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Pour la CNIL, 18% des Français sont « suspects »
+ Le .gif qui révèle la paranoïa de la NSA, et pourquoi elle espionne aussi vos parents & amis

Jean Marc Manach

Article mis en ligne le jeudi 13 février 2014


11 février 2014

Le .gif qui révèle la paranoïa de la NSA, et pourquoi elle espionne aussi vos parents & amis

http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2014/02/11/le-gif-qui-revele-la-paranoia-de-la-nsaqui-espionne-donc-aussi-vos-enfants-parents-amis/#more-6042

Plus de 5000 sites web ont décidé de se mettre en berne, ce mardi 11 février 2014, afin de dénoncer la "surveillance de masse" mise en place par la NSA, les "grandes oreilles" américaines (& britanniques, canadiennes, australiennes, néo-zélandaises, associées à de nombreux autres pays -dont la France), et d’appeler à l’adoption des 13 principes internationaux sur l’application des droits de l’Homme à la surveillance des communicationsrédigés par plus de 360 ONG et juristes du monde entier.

(...)

Il y aura clairement un avant et après Snowden : il a changé notre vision du monde, et pourrait bien changer le monde... Jamais on avait autant parlé des problèmes posés par la surveillance généralisée de la population, du contrôle des services de renseignement, du chiffrement point à point de nos données et télécommunications. Voir, à ce titre, Comment protéger ses sources ?, mon guide pratique, WeUsePGP pour en savoir plus sur ce logiciel de chiffrement des courriels, la section "Comment reprendre le contrôle" du site controle-tes-donnees.net, qui explique pourquoi mais aussi et surtout comment garder nos échanges confidentiels, ne plus laisser de trace sur Internet, ou encore la campagne lancée par l’association April afin de donner la priorité au Logiciel Libre, condition sine qua non, nécessaire mais pas suffisante, si l’on veut (re)prendre le contrôle de nos données et vies numériques. - See more at : http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2014/02/11/le-gif-qui-revele-la-paranoia-de-la-nsaqui-espionne-donc-aussi-vos-enfants-parents-amis/#more-6042



Pour la CNIL, 18% des Français sont « suspects »

A lire avec les liens sur :
http://bugbrother.blog.lemonde.fr/2014/02/03/pour-la-cnil-18-des-francais-sont-suspects/

03 février 2014

Imaginez le scandale si l’Insee, Pôle emploi ou le Premier ministre avaient gonflé, par erreur, de près de 20% les statistiques du chômage... C’est ce qui est arrivé au ministère de l’intérieur, et à la CNIL, qui ont "gonflé" le nombre de personnes "mises en cause" et dès lors fichées par les gendarmes et policiers.

Les premiers chiffres communiqués concernant le TAJ, "Traitement des Antécédents Judiciaires", créé pour fusionner les deux fichiers de police (STIC) et de gendarmerie (JUDEX) recensant les suspects "mis en cause" (MEC) ainsi que les victimes, et censé régler les nombreux problèmes posés par les fichiers policiers, étaient en effet erronés.

Mais ni la CNIL ni le ministère de l’intérieur ne s’étaient aperçus, ni offusqués, d’avoir ainsi gonflé de près de 3 millions le nombre de personnes considérées comme "défavorablement connues des services de police"...

Quatre ans après avoir dénoncé le fait que plus d’1 million de personnes, blanchies par la justice, n’en étaient pas moins toujours fichées comme "mises en cause", et donc "suspectes", par la police (cf En 2008, la CNIL a constaté 83% d’erreurs dans les fichiers policiers), la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) déplorait en juin dernier que, non seulement "la situation ne s’est guère améliorée", mais également que "de sérieux dysfonctionnement persisteront"...

Un terrible constat d’échec pour la CNIL, impuissante à nous protéger du fichage policier, ce pour quoi elle avait pourtant été créée. Cette banalité du fichage policier est telle que la CNIL a été jusqu’à avancer, dans son rapport annuel 2012, rendu public en avril 2013, que 12 057 515 personnes (soit 18% de la population française, près d’un Français sur 5 !) étaient fichées comme "mises en cause" et donc, pour reprendre l’expression médiatique consacrée, " défavorablement connues des services de police" .

Un chiffre pour le moins étonnant : le fichier STIC de la police nationale comporte en effet, dixit le rapport de la CNIL, 6,8 M de fiches de personnes "mises en cause", et JUDEX (son équivalent, à la gendarmerie) 2,6 M, soit un total de 9,4 M ; sachant qu’un certain nombre des personnes fichées le sont probablement dans les deux fichiers, le nombre de "suspects" devrait donc probablement être inférieur à 9 M.

Interrogée par mes soins pour comprendre pourquoi la CNIL avançait que le fichier TAJ répertoriait plus de 12 millions de personnes fichées, alors que le STIC et JUDEX n’en recensaient "que" 9 millions, et d’où provenaient ces 3 millions de "suspects" surnuméraires, la CNIL – qui n’avait pas remarqué cette explosion (+ 33%) de "mis en cause" – s’est retournée vers le ministère de l’intérieur, qui a répondu qu’il s’agissait d’un... bug informatique dû à la fusion du STIC et de JUDEX au sein d’un nouveau fichier, le "Traitement des Antécédents Judiciaires" (TAJ).

