et faibles doses radioactives

Aujourd’hui, une étude a montré une augmentation des cas d’hypothyroïdie chez des nouveaux-nés californiens dont les mères avaient été exposées au nuage (peu) radioactif de Fukushima. Lire ici http://www.fukushima-blog.com/2013/11/les-effets-de-fukushima-sur-les-b%C3%A9b%C3%A9s-californiens.html

Rappelons que les femmes ayant subi des radiographies du bassin (faibles doses) durant leur grossesse sont plus souvent sujettes à des fausses couches. Lire ici. http://www.fanc.fgov.be/fr/page/zwanger-vermijd-straling-bijlage-1/92.aspx

Ces études renforcent l’idée que même de faibles doses ont des effets délétères.


Affections cardiaques, oculaires, immunitaires, cancéreuses

Kofi Annan, ex-secrétaire de l’ONU estime que 3 millions d’enfants nécessitent des soins à la suite de Tchernobyl.

Des études épidémiologiques ont montré une augmentation des risques de cancer chez les enfants de Tchernobyl et de Biélorussie. Lire ici : http://independentwho.org/fr/2011/12/10/recommandations-michel-fernex/

Dès à présent, le nombre des cancers de la thyroïde est augmenté chez les enfants de Fukushima. Lire ici http://blogs.mediapart.fr/edition/japon-un-seisme-mondial/article/151113/etat-des-lieux-concernant-le-cancer-thyroidien-des-enfants-de-fukushima

Le pédiatre cardiologue Galina Bandajevsky a étudié la population des enfants du sud de la Biélorussie après l’arrivée du nuage radioactif de Tchernobyl.

Plusieurs pathologies sont en augmentation. Ce sont les affections cardiaques (malformations, troubles du rythme), les affections oculaires (cataracte), les affections cancéreuses (cancer de la thyroïde, leucémies), immunitaires et génétiques. 80% des enfants ne sont pas en bonne santé.

Une étude a montré qu’une fillette courrait un risque 7 fois plus important de développer un cancer qu’un adulte.

Je vous encourage à lire les Actes d’un Forum consacré à ce sujet à Genève en 2012 par l’organisation Independent WHO, lire ici http://independentwho.org/fr/2013/03/13/actes-du-forum/

En Allemagne, une étude a montré que les dents des enfants nés après Tchernobyl présentaient 10 fois plus de strontium-90 qu’auparavant.

Aspects psychologiques

Le volet psychologique lié à des zones irradiées est important. Il l’est d’autant plus quand il s’agit d’enfants : les enfants ont besoin d’un environnement secure pour grandir dans de bonnes conditions.

Après Fukushima, une partie importante de la population a été invitée à fuir la zone dangereuse. Certains parents ont fait le choix d’éloigner leurs enfants (chez des amis ou parents en zone sûre) tout en restant, eux, sur place (essentiellement pour pouvoir continuer à travailler et à gagner leur vie). De nombreux enfants ont été séparés de leurs parents. On ne sait pas pour combien de temps. Lire ici. http://www.save-children-from-radiation.org/2013/03/02/pourquoi-je-ne-peux-pas-%C3%A9vacuer-un-p%C3%A8re-de-fukushima-se-confie-07-02-2013/

Les enfants se posent des questions : «  Mes parents courent-ils un risque en restant sur place ?  ».

La manière dont les autorités sanitaires gèrent la situation (manque de renseignements) amène les parents à s’inquiéter sur l’avenir sanitaire de leurs enfants (cancer de la thyroïde, stérilité des filles, etc) ? Un climat d’inquiétude règne en permanence au sein de certaines familles.Lire ici http://www.save-children-from-radiation.org/2013/03/04/t%C3%A9moignage-d-un-%C3%A9vacu%C3%A9s-de-fukushima/

« Dois-je laisser ma fille se marier et avoir des enfants ? », « Mon enfant va-t-il développer un cancer de la thyroïde ?  »

Certains parents décident de quitter définitivement leur habitation car ils ont le sentiment que leurs enfants ne sont pas en sécurité. Lire ici http://www.save-children-from-radiation.org/2013/11/01/une-maman-d%C3%A9cide-de-quitter-fukushima-pour-aller-vivre-%C3%A0-hokka%C3%AFdo-on-ne-pouvait-tout-simplement-plus-vivre-dans-un-endroit-o%C3%B9-les-enfants-ne-se-sentaient-pa/

Certains enfants vivants dans des zones irradiées ne peuvent jouer plus d’une heure à l’extérieur ou dans certains endroits : risque de contamination. Lire ici http://www.save-children-from-radiation.org/2013/11/27/ne-pas-jouer-ici-plus-d-une-heure/

Des inquiétudes concernent l’alimentation des enfants : «  Quels aliments peut-on leur donner sans danger ? »

En Biélorussie, les problèmes de santé des enfants entrainent également des questionnements. Un climat de stress existe. Les enfants sont les victimes de cet état de fait.