Le nombre de "suspects" ne serait en fait "que" de l’ordre de 10 millions, soit plus de 15% de la population française, et donc près d’une personne sur 7...

Le fichier STIC comportant par ailleurs plus de 38 millions de "victimes", le nombre de personnes fichées avoisinerait les 50 millions de personnes, soit 75% de la population française... certains étant fichés (à tort) comme "mis en cause" (et donc "suspects") alors même qu’ils ont été victimes de ce pour quoi ils ont été fichés comme "suspects"...

C’est pourquoi même les gens qui n’ont "rien à cacher" risquent eux aussi d’avoir des problèmes avec le fichage policier (cf ma "Lettre ouverte à ceux qui n’ont rien à cacher"), sachant par ailleurs que l’emploi de plus d’un million de fonctionnaires et salariés du secteur privé dépend d’une "enquête administrative de moralité" consistant essentiellement à vérifier qu’ils ne sont pas fichés (cf. la liste des métiers concernés : Futurs fonctionnaires, ou potentiels terroristes ?).

(...)

Le fait que ni la CNIL ni le ministère de l’intérieur ne se soient ni aperçus ni offusqués d’avoir gonflé de près de 3 millions le nombre de personnes considérées comme "défavorablement connues des services de police", et de découvrir que les premiers chiffres communiqués par le TAJ, censé régler les nombreux problèmes posés par les fichiers policiers, sont erronés, est la conséquence logique de la fuite en avant répressive impulsée par Nicolas Sarkozy qui, en 10 ans, a fait créer 44 fichiers policiers, soit plus de la moitié des 70 fichiers policiers créés depuis la Libération, et fait adopter pas moins de 42 lois sécuritaires.

(...)

Des centaines de gens saisissent ainsi la CNIL chaque année parce qu’ils ont perdu l’emploi qu’ils exerçaient, ou parce qu’on leur interdit de travailler, au motif qu’ils seraient donc "défavorablement connues des services de police"... alors même que nombre d’entre eux ont pourtant été blanchis par la justice, sauf que leur fichier n’a pas été mis à jour.

Le député Daniel Goldberg déplorait ainsi en 2013 les problèmes rencontrés par "un étudiant qui a entrepris de brillantes études de mathématiques et qui voit ses démarches entravées pour une tentative de vol d’un montant de 30 euros commis en 2009, pour lequel la seule poursuite a consisté en un rappel à la loi" :

«  Le TGI de Rennes, à qui il s’est adressé, lui indique que cette mention du STIC ne pourra être effacée de son dossier avant vingt ans - vingt ans pour 30 euros et un simple rappel à la loi... »

En réponse à une question parlementaire, le ministre de l’intérieur évoquait, en janvier dernier, "une actualisation progressive des données individuelles" due à "l’ampleur de la tâche" :

(...)

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Vos commentaires

  • Le 5 juillet 2014 à 16:39, par Candy En réponse à : Jean Marc Manach

    Bonjour,

    Merci pour ce bon résumé de données qui, je trouve, ne sont pas suffisamment relayées. Leurs effets sur la société encore moins.
    J’apprécie énormément votre travail (bien que votre discours à "seul en seine" m’a surpris et contrarié )(en l’état actuel des choses, peut-on vraiment être trop alarmiste ?)

    C’est la 1ere fois que je lis que le nombre de personnes fichées dans STIC avoisinerait les 50 millions de personnes, soit 75% de la population française...
    Je serai curieux de connaître vos sources et le contenu de ces fiches.

    Concernant la CNIL, il est effectivement révoltant de voir que la qualité de son travail s’arrête aux portes du ministère de l’intérieur.
    La gravité des atteintes y est pourtant d’une ampleur incomparable !
    On y voit la limite des commissions, limite qui laisse prévaloir que celle en préparation pour contrôler les surveillances sera totalement inutile et poudre aux yeux...
    ...Et que thalés ne sera qu’un moyen supplémentaire (malgrès tout ce qui pourra être dit)

    Puisque nos fonctionnaires défendent l’idée d’une nécessité de transparence jusqu’à notre trou du cul, il est de bonne augure de leur renvoyer la pareil.
    idem pour le respect de la loi car le contournement, s’il n’est pas illégal, est tout de même un piétinement très mal venu de leur part.
    Je serai député ou sénateur, je me demanderai à quoi je sert !

    L’article "révélations" du monde mérite beaucoup d’estimes.
    Savoir que les renseignements utilisent "allégalement" les enregistrements de la DGSE pour contourner tout cadre et limites légales en matière d’écoute valait son pesant d’or.
    Est-ce que ça continue ?

    Même si je suis intimement persuadé qu’ils trouveront toujours des solutions pour écouter tout le monde et n’importe qui (autrement dit leurs voisins, les concurrents de leurs amis corrupteurs voir même leur propre femme), je pense qu’il ne faut pas les lâcher. Ils sont quillés au point de ne plus voir qu’ils sont http://reflets.info/surveillance-generalisee-connards-ou-menteurs-ou-les-deux/

    Alors merci est bon courage.

    Au plaisir

    @candyQUENDIRATU

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