La santé physique et psychologique des adolescents de Biélorussie

L’UNFPA, un Fond des Nations Unies, a présenté en 2006 un bilan sanitaire relatif à la santé des adolescents de Biélorussie. Lire ici

http://independentwho.org/media/Documents_Autres/Morbidite_adolescents_Belarus-UNFPA.pdf

Cette étude fait état d’une augmentation significative :

- des cas de maladies de l’appareil cardio-vasculaire,

- des cas d’affections du système musculo-squelettique,

- des cas de cancers,

- des cas de maladies du système rénal,

- des cas de maladies respiratoires (dont asthme),

- des cas de diabète,

- des cas d’affections psychiques.

Dans tous les cas, les filles sont plus touchées que les garçons.

Sans qu’une relation soit prouvée (la Biélorussie est un pays pauvre dont la situation s’est aggravée après l’éclatement de l’URSS ), on peut néanmoins penser que la radioactivité, qui a frappé ce pays après Tchernobyl, a joué un rôle dans cette détérioration. Le fait que les filles (plus sensibles à la radioactivité) soient plus touchées que les garçons plaide en cette faveur.

Assisterons-nous à la naissance d’un syndrome post traumatique chez les enfants victimes d’accidents nucléaires ?

Des organisations de défense des enfants

Les enfants ne votent pas, n’ont pas le droit à la parole. Leurs parents et ceux qui considèrent que, en tant d’humanité future, ils sont notre avenir, défendent leurs intérêts en matière de santé. A Fukushima, les femmes sont en première ligne pour faire valoir les droits des enfants à la santé.

Des organisations font de même.

C’est le cas de Independent WHO http://independentwho.org/fr/

Composée de scientifiques, elle se bat pour que l’OMS ne soit plus inféodée à l’Industrie Nucléaire (AIEA) et ne banalise pas les effets de la radioactivité sur la santé humaine (dont celle des enfants) après Tchernobyl ou Fukushima. Lire ici http://independentwho.org/fr/nos-demandes-a-loms/

Après Fukushima, une autre organisation de scientifiques s’est constituée pour défendre le droit à la santé pour les enfants, c’est la World Network For Saving Childern From Radiation lire ici http://www.save-children-from-radiation.org/

Enfants de Tchernobyl Belarus http://enfants-tchernobyl-belarus.org/doku.php est une association visant à venir en aide aux enfants, en réalisant des études, en proposant des séjours loin des zones irradiées car, aujourd’hui, l’état de santé des enfants de Biélorussie continue de se détériorer. Cette association propose une base de documents.

D’autres organisations existent également.


Conclusion

En raison de leur plus grande fragilité, les enfants sont les premières victimes des accidents nucléaires.

Cette question est importante : les enfants sont notre avenir.

Les études épidémiologiques nécessitent des moyens financiers importants et s’étalent sur de nombreuses années. Les problèmes psychologiques sont difficiles à mettre en évidence et à quantifier. Le lobby nucléaire est puissant et essaye de banaliser la question, minimise les effets des faibles doses : la collecte des données est retardée, les informations sont dissimulées, les rapports des observateurs sont discrédités, les scientifiques indépendant se voient refuser l’accès aux données.

Même l’OMS est mise en cause pour son inféodation à ce lobby ! Lire ici. http://independentwho.org/media/Revue_de_presse_Autres/Rue89_O6avril2011_FR.pdf

Tout cela complique la mise en évidence des dangers bien réels de la radioactivité sur la santé des enfants. Dans l’impossibilité de faire actuellement confiance à l’OMS, il faut soutenir les associations qui ont pour objectif de défendre les enfants.

Dans cette vidéo de mars 2013 (sous titrée en français), à l’occasion d’un symposium scientifique à New York, le Professeur Yablokov explique les difficultés à évaluer les conséquences de Tchernobyl et de Fukushima mais leur bien réelle réalité. Une mise au point instructive et lumineuse.


Les leçons de Tchernobyl, Dr Alexey Yablokov 12... par kna60

Les leçons de Tchernobyl, Dr Alexey Yablokov 12.03.2013

